Discours de Gérard Collomb aux obsèques de Paul Bocuse

Discours de Gérard Collomb aux obsèques de Paul Bocuse
26 janvier 2018

Hommage de Gérard Collomb, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, aux obsèques de Paul Bocuse, à Lyon le 26 janvier 2018


Seul le prononcé fait foi

Monsieur PAUL,

Le moment arrive où il va falloir vous dire adieu.

Et tous ici, nous sommes accablés de douleur.

Parce que nous avions fini par croire que cet instant n’arriverait jamais.

Que Paul Bocuse - ce nom qui, dans le Monde, fait briller les yeux de tous les gourmets - était pour toujours immortel. Mais samedi, nous avons appris qu’il faudrait nous résoudre à vivre sans vous. Nous avons réalisé que plus jamais aucun d’entre-nous ne serait accueilli par votre large sourire, en poussant la porte de l’Auberge du Pont de Collonges. Que plus jamais aucun d’entre-nous n’entendrait votre voix joyeuse et chaleureuse, reconnaissable parmi mille autres.

Vous allez, Monsieur PAUL, rejoindre vos amis chefs, ceux que vous avez aimés, vénérés, dans les grandes cuisines de l’au-delà.

Et pourtant, ici-bas, pour nous, vous serez toujours vivant.

Vivant dans nos coeurs.

Vivant dans nos esprits.

Vivant dans nos papilles – où il restera toujours comme une légère saveur de vos poulardes aux morilles.

Voyez, Monsieur PAUL, ces centaines de chefs qui vous entourent ce matin.

Ils sont venus de Lyon, de la région, de tout le pays. Ils sont venus des quatre coins du monde. Ils sont là pour vous témoigner leur affection, vous qui avez fait de leur métier un art, de leur passion une oeuvre intemporelle. Ils sont là aussi pour s’engager à reprendre votre flambeau - celui d’une cuisine simple et généreuse, où le produit du terroir se voit toujours sublimé. Regardez, Monsieur PAUL, il y a des millions de Français qui aujourd’hui pleurent votre disparition. Plus qu’un chef, ils perdent aujourd’hui l’un des leurs - comme un compagnon de route qui a bercé leur existence.

Ils savent aussi qu’avec vous, ils perdent l’un des plus grands ambassadeurs de la France. Car partout dans le monde, vous incarniez notre pays. Vous étiez cette subtile alliance de l’élégance et de l’art de vivre, qui constitue une singularité française. Regardez encore ces milliers d’anonymes présents ce matin. Ils pensent aujourd’hui à ces moments d’exception que vous leur avez offerts.

A l’anniversaire, au baptême, au mariage, qu’ils ont célébré autour du repas qu’avec votre « équipage », vous aviez préparé. A tous ces instants de bonheur qu’ils ont vécu auprès de vous –comme si vous faisiez partie de leur famille. Et puis ils sont là, aussi, tous ceux qui ne vous avaient jamais rencontré, mais que votre nom depuis des années faisait rêver. Vous avez indiqué dans vos dernières demandes adressées à vos proches que vous ne vouliez pas de grande cérémonie. Je suis sûr, pourtant, que vous êtes heureux de voir ces milliers de personnes, rassemblées dans cette Cathédrale, réunies sur ce parvis, car – vous le disiez souvent – c’est pour eux que, depuis l’âge de 14 ans, vous aviez embrassé la vocation de cuisinier pour pouvoir accorder à chacune et à chacun, un peu de plaisir, un peu de bonheur.

Monsieur PAUL,

Vous incarniez la gastronomie, vous incarniez la France dans son excellence.

Mais au plus profond de votre coeur, il y avait votre ville, notre ville.

Car jamais vous n’avez oublié d’où vous veniez, jamais vous n’avez oublié la modeste Auberge du Pont de Collonges, jamais vous n’avez oublié Lyon.  Car si vous aviez su conquérir le monde, vous n’aviez jamais cessé de chérir cette terre qui vous a vu naître, cette terre dont les produits sont si divers, si riches et qui, travaillés par les artisans de tous les métiers de bouche, sont devenus l’une des composantes essentielle de l’excellence de la gastronomie française.
Oui, vous n’aviez jamais cessé de servir ce territoire où, derrière les fourneaux de la mère Brazier puis auprès de Fernand Point, vous aviez tout appris.

Ce qu’ils vous avaient apporté, vous n’avez cessé de vouloir le rendre à votre ville.

Je me souviens ! J’étais Maire du 9e arrondissement, un arrondissement alors en déshérence. Et vous avez voulu contribuer à son renouveau en y implantant le beau restaurant de l’Ouest.

Je me souviens ! J’étais devenu Maire de la ville et les Halles de Lyon connaissaient des difficultés. Je vous ai demandé si vous vouliez accepter qu’elles portent votre nom. Et aujourd’hui, elles sont devenues un des grands lieux du rayonnement de notre métropole.

Vous aviez la passion de transmettre, celle de faire partager, votre savoir, votre passion.

D’abord dans vos cuisines, et vous avez forgé tant de chefs qui, ce matin, pleurent un maître, un ami.

Mais vous vouliez aller plus loin.

Et c’est ainsi que vous vous êtes battu pour que naisse l’Institut Paul Bocuse où ont été formés tant de jeunes à qui vous avez appris ce qu’était le repas français. Ils feront vivre longtemps vos savoir-faire, mais aussi, j’en suis sûr, les valeurs que vous avez toujours porté.

Et puis, il y a les Bocuse d’Or, qui sont devenus les vrais Jeux Olympiques de la gastronomie, auxquels tous les chefs du monde rêvent de pouvoir y participer. Ils se disputent sur tous les continents. Mais la finale est évidemment à Lyon. Oui, Monsieur PAUL, vous aimiez votre ville, mais votre ville vous aimait.

Aussi, au moment où vous allez partir, ce sont des milliers de voix qui vous disent Merci.

Merci, Monsieur PAUL.

Merci pour votre générosité.

Merci pour votre personnalité.

Merci pour ce que vous avez apporté à la Lyon, à la France, à la gastronomie.

Nous n’oublierons jamais votre immense talent, votre immense joie de vivre.

Et désormais les soirs de beau temps, nous chercherons dans le ciel, si, ne brillent pas, quelque part, trois nouvelles petites étoiles, vos étoiles Monsieur PAUL, si lumineuses.