Allocution de M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, prononcé à l'occasion de l'installation du nouveau Préfet de Police.
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Préfet de police,
Madame la maire de Paris,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs,
Dans cette cour, des femmes, des hommes.
Dans cette cour, l’engagement, le travail, l’honneur.
Je suis fier d’être au milieu de vous.
Fier de me tenir avec ceux qui risquent leur vie pour servir et protéger.
Fier de me tenir avec ceux qui ont choisi l’uniforme, qui ont choisi l’État, qui ont choisi la mission.
Fier et exigeant. Car on ne peut aimer la PP, sans attendre d’elle l’excellence, le meilleur, l’exemplarité.
La préfecture de police n’est pas une institution comme les autres.
Elle n’est pas ordinaire par la ville qu’elle protège, par les crimes qu’elle combat, par les dangers qu’elle affronte.
Elle n’est pas ordinaire par son histoire, par ses missions, par ce qu’elle a su surmonter.
La PP, ce sont toutes les facettes de notre sécurité qui se complètent et se répondent. Du commissariat à la PJ. Des casernes de la Brigade aux planques de la DRPP. Des services d’intervention aux services scientifiques. Des bureaux de l’île de la cité à la lutte contre le terrorisme. Chacun de vos gestes compte, chacune de vos décisions sauve. Vous êtes les gardiens et les garants de la sécurité des Parisiens.
Vous êtes les femmes et les hommes du terrain, prêts à affronter tous les crimes, à contrer toutes les délinquances.
Vous êtes la préfecture de police, qui veille sur l’agglomération parisienne, sur nos libertés, sur nos institutions – qui les protège.
Au milieu de vous, je vois des femmes et des hommes déterminés. Je vois la conscience aigüe des défis qui nous attendent. Je vois la sécurité des parisiens qui fait corps, qui fait face, qui fait front.
Cette unité, c’est notre force. Ne la perdons pas, ne la perdons jamais. Nous devons agir ensemble.
Réagir ensemble.
Par temps calme comme dans la tempête, nous devons avancer dans le même sens, avec courage, avec loyauté.
Aujourd’hui n’est pas un jour de temps calme. N’ayons pas peur de la tempête. Elle est aussi un souffle, un souffle puissant qui permet d’aller plus vite, plus loin.
Je sais que les dernières semaines ne vous ont pas épargnés. Samedi après samedi, vous êtes dans les rues, mobilisés. Unis, vous défendez la République avec beaucoup de courage. Je sais ce que cela représente pour vous, pour vos familles. Je sais quelle est votre abnégation, votre sens du devoir.
Vous subissez les attaques, les insultes des casseurs, les pavés et les cocktails molotov jetés. Il y a eu parmi vous de nombreux blessés. Il y a vos nerfs qu’ils tentent de faire flancher. Il y a ces scènes violentes, insupportables, ces témoignages que j’ai entendus : « ils voulaient nous tuer ».
Vous avez tenu bon.
Vous avez tenu bon face aux agressions. Vous avez tenu bon, aussi, face aux commentateurs abjects, aux attaques basses, aux mises en cause gratuites.
Aujourd’hui, il n’y a plus de limite à l’indécence. J’étais dimanche devant la plaque en mémoire de votre collègue Xavier Jugelé, taguée et dégradée. Certains s’en prennent même aux victimes du terrorisme : c’est immonde, c’est infâme.
Vous avez tenu bon mais samedi dernier, il nous faut le reconnaître ensemble, ce qui s’est passé sur les Champs-Élysées n’aurait jamais dû se produire.
Après ce terrible 1er décembre, que nous avons tous en mémoire, nous avions, avec Laurent Nuñez, pris nos responsabilités et fait évoluer en profondeur la doctrine du maintien de l’ordre, une doctrine qui, je le rappelle, n’avait pas changé depuis des années. Nous l’avons fait avec vous, à l’écoute des hommes de terrain. Nous avons défini une stratégie de mobilité, de réactivité, de contact, d’interpellations. En assumant. En assumant, oui, les risques que cela comportait.
C’est cette doctrine qui a été mise en application avec succès le 8 décembre : les violences ont été contenues et l’ordre maintenu.
C’est cette doctrine qui aurait dû à nouveau guider notre action samedi dernier. Tel ne fut pas le cas. Nous connaissons la suite.
Il y a eu des dysfonctionnements dans notre organisation collective. Avec le président de la République et le Premier ministre, nous en avons immédiatement tiré les conséquences.
Avec Laurent Nuñez nous avons proposé une méthode pour inscrire la mobilité, la réactivité, dans le marbre de votre action. Nous avons proposé des moyens nouveaux d’action. Le Premier ministre les a acceptés, il les a validés. C’est aujourd’hui votre doctrine en matière de gestion de l’ordre public.
Dès samedi prochain, elle s’appliquera et certaines de ces mesures monteront en puissance dans les semaines qui viennent, quels que soient les rendez-vous à venir, car il est temps à présent de regarder devant nous.
Une mission nous attend, les Parisiens et les Français comptent sur vous. Alors nous allons surmonter l’épreuve, ensemble.
Redresser la barre, ensemble.
Réussir, ensemble.
Mais avant d’évoquer l’avenir, je veux ici saluer le Préfet Michel Delpuech. Il a dirigé la préfecture de police. Il a exercé cette mission, assumé cette responsabilité dans des temps particulièrement difficiles et exigeants. Il l’a fait avec abnégation, avec un engagement total, avec ce sens du devoir et de l’État que tous nous lui connaissons. Il part mais il reste et restera un grand serviteur de l’État.
Didier Lallement, vous devenez aujourd’hui Préfet de police. Vous avez la charge de diriger cette institution. Vous devez l’animer, l’inspirer, la mener. Et votre temps ici sera celui de la responsabilité.
Didier Lallement, votre parcours est celui de la République, celui d’un homme qui s’est construit parce qu’il croyait en elle. Celui d’un homme qui a été guidé par le sens de l’État et n’en a jamais dévié.
Vous connaissez parfaitement ce ministère. Vous l’avez servi en préfecture, dans plusieurs de ses directions, en cabinet, comme secrétaire général. Vous en connaissez chaque recoin, chaque subtilité, chaque difficulté aussi.
Vous savez diriger, décider, réformer. Dans chaque poste, vous avez laissé une empreinte, amélioré durablement la vie de vos administrés. Préfet, vous organisez un G8 historique en Normandie. Secrétaire général du ministère de l’Intérieur, vous créez les SGAMI. Dans l’administration pénitentiaire, vous créez les ERIS, capables d’intervenir vite et de ramener l’ordre alors que chaque seconde compte. Vous avez même réussi à fonder une administration toute entière, en regroupant des services épars pour créer un ensemble cohérent, le ministère de l’écologie.
Vous êtes un homme de conviction, et vous avez choisi de les assumer. Vous êtes un homme de principes, et vous avez choisi de les porter. Car quand il s’agit du service public, vous ne transigez pas.
Didier Lallement, votre modèle est Georges Clemenceau. La main de Clemenceau n’a jamais tremblé quand il s’agissait de se battre pour la France.
La vôtre ne devra pas trembler, non plus, devant les réformes que vous devrez mener.
Devenir préfet de police n’est pas une récompense ou un aboutissement, c’est un honneur, c’est un devoir, c’est une charge, c’est une obligation de résultat.
Je vous ai donné une lettre de mission claire. Vous avez toute ma confiance. Je vous donnerai la latitude nécessaire pour réussir votre mission, et je compte en retour sur votre action résolue, déterminée.
Votre première mission sera de maintenir l’ordre public dans la capitale.
Samedi, sur les Champs-Élysées, il n’y avait pas de manifestants ; il n’y avait que des haineux, des ultras, des factieux. Des gens venus pour casser, pour détruire, pour agresser, car on ne peut pas se prétendre simple spectateur de ceux qui défigurent Paris, de ceux qui balafrent la France.
Je vous demande de faire en sorte que la doctrine de maintien de l’ordre telle que nous l’avons redéfinie entre le 1er et le 8 décembre soit effectivement et résolument mise en œuvre, sans hésitation ni demi-mesure.
Mais nous devons aller encore plus loin. Les scènes de samedi nous le montrent, la violence est montée d’un cran. Notre réponse doit être la fermeté, la fermeté encore renforcée. C’est le sens même des décisions annoncées par le Premier ministre cette semaine et je vous demande qu’elles soient pour l’essentiel effectives dès samedi.
Lorsque les services auront établi la présence probable d’éléments appelant à la violence et prêts à porter atteinte aux institutions, aux forces de l’ordre, aux personnes ou aux biens, vous interdirez les rassemblements annoncés ou envisagés, notamment sur les Champs-Élysées, la place de l’Étoile et celle de la Concorde. Vous mènerez évidemment votre travail en concertation étroite avec le Procureur de la République et la maire de Paris.
Je veux que cela soit très clair : ici, le danger n’a pas droit de cité.
Protéger les manifestations, c’est briser l’émeute.
Aussi, dès lors qu’un rassemblement se fera dans les périmètres interdits, vous veillerez à le disperser immédiatement et vous ferez procéder à des interpellations. Je vous demande d’agir vite pour ne pas laisser la moindre chance aux attroupements de se renforcer.
Je souhaite que tous les échelons participent au maintien de l’ordre, au bon niveau, selon un principe de subsidiarité qui permettra de confier à l’autorité de terrain, c’est-à-dire au commissaire de police manœuvrant son ou ses unités, une vraie responsabilité.
Je vous demande également de veiller à ce qu’il y ait une unité de commandement, car sans unité il ne peut y avoir de manœuvre réussie. Mais unité de commandement ne veut pas dire travail en autarcie. Je souhaite donc que les responsables des forces mobiles soient associés en amont à la préparation du service d’ordre mais aussi, en aval, lors de retours d’expériences, afin de partager l’information, de nous adapter en permanence et ne jamais nous laisser surprendre.
Vous pourrez vous appuyer sur les militaires de Sentinelle, qui ne doivent en aucun cas participer au maintien de l’ordre. Pour assurer la protection des biens et des personnes contre le terrorisme, ils sont là, ils sont toujours là. Ils le font depuis tant d’années, avec un dévouement total à la nation. Ils le font dans des conditions rendues plus difficiles encore ces dernières semaines. Mais ils sont là chaque semaine, chaque samedi. Et ils seront encore présents samedi prochain. Nous leur en sommes particulièrement reconnaissants.
Monsieur le Préfet de police, rien n’est plus destructeur que le sentiment d’impuissance et d’injustice. Je vous demande donc une impunité zéro.
La place des black blocs est en prison, pas sur les Champs-Élysées. Il faut que la Justice soit en mesure de faire son office. Pour cela, il convient d’établir les faits et de rassembler des preuves.
Vous porterez donc un soin particulier, en lien avec le Procureur de la République, à ce que des dispositifs soient mis en place pour permettre la constatation des exactions et ainsi assurer leur judiciarisation, sous l’angle pénal comme sous l’angle des poursuites civiles pour que le principe casseur-payeur soit une réalité.
Monsieur le Préfet de police, il y a l’exigence urgente de l’ordre public. Elle ne doit pas vous détourner des menaces permanentes qui pèsent sur nos concitoyens, et notamment la plus vive d’entre elles : le terrorisme.
Je vous demande d’en faire votre autre priorité. Sur ce plan, j’attends de vous et des services placés sous votre autorité un engagement sans faille et une vigilance permanente. Que ce soit en matière de renseignement, de sécurisation ou de réaction opérationnelle, la mobilisation de l’ensemble des services de la préfecture de police doit être totale et étroitement articulée avec les autres services concernés du ministère de l’Intérieur. Vous veillerez à ce que l’ensemble des outils juridiques mis à notre disposition, et notamment les mesures introduites par la loi SILT, soient pleinement appliqués.
Votre responsabilité, monsieur le Préfet de police, c’est d’assurer la sécurité dans l’extraordinaire comme dans l’ordinaire. D’assurer une présence accrue de vos hommes sur le terrain, sur la voie publique, auprès de nos concitoyens.
Vous avez sous vos ordres 27 000 fonctionnaires de police, ils sont prêts et déterminés à combattre la délinquance. Ils vous attendent et attendent des décisions fortes.
Vous veillerez donc au bon déploiement de la police de sécurité du quotidien.
La police de sécurité du quotidien, c’est une police « sur mesure », adaptée à chaque territoire, à chaque arrondissement, à chaque commune de la plaque parisienne. C’est une police de la confiance, qui connaît le terrain et noue des liens solides avec la population, avec les élus. C’est une police du respect, avec des conditions de travail et d’engagements meilleures pour nos forces de l’ordre.
C’est une police du collectif, qui fonde des partenariats avec les élus, d’abord, mais aussi avec les associations, avec tous les acteurs de la société civile. Vous avez la charge d’animer ce collectif, je compte sur vous pour y veiller.
C’est une police, enfin, qui met plus de moyens, plus d’effectifs, là où il y a des besoins.
Vous superviserez la bonne installation des quartiers de reconquête républicaine et serez attentif à leurs résultats. Ils recréeront le dialogue avec les habitants de tous les quartiers. Ils devront briser les trafics et contrecarrer la radicalisation, car la loi doit être respectée sur chaque mètre carré de la République.
La préfecture de police, c’est l’excellence, aussi, dans la lutte contre la délinquance, dans la lutte contre la grande criminalité, dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Chacun le sait ici : très souvent, sont nés au cœur de la préfecture de police des plans et des actions qui ont ensuite été appliqués sur l’ensemble du territoire national.
La préfecture de police, c’est aussi la délicate gestion de la sécurité dans les transports. Mais c’est enfin, l’excellence, aussi, dans la gestion des grands événements festifs, sportifs et populaires.
Monsieur le Préfet de police, je vous demande d’être un réformateur pour la Préfecture de police.
La Préfecture de police l’a déjà montré, forte de son histoire, elle sait se tourner vers l’avenir. Elle sait évoluer, s’adapter, pour répondre avec toujours plus d’efficacité aux missions qui lui incombent et aux nouveaux enjeux de notre société.
Je ne souhaite pas remettre en cause le principe d’une organisation spécifique pour l’agglomération parisienne ou l’exercice par le Préfet d’un pouvoir de police générale. Nous ne cherchons pas à affaiblir la Préfecture de police, mais à toujours mieux l’intégrer et à la moderniser. Je souhaite donc que vous me fassiez des propositions pour réformer la PP à court et moyen terme.
La lettre de mission, qui vous a été remise, désigne des objectifs, elle identifie des pistes. Elle s’inscrit plus largement dans le mandat de transformation que j’entends mener pour l’ensemble de la police et de la gendarmerie.
L’organisation des services en charge de l’immigration irrégulière, celle des services spécialisés, celle des services de soutien technique devra être examinée de près. Il n’est pas question de dire que telle ou telle organisation est bonne ou mauvaise par principe. Il s’agit de s’interroger toujours sur l’efficacité opérationnelle. De s’interroger sans parti pris, sans tabou. Il s’agit de gagner en simplicité, de limiter le nombre d’états-majors et de revoir, le cas échéant, les structures.
Je veux que toutes vos propositions soient guidées par des principes clairs : améliorer l’efficacité du service public, gagner en fluidité dans nos échanges et dans notre organisation et permettre un meilleur partage des informations opérationnelles entre les services.
Mesdames et messieurs,
J’ai confiance.
J’ai confiance en vous, en votre engagement, en votre volonté.
Je connais votre courage, votre sens du devoir et votre responsabilité.
Didier Lallement, Georges Clemenceau disait : « il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir courage de le dire. Quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »
Votre route est tracée. Les objectifs sont là. Une institution vous attend avec ses forces, son histoire. Une Institution qu’il faut réformer, diriger, inspirer.
Vous avez 45 000 femmes et hommes sous vos ordres. Ils sont parmi les meilleurs. Ils connaissent le sens du devoir et veulent servir leur pays. Nous devons être à la hauteur de leur engagement. Nous en montrer dignes. Ils vous attendent. Ils nous attendent.
Monsieur le Préfet de police, je vous ai dit tout à l’heure que votre temps serait celui de la responsabilité. Ce sera aussi celui du courage, du travail, de la modernité.
C’est aussi celui de la confiance, monsieur le Préfet de police, de ma confiance.
La préfecture de police a encore bien des pages de son histoire à écrire. Je compte sur vous. Je compte sur vous tous.
Vive la République ! Vive la France !