Christophe Castaner et Laurent Nunez se sont rendus à l’École militaire à Paris le 7 janvier pour présider une cérémonie de décorations et adresser leurs voeux aux forces de sécurité.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Secrétaire d’État, cher Laurent Nunez,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet de police,
Messieurs les Préfets,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Directeur général de la police nationale,
Monsieur le Directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises,
Monsieur le Directeur général de la gendarmerie nationale,
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs les Directeurs et Chefs de service,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations syndicales et du Conseil de la Fonction militaire de la Gendarmerie,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Il y a une semaine, 2018 s’achevait.
Cette année, le terrorisme a frappé à Trèbes où s’est sacrifié le Colonel Beltrame, près de l’Opéra à Paris, à Strasbourg, au cœur même de nos fêtes et de nos modes de vie. Le visage du fanatisme et le déchaînement de la haine se sont rappelés à nous, encore.
La France a connu les affres d’un climat qui se déchaîne - l’Aude en est marquée.
Elle a connu le drame de l’insalubrité avec le terrible effondrement de la rue d’Aubagne à Marseille.
La France a connu la division et le désordre. Profitant de l’expression d’une colère légitime, certains se sont lancés dans la destruction, dans la sédition, à la recherche du chaos. La République a vu ses symboles attaqués, les appels à la violence banalisés, voire pire encore, encensés.
Chaque fois, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, vous avez été présents.
La France a connu des drames, c’est vrai, elle a connu des instants de liesse aussi, de communion, de rassemblement. Qui n’a pas vibré au rythme des quatre buts de la France en finale de la Coupe du Monde ?
Tous ces moments, la France a pu les vivre sereinement car toujours, que ce soit dans les grands moments, dans les drames ou dans le quotidien des Français, vous étiez là présents, réactifs, engagés. Vous avez trouvé les terroristes et les avez neutralisés, vous avez tendu la main, secouru les victimes de l’Aude et vous étiez présents à Marseille, vous avez fait respecter l’ordre républicain à Notre-Dame-des-Landes comme en fin d’année et jusqu’à ces jours derniers partout en France.
Policiers, gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle, forces de Sécurité civile et tout particulièrement les sapeurs-pompiers, vous êtes le visage du quotidien des Français, le visage de la sécurité, le visage de la confiance. Vous êtes les remparts contre la barbarie. Vous êtes ceux qui enquêtent, traquent, trouvent. Vous êtes ceux qui protègent, secourent, servent.
Je sais que vous n’économisez pas vos efforts. Je sais quels sacrifices et quelle exigence demande votre engagement. Cet engagement, je l’admire. Je l’admire car je sais ce qu’il impose, je sais qu’il pèse sur vos familles. Je l’admire car il est le ciment même de la République. C’est ce qui lui permet de vivre, c’est ce qui permet à chacun de ses enfants d’y grandir libre.
Depuis trois mois, je mesure le privilège de servir à la tête de ce ministère. Avec Laurent Nunez, nous formons une équipe unie, soudée, déterminée. Je mesure l’étendue des missions, des métiers, des courages, je mesure l’étendue des chantiers devant nous.
Des bases solides ont été posées, un budget en hausse a été voté. L’heure est maintenant à l’action, à l’action pour vous, à l’action pour la sécurité des Français.
Nous avons besoin de vous, la France a besoin de vous et mon premier serment est très clair, je vous défendrai toujours. Il est si facile de crier avec les loups, si commode de trouver des exutoires, de vous attaquer un jour et d’exiger de vous le lendemain que vous retrouviez un cambrioleur, un agresseur, un assassin.
Mon estime pour vous ne change pas selon les heures. Je ne ferai jamais partie de ceux qui vous reprocheront d’avoir des équipements à midi et de ne pas assez les utiliser le soir. Je ne céderai jamais à cette paresse qui consiste à tout vous reprocher. Votre honneur, c’est celui de la République et je ferai tout pour le défendre.
Honte à ceux qui vous insultent, honte à ceux qui vous frappent car à travers vous, c’est la République qu’ils outragent, c’est la République qu’ils blessent.
Je veux ici dire à tous les policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers pris pour cible et violentés dans l’exercice de leurs missions, et particulièrement ces dernières semaines, qu’ils peuvent compter sur mon soutien et sur ma détermination totale à faire en sorte que leurs offenseurs soient systématiquement retrouvés et livrés à la Justice. Et je me félicite de la reddition ce matin, parce qu’il se savait identifié, traqué, de l’individu qui, samedi à Paris, s’est brutalement attaqué aux gendarmes mobiles engagés sur la passerelle Senghor. Ils sont ici et je veux les saluer.
Mais je veux aussi vous dire que mon exigence à votre égard est à la hauteur du soutien que je vous témoigne. Parce que vous incarnez la République, vous avez un devoir d’exemplarité. Ce devoir d’exemplarité, il peut être pour vous encore plus difficile à tenir que pour les autres agents publics car être exemplaire quand on est confronté à la violence, quand on a un quart de seconde pour déterminer la conduite à tenir, le geste approprié, le geste à exécuter, demande une exceptionnelle maîtrise de soi.
Et pourtant, cette exemplarité, je vous la demande. Elle est le fondement de votre force, elle fait la légitimité de votre action, elle est votre courage, votre mérite, ce qui vous rend admirables aux yeux des Français.
Les Français ont vu samedi votre héroïsme, ils ont vu aussi, il faut le dire, que cette exemplarité a pu sembler prise en défaut. C’est pourquoi, avec mon accord, le préfet du Var a saisi l’Inspection générale de la police nationale pour qu’une enquête administrative permette de faire toute la lumière sur les suspicions de violences policières à Toulon.
Dire cela, ce n’est préjuger de rien mais nous devons la transparence aux Français. Le reste, ce sont des commentaires de salon ou des commentaires de plateau. Je sais que l’on ne combat pas la violence avec des fleurs ou avec des mots et que la force est quelquefois fois nécessaire, mais elle doit être encadrée, proportionnée.
Dire cela, ce n’est pas remettre votre honneur en cause, c’est au contraire le défendre. Je sais votre professionnalisme, je sais votre dévouement, je sais cela parce qu’avec Laurent, nous allons constamment à votre rencontre, à votre écoute. Je sais l’exigence, je sais aussi les violences subies. « Ils voulaient nous tuer. » Voilà une phrase entendue trop souvent ces dernières semaines par celles et ceux que vous accompagnez, par celles et ceux que vous dirigez. « Ils voulaient nous tuer. » Voilà ces mots entendus si souvent au lendemain des manifestations de ces dernières semaines.
J’ai pris un engagement devant vous plusieurs fois déjà, celui de tout donner pour la sécurité. J’ai promis des moyens supplémentaires, ils sont là. J’ai promis des meilleures conditions de travail et d’engagement, nous y œuvrons. J’ai promis une sécurité moderne qui ne laisse rien ni personne sur le côté, une sécurité au plus près des Français, de tous les Français et qui renoue le dialogue parfois distendu entre une jeunesse et ses forces de sécurité, nous y travaillons, nous devons y travailler sans relâche collectivement.
Le président de la République a été clair, le cap est fixé, la sécurité est une priorité absolue pour l’ensemble du Gouvernement et je connais votre énergie et votre volonté, je connais la détermination de tous les agents du ministère. Vous pouvez compter sur moi, vous pouvez compter sur Laurent Nunez, vous pouvez compter sur vos chefs, qu’ils aient été nommés dans les dernières semaines ou de plus longue date. Je sais leur enthousiasme et leur immense qualité.
Mon Général, Messieurs les Préfets, Monsieur le Délégué interministériel en charge de la Prévention routière, nous avons maintenant eu l’occasion à plusieurs reprises d’échanger, de nous connaître. J’ai la chance de pouvoir compter sur vous, sur des serviteurs de l’Etat passionnés, exigeants et résolus à mener les réformes et les changements nécessaires pour une meilleure sécurité. Vous connaissez ma feuille de route, vous savez que nous ne lésinerons jamais sur la sécurité des Français.
Dès le budget 2017, vous avez bénéficié de moyens supplémentaires. Ils étaient nécessaires pour répondre à la réalité des défis auxquels nous devons faire face :
Pour relever ces défis, il fallait des moyens, des moyens humains, des moyens financiers, des infrastructures à la hauteur et un ministère moderne, simple, efficace, un ministère fort. Cette année, le budget de la police et de la gendarmerie augmente de plus de 330 millions d’euros tandis que celui de la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises augmente aussi nettement pour s’établir à 473 millions d’euros.
Ce budget, ce sont 2 500 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires, ce sont des véhicules neufs, des caméras piétons supplémentaires, des équipements plus modernes, des moyens aériens pour la Sécurité civile, ce sont aussi de meilleures conditions de travail.
Si le caïd local a un repaire en meilleur état qu’un commissariat de police, comment inspirer le respect ? Un plan immobilier ambitieux a été décidé pour un investissement de 900 millions d’euros entre 2018 et 2020.
Mais ce budget, c’est surtout une étape. Je vous le dis, la remontée en puissance du ministère de l’Intérieur continuera. Il y aura 10 000 postes supplémentaires de policiers et gendarmes sur le quinquennat et l’augmentation des moyens du ministère de l’Intérieur se poursuivra. Je ne sacrifierai la sécurité de la France sous aucun prétexte. J’en prends l’engagement devant vous parce que c’est le mandat que nous ont confié à Laurent Nunez et moi le président de la République et le Premier ministre, les moyens seront au rendez-vous.
Mais parler de moyens et d’effectifs supplémentaires ne signifie rien si l’on ne se donne pas les moyens de susciter des vocations nouvelles. Servir sous l’uniforme est un honneur, un signe de reconnaissance. Il faut donc attirer vers la police, vers la gendarmerie, vers nos sapeurs-pompiers les talents et les compétences. Pour cela, nous créons de meilleures conditions de vie et d’engagement, nous assurons un recrutement ambitieux, diversifié, adapté. Nous mettons en place des formations tout au long de la vie et du parcours. Cela veut dire que chacune et chacun peut continuer à apprendre, à évoluer dans son travail, peut bénéficier de formations innovantes, enrichissantes et nous serons attentifs aux priorités d’affectation pour mieux concilier aspirations personnelles et parcours professionnel, permettre ensuite de bouger et de changer.
Il faut garantir aussi notre modèle de Sécurité civile et agir sans cesse pour la vitalité et l’attractivité du volontariat des sapeurs-pompiers. Les actions engagées dans le cadre du plan en faveur du volontariat présenté en septembre dernier seront poursuivies et leur déclinaison sur les territoires sera assurée. Je n’ai l’intention ni d’attendre ni de subir une quelconque jurisprudence européenne pour agir.
Je veux dire aussi aux forces de Sécurité civile que je connais la pression opérationnelle qui pèse sur elles. Les missions de secours à la personne représentent aujourd’hui plus de 80% des interventions des sapeurs-pompiers. Toutes les sept secondes, une intervention est réalisée. Malgré les contraintes, vous assurez ces missions avec professionnalisme, ténacité, efficacité. Vous êtes des modèles de courage mais cette pression excessive n’a que trop duré. Des mesures ont été annoncées à Bourg-en-Bresse, elles doivent maintenant devenir réalité. Un dialogue constructif s’instaure entre le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Santé et des Solidarités, tant mieux, mais je veux maintenant des résultats et vite, une meilleure coordination entre les SIS et les SAMU, une organisation plus performante de leurs conditions d’intervention.
Le ministère de l’Intérieur, c’est le ministère de l’humain, c’est le ministère de femmes et d’hommes qui se dévouent tout entier à leur mission parfois au péril de leur vie, protéger et servir la République pour permettre à chaque citoyen, à chaque citoyenne de vivre en paix, de jouir de leur liberté, de s’accomplir.
Alors, remettons toujours l’humain au cœur du ministère ! Finissons-en une bonne fois pour toutes avec le culte de la politique du chiffre, elle nuit au moral et dévoie vos métiers. Valorisons les initiatives locales, laissons sa place à la parole, à l’audace, à l’imagination. Il ne faut pas avoir peur des idées nouvelles, des idées des autres. Je veux que votre voix soit écoutée, que vous puissiez proposer, oser, innover et je refuse l’idée sotte qu’un ministère régalien ne puisse se libérer ainsi.
Nous devons aussi toujours lutter contre le drame du suicide. Le suicide n’est pas seulement une peine, un échec, c’est une blessure profonde, c’est une blessure qui peine à cicatriser. Policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers sont autant de vocations superbes. D’ailleurs, combien de petites filles, combien de petits garçons en rêvent pendant toute leur enfance ? Notre devoir, c’est de faire en sorte que les métiers que vous exercez soient valorisés à la hauteur de ces espoirs. Je sais les efforts consentis par chacun, je connais les initiatives qui foisonnent, la solidarité extraordinaire qui vous unit. Alors, mettons les bouchées doubles pour ensemble changer vos quotidiens.
Car, oui, notre ambition est bien d’agir aujourd’hui avec vous tous, ensemble, de construire avec vous, pour vous et pour les Français les forces de sécurité de demain. Cette construction se fera avec les instances de concertation, avec les syndicats. La mobilisation forte lors des dernières élections professionnelles a prouvé la soif d’un dialogue renouvelé. Je souhaite un dialogue social constant, constructif, apaisé, respectueux. L’affrontement n’est pas sain, c’est la discussion qui l’est. Gardons toujours la tête froide, gardons toujours à l’esprit les enjeux. On parle de la vie de 280 000 fonctionnaires et militaires du ministère de l’Intérieur, on parle du quotidien et de la sécurité de 67 millions de Français.
Le ministère de l’Intérieur a besoin de réformes structurelles profondes, nous les mènerons. Nous les mènerons avec vous, en concertation, conformément aux accords et aux engagements pris avec les instances professionnelles.
Nous poursuivrons le dialogue avec l’ensemble des représentants du personnel. Ensemble, nous mènerons ces réformes pour une organisation plus efficace, plus simple, plus opérationnelle.
Je sais que le syndicalisme policier est un syndicalisme de construction et d’ouverture. Sans gommer les différences et les revendications, faisons nôtre cet état d’esprit. Le 19 décembre dernier, nous avons signé un protocole qui prévoit des revalorisations financières significatives en contrepartie d’un travail à mener ensemble sur l’évolution en profondeur des questions relatives au temps de travail, aux heures supplémentaires et à la fidélisation fonctionnelle et territoriale des policiers.
Je compte aussi sur la concertation interne de la gendarmerie, sur son modèle adapté au statut militaire. Sa responsabilité et sa capacité de proposition seront précieuses pour conduire des réformes structurelles nécessaires. Le même état d’esprit guidera nos relations avec les organisations syndicales des sapeurs-pompiers professionnels. Je veux un dialogue de qualité et je me réjouis de les recevoir avec Laurent Nunez dans les prochaines semaines.
Nous devons agir maintenant, tout donner ensemble pour les Français, tout donner pour vous permettre aussi d’intervenir vite, bien dès qu’un incendie, un délit, un accident ou un drame survient. Tout vous donner pour vous permettre d’anticiper, de comprendre, d’affiner les situations dans leur complexité, tout faire pour vous permettre d’enquêter et de résoudre. Nous devons construire une sécurité au plus proche des Français, de leur vie et de leurs préoccupations. On n’aborde pas la sécurité dans un centre-ville comme au cœur de notre ruralité, c’est absurde, ce serait absurde. Pour être efficace, la sécurité de demain sera plus déconcentrée. Nous devons construire une gestion de crise modernisée. Vous êtes les femmes et les hommes des crises. Depuis l’effondrement d’un immeuble jusqu’à une prise d’otages ou un accident de voiture, votre quotidien, c’est l’imprévu, c’est la réaction vive, rapide. Vous devez en avoir les moyens et les outils.
Nous anticiperons aussi les menaces de demain. Ceux qui disent que rien ne changera sont les mêmes qui nous ont expliqué qu’Internet ne marcherait pas.
Soyons attentifs et prêts pour toutes les persistances des menaces et des modes d’action. Nous devons prévoir, anticiper, réfléchir à ce que seront et sont déjà les défis de la délinquance de demain. Ne laissons pas le crime avoir un coup d’avance sur nous.
Les terroristes ne connaîtront et ne doivent connaître aucun répit. Nous continuerons à traquer leurs réseaux, à briser leur méthode et leur financement. Notre vigilance est permanente. Aucun indice ne doit jamais être écarté, aucun signal n’est trop faible. Nous ne devons rien laisser passer. En 2018 encore, sept attentats ont été déjoués. Depuis 2013, ce sont 56 attaques qui l’ont été grâce à l’action remarquable de nos services spécialisés comme de l’ensemble des forces de sécurité.
Le président de la République a décidé lors du Conseil de défense et de sécurité nationale du 27 juin dernier de confier la maîtrise d’œuvre de la lutte contre le terrorisme sur le territoire national à la DGSI. Ce chef de filat est désormais opérationnel. Ce sont une décision forte et une marque de confiance dont nous devons nous montrer dignes. A nous maintenant, cher Nicolas Lerner, d’assurer une véritable coordination des services, un échange fluide des renseignements et un maillage sans faille de notre pays. A ce titre, je salue particulièrement votre action à Strasbourg le 11 décembre dernier avec la mobilisation de chacun des services, mais plus encore, avec votre capacité à tous à travailler ensemble, à coordonner vos actions.
Vous l’avez compris, combattre le terrorisme, combattre la radicalisation, c’est l’affaire de tous.
Le 14 décembre, j’ai adressé aux préfets une circulaire fixant la doctrine de fonctionnement des groupes d’évaluation départementaux. Il s’agit de mieux comprendre et de mieux prendre en compte les individus les plus dangereux en mobilisant des moyens nationaux. Il s’agit de resserrer les mailles du filet. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Je compte sur vous, je compte sur les services et les unités que vous dirigez. Il faut faire remonter et partager l’information.
Chacun alimentera en permanence les groupes d’évaluation départementaux qui, sous l’autorité des préfets, sont les noyaux durs de nos dispositifs de détection. C’est un effort permanent, je le sais, sur le temps long et c’est pour cela que j’insiste particulièrement sur ce sujet.
Je le répète car j’y tiens, nous ne vaincrons le terrorisme que si nous le combattons ensemble. La coordination opérationnelle entre les services n’est pas seulement une bonne pratique, c’est un impératif, c’est une garantie pour la sécurité des Français et je ne pardonnerai aucune erreur, aucune rivalité malsaine sur ce sujet.
Notre autre grand combat, c’est la sécurité du quotidien.
Le 8 février, la PSQ a été lancée. Le défi est grand, immense. Il faut renouer le dialogue et la confiance. Il faut de la sécurité partout, sur chaque mètre carré de la République. La PSQ a vocation à replacer le service du citoyen au cœur de l’action des forces de sécurité. Elle permettra d’accroître la confiance envers les populations, les policiers et les gendarmes. Nous mobiliserons tous les moyens pour faire reculer l’insécurité. Cela veut dire d’abord renforcer la disponibilité des forces de sécurité au contact de la population en les recentrant sur leur cœur de métier, en réduisant le temps consacré aux actes de procédure pénale et en permettant plus de présence sur le terrain. Votre rôle est de vous battre contre le crime, pas contre la paperasserie.
Une sécurité au plus proche, cela veut dire aussi plus de partenariats, cela veut dire aussi une organisation plus déconcentrée, cela veut dire des stratégies d’action sur mesure, adaptées à chaque territoire. Des actions significatives ont été conduites et vous y avez pris toute votre part. Je veux saluer votre engagement dans la PSQ malgré une actualité chargée en matière de lutte contre le terrorisme et d’ordre public.
Chaque directeur départemental et territorial de la sécurité publique, chaque commandant de groupement a mis en place des stratégies locales de sécurité pour mieux répondre aux enjeux et aux spécificités de chacun de nos territoires. Des brigades territoriales de contact ont été créées. Les horaires de patrouille ont été modifiés pour mieux tenir compte du rythme de vie des Français. Des comités de quartier ont été institués pour présenter et expliquer l’action des forces de l’ordre. Des partenariats renforcés ont été noués avec les élus, les polices municipales, les régies de transport et les bailleurs sociaux, c’est essentiel. Bref, au même titre que l’intervention et l’investigation, le contact et la proximité constituent désormais de vraies missions du quotidien pour la police et la gendarmerie.
Sur le plan de la procédure pénale, de grands chantiers ont été engagés pour faciliter votre travail opérationnel. Au printemps prochain, les mesures contenues dans le projet de loi de programmation sur la Justice auront été adoptées et permettront de simplifier l’action quotidienne des officiers et des agents de police judiciaire en les recentrant là encore sur le cœur de leur mission.
Nous avons lancé aussi avec le ministère de la Justice le chantier ambitieux de la procédure pénale numérique. C’est un bol d’air pour votre travail comme pour les victimes. D’un bout à l’autre, la procédure sera numérisée, les actes signés et transmis électroniquement d’un ministère à l’autre. La procédure numérique, ce sont des monceaux de papiers économisés, ce sont des scans éliminés, des transmissions aléatoires par fax évitées. La procédure pénale numérique, c’est la fiabilité, c’est la simplicité d’un bout à l’autre de la procédure. En gros, ce sont plus d’enquêtes et moins de photocopies.
Ce projet est clé, sa réussite est attendue, j’y veillerai personnellement. Il vous laissera plus de temps et d’énergie pour vos missions. Il est un levier essentiel pour la simplification des procédures pénales. Alors, ne perdons pas de temps. Deux sites pilotes ont été choisis, Amiens et Blois, et les premières expérimentations auront lieu dès cette année.
Enfin, la politique de sécurité du quotidien, c’est s’assurer qu’aucun territoire ne soit oublié, c’est s’assurer que la loi et l’ordre soient partout respectés, dans les territoires les plus difficiles aussi. 15 quartiers de reconquête républicaine ont été mis en place. Ce n’est pas un joli nom, c’est du concret. Chacun d’entre eux a bénéficié de 10 à 30 renforts supplémentaires. C’est un pas décisif pour briser les trafics qui gangrènent et renouer le lien avec les habitants qui, bien souvent, ont le sentiment dans ces quartiers d’être totalement livrés à eux-mêmes.
Et à l’approche de son premier anniversaire, je veux donner un second souffle à la police de sécurité du quotidien. Je veux tout d’abord que la mise en œuvre des quartiers de reconquête républicaine soit accélérée. 15 QRR ont été mis en place en 2018, les premiers résultats sont là. 15 autres devaient être mises en place en 2019, j’ai décidé de doubler ce nombre. Il y aura donc 30 quartiers de reconquête républicaine en 2019, y compris en zone de compétence gendarmerie qui ne bénéficiaient pas de ce dispositif jusqu’à présent. Des propositions seront formulées dans ce sens dans les prochains jours.
Mais j’ai une conviction, la reconquête républicaine ne peut relever de la seule action des forces de sécurité, chaque ministère doit s’impliquer. Il faut rendre l’espoir et nous y parviendrons seulement en agissant ensemble, en faisant résonner d’une seule et même voix sécurité, certes, mais aussi éducation, culture, sport, santé, emploi et rénovation urbaine. Et je souhaite, en accord avec le Premier ministre, que chaque ministère désigne un référent pour suivre l’action des QRR. Ce réseau interministériel viendra en appui des préfets pour concentrer et réussir l’action publique sur ces territoires.
Dans ce souci constant de développer les partenariats, j’ai fixé comme priorité la création d’un véritable continuum de sécurité entre services de police et de gendarmerie, élus locaux, police municipale, entreprises, mais aussi citoyens. Nous devons faire vivre ce continuum car chacun a sa pierre à apporter à notre sécurité. Nous ne devons pas ignorer non plus les acteurs privés de la sécurité, leur rôle est important. Je partage cet objectif d’une sécurité globale et je compte sur notre collectif pour mieux intégrer les polices municipales et la sécurité privée dans notre dispositif de sécurité intérieure.
Le rapport d’Alice Thourot et de Jean-Michel Fauvergue formule 78 propositions qui vont faire l’objet de débat, entre le ministère de l’Intérieur et les représentants des polices municipales et du monde de la sécurité privée. Ces discussions débuteront dans les semaines qui viennent et je les suivrai avec attention et nous veillerons, avec Laurent Nunez, à vous transmettre régulièrement le contenu de l’orientation de celles-ci pour vous impliquer tout au long de ce travail.
Assurer la sécurité des Français au quotidien, c’est aussi mener la lutte contre l’insécurité routière.
C’est très simple, les Français doivent pouvoir accompagner leurs enfants à l’école sans craindre qu’un chauffard brise leurs rêves et leur vie. Le code de la route protège, il doit être respecté. Nous n’aurons pas de tolérance contre les infractions, pas de complaisance envers ceux qui s’affranchissent de sécurité commune.
Pas de complaisance non plus pour ceux qui croient acceptable de détruire des radars. J’en vois certains qui posent fièrement à côté des objets saccagés.
Seront-ils aussi fiers quand on frappera à leur porte pour leur annoncer qu’un accident a eu lieu et que dans leur famille, parmi leurs proches, la vitesse a tué ?
J’ai été maire pendant 16 ans, j’ai eu à annoncer à des familles, à des parents les décès liés à ces excès-là, je sais cette violence-là et elle me permet d’assumer toute forme d’impopularité pour les populistes qui, facilement, veulent nous faire croire qu’au nom des libertés, il faudrait accepter le laisser-faire et le n’importe quoi, y compris sur nos routes.
L’insécurité routière demeure la première cause de mort violente dans notre pays. Le Comité interministériel de la Sécurité routière du 9 janvier 2018 a réaffirmé la mobilisation du Gouvernement et de l’ensemble des acteurs. Je compte sur vous pour avancer aussi sur ce sujet-là. Chaque vie fauchée sur les routes est une perte de trop, chaque accident est un accident de trop. Alors il faut poursuivre notre action pour lutter contre l’insécurité routière car pour un trajet plus long de quelques minutes, ce sont autant de vie et de familles préservées.
Assurer la sécurité des Français au quotidien, c’est encore lutter pied à pied, territoire par territoire contre tous les trafics, notamment les trafics de stupéfiants.
Je souhaite pour cela une meilleure coordination entre les services. Cela suppose un meilleur partage de l’information et du renseignement criminel et un pilotage plus performant tant au niveau national qu’au niveau local. Je réunirai dans les jours qui viennent les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationale pour rendre mes arbitrages à la fois sur les structures et sur les missions. Je ne trahirai pas un grand secret en disant que la discussion portera sur les conditions de la généralisation de ce qui a été fait à Marseille et à Lille, de ce qui a été également mis en place dans le périmètre de la préfecture de police.
Assurer la sécurité du quotidien, c’est enfin lutter contre l’immigration irrégulière, les filières et les réseaux de passeurs qui exploitent la misère humaine.
Le sujet est au cœur de l’actualité européenne. Nous voyons tous dans quelle mesure l’Europe peut se diviser sur cette question. C’est donc un véritable défi qui se trouve devant nous.
Si les flux empruntant la Méditerranée centrale sont en baisse, ceux qui empruntent les routes de la Méditerranée orientale et occidentale affichent une forte hausse. Et il faut évoquer également la situation spécifique de Mayotte. La situation nous impose donc de ne pas baisser la garde et d’agir à toutes les échelles pour relever le défi migratoire. Je rappelle que le 3 août dernier, nous avons fait voter la loi Asile et immigration. Aussi je vous demande de poursuivre votre action pour améliorer l’efficacité des politiques de retour en veillant en particulier à demander toujours davantage de laissez-passer consulaires nécessaires à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas documentés.
La lutte contre les réseaux criminels, en lien avec l’immigration, doit être également votre priorité. Je continuerai de mon côté à m’investir sur le plan européen pour trouver les voies d’une coordination et d’une solidarité européennes efficaces.
Mesdames, Messieurs, notre devoir est de protéger les Français chaque jour, chaque heure, chaque minute. Pour bien protéger maintenant, il faut se projeter vers demain. Pour ne pas se laisser distancer, pour anticiper, pour avoir ce temps d’avance qui donne la force et l’efficacité.
Anticiper la sécurité de demain, c’est d’abord adapter notre gestion de l’ordre public.
Nous en avons, ces dernières semaines, vu la préoccupante illustration : la mobilisation et la contestation ont changé de visage. Leur mode d’expression se radicalise, il se caractérise maintenant par une violence exacerbée, organisée, souhaitée même, par une utilisation massive des réseaux sociaux et des messageries cryptées, par une stratégie de communication tirant parti des chaînes d’information continue. Vos engagements récents, Notre-Dame-des-Landes et ceux ces dernières semaines en témoignent, ils nous obligent à repenser notre doctrine du maintien de l’ordre, à la moderniser, à la renforcer. Ils nous obligent à plus de souplesse et de flexibilité, à plus d’efficacité. Le Premier ministre présentera ce soir des mesures en ce sens.
Mesdames et Messieurs les Chefs de service et Commandants d’unités, vous avez montré au cœur du mois de décembre notre capacité à nous adapter et, avec les hommes et les femmes sous vos ordres, à contenir la menace de ceux qui voulaient seulement détruire. Je souhaite que ce travail d’anticipation soit poursuivi, je souhaite qu’il se développe, qu’il soit approfondi. Il concerne tous les services, il nous oblige à travailler en amont avec, évidemment, les meilleurs outils pour le renseignement. Il nous pousse aussi à veiller sur les réseaux sociaux, à travailler main dans la main avec les collectivités, les commerçants et les acteurs de la sécurité privée pour mieux prévenir les désordres. Nous devons envisager une remise à niveau des effectifs de forces mobiles pour leur permettre de mieux conduire les opérations d’interpellation, d’être capables d’agir de manière déconcentrée.
Cela s’accompagne également de l’adaptation des techniques et des parcs de véhicules pour leur permettre d’être plus réactifs, plus mobiles. Les moyens spécialisés comme les engins blindés de la gendarmerie ou les engins lanceurs d’eau de la police ont montré leur efficacité. Nous devons donc en envisager très sérieusement le renouvellement et accroître leur capacité opérationnelle.
Enfin, le cadre juridique des manifestations peut être revu pour mieux réprimer l’infraction d’attroupement ou de dissimulation illicite de visage à l’occasion d’une manifestation mais tout simplement de mieux encadrer les manifestations. Jamais vous ne me verrez m’opposer à ce principe fondamental de la libre manifestation mais faire des choix, c’est aussi assumer des responsabilités. Une société sans responsabilité est au fond une société sans ordre et nous avons besoin, parce que c’est la garantie de nos premières libertés, d’avoir dans notre pays un ordre, un ordre juste mais un ordre, un ordre efficace. A l’ultraviolence, nous opposerons l’ultrafermeté, celle qui protège les Français dans le cadre républicain.
Anticiper, c’est comprendre les évolutions de la délinquance, c’est la combattre toujours plus durement.
Depuis 2010, un plan de lutte contre les bandes a été mis en place et grâce à vous, grâce à la mobilisation des forces de police et de gendarmerie, nous avons obtenu des résultats significatifs. Mais en neuf ans, les méthodes et les ruses ont changé. Les voyous ont de l’imagination. Nous aussi et nous ne laisserons pas miner nos quartiers. Alors nous allons œuvrer sur tous les tableaux. Nous allons faire évoluer le cadre juridique et les peines encourues, nous allons comprendre en améliorant le renseignement de proximité, nous allons prévenir en mettant un réel travail avec les ministères sociaux et l’Education nationale en place.
On ne naît pas délinquant et nous devons créer le climat favorable pour que l’on ne soit pas tenté de le devenir. Nous devons avoir une approche large de la délinquance. Nous devons agir plus vite et plus fort contre elle. Nous devons connaître sans cesse le bilan de notre action. Nous adapterons notre méthode pour tous les plans à réajuster contre les bandes, les stupéfiants ou la violence à l’école. Le dialogue entre les ministères et les services sera primordial.
Nous devons réussir au niveau local une véritable coordination opérationnelle pour un échange plus fluide des informations et définir les priorités. Nous devons savoir où nous en sommes, quels résultats sont obtenus. Les états-majors de sécurité sont les structures les plus adaptées pour ce suivi, nous devons les renforcer et concentrer leurs actions sur ces domaines prioritaires.
Anticiper, c’est aussi comprendre la révolution numérique et nous saisir pleinement du défi de la cybersécurité.
Jetons un regard lucide à nos quotidiens. De notre musique jusqu’à notre footing, de nos achats jusqu’à nos métiers, le numérique est partout, il concerne nos informations les plus stratégiques comme notre mode de vie de tous les jours. C’est une opportunité formidable, une opportunité dont nous devons nous saisir, mais une opportunité que nous ne pouvons pas regarder naïvement. Avec le cyberespace, arrivent les cyberattaques. Des pirates sans visage ni parfois même motivation peuvent nous épier, bloquer nos moyens de transports, paralyser notre économie, percer nos secrets.
Avec 8 600 agents formés dans le domaine cyber partout en France, le ministère de l’Intérieur dispose d’un maillage territorial décisif et de compétences incontestables mais nous ne pouvons pas nous contenter de cela, nous devons donc nous préparer, nous adapter. Il nous faut les meilleurs talents et les meilleures expertises. Il nous faut la meilleure hygiène cyber et la meilleure prévention du grand public. Alors nous allons agir, nous allons renforcer la gouvernance cyber du ministère et, bien sûr, la coopération entre l’ensemble des services en charge de ces questions. Nous allons avoir des renforts massifs pour contrer les cybermenaces et assurer la sécurité de nos systèmes d’information. Pour réussir, nous recruterons 800 personnes, nous ferons preuve d’une politique RH innovante, audacieuse, adaptée au profil recherché. Et nous n’avons pas une minute à perdre, nous commencerons dès cette année avec la validation imminente, puis la mise en œuvre de la feuille de route du ministère dans le domaine cyber.
Mesdames, Messieurs,
Je viens de tracer devant vous une feuille de route, des orientations et une vision. Avec Laurent Nunez, nous continuerons à l’enrichir, à l’affiner au fur et à mesure de nos échanges, de nos déplacements. Mais dans un environnement toujours plus instable, face à des menaces qui changent et s’adaptent, il faut ancrer notre ambition dans la durée. Si on veut mettre en place une politique de sécurité cohérente et pérenne, nous devons donc programmer sur plusieurs années les moyens humains et matériels que l’on veut y consacrer.
C’est pourquoi je proposerai au président de la République, au Premier ministre, le débat d’une loi de programmation qui fixera la vision à long terme de notre politique de sécurité intérieure. Elle ne se limitera pas à la police et la gendarmerie nationale mais intègrera notre vision globale du continuum de sécurité. Elle fixera les objectifs opérationnels prioritaires, l’organisation et les moyens et les exigences en matière de performance.
Mesdames et Messieurs,
La sécurité de la France et des Français est une priorité absolue, c’est un engagement et pour vous, une vocation qui fait la fierté et force le respect des Françaises et des Français que vous servez chaque jour. J’ai choisi de vous rassembler aujourd’hui pour vous redire ma confiance, mon estime, ma reconnaissance. 2018 a été éprouvante pour chacune et chacun d’entre vous. Je sais les épreuves que vous avez dû traverser, je sais le sang-froid, la maîtrise et le professionnalisme auxquels vous n’avez jamais manqué.
Cette année encore, des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers ont fait l’objet de violences inacceptable, la République ne peut le tolérer. Certains ont été emportés dans l’accomplissement de leur devoir : 14 gendarmes, 10 policiers tombaient en mission, 6 sapeurs-pompiers en opération de secours. Ils sont tombés en servant pour nous tous. Ils sont tombés pour nous protéger. Leur sacrifice doit garder un sens, celui du courage et de l’engagement. Un sens qui nous oblige collectivement à nous dépasser, à leur faire honneur, à incarner leur dévouement.
2019 commence. C’est une année pleine de promesses pour une sécurité aux ambitions retrouvées. C’est une année pleine de défis aussi pour la sérénité et la liberté des Français. Je compte sur vous, sur vous tous. Les Français comptent sur vous. Vous pouvez compter aussi sur notre soutien indéfectible, j’ai toute confiance en vous.
Vive la République, vive la France !