École nationale de Police de Sens (89) –Vendredi 30 août 2019.
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le préfet, directeur général de la police nationale,
Monsieur le directeur de l’école nationale de police de Sens,
Mesdames et messieurs,
Chers élèves gardiens de la paix,
Chers adjoints de sécurité et cadets de la République,
Servir.
Voilà un mot superbe. Un mot qui marque les esprits – et les carrières.
Servir.
Voilà le sens de l’engagement qui commence pour vous. Voilà le sens de votre vocation, de ce concours que vous avez passé, de cette formation que vous avez reçue, de ces stages sur le terrain.
Demain, partout en France, dans vos différents postes, vous serez pour les Français le visage accessible de l’Etat et de l’ordre.
Vous serez les figures attendues, espérées, quand un drame survient.
Vous serez les garants de la sécurité publique, vous éluciderez des affaires. Vous serez celles et ceux qui maintiennent l’ordre, assurent la sécurité de nos frontières ou interviennent dans les situations les plus difficiles.
Vous aurez des carrières riches, diverses. Vous ferez mille métiers et serez confrontés à mille défis, mais toujours, vous servirez votre pays.
En préparant le concours, en le passant puis en attendant de rejoindre l’école, vous avez pu réfléchir au sens de votre engagement dans la police. Vous avez pu l’éprouver.
Depuis 10 mois, et bien avant dans ma vie d’élu, j’ai parlé à beaucoup d’entre vous, beaucoup de vos camarades.
J’ai vu la fatigue après les heures de service. J’ai entendu les doutes, parfois. Mais plus que tout, j’ai vu une volonté. J’ai vu une détermination. J’ai vu un sens de la mission et du devoir.
Ne les perdez pas. Vous êtes indispensables à notre société. Vous êtes en son cœur. Vous en prenez le pouls.
Gardiens de la paix, adjoints de sécurité ou cadets de la République, en rejoignant la police, vous rejoignez une famille. Une famille soudée, unie, avec ses figures, ses grandes affaires et ses heures de gloire. Une famille qui évolue aussi, et qui change au rythme de la société pour toujours mieux la protéger.
La tâche est lourde, mais j’ai confiance en vous.
J’ai confiance parce que je connais la qualité de votre recrutement et des enseignements que vous avez reçus.
J’ai confiance parce que je sais que l’on ne devient pas policier par hasard. Cet uniforme, vous avez choisi de le porter parce que vous croyez en votre pays. Parce que vous croyez en ses valeurs et en sa liberté. Cet uniforme, vous avez choisi de le porter animés par un profond rejet de l’injustice, guidés par un amour sincère de la République.
La 250e promotion des élèves-gardiens de la paix porte le nom de Marlène Castang. Marlène Castang avait suivi le même parcours que vous, elle avait les mêmes rêves, la même soif de service. Ce 15 octobre 2018, elle était emportée par un chauffard alors même qu’elle intervenait avec un équipage police-secours pour un accident près d’Albi. Elle voulait protéger. Elle est morte emportée dans son devoir. Je me suis rendu à Albi voir sa famille, ses proches, ses camarades. J’ai vu la tristesse bien sûr. J’ai vu aussi la puissance d’un collectif, celui de la police.
Ce nom, c’est le synonyme du devoir. C’est le rappel, dur, difficile qu’il n’y a pas de mission anodine ni de tâches sans danger.
Ce nom, c’est aussi le symbole du courage et de la persévérance. Faites le vivre. Faites-lui honneur.
250e promotion d’élèves gardiens de la paix,
122e promotion d’adjoints de sécurité,
14e promotion de cadets de la République,
Vous avez choisi un engagement complet.
Il sera fait d’instants de partages, de travail collectif, de succès.
Il sera fait, aussi, d’épreuves qu’il vous faudra surmonter. Et en disant ces mots, je pense bien sûr, à votre camarade de promotion Romaric Savary du Centre de Formation de la police de Chassieu. Son décès a endeuillé la 250e promotion et je veux vous dire ainsi qu’à sa famille et ses proches toute mes pensées et ma solidarité.
Vous avez choisi un engagement noble – et vous ne le regretterez pas.
Vous serez les policiers du XXIe siècle, pleinement inscrits dans la société d’aujourd’hui et de demain.
Ce policier du XXIe siècle, c’est celui qui combat la criminalité au présent et au futur, pas celle d’il y a 10 ou 15 ans.
Nous devons nous tenir prêts, nous poser les bonnes questions et identifier les évolutions de la sécurité intérieure. Nous devons avoir un temps d’avance sur la délinquance.
Qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de terrorisme, de la violence qui gangrène notre société moderne, de criminalité environnementale ou de cyberdélinquance : nous devons identifier les enjeux et trouver les moyens d’y répondre.
C’est pour cette raison que nous allons préparer un livre blanc de la sécurité intérieure. Un livre blanc, c’est-à-dire une réflexion vaste qui permettra de répondre aux bonnes questions : quelles menaces et quelles réponses adaptées à ces menaces nouvelles.
Je souhaite qu’avec vos collègues, vous soyez associés à ce livre blanc. Je veux recueillir vos idées, vos impressions et vos espoirs de jeune policier. Un grand débat sur la sécurité intérieure se tiendra – et votre parole y aura toute sa place.
Mais quand je parle de policier du XXIe siècle, je pense aussi à une attitude, à une manière d’être et d’agir.
Un policier du XXIe siècle, c’est d’abord un homme ou une femme d’honneur et de vertu. N’ayez pas peur de la question « pourquoi ? » mais soyez fidèles à la parole de vos chefs. Apportez la fraîcheur et l’enthousiasme de votre jeunesse et inspirez-vous de l’expérience des anciens. Traitez avec le même respect vos supérieurs et ceux que vous commanderez.
Un policier du XXIe siècle, c’est un policier qui vit avec la société, qui vit à son contact et connaît son territoire.
Vous remettre sur le terrain, vous permettre d’aborder les populations, c’est l’ambition que nous poursuivons avec la police de sécurité du quotidien. La police de sécurité du quotidien, c’est cette nouvelle méthode que nous avons instaurée qui sera le cœur de votre métier. Il s’agit de bâtir une police au contact des habitants, une police de dialogue et de concertation, une police du sur-mesure, qui s’adapte à chaque ville, à chaque quartier.
C’est aussi une police qui place plus d’éléments là où il y en a vraiment besoin : je pense notamment aux quartiers de reconquête républicaine. Certains d’entre vous y prendront leurs fonctions dans quelques jours. Et leur engagement total y sera aussi nécessaire que passionnant.
Un policier du XXIe siècle, aussi, c’est un policier qui a pleinement les moyens de son action.
Je pense à ces 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur toute la durée du quinquennat. Vous en faites partie et, grâce à vous, notre sécurité intérieure connaît une montée en puissance majeure.
Je pense aux équipements renouvelés et en particulier aux véhicules. Nos efforts sont conséquents : 6000 véhicules neufs ont été commandés l’année dernière et 5800 le seront cette année.
Je pense aussi à des conditions de travail dignes, car il est hors de question que le commissariat soit en moins bon état que le repère du caïd. 900 millions d’euros sont déployés pour un plan immobilier ambitieux, un plan immobilier qui permet déjà de rénover vos lieux de travail.
Enfin, et j’y tiens particulièrement, un policier du XXIe siècle, c’est celui qui peut vivre avec les siens et adapter les exigences de son métier à celles de sa vie personnelle.
Nous avons donc convenu, en décembre, avec les partenaires sociaux, d’une augmentation très nette du salaire des gardiens et des gradés. Cette hausse se fait en trois temps, deux ont déjà eu lieu, le troisième se tiendra au 1er janvier et au total ce sont entre 120 et 130 euros en plus chaque mois pour les gardiens et les gradés, pour vous.
Ensuite, nous abordons en ce moment même la réforme des cycles horaires. Ma conviction est simple : personne ne devrait avoir à choisir entre la famille et la mission. C’est pourquoi nous discutons en ce moment avec les partenaires sociaux et que je souhaite qu’il vous soit à l’avenir possible de bénéficier d’un week-end de trois jours tous les deux week-ends : bien loin d’un week-end sur six comme c’est encore souvent le cas aujourd’hui.
Je veux que notre pays soit celui où il fait bon être policier. Je veux aussi que vous sachiez que si des doutes surviennent, que si un mal-être vous envahit : il n’y a pas de honte. Vous n’êtes pas seul. Vous êtes en droit et dans la possibilité d’être aidés.
Mesdames et messieurs,
Pendant votre scolarité, la France a été marquée par une des crises les plus aigües de l’ordre public qu’elle ait eu à subir sous la Ve République.
Une crise longue, difficile.
Une crise lors de laquelle certains ont voulu s’en prendre aux institutions et renverser l’Etat.
Une crise, aussi, où la police nationale a été mise en cause systématiquement, où les slogans les plus durs ont été prononcés, où les violences les plus brutales ont été commises.
Grâce à ceux qui sont maintenant et pleinement vos collègues, vos camarades : nous n’avons pas vacillé.
Mais de cette crise, nous devons tirer toutes les conséquences.
Notre doctrine de maintien de l’ordre était un héritage du passé. Elle était façonnée par des décennies de manifestations structurées aux itinéraires négociés et aux services d’ordre aguerris.
Lors de la crise des gilets jaunes, la violence s’est immiscée dans les cortèges. Des individus dangereux se sont infiltrés parmi les manifestants, ont dévoyé les idées, et ont attaqué indifféremment les forces de l’ordre, les habitants et les biens.
Ces gens-là ne cherchaient que le chaos et l’affrontement. Ils n’ont rien à voir avec l’expression libre des idées. Rien à voir avec les manifestations légitimes, qui sont au cœur des combats de certains Français.
Après le 1er décembre, dans la crise et dans l’urgence, avec Laurent Nuñez, nous avons pris nos responsabilités. Pour faire face à un déchaînement extrême de violence, nous avons changé en profondeur une doctrine de maintien de l’ordre ancienne et dépassée.
C’est grâce à ces changements, grâce à l’engagement de vos camarades pour les appliquer, que les violences ont pu être contenues et que la République a tenu.
Mais cela ne veut pas dire que tout est parfait.
Il y a eu au cours de ces derniers mois des blessés. Des blessés trop nombreux chez les forces de l’ordre comme chez les manifestants.
Nous pouvons faire mieux. On peut toujours faire mieux.
Avant l’été, une fois la tension retombée, j’ai lancé une concertation pour réviser notre schéma national du maintien de l’ordre. Nous avons associé les forces, vos camarades qui étaient sur le terrain. Nous avons consulté experts, professionnels étrangers, magistrats et journalistes.
Nous avons d’ores et déjà identifié des marges de progression : sur la question des sommations ou encore de l’usage des armements intermédiaires.
La réflexion est engagée et je suis prêt à tout mettre sur la table pour trouver les meilleures solutions.
Demain, sur le terrain, vous aurez sans doute à les mettre en œuvre. Je compte sur vous. Je compte sur votre exemplarité, aussi, qui est le ciment de notre confiance. Je compte sur votre discernement, aussi, car il est celui qui permet aux grands policiers de se distinguer.
Toute votre carrière, ces devoirs d’exemplarité et de discernement vous suivront. Vous devrez en être dignes, mais savoir que toujours, s’il y a des doutes, il y aura des enquêtes et s’il y a des fautes, il y aura des sanctions.
Mais à l’heure où je vous adresse ces consignes ; j’aimerais que chacun, en dehors de notre Institution, réfléchisse à son tour.
J’invite chacun à se poser la question : qu’adviendrait-il de notre société ? Qu’adviendrait-il de la France, si vous, les policiers n’étiez pas là ?
Que serait-il arrivé ces derniers mois si vous n’aviez pas été là pour défendre la loi et protéger les Institutions face au déchaînement de violence que nous avons connu ?
En tant que citoyen français, en tant que républicain, j’ai cette certitude chevillée au corps : vous, la police, êtes essentiels pour la République, et votre engagement inspire le respect.
Mesdames et messieurs,
Pour la plupart d’entre vous, vous devenez aujourd’hui « gardien de la paix ».
Je crois que cette expression, plus que jamais, a tout son sens.
Notre société a besoin d’apaisement et de justice. Elle a besoin de stabilité et de protection.
Alors, en sortant de cette école, en prenant vos postes, vous n’êtes pas seulement des policiers mais aussi ces gardiens, attentifs et vigilants de la concorde de notre République. Vous êtes celles et ceux qui veillent sur elle. Vous êtes celles et ceux qui veillent sur les Français.
Je vous souhaite de belles et fructueuses carrières. Ne perdez jamais ni votre enthousiasme, ni votre cœur.
J’ai confiance en vous.
Je compte sur vous. Les Français comptent sur vous.
Vous pouvez compter sur moi.
Vive la République ! Vive la France !