Seul le prononcé fait foi
Monsieur le secrétaire d’État, cher Laurent,
Monsieur le secrétaire général,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Monsieur le préfet de police,
Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale,
Monsieur le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises,
Monsieur le chef de l’Inspection générale de l’Administration,
Monsieur le délégué interministériel à la sécurité routière,
Madame et Messieurs les membres du Haut Conseil du livre blanc de la sécurité intérieure,
Madame et Messieurs les préfets rapporteurs des groupes de travail du livre blanc,
Monsieur le directeur général adjoint de l’IFOP et vos collaborateurs,
Monsieur le directeur du Centre des Hautes Etudes du Ministère de l’Intérieur (CHEMI) et vos collaborateurs,
Mesdames et Messieurs les membres de l’équipe du livre blanc ainsi que tous ceux et celles qui participent à l’organisation de cette conférence,
Mesdames, Messieurs, membres du panel citoyens,
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Avant toute chose, je voudrais vous souhaiter la bienvenue ici, place Beauvau, au ministère de l’intérieur.
Et je voudrais vous remercier d’avoir accepté de vous rendre ainsi disponibles, deux weekends durant, en tant que citoyens, pour apporter votre regard et votre contribution à notre réflexion sur un sujet essentiel, qui nous concerne tous, je veux parler de notre sécurité.
C’est, je suppose, un exercice inédit pour vous. Mais vous savez, c’en est un aussi pour le ministère de l’intérieur ! Ici, traditionnellement, on cultive plutôt le secret que la transparence, la discrétion plutôt que l'ouverture.
Alors moi, je suis heureux, aujourd’hui, de vous accueillir.
Aujourd’hui, demain, et à nouveau dans deux semaines, vous allez être consultés, écoutés, interrogés. Vous allez faire part de vos expériences et de vos idées. Vous allez être non seulement des observateurs, mais des bâtisseurs de la sécurité de demain.
Car c’est bien notre ambition, et le projet auquel vous avez accepté de participer.
Il y a quelques mois, avec Laurent Nuñez, nous avons lancé des réflexions pour écrire un Livre blanc de la sécurité intérieure. Ce livre blanc, c’est d’abord nous poser les bonnes questions sur les mutations de la sécurité afin d’adopter les bonnes méthodes et de nous doter des bons moyens.
Notre objectif est ambitieux : fonder la sécurité du XXIe siècle, pleinement au diapason de la société, pleinement protectrice des Français.
A l’été dernier, quatre groupes de travail, formés d’experts, ont été constitués pour poser les fondements de ce livre blanc, mener un état des lieux précis de la situation et proposer des solutions.
Un premier groupe se penche sur l’organisation de nos forces de sécurité intérieure, c’est-à-dire la police, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers.
Un second scrute notre politique de ressources humaines depuis la formation jusqu’à l’attractivité et la gestion des carrières. Il s’intéresse aussi à la question cruciale des moyens matériels, l’immobilier, l’équipement. Vous le savez peut-être : il s’agit d’une préoccupation très forte – et on le comprend – des policiers et des gendarmes.
Un troisième étudie ce que nous appelons, d’une expression sans doute trop technique, « le continuum de sécurité », c’est-à-dire notre capacité à penser une sécurité globale, une sécurité où tous les acteurs publics et privés, étatiques et locaux, travaillent main dans la main pour garantir aux Français une protection en tout temps et en tout lieu.
Enfin, un dernier groupe de travail se penche sur les questions cruciales de l’innovation et des nouvelles technologies. Là aussi, vous en avez sans doute entendu parler, les développements du numérique, l’intelligence artificielle, des dispositifs émergeants comme la reconnaissance faciale offrent de nouvelles possibilités mais présentent aussi de nouveaux risques, qu’il nous faut bien mesurer, dans un équilibre à trouver, en permanence, entre les exigences de la sécurité et celles de la liberté.
C’est un travail important. Un travail, d’autant plus grand que j’ai demandé aux groupes de consulter très largement, d’aller chercher des opinions partout et de ne pas rester cantonner toujours aux mêmes experts.
Mais j’ai souhaité aller plus loin, sortir complètement des murs du ministère de l’Intérieur.
Car comment penser la sécurité des Français sans eux ? N’est-ce pas eux, n’est-ce pas vous les « usagers », les bénéficiaires de ce cette sécurité que le ministère de l’intérieur a pour tâche de produire ? Dès lors, n’est-ce pas de vous, de vos attentes, de vos besoins, qu’il faut évidemment partir ?
Ainsi, j'ai demandé aux Préfets, dans tous les départements de France, d'organiser dans les semaines qui viennent des Assises territoriales de la sécurité intérieure pour que tous ceux qui le souhaitent, élus et acteurs locaux ou simples citoyens, puissent faire entendre leur voix. Avec Laurent Nunez, nous comptons bien participer à certaines de ces réunions publiques.
Mais ce n'est pas tout. J'ai voulu aussi cette conférence des citoyens.
Son but est simple, vous l’avez compris. Réunir dans une même salle, le temps de deux week-ends, des Français qui ne se connaissent pas, qui viennent de tous les milieux, de toutes les régions et ont tous les parcours. Vous êtes le reflet de la société française. Vous avez vos histoires, vos perceptions. Et c’est pour cela que nous avons besoin de vous.
Nous avons choisi, avec Laurent Nuñez, un thème, une question importante pour notre sécurité, une question qui est au cœur aussi, de l’actualité, celle de la relation entre les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers et les Français.
Cette relation, je le sais, est forte. Les Français savent ce qu’ils doivent à leurs forces de sécurité et de secours. Ils savent combien leurs missions sont difficiles, éprouvantes, dangereuses. Nous le savons tous : notre République ne serait pas la République sans ces hommes et ces femmes qui ont choisi de la servir pour protéger et pour sauver.
Mais j’ai conscience, aussi, que cette relation a pu être affectée par les mois très difficiles que nous avons traversés, ces mois où, samedi après samedi, les forces de l'ordre ont été prises à parti et ont dû employer la force pour faire face à un niveau de violence inégalé.
Affectée aussi par des événements plus récents.
Et si vous me le permettez, je voudrais, quoique ce ne soit pas précisément l'objet des travaux qui vous attendent, dire un mot à ce sujet.
La semaine qui s'est écoulée, marquée par le décès de Cédric Chouviat, puis par un certain nombre de vidéos d'interventions des forces de l'ordre qui ont pu choquer, démontre la difficulté extrême du métier de policier.
Je ne crois pas aux alternatives simplistes. Je me refuserai toujours aux caricatures, au prêt-à-penser, d’où qu’il vienne.
Etre policier, c'est faire du danger son métier. C'est se confronter, par choix, par vocation, pour les autres, pour son pays, à la violence, à la délinquance, aux crimes, au mal, à la face la plus dure et la plus sombre de notre société.
Nous en avons eu cette nuit, à Bron, une nouvelle et tragique illustration. Alors qu’il tentait d’appréhender un véhicule suspect dans le cadre d’une enquête pour vol de fret et vols à main armée, un policier a été percuté par le conducteur. Il est actuellement entre la vie et la mort, et son état, hélas, ne nous laisse que peu d’espoir.
Cet engagement au péril de leur vie, il est celui de nos policiers, il est celui de nos gendarmes. Il mérite notre respect et notre gratitude. Ne le perdons jamais de vue.
Etre policier, c'est aussi avoir le droit d'employer la force pour faire respecter la loi.
Quelle lourde responsabilité !
Alors cet usage de la force doit être toujours, en toutes circonstances, même face aux insultes, même face aux projectiles, aux coups, à la brutalité, proportionné et maîtrisé. Jamais excessif, encore moins gratuit. Il en va de l'honneur de la police, et du sens de sa mission.
Et ce que je sais aussi, c’est que pour garantir notre sécurité collective, nous avons besoin de confiance mutuelle, durable, entre les Français et leurs forces de sécurité.
Nous ne pouvons pas bâtir une société sereine sans cette confiance. Nous ne pouvons pas assurer parfaitement la sécurité des Français si chacun ne se comprend pas, ne se connaît pas.
Sans confiance, comment être sûr que chaque agression conduit à une plainte ? Sans confiance, comment mener des politiques de prévention crédibles, notamment auprès des plus jeunes ? Sans confiance, comment intervenir sans difficulté partout en République ?
Vous êtes ici pour réfléchir, pour inventer. Sans préjugés. Loin des clichés. Avec des policiers. Avec des gendarmes. Avec des sapeurs-pompiers. Avec des universitaires qui ont accepté, et je les en remercie, de nous apporter leur regard et leur savoir.
Alors je vous demande de prendre le temps pour dialoguer et pour penser. Je vous demande aussi de ne pas dissimuler vos avis, vos perceptions, vos expériences personnelles. C’est votre liberté d’esprit qui nous est précieuse. C’est dans vos récits, que nous pourrons puiser, collectivement, des idées pour avancer, pour transformer le lien entre forces de l’ordre et citoyens, pour l’améliorer avec détermination.
Je vous demande d'être réalistes, mais jamais fatalistes, parce que je crois à l'action collective. Critiques, s'il le faut, mais toujours constructifs, parce que c'est cela, être citoyen.
Alors bien sûr, vous n’êtes pas des spécialistes de la sécurité. Mais je crois que la sécurité est l’affaire de tous, pas seulement de quelques « sachants ». Et je sais aussi que nous allons vous permettre de vous approprier les enjeux, les problématiques, les questions, grâce à des formations et des témoignages de spécialistes et de praticiens de la sécurité intérieure. Vous verrez, ce n'est pas si compliqué.
Mesdames et messieurs,
Le 25 janvier, vous aurez l’occasion de me restituer le fruit de vos réflexions. J’attends cette date avec impatience car vos choix, vos analyses, vos recommandations, seront des boussoles extrêmement utiles pour construire notre action.
Le travail que vous allez mener est donc particulièrement utile, nécessaire. Il aura, j’en suis sûr, des conséquences concrètes sur nos décisions.
Cette conférence des citoyens, c’est un engagement réciproque.
Engagement du ministère vis-à-vis de vous : d’entendre tous les avis, toutes les opinions et de puiser en elles des solutions concrètes à mettre en œuvre.
Engagement de vous, aussi, vis-à-vis de la sécurité des Français : celui de parler librement et de chercher à construire et à aider.
Je vous remercie, et je remercie tous ceux qui se sont investis et vont s'investir dans les deux semaines qui viennent pour faire de cette conférence de citoyens un temps utile pour le ministère de l'intérieur, un temps utile pour les Français.
Je vous souhaite de bons travaux.