Intervention devant le syndicat des commissaires de la Police Nationale

Intervention devant le syndicat des commissaires de la Police Nationale
4 avril 2018

Discours de M. Gérard Collomb ministre d’État, ministre de l'Intérieur à l'occasion du Congrès du Syndicat des commissaires de la Police Nationale, le 04 avril 2018 à Levallois-Perret


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Préfet, Directeur Général de la Police nationale,

Monsieur le Préfet des Hauts de Seine,

Mesdames et Messieurs les Directeurs centraux de la Police nationale,

Monsieur le Secrétaire général, cher David Le Bars,

Chère Céline Berthon,

Mesdames et Messieurs les commissaires, adhérents du SCPN,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

C’est un plaisir de participer cet après-midi au congrès du Syndicat des Commissaires de la Police Nationale.

Votre nouveau Secrétaire général David Le Bars, que je félicite pour son élection, l’a dit: nous aurions tous souhaité que cet événement se déroule en d’autres circonstances.

La grande famille des forces de sécurité intérieure est en effet en deuil ces jours-ci.

En deuil parce qu’elle a perdu en la personne du Colonel Arnaud Beltrame qui, le 23 mars dernier, a sacrifié sa vie pour en sauver plusieurs autres, un de ses plus valeureux et talentueux éléments.

En cet instant, nous avons bien évidemment une pensée pour lui, pour sa famille, pour ses proches.

Nous avons aussi une pensée pour votre collègue de la Compagnie Républicaine de Sécurité 57 blessé lors du périple meurtrier du terroriste.

Cet événement tragique survenu dans la région de Carcassonne nous rappelle ce que le métier que vous exercez implique de don de soi.

Pour protéger vos compatriotes, les policiers et les gendarmes sont prêts  à prendre tous les risques, y compris, comme Arnaud BELTRAME, comme les cinq policiers tués par la haine aveugle des terroristes depuis 2015, jusqu’à donner leur vie.

J’en ai pleinement conscience, le Gouvernement en a pleinement conscience.

Aussi, je veux saisir l’occasion qui m’est offerte cet après-midi pour réaffirmer à l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure le soutien de la Nation toute entière.

***

Mesdames et Messieurs,

Lorsqu’a eu lieu l’attentat de Trèbes, je me trouvais à l’École Nationale Supérieure de Police pour le baptême de la 69e promotion des commissaires de police.

Les 70 élèves de cette promotion ont choisi pour éponyme la devise de la police nationale : « Pro Patria Vigilant ».

Au moment même où la prise d’otage se déroulait, je les alertais en leur disant que veiller sur la patrie, ce serait avant tout pour eux, lutter contre le terrorisme.

Et c’est vrai : les commissaires de police se trouvent en première ligne pour combattre cette menace.

C’est une réalité évidemment pour ceux d’entre-vous qui, durant leur parcours, ont rejoint les services de renseignement et de police judiciaire.

J’étais en visite à la DGSI et à la SDAT vendredi dernier. J’ai vu la haute technicité que nous étions capables de mettre en œuvre pour garantir la sûreté de l’État.

Mais c’est bien chaque commissaire qui, dans son quotidien, a à prendre en compte le péril terroriste que ce soit dans la sécurisation d’événements majeurs, dans la gestion des manifestations de voie publique, ou parce qu’une de vos missions est de sensibiliser les femmes et les hommes placés sous son autorité à l’observation, au recueil de signaux faibles pouvant indiquer, chez un individu, l’imminence d’un passage à l’acte.

Oui, pour la Police nationale, et sans doute encore davantage pour les commissaires, il y a eu un avant et un après 2015.

Je mesure la responsabilité qu’un tel changement implique, la charge de travail supplémentaire qu’elle a pu engendrer pour chacun des 1686 commissaires que compte le pays.

Soyez-sûrs que je demeurerai toujours à l’écoute du SCPN pour faire en sorte que vous qui assurez la lourde tâche d’être les sentinelles de la République dans cette période troublée, puissiez mener à bien vos missions dans les meilleures conditions possibles.

Nous avons fait voter à l’automne la loi relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme (SILT), nous renforçons les moyens du renseignement. Oui, le Gouvernement sera toujours au rendez-vous de la lutte anti-terroriste.

***

Mesdames et Messieurs,

Aux commissaires de la 69e promotion, j’ai aussi dit le 23 mars dernier que veiller sur la patrie, c’était aussi assurer la sécurité des Français dans la vie quotidienne.

Vous le savez, j’ai lancé le 8 février dernier, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, la Police de Sécurité du Quotidien (PSQ).

Pour concevoir ce que le Président de la République a voulu être une transformation en profondeur des missions de la police et de la gendarmerie, j’ai souhaité consulter largement.

J’ai ainsi adressé à l’ensemble des forces de sécurité un questionnaire, qui a suscité 70 000 réponses ; j’ai demandé aux préfets d’organiser dans tous les départements des réunions avec l’ensemble des parties prenantes de la co-production de sécurité.

Mais j’ai aussi voulu associer étroitement toutes celles et ceux qui pensent la police – les directions générales bien sûr, mais aussi les universitaires, les experts, et puis évidemment les syndicats.

Mesdames et Messieurs, je dois dire que parmi les dizaines de contributions que nous avons reçues, celle du SCPN que,chère Céline Berthon, vous m’avez présentée et que nous avons longuement discutée ensemble, était parmi les meilleures et les plus abouties en ce sens qu’elle alliait vision globale et pratique du terrain, ambition théorique et mesures concrètes.

Je vous le confie ici parce que nous sommes entre nous : ces propositions ont beaucoup inspiré la façon dont nous avons conçu la doctrine de la police de demain.

Je prends un seul exemple, qui vous tient à cœur et qui est étayé dans la contribution du SCPN : celui de la responsabilisation des chefs de police locaux.

Eh bien, dans le cadre de la PSQ, nous avons largement repris cette idée.

Nous disons ainsi : cessons avec les reporting statistiques permanents, libérons les initiatives de terrain en permettant à chaque commissaire d’élaborer une véritable stratégie adaptée à la réalité de son territoire.

Et nous évaluerons bien sûr, mais seulement a posteriori.

De la même manière, nous disons : arrêtons avec les procédures lourdes qui consistent à demander à Paris l’autorisation de réaliser tous les petits travaux qui permettent d’améliorer le quotidien des forces.

Et créons des enveloppes déconcentrées à disposition des chefs locaux de la police. Dès cette année, 45 millions d’euros sont mis à leur disposition.

Oui, nous voulons, avec la PSQ, redonner le pouvoir au terrain, permettre aux commissaires de prendre l’initiative de nouer des partenariats avec les acteurs locaux – élus, polices municipales, bailleurs sociaux, conseils de quartier et sécurité privée.

Nous voulons, avec vous, inventer la police sur-mesure, et je ne doute pas,Monsieur le Secrétaire Général, que le SCPN, et à travers lui l’ensemble des commissaires de police, seront au rendez-vous de cette ambition.

***

Monsieur le Secrétaire Général,

Vous m’avez interpellé sur les moyens qui seront associés à la mise en place de la Police de Sécurité du Quotidien.

Et vous avez raison !

Car on ne peut pas demander à nos forces un engagement de tous les instants, sans leur offrir des conditions de travail à la hauteur de leur dévouement.

Je veux donc vous assurer ici que l’État répondra présent.

Il répondra d’abord présent en matière de moyens humains.

Durant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à créer 10 000 postes dans les forces de sécurité intérieure.

Cet engagement sera tenu, et sur ces 10 000 postes, 7500 le seront dans la Police nationale, avec une attention particulière portée sur la formation, qui devra mêler excellence théorique et modules d’enseignement par lesquels les élèves apprendront à mieux appréhender la réalité des territoires dans lesquels ils seront amenés à évoluer.

L’État répondra présent aussi s’agissant des moyens matériels, qui seront significativement accrus.

Je pense au parc immobilier. J’ai présenté il y a maintenant plusieurs semaines une programmation immobilière particulièrement ambitieuse : 600 millions d’euros seront investis dans les trois ans à venir, à la fois pour créer de nouveaux commissariats et pour mener des opérations de maintenance lourdes.

Je pense bien sûr aux véhicules, aux armes, aux équipements de protection, qui font le quotidien de vos troupes. Ces matériels seront renouvelés et monteront en gamme.

Et puis il y a la révolution du numérique qui, au quotidien, facilite et facilitera encore davantage demain le travail des forces.

D’ici la fin de l’année prochaine, la Police nationale sera ainsi équipée à terme de 50 000 tablettes et smartphones, qui permettront par exemple de diviser par dix le temps le temps nécessaire à un contrôle d’identité. Nous ferons aussi l’acquisition de 10 000 caméras-piéton, qui permettent d’apaiser les rapports entre police et population dans les situations les plus tendues.

Je compte évidemment sur le sens du management les commissaires pour que l’appropriation de ces outils par chaque policier se fasse dans les meilleures conditions possibles.

Il y a les moyens humains, matériels.

Mais ce qui ressort de la consultation que nous avons menée auprès des forces, ce que demande d’ailleurs, depuis sa création le SCPN, ce sont avant tout les moyens juridiques, qui permettent aux policiers d’agir sans que la complexité des procédures ne mette en risque leurs enquêtes, ou que le carcan administratif ne dissuade leurs initiatives.

Mesdames et Messieurs, sur ce point aussi, le Gouvernement vous a entendu.

Dans les semaines et les mois à venir, des mesures fortes vont ainsi être prises, qui étaient attendues depuis longtemps.

La suppression tant attendue des tâches indues verra enfin le jour : après la fin de certaines gardes statiques, le Gouvernement engagera par exemple la dématérialisation des procurations.

Pour en finir avec la multiplication de tâches administratives chronophages, la procédure pénale sera à terme totalement dématérialisée, avec de premiers résultats dès 2020. Nous travaillons en ce sens avec la garde des Sceaux.

Surtout, le Gouvernement sera au rendez-vous de la cette simplification de la procédure pénale que vous appelez de vos vœux depuis des années.

La loi que présentera la Ministre de la Justice au Parlement d’ici la fin du premier semestre comportera ainsi :

  • la suppression de l’obligation de présentation des personnes gardées à vue après 24 heures
  • pour tous les délits et crimes passibles d’une peine d’au moins trois ans, l’allongement de la durée de l’enquête de flagrance
  • la mise en place de l’habilitation unique pour les officiers de police judiciaire.
  • l’habilitation des médecins légistes à placer sous scellés, ce qui pourra dispenser les OPJ d’assister aux autopsies,
  • le rétablissement de la possibilité de pénétration forcée dans un lieu privée pour y interpeller un mis en cause,
  • la possibilité pour les agents de police judiciaire de procéder à des contrôles d’alcoolémie ou d’usage de stupéfiants,
  • la possibilité accrue de mener des enquêtes sous pseudonyme.
  • et bien sûr la forfaitisation de certaines infractions.

En cette semaine de présentation du projet de loi asile et immigration devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, je tiens également à vous assurer que je veille à ce que les capacités d’action en matière d’immigration illégale soient étendues.

Je veux mentionner enfin le décret paru samedi au Journal Officiel, qui permet l’anonymisation des forces de l’ordre dans les procédures judiciaires et qui vous permettra d’enquêter plus sereinement.

Vous le constatez, le Gouvernement est donc à vos côtés, pour vous protéger, pour prendre en compte vous attentes.

Car nous savons, les Français savent que vous êtes des piliers de notre société ; nous savons, les Français savent, qu’une nation sans police, c’est une nation sans boussole.

***

Mesdames et Messieurs,

Je ne peux évidemment conclure sans rendre hommage à Céline Berthon, qui quitte aujourd’hui le Secrétariat Général du SCPN.

Chère Céline Berthon,

Vous êtes entrée dans la Police nationale voilà 20 ans comme élève commissaire.

Après plusieurs postes sur le terrain en région parisienne vous avez rejoint l’administration centrale où vous avez exercé pendant sept ans.

En 2012, votre engagement syndical se concrétise et vous devenez secrétaire générale adjointe de la SGPN avant de prendre la tête de ce syndicat en 2014.

Durant votre mandat, vous avez eu à vivre des épreuves difficiles. Les attentats de masse de 2015 et 2016 bien sûr qui ont, chez les commissaires, marqué un changement profond de paradigme. Les mises en cause des forces de l’ordre – elles ont hélas été nombreuses.

Vous avez – l’ensemble des adhérents partageront mon avis – su gérer ces moments de tension avec sang-froid et avec brio.

De mon côté, j’ai, durant mes dix mois place Beauvau, apprécié travaillé avec vous.

Je l’ai dit : nos échanges autour de la Police de Sécurité du Quotidien ont beaucoup compté dans les définitions des contours de ce projet.

Vous rejoindrez dans quelques temps un service opérationnel.

Vous saurez, j’en suis sûr, mettre toute votre expérience, vos savoir-faire mais aussi votre vision au service de cette belle et noble cause qu’est la sécurité de notre pays et de nos concitoyens

Je tiens également à féliciter une nouvelle fois votre successeur, David LE BARS, ainsi que les deux secrétaires généraux adjoints élus.

Monsieur le Secrétaire Général,

Vous êtes un policier de terrain.

Entré à l’école des commissaires de police en 2001, vous avez occupé des fonctions dans les Hauts de Seine, dans le cœur de Paris, avant de prendre des fonctions de chef de district  en Seine Saint Denis.

Vous connaissez donc, par expérience, la réalité de la délinquance, la complexité du métier de commissaire, de policier, en particulier dans ces zones difficiles que, dans lesquels nous avons souhaité, dans le cadre de la PSQ, créer des quartiers de reconquête républicaine. Vous n’êtes d’ailleurs pas pour rien dans notre volonté de doter ces territoires de  renforts humains spécifiques, une idée qui a émergé   au cours des dialogues que vous avez eus avec mon cabinet.

Comme vous,cher David Le Bars, je suis aussi, par mon parcours d’élu local, un homme de terrain.

Je ne doute donc pas que nous saurons poursuivre le dialogue fructueux engagé depuis dix mois avec votre organisation, au service des commissaires, au service de la Police nationale, et surtout au service des Français.

Mesdames et Messieurs,

Merci de votre accueil.

Vive le SCPN !

Vive la République !

Et vive la France !

Je vous remercie.