Discours d’ouverture de M. Christophe Castaner lors du séminaire des préfets consacré à la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire

Discours d’ouverture de M. Christophe Castaner lors du séminaire des préfets consacré à la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire
28 novembre 2019

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le secrétaire d’État, cher Laurent,

Monsieur le préfet, secrétaire général du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation, cher Frédéric Rose,

Mesdames et messieurs les préfets,

Mesdames et messieurs,

J’ai voulu vous réunir pour parler d’un problème sérieux, grave.

Depuis des années, particulièrement depuis 2015, nous menons un combat intense contre le terrorisme et la radicalisation.

Ce combat, vous l’incarnez sur le terrain, dans les territoires, car le terrorisme peut frapper partout.

Vous l’incarnez par l’application du plan interministériel de lutte contre la radicalisation.

Depuis 2017, le Gouvernement a encore renforcé les moyens mis à votre disposition.

Nous avons mieux armé notre droit. La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été la première votée pendant le quinquennat et elle renforce nos possibilités de suivre et de sanctionner les individus dangereux.

1Nous avons amélioré notre organisation, en désignant la DGSI comme chef de file clair de notre lutte contre le terrorisme et en lançant le recrutement de 1900 agents supplémentaires pour notre renseignement.

Nous sommes sur nos gardes. Comme je vous l’ai dit à chaque fois que j’en ai eu l’occasion, la lutte contre le terrorisme reste au sommet de nos priorités et depuis 2013, 60 attentats ont été déjoués sur le sol français.

Mais aujourd’hui, nous voyons que nous ne devons pas nous arrêter. Le terrorisme et la radicalisation sont bien souvent les parties émergées de l’iceberg.

L’heure n’est plus aux pudeurs ni aux faux-semblants. Disons le franchement, comme vous le constatez sur le terrain : la radicalisation et le terrorisme sont les symptômes les plus graves d’un mal plus profond qui touche trop de nos quartiers.

Je veux parler de l’islamisme et du communautarisme.

Alors pour nous attaquer à ce mal, il nous faut d’abord être en mesure de le connaître et de le définir.

Contrairement au terrorisme, rigoureusement défini dans le code pénal et qui recouvre l’intégralité des infractions commises « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur », l’islamisme et le communautarisme n’ont pas de définitions juridiques précises.

Nous pouvons donc les aborder, d’abord, par la description de leur réalité politique.

L’islamisme, c’est un projet politique anti-démocratique et antirépublicain, qui place la loi de dieu – ou celle de ceux qui la détournent à leur profit - au-dessus des lois de la République. C’est un contre- projet de société, communautaire, autoritaire, inégalitaire.

Je prends bien soin de le distinguer de l’Islam qui, comme les autres cultes qui acceptent nos lois et nos valeurs, a sa place en République.

Je veux même aller plus loin. L’islamisme est le pire ennemi de l’Islam. Il crée volontairement des confusions et des antagonismes. L’islamisme, n’est pas une religion, il l’utilise et la dévoie.

Et si je peux tenir des propos si fermes, c’est parce que l’islamisme et le communautarisme peuvent être plus aisément définis en listant les principes constitutionnels qu’ils remettent en cause.

C’est le cas de l’indivisibilité de la République, à l’article 1 de la Constitution ou de l’unicité du peuple français, reconnue dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

C’est le cas de la laïcité, présente, elle aussi, à l’article 1er de la Constitution.

C’est le cas encore de l’égalité entre les femmes et les hommes, reconnue dans le préambule de la Constitution de 1946 et donc intégrée à notre bloc de constitutionnalité.

Vous le voyez, l’islamisme et le communautarisme sont des atteintes graves à notre pacte républicain, des atteintes considérables à nos valeurs les plus profondes.

Je ne peux pas accepter qu’il y ait des endroits en France où l’on combat la République.

Je ne peux pas accepter qu’il y ait des rues voire des quartiers, où notre devise « Liberté, égalité, fraternité » et j’y ajoute la laïcité, est regardée avec hostilité et défi.

Alors nous avons besoin d’agir pour que cela n’arrive plus, pour que cela n’arrive pas.

Cette mission, c’est d’abord le Président de la République qui nous l’a confiée. C’est lui qui, la semaine dernière encore, a appelé à refuser et à agir de toutes nos forces contre une « France archipel » où l’on ne se connaît plus, où on ne se parle plus, où chacun vit de son côté. Une France, où l’on rentrerait dans des cases et où la République ne compterait plus.

Ensuite, combattre l’islamisme et le communautarisme, c’est l’objectif de l’ensemble du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre. De Laurent Nuñez et moi, bien sûr, mais aussi de tous les ministères qui participent aux quotidiens des Français.

Je peux vous l’assurer, nous avançons dans le même sens et nous sommes très déterminés. C’est la raison pour laquelle devant vous, 6 membres du Gouvernement vont s’exprimer.

3Enfin, combattre l’islamisme et le communautarisme, c’est votre rôle. Je vous demande d’en faire une mission prioritaire et de la garder invariablement en tête. C’est pour cela que je vous ai réunis aujourd’hui. C’est pour ça que j’attends de vous une action résolue.

Nous le savons, cet engagement ferme ne sera pas exempt de critiques.

Par idéologie ou par ignorance, certains minimisent la réalité des atteintes à notre pacte républicain, les enfants déscolarisés et la haine professée. Ils s’abritent alors derrière un argument d’apparence imparable : ils nous accusent d’islamophobie.

Ne les laissons pas se déguiser en victimes. La haine en France, d’où qu’elle vienne n’a pas le droit de cité. Et cette haine n’a rien à voir avec l’Islam.

L’autre argument que vous entendrez peut-être remettra en cause, directement, notre modèle de société. Certains, pleins d’arrière-pensées, attaqueront notre modèle républicain, le qualifieront de liberticide et insinueront que le communautarisme est préférable.
La République est forte parce qu’elle accepte et protège toutes celles et tous ceux qui en respectent les valeurs, sans distinction. Moi, je ne connais qu’une communauté : la communauté nationale, unie et indivisible.

C’est elle que nous défendrons par tous moyens. C’est elle à qui nous donnons de nouveaux outils par cette circulaire que j’ai signée ce matin.

Cette circulaire, d’abord, c’est un changement de paradigme. Cela veut dire que nous intégrons la lutte contre l’islamisme et le communautarisme au cœur de vos missions.

Les atteintes à la République doivent être identifiées et sanctionnées. Je vous demande la plus grande vigilance et la plus grande fermeté.

Notre arsenal législatif et réglementaire est prêt. Il est à votre disposition et je vous demande d’en utiliser tous les ressorts.

4Dès qu’il existe des doutes sur un lieu ou sur une association, je vous demande de ne pas hésiter à réaliser des inspections, des contrôles. Et si des manquements sont établis, je vous demande de décider des fermetures administratives sans hésiter. Je pense aux débits de boissons qui deviennent des lieux de rassemblement islamiste. Je pense à certains lieux de culte, à certaines écoles et certains centres culturels et sportifs qui se transforment en incubateur de haine.

Alors, nous avons déjà commencé.

Depuis février 2018, un plan est mis en place dans 15 quartiers particulièrement sensibles. Il a permis de montrer notre volonté républicaine et d’asséner quelques défaites à ceux qui nous narguaient.

Nous n’avons pas lésiné sur les moyens et je voulais saluer le travail mené par les préfets des départements concernés.

Ainsi, dans ces 15 quartiers, en un peu moins de deux ans, nous avons mené 1 030 contrôles d’établissements recevant du public, comme des débits de boissons, des établissement culturels ou sportifs, des écoles hors contrats ou des lieux de culte.

Cela a pu porter ses fruits et nous avons pu fermer 133 débits de boissons, 13 lieux de culte, 4 écoles et 9 établissements culturels.

Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Nous avons attaqué le mal au porte-monnaie, 7 083 opérations de contrôle contre l’économie souterraine ont été menées et nous avons pu redresser pour plus de 17 millions d’euros.

Ce sont autant de victoires pour la République, mais le combat ne s’arrête pas là. Il doit au contraire s’intensifier.

Nous ne pouvions pas nous limiter à 15 quartiers identifiés et nous avons donc décidé d’étendre ces mesures à l’ensemble du territoire Français.

Mais ce que je vous demande, aussi, c’est de mener une offensive républicaine avec tous les acteurs de l’État à vos côtés.

5Premièrement, je vous demande d’être les organisateurs de la réponse concertée de tous les services de l’État.

Nous ne combattrons bien le communautarisme et l’islamisme que si nous les combattons ensemble, collectivement. Que si notre mobilisation est totale, conjointe : à l’image de ce séminaire.

Concrètement, je vous demande de mettre en place une cellule départementale des services de l’État que vous présiderez.

Cette cellule devra travailler en liaison avec les Groupes d’évaluation départementale et aura pour mission d’avoir une connaissance parfaitement fine des réseaux sociaux, économiques, religieux, sportifs et culturels des personnes suivies au titre de la radicalisation à caractère terroriste.

L’idée est claire : avoir une cartographie précise et savoir les lieux que nous devons suivre et contrôler.

Ensuite, vous devrez veiller à ce que les vérifications nécessaires aient bien été réalisées. Et si ce n’est pas le cas, vous mettrez en œuvre les contrôles des activités et des établissements identifiés.

Il peut s’agir de contrôle de la réglementation en matière d’établissement recevant du public ou d’hygiène, de contrôle de la réglementation des activités sportives, de contrôle de la réglementation de l’accueil des mineurs ou de lutte contre les fraudes.

Toutes les options vous sont ouvertes et je compte sur vous pour mener ces opérations.

Deuxièmement, je vous demande de maintenir un partenariat particulièrement étroit avec les autorités judiciaires.

La découverte de faits ou comportements susceptibles de constituer des infractions pénales devra être systématiquement portée à la connaissance du procureur de la République, notamment pour les faits de discriminations et pour les infractions résultant de la violation des mesures de police administrative.

Nicole Belloubet sera présente tout à l’heure pour l’évoquer avec vous.

6Troisièmement, je vous demande un suivi extrêmement rigoureux et vigilant de la déscolarisation.

Comme vous le dira Jean-Michel Blanquer quand il s’exprimera devant vous aujourd’hui, la lutte contre les stratégies d’évitement scolaire doit être prioritaire et je vous demande de nouer des liens étroits avec l’Education nationale.

Il est hors de question de laisser une partie de notre jeunesse enfermée dans l’obscurantisme, je vous demande donc également de tout mettre en œuvre pour la prise en charge des jeunes concernés.

Quatrièmement, je veux que vous puissiez mettre en place des actions de sensibilisation au sein des services de l’État.

Enfin, cinquièmement, je vous demande d’avoir, en toute circonstance, un discours républicain exigeant.

Votre seul programme, c’est notre devise républicaine. C’est l’attachement à la liberté, à l’égalité, à la fraternité – à la laïcité, aussi.

Dès lors qu’une de ses valeurs est attaquée ou remise en doute, nous devons redoubler notre attention.

Je pense notamment à notre exigence d’égalité. L’égalité, c’est l’une des premières victimes de l’islamisme et ce sont souvent d’abord les femmes qui en subissent les conséquences. Je ne peux pas le supporter. Nous ne pouvons pas, collectivement, l’accepter. Nous devons donc prendre les mesures nécessaires : Marlène Schiappa évoquera ce sujet avec vous.

Mesdames et messieurs les préfets, Pour atteindre nos objectifs, je vous demande d’agir avec méthode et en associant au maximum les acteurs de terrain concernés, au premier rang desquels les élus locaux.

Je souhaite également qu’ils soient associés pleinement à vos démarches. Nous avons besoin de bâtir une société de confiance et la confiance passe par le lien avec les élus locaux. Nous avons besoin de les associer plus fortement afin qu’ils puissent nous signaler les situations de risque qu’ils décèlent et 7que nous puissions travailler ensemble pour améliorer les choses dans des quartiers où la mixité sociale se détériore.

Enfin, dans votre action, je vous demande de ne pas vous limiter à une prévention résolue et une sanction ferme des lieux où l’islamisme sévit.

L’islamisme, bien souvent, tente d’endoctriner notre jeunesse. Il tente de séduire les plus faibles, les plus exposés. Il semble offrir bien souvent un sens et une socialisation qui manquent.

C’est donc aussi là-dessus que nous devons agir.

Je vous demande de réfléchir aux manières d’assurer la mixité sociale dans les quartiers et de faciliter partout l’installation de projets culturels, sportifs, associatifs.

Nous devons donc avoir une politique de la ville ambitieuse et concertée avec les élus ; Julien Denormandie vous en parlera tout à l’heure.

Nous ne pourrons pas vaincre l’islamisme seulement avec des mots et des sanctions. Nous devons donner partout le goût de la République et prouver qu’elle est porteuse de valeurs et de sens.

J’attends donc de ce séminaire qu’il soit l’occasion de réfléchir ensemble aux meilleures manières de combattre l’islamisme et le communautarisme. Je souhaite qu’il nous permette de penser les meilleures méthodes pour faire marcher, vraiment, le continuum de sécurité. Je souhaite enfin qu’il soit l’occasion pour chacun d’entre vous, pour chaque acteur de terrain de partager ses expériences et ses idées de la situation sur notre territoire.

Mesdames et messieurs,

J’entends parfois parler de « République qui recule ».

Aujourd’hui, avec fermeté, nous affirmons que cela n’arrivera pas.

Aujourd’hui, nous revendiquons d’être une République de combat, fière de ses valeurs, fière de sa devise et capable de se défendre face à ceux qui la remettent en cause.

8Au sein des territoires, vous êtes des vigies républicaines. Vous êtes au contact des Français et de leurs difficultés. Vous êtes au contact de ces zones, où la République est contestée.

Vous devez donc garder les yeux ouverts, être attentifs, vigilants.

Vous devez agir, aussi ; agir résolument pour mettre fin à toutes les dérives, toutes les atteintes, toutes les menaces.

C’est notre unité qui en dépend. C’est notre capacité à montrer que la République est plus forte.

Je compte sur vous pour mener cette offensive républicaine.

Je vous remercie.