Colloque du Club des Directeurs de la Sûreté et de la sécurité des Entreprises (CDSE)

Colloque du Club des Directeurs de la Sûreté et de la sécurité des Entreprises (CDSE)
19 décembre 2018

Allocution de M. Christophe Castaner, Ministre de l’Intérieur, à l’occasion du colloque du Club des Directeurs de la Sûreté et de la sécurité des Entreprises (CDSE) à Paris, le 18  décembre 2018


- Seul le prononcé fait foi -

Messieurs les Préfets,
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’autorité judiciaire,
Mesdames et messieurs les représentants des services de l’État,
Mesdames et Messieurs les directeurs de sûreté,
Monsieur le Président du club des directeurs de sécurité et de sûreté des entreprises, cher Stéphane Volant,
Mesdames et Messieurs.

Je suis très heureux de participer ce matin au colloque annuel du Club des Directeurs de la Sûreté et de la sécurité des Entreprises consacré cette année à "la sécurité au cœur du Business".
L’année dernière, c’était la première fois qu’un ministre de l’Intérieur était convié à intervenir lors d’un tel événement. Je vois dans cette nouvelle invitation une marque de confiance et d’estime dont je vous remercie chaleureusement.

Mais il s’agit aussi – je crois – d’un signal important qui marque l’intérêt fort de l’État pour cette nouvelle vision de l’écosystème de la sécurité qu’il n’est plus envisageable d’imaginer comme des mondes parallèles, où coexisteraient le dispositif régalien, les initiatives prises par les collectivités locales et le secteur de la sécurité privée.

Bien au contraire ! L’État, comme les entreprises que vous représentez, font face, ensemble, aux mêmes menaces et aux mêmes enjeux.

Laurent Nuñez, dans ses fonctions précédentes de directeur général de la sécurité intérieure, a pu mesurer à quel point l’État et le monde de l’entreprise ont établi une relation riche et fructueuse, lorsqu’il s’agit de protéger notre patrimoine, de détecter des cas de radicalisation parmi les personnel occupant des postes dans des secteurs sensibles, ou de faire face à des actions d’ingérence étrangère.

Aussi, le gouvernement a fixé comme priorité la création d’un véritable continuum de sécurité entre services de police et de gendarmerie, élus locaux, polices municipales, entreprises, mais aussi citoyens.

Je veux vous dire que cet objectif sera poursuivi avec ténacité. C’est un volet capital de la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien.

Je crois qu’il n’y a plus de tabous à confier au monde de l’entreprise privée les transports de fonds, la sûreté aéroportuaire, la surveillance physique, la sécurité incendie, la sécurisation des grands événements sportifs ou culturels, la protection rapprochée ou encore l’intelligence économique.

Nos concitoyens sont prêts pour ce changement ; l’État est disposé à mieux partager ses compétences ; nos entreprises intègrent déjà largement la dimension sûreté dans leur stratégie cette dimension.

Le secteur de la sécurité privé aspire, et c’est légitime au vu des efforts déjà consentis, à entrer dans l’ère de la maturité et de la confiance. Il doit se mettre en ordre de bataille pour faire face à ces nouveaux enjeux. J’attends du CDSE qu’il contribue pleinement à cette évolution.

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Mesdames et messieurs, cher Stéphane Volant : aujourd’hui, une nouvelle dynamique est née !

La reconnaissance de l’importance du secteur privé de la sécurité a été soulignée par le travail qui a été demandé cette année par le Premier ministre aux parlementaires Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, visant à intégrer encore davantage les polices municipales et la sécurité privée dans le dispositif de sécurité intérieure de notre pays.

Un certain nombre d’entre vous ont d’ailleurs contribué à ces travaux ; ils ont formulé des propositions et je les en remercie vivement, car ils nous aident à dessiner les lignes d’une stratégie renouvelée pour la sécurité intérieure, dans laquelle chacun aura sa place et saura ce que fait l’autre.

Le rapport a été rendu le 11 septembre dernier et formule 78 propositions qui vont faire l’objet de débats entre le ministère de l’Intérieur et les représentants des polices municipales comme du monde de la sécurité privée.

Ces discussions débuteront au début de l’année 2019 et j’aurai le plaisir de lancer cette grande concertation et de donner à ce moment-là les orientations qui me semblent prioritaires.

Et nous examinerons ces propositions sans rien nous interdire !

Oui, il faudra s’interroger sur les conditions dans lesquelles les agents privés pourront intervenir sur la voie publique aux abords immédiats des espaces qu’ils sécurisent ou se voir confier des gardes statiques devant des bâtiments.

Oui, il faudra s’interroger sur le rôle et le positionnement du directeur sûreté dans les entreprises. Il doit pouvoir être reconnu comme porteur d’une stratégie au même titre que les autres cadres dirigeants. La sûreté, vous le savez mieux que quiconque : ce n’est pas un coût ; c’est un investissement.

Il y va non seulement de la protection des infrastructures critiques – je n’ai pas besoin de revenir sur le caractère stratégique que revêt aujourd’hui la protection des données informatiques, mais il y va également de la crédibilité, et, in fine, de l’image d’une entreprise.

Le responsable de la sûreté d’une entreprise n’est donc pas seulement le responsable managérial d’équipes de sécurité. C’est un acteur central pour la notoriété d’une société, pour ses collaborateurs en France comme à l’étranger, pour ses clients et ses fournisseurs, ses processus de fabrication, ou ses systèmes d’information.

Et l’État est disposé à l’aider pour mener à bien sa mission y compris en créant un véritable réseau de confiance permettant d’échanger au plus niveau des informations sensibles. Nicolas LERNER, le DGSI, vous en parlera lors de son intervention.

Je rappelle que partout sur le territoire, nous mettons à votre disposition des référents sûreté, policiers et gendarmes spécialisés, qui vous accompagnent sur des sujets comme la sécurisation des sites sensibles ou l’installation de systèmes de vidéoprotection.

Vous savez aussi qu’à l’étranger, les groupes français peuvent compter sur le réseau des Attachés de Sécurité Intérieure, en particulier pour évaluer l’état des menaces que ce soit en matière de terrorisme ou d’espionnage industriel.

Par ailleurs, nos services spécialisés - et je pense notamment à la DGSI - dispensent régulièrement des conférences aux cadres et salariés de sociétés qui, de par la sensibilité de leurs activités, de par la localisation de leurs productions, se trouvent particulièrement exposées.

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Le partenariat avec le secteur privé, ce sont également les relations que nous entretenons directement et quotidiennement avec les professions exposées.

Ainsi, le ministère de l’Intérieur a œuvré, ces derniers mois, avec les organisations professionnelles du commerce et de la bijouterie-joaillerie, pour ne citer que ces deux secteurs, afin de bâtir des projets de conventions de partenariat.

Ces projets sont désormais finalisés et je les signerai dans les prochaines semaines. Ils comprendront des dispositions nouvelles sur l’échange d’informations opérationnelles ou les actions de prévention pour lutter contre le risque terroriste ou la cybercriminalité.

Des dispositifs plus innovants sont également prévus, dans le secteur du commerce, autour de la reconnaissance de la fonction de coordonnateurs en matière de « gestion des crises », dans l’objectif de mieux prendre en compte, là aussi, la menace terroriste.

Cette approche partenariale des questions de sécurité constitue l’un des axes de la police de sécurité du quotidien. Toutes les forces vives de notre pays doivent contribuer à la sécurité quotidienne de nos concitoyens et de notre pays.

Cette mobilisation ne doit pas résulter de la seule mise en place de structures ou de textes ; elle doit être animée d’un véritable état d’esprit, d’une véritable motivation de l’ensemble des acteurs et de ceux qui les embauchent.

Comme le rappelle cette maxime de Thucydide, régulièrement reprise par la DGSI lors de ses conférences de sensibilisation : « la sécurité de la cité tient moins à la solidité de ses fortifications qu’à la fermeté d’esprit de ses habitants ».

Car nos ennemis, et je ne citerai aucun pays en particulier ni aucune organisation, eux aussi font référence à ce même orateur grec qui affirme que « l'épaisseur du rempart compte moins que la volonté de le prendre ».

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A quelques jours du Nouvel an, je tenais également aujourd’hui à évoquer quelques étapes importantes qui nous attendent en 2019.

Tout d’abord : la fusion annoncée entre le Syndicat national des entreprises de sécurité (SNES) et l’Union des entreprises de sécurité privée (USP). Je veux ici souligner, tout en rappelant l’attachement de l’État à l’indépendance des organisations professionnelles et syndicales, l’intérêt et le sérieux de cette démarche qui vise, en retrouvant le chemin de l’unité, en rassemblant les énergies, en capitalisant les réflexions et les propositions, à préparer le secteur de la sécurité privée à relever les défis majeurs de ces prochaines années, notamment dans la perspective des jeux olympiques de 2024.

Ensuite, je veux citer la suppression de la « taxe CNAPS »

2019 sera la dernière année du paiement de la taxe CNAPS. Il s’agit là d’une geste concret et d’un effort important qui sera effectif au 1er janvier 2020 et qui doit contribuer aux choix sur les investissements nécessaires pour renforcer l'attractivité des métiers de la sécurité.

Je veux également insister sur la nécessaire régulation économique du secteur de la surveillance humaine.

La branche prévention-sécurité, forte de ses 11 000 entreprises et de plus de 170 000 salariés, a retrouvé, depuis quelques années, un certain dynamisme comme le souligne une étude de l’INSEE, réalisée en mai 2018 à la demande de la Délégation aux coopérations de sécurité (DCS). En effet, le secteur de la sécurité privée a enregistré, sur la période 2010-2017, une croissance de près de +36 % en valeur, soit une progression annuelle du niveau d’activité de +4,5 %, et de plus de 26 % en volume sur la période considérée. La sécurité électronique présente, quant à elle, des résultats sur le plan macroéconomique encore plus encourageants.

Ce secteur continue à créer de l’emploi et représente pour un grand nombre de personnes  l’opportunité de bénéficier d’une formation qualifiante et de débouchés professionnels réels. Peu de secteurs d’activités en France présentent de telles caractéristiques.

Pourtant, à y regarder de plus près, la réalité d’un grand nombre d’entreprises de sécurité privée ne reflète pas ce constat et révèle au contraire des fragilités structurelles.

L’étude INSEE, que j’évoquais à l’instant, nous indique que le taux de marge moyen se situe autour de 4 % ce qui, reconnaissons-le, est plutôt faible et près de 25 % des entreprises de sécurité privée, souvent de très petites structures, enregistrent une rentabilité inférieure à 2 %.

Ces très petites entreprises (TPE), qui représentent 80 % du nombre d’entreprises de sécurité privée mais à peine 10 % du chiffre d’affaires du secteur, fragiles sur le plan économique, sont parfois contraintes d’accepter des conditions tarifaires situées en dessous des prix minimums permettant de couvrir leurs charges.

Le recours au travail dissimulé peut alors constituer malheureusement un moyen de dégager une marge positive avec comme conséquence une pression à la baisse des prix.

Le marché de la sécurité privée connaît encore trop souvent des situations de concurrence déloyale qui s’appuient, comme le souligne le rapport des parlementaires Fauvergue et Thourot, sur une myriade de petites structures qui disparaissent aussi rapidement et facilement qu’elles sont apparues.

Aussi, je me félicite de la médiation engagée fin 2017, sous l’égide du préfet Philip Alloncle, Délégué aux coopérations de sécurité, avec le soutien du ministère de l’Économie. Elle a rassemblé pour la première fois les organisations professionnelles représentants les prestataires (USP, SNES), les clients les plus importants, dont le CDSE, et des acheteurs publics comme l’UGAP, la Direction des achats de l’État, la ville de Paris et le ministère des Armées).

Cette démarche unique a souligné la nécessité d’une structuration du secteur et a proposé d’avancer sur les notions de garantie financière et la limitation de la sous-traitance qui sont d’ailleurs reprises dans le rapport parlementaire. En précisant les modalités juridiques et techniques de leur mise en œuvre, je souhaite que nous aboutissions à des évolutions concrètes dans ces domaines cruciaux pour le secteur.

Ce secteur de la sécurité n’est pas un marché comme un autre : au volet d’une régulation administrative mis en œuvre par le CNAPS, il convient d’adjoindre un volet de régulation économique indispensable pour faire émerger une majorité d’acteurs responsables et créateurs de valeurs.

A cet égard, un certain nombre d’acteurs, dont le CDSE en premier lieu et son président Stéphane Volland que je salue, ont courageusement choisi de prendre leurs responsabilités en tant que donneurs d’ordre en demandant, dans le cadre d’une démarche commune avec les organisations professionnelles de la sécurité privée, la publication systématique de la liste des sociétés de sécurité autorisées par le CNAPS faisant l’objet de décisions d’interdictions temporaires d’exercice, de blâmes et de pénalités financières prononcées par ce dernier. Cette proposition témoigne d’une volonté d’avancer vers la voie d’une responsabilisation renforcée.

Elle fera l’objet d’expertise et de discussions complémentaires à l’occasion de la séquence de concertation que j’évoquais tout à l’heure.

Autre étape importante à franchir en 2019 : le développement des nouvelles activités de sécurité privée

En 2019, le secteur de la sécurité privée devra également s’emparer des activités nouvelles pour créer de la valeur : je pense notamment à l’activité de surveillance armée qui témoigne de la confiance de l’État envers la sécurité privée mais qui semble se heurter aux atermoiements de certains responsables.

Je pense aussi à l’activité de détection cynophile d’explosifs sur laquelle des travaux sont en cours ou à l’utilisation des nouvelles technologies car les prestations de sûreté devront, à l’avenir, être en capacité d’apporter des réponses multiples et coordonnées intégrant tous les outils liés à l’intelligence artificielle.

Enfin, le développement de la formation des personnels de la sécurité privée sera l’un des enjeux majeurs de cette année 2019.

Maillon faible du secteur de la sécurité privée, la formation a été au centre d’une attention toute particulière et d’efforts considérables avec l’entrée en vigueur en 2017 et 2018 de :

  • la mention des activités de formation au sein du code de la sécurité intérieure,
  • l’instauration de l’obligation de formation continue, avec le maintien et l’actualisation des compétences (MAC) dont l’effectivité conditionne désormais le renouvellement de la carte professionnelle,
  • la certification des organismes de formation et le relèvement du niveau d’exigences pour les formateurs afin de poursuivre les efforts de moralisation et de professionnalisation du secteur.

L’investissement dans la formation doit se poursuivre car c’est en améliorant le niveau de compétences des agents et en généralisant les critères de qualité que les entreprises de sécurité privée pourront élaborer de nouveaux modèles économiques, plus équilibrés et mieux adaptés aux mutations profondes que nous connaissons.

L’objectif est bien de pouvoir s’appuyer sur un secteur privé fiable et solide. Et cela passera également par une montée en compétences des agents et par conséquent une hausse des salaires. Cette hausse des compétences est initiée et doit se poursuivre.

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Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous, en vous renouvelant ma confiance et mes encouragements pour transformer ce secteur stratégique de la sécurité privée.

Nous attendons beaucoup du CDSE pour contribuer à la montée en gamme des systèmes de sécurité du tissu économique français.

Oui, l’État est décidé à créer les conditions de l’émergence d’une filière de la sécurité privée plus forte !

Oui, l’État continuera à être aux côtés des entreprises !

C’est ainsi que l’on bâtira cette « société de vigilance » que le Président de la République appelle de ses vœux.

C’est ainsi que l’on donnera sa pleine consistance à la police de sécurité du quotidien.

Vous pouvez compter sur le ministère de l’Intérieur et l’ensemble de ses services.

Je ne doute pas que vous serez aussi au rendez-vous.

Bon colloque à tous !

Je vous remercie.