Allocution de M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, à l'occasion du lancement officiel de la saison de lutte contre les feux de forêts, le 5 juin 2019.
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le ministre d’État, cher François, Monsieur le préfet de la zone de défense et de sécurité sud, Monsieur le préfet de l’Hérault, Monsieur le préfet directeur général de la sécurité civile de la gestion des crises, Monsieur le député et Madame la députée européenne, Monsieur le président du conseil départemental, Mesdames et Messieurs les élus, Monsieur le directeur départemental des services d'incendie et de secours, officiers, sous-officiers, caporaux, marins, sapeurs-pompiers volontaires, professionnels et militaires, Mesdames et Messieurs.
Aujourd'hui, formellement, commence une période de l'année exigeante. Ceux qui me connaissent savent que j'ai été longtemps maire d'une commune, j’ai été longtemps celui qui, sans que ce soit une responsabilité administrative, est toujours - et les élus ici savent ce dont je parle - aux côtés de ces pompiers, avec ce sentiment possessif, non pas un possessif de propriété mais un possessif à la fois de fierté et aussi de combat. Les maires savent ce moment particulièrement difficile où il faut un annoncer un décès, où il faut se rendre sur le lieu d'un accident, où il faut être aux côtés de ces pompiers parce que ce sont des moments difficiles, parce que ce sont des moments où effectivement, vous n’êtes peut-être pas très utile parce que pas compétent, mais vous êtes juste là, à leurs côtés.
Il y a ces moments plus violents encore, ceux de l'angoisse, ceux du combat face au feu. Ceux où des territoires que l'on aime passionnément, nous les élus, vous les pompiers, tous les observateurs, sont meurtris, sont balafrés par la violence des flammes. Donc oui, oui cette période est particulièrement exigeante, exigeante pour les Français. Pour les Français, globalement qui craignent pour la destruction de leur forêt comme de leur habitat. Pour les Français, aussi parce qu'ils ont cette responsabilité et j'en appelle déjà à la responsabilité, la responsabilité de la vigilance. Exigeante évidemment, pour nos sapeurs-pompiers qui doivent comme toujours se tenir prêts, qui doivent intervenir vite pour maîtriser le feu, pour empêcher qu'il ne se propage.
Ce 5 juin marque le début de ce qu'il est coutume d'appeler la saison des feux de forêt. C'est donc surtout et avant tout le début de la saison du risque. Du risque pour les Français, du risque pour notre environnement, du risque pour tous les sapeurs-pompiers, pour les équipages de bombardiers d'eau et personnels et associations de la sécurité civile, du risque pour vous. Notre présence ici avec François de Rugy n'a rien d’un hasard. Au bord du lac du Salagou, au cœur même de l'Hérault, nous avons choisi de nous rendre dans un territoire qui connaît la réalité des feux de forêt et qui en a déjà souffert. Je pense évidemment, comme beaucoup d'entre nous ici, aux victimes de l'accident du 10 août 2016. Je pense à la famille de Jérémy, je pense à vous cher Lucas qui est avec nous ce matin, je pense aussi à Didier et David qui étaient à vos côtés. Dans ce territoire marqué par le feu, et marqué surtout par la reconnaissance pour les sapeurs-pompiers qui sont intervenus. Nous sommes heureux d'être modestement à vos côtés.
Alors aujourd'hui, ensemble, nous sommes réunis pour adresser un message aux Français. Nous nous tenons prêts. Nous nous tenons prêts car nous nous rappelons de cet été 2017 où près de 25 000 hectars de forêts avaient été emportés par les flammes. Nous nous tenons prêts car les Français comptent sur nous. Nous nous tenons prêts car l'enjeu écologique est trop grand. Nous nous tenons prêts et nous nous donnons les moyens d'intervenir. Alors, dès ma prise de fonction, j'ai demandé à ce que le plus haut niveau de vigilance soit assuré pour lutter contre les feux de forêt. J’ai demandé aussi à ce que nos moyens soient renouvelés et que chaque sapeur-pompier bénéficie des meilleures conditions pour combattre le feu. Nous sommes avec les collectivités locales, les départements, les communes en ordre de bataille face au feu. Nous avons des moyens humains. Nous pouvons compter sur les sapeur-pompiers des SDIS professionnels et volontaires qui sont les premiers arrivés face au sinistre. Nous pouvons compter sur les associations de la Sécurité civile et sur leur personnel. Nous pouvons compter sur les femmes et les hommes de formation militaire de la Sécurité civile, sur les sapeur-pompiers prêts à intervenir en renfort, sur les militaires du protocole Héphaïstos que nous avons vus encore à l'œuvre il y a quelques instants, symbole, de l'engagement commun entre sécurité civile et armée contre le fléau des feux de forêt.
Mais, les meilleures volontés du monde ne sont rien sans les bons instruments. Nous les détenons. Trois avions d’investigation et de coordination, huit hélicoptères de secours et de commandement, huit Tracker, deux Dash et un troisième qui va arriver dans quelques jours, ce mois-ci. Douze Canadair, deux hélicoptères de manœuvre et un hélicoptère léger. C'est une véritable flotte de combat du feu que nous avons constitué et je sais qu'elle est renforcée aussi par l'initiative comme celle que nous avons vue tout à l'heure dans le département qui nous accueille. Nous avons ainsi une flotte opérationnelle, nous y veillons, nous y tenons. Une flotte opérationnelle et je l'ai encore vu experte ce matin lors de ma visite de la base aérienne de la Sécurité civile de Nîmes. C'est une flotte qui se renouvelle, qui s'améliore, qui s'adapte au progrès technologique car notre flotte est particulièrement sensible dans les cadres d'intervention où elle intervient. C’est particulièrement vrai aussi pour nos hélicoptères.
Et s'il y a deux ans la France ne comptait que deux avions Dash, il y en aura huit d’ici 2024. C'est près de 400 millions d'euros qui sont engagés pour renouveler cette flotte. Huit Dash, huit Dash dont on dit qu'ils sont de véritables couteaux suisses parce qu'ils sont capables de transporter des forces et du matériel, de réaliser des évacuations sanitaires, de déverser, nous l'avons vu, 10 000 litres d'eau ou de retardateur chacun.
En un mot, nous avons la première flotte de sécurité civile en Europe. Nous avons donc les forces, vous êtes ces forces. Nous avons le matériel, mais nous avons aussi, je crois, une doctrine et une stratégie efficace. Nous misons beaucoup, parce que c'est essentiel, sur la prévention qui est capitale. Quand on sait que 90 % des départs de feu sont d'origine humaine et quand on sait qu’un mégot peut provoquer la destruction de plus de 1000 ha. La prévention, c'est ce qui permettra d'éviter ces petits gestes inconsidérés aux conséquences hélas démesurées. Je connais le travail de chacun dans ce domaine et nous avons défini sept bons comportements à adopter face au feu. Sept bons comportements que nous faisons connaître largement dans le sud de la France. Nous misons sur la vigilance et sur une organisation adaptée. Je pense à la préparation menée dans les SDIS tout au long de l’année. Je pense à nos colonnes de renfort zonale, je pense encore à notre surveillance en temps réel grâce au guet aérien armé et vous nous avez encore présenté ce dispositif il y a quelques instants.
Notre méthode, c'est aussi le partenariat et la coopération avec Météo-France et l'Office national des forêt. Je veux remercier cher François de Rugy l'implication précieuse et essentielle du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. J'ai en tête également notre travail commun avec les associations, avec les armées. Des liens de plus en plus étroits entre les SDIS, les préfectures et les états-majors zonaux. Notre méthode enfin, c'est une action rapide, vive, c'est toute la maîtrise et le savoir-faire des sapeurs-pompiers. Les feux de forêt sont parmi, vous le savez, les plus dangereux, les plus imprévisibles et plus indomptables. Il n'y a donc que les sapeurs-pompiers pour savoir les maîtriser.
Alors la réalité du combat contre les feux de forêt se tient là : dans les 30 000 sapeurs-pompiers prêts à intervenir. Elle se tient devant moi, dans votre préparation, dans votre travail de prévention, dans votre connaissance et votre maîtrise du terrain.
Sapeur-pompier, c'est s'engager à sauver. Sauver malgré le danger. Sapeur-pompier, c'est s'engager pour son territoire, pour ses habitants. Alors, pour les sapeurs-pompiers du sud, le combat contre les feux de forêt est une évidence, c'est un devoir, c'est même très souvent un appel. S'y préparer est indispensable, normal, nécessaire. Il est indispensable de se tenir prêt pour les interventions du quotidien. Notre modèle de sécurité civile est donc une force et le volontariat fait partie de cette force et de ce modèle. Notre modèle inspire l'exemple, l'admiration, l'estime. Il est reconnu à l'étranger comme l'un des plus solides pour lutter notamment contre les feux de forêt. Nos sapeurs-pompiers sont intervenus l'été dernier pour aider la Suède ravagée par les flammes. Nous formons nos partenaires aussi et pour vous donner un ordre de grandeur, 2 400 journées de formation ont été données en 2018 en dehors de nos frontières par nos formateurs français sur la question des feux de forêt.
Aujourd'hui, la France est à la pointe de l'Europe dans la lutte contre les feux de forêt. Elle est d'ailleurs le pilote du mécanisme européen de protection civile dans la matière, qui est l'incarnation même de l'Europe qui protège, de l'Europe dans laquelle chaque État collabore, coopère et s'entraide en cas de catastrophe.
Si je parle du travail exceptionnel des sapeurs-pompiers, de notre volonté de prévenir les risques, je n'oublie pas non plus que la lutte contre les feux de forêts est une question de responsabilité. Nous devons systématiquement déterminer les causes, identifier les responsables et les arrêter. C'est pourquoi il était essentiel que vous nous présentiez aussi ce dispositif d'identification, pour que, comme l'a rappelé François de Rugy tout à l'heure : à chaque fois que, par un acte volontaire, il y a la mise en risque de femmes et d'hommes, de ces territoires que l'on aime, que l'on chérit, que l'on façonne, il faut qu'il y ait une sanction. Nous devons le faire pour ceux qui ont été négligents et plus fermement encore pour les pyromanes abjects qui mettent en danger ces vies, cette terre. Elle est rouge ici, elle n'a pas à saigner plus.
Je l'affirme donc devant vous : je demande la plus grande fermeté pour tous les responsables de ces crimes et les pyromanes seront trouvés, arrêtés et traduits devant la justice. Ils le seront car ils ont commis un délit grave, un délit qui peut mettre en danger des femmes, des hommes, des habitations mais aussi notre environnement. Car il s'agit bien aussi de cela, c'est pour ça qu'il était important que l'on soit côte à côte, François de Rugy dans ses fonctions, et moi au titre du ministère de l'intérieur.
Un feu qui se déclare dans une forêt, c'est tout un écosystème qui vacille. Ce sont des espèces qui menacent de s'éteindre. C'est de la pollution, sur terre comme dans les airs, qui se propage. Agresser notre environnement, c'est nous agresser tous. C'est trahir deux fois : la société dont on brise la confiance et trahir aussi ce que l'on compromet pour l'avenir.
La criminalité environnementale détruit notre nature, aggrave les changements climatiques, met en péril la faune, brise notre biodiversité et aussi notre santé. La lutte contre la finalité environnementale est un enjeu clé du 21e siècle. Je peux vous dire qu'elle est au cœur de mes combats, au cœur des combats du Gouvernement. C'est un combat que nous partageons avec François de Rugy et je suis fier que nous soyons ensemble ici, au moment présent.
Je suis fier aussi d'avoir, dans le cadre du G7, inscrit ce rassemblement des principaux leaders mondiaux et la France en assure la présidence au mois d'août à Biarritz, et aux côtés d'Emmanuel Macron, ses six autres homologues. Mais lors du G7 des ministres de l'Intérieur, j'ai pour la première fois consacré une partie de nos travaux à la criminalité environnementale parce que trop souvent, on la prend par petits bouts. Et par petits bouts, on considère que finalement, elle ne serait pas assez importante. Pourtant, elle menace tout simplement notre avenir commun.
Ce doit donc être un sujet de combat, un sujet de mobilisation. C'est pour moi un sujet de combat, un sujet de mobilisation. Le droit face au feu, face au pyromane, est avec nous. Je voudrais rappeler qu'un pyromane risque 15 ans de réclusion. Je veux qu'il soit clair qu'en France, on ne peut pas détruire la planète, nos territoires, menacer nos vies impunément.
Mesdames et Messieurs, face aux incendies de forêt, les sapeurs-pompiers sont tout à la fois des soldats du feu, mais ils sont aussi les soldats de la terre. Nous avons besoin de vous, besoin de ce courage qui fait la force des sapeurs-pompiers, besoin de cette excellence qui fait notre fierté et notre renommée.
Aujourd'hui, la saison des feux commence. Aujourd'hui, tous les départements du sud entrent en alerte et vous avec eux. Nous ne savons pas quand le feu frappera, avec quelle intensité il frappera, mais nous sommes là, vous êtes là. Vous êtes là, pour les Français, pour les protéger face au danger. Vous êtes là pour nos forêts, pour nos espèces animales que vous contribuez à préserver.
Mesdames et Messieurs, nous sommes le 5 juin, le travail commence, notre vigilance est absolue. Merci. Merci pour tout.
Vive la République et vive la France.