Discours de M. Bruno Le Roux, ministre de l'Intérieur, prononcé à l'occasion de l'installation du nouveau Conseil national de la sécurité routière, le 23 janvier 2017, à la préfecture d’Île-de-France à Paris.
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député, Président du Conseil national de la Sécurité routière,
Monsieur le Délégué interministériel à la sécurité routière,
Mesdames et Messieurs les membres du CNSR,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que je participe, aujourd’hui, à cette réunion du Conseil national de la Sécurité routière. Je remercie d’ailleurs Jean-François CARENCO de nous accueillir dans les murs de la préfecture de la Région Ile-de-France : c’est là, à mes yeux, un symbole fort de l’attention toute particulière que prêtent l’Etat et le Gouvernement aux enjeux qui s’attachent à la sécurité routière.
A cet égard, je me réjouis qu’il ne s’agisse pas d’une séance comme les autres, puisqu’elle est l’occasion d’un renouvellement, celle de l’installation du nouveau CNSR. Il y a bien sûr de la solennité dans l’événement qui nous rassemble aujourd’hui, mais aussi, comme cela est bien normal, une certaine excitation, l’enthousiasme qui est le vôtre à l’idée de vous atteler à la tâche, d’agir pour la sécurité des Français au volant, sur la route, dans leurs déplacements de tous les jours.
La politique publique de sécurité routière se trouve au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est là une évidence pour chacun d’entre nous, mais elle doit sans cesse être rappelée. Car elle nous confère une responsabilité particulière : les décisions que nous prenons, les actions que nous menons, emportent directement des conséquences concrètes dans la vie des Français. De là, le caractère de centralité, mais aussi de sensibilité, de cette politique publique.
La sécurité routière n’est donc pas une politique publique comme les autres. Elle met en jeu l’une de nos libertés les plus fondamentales, celle de se déplacer en toute sécurité, que ce soit pour des raisons personnelles ou bien pour des raisons professionnelles. Par là même, elle touche à l’une des conditions de toute vie sociale, de tout développement économique. Elle touche aussi à ce que nous considérons comme relevant de notre intimité, à notre inconscient collectif sur le sujet, la voiture étant souvent perçue comme un prolongement du domicile, de l’espace personnel.
Et pourtant, il n’y a pas d’espace plus contraire à l’idée même d’individualisme que la route et la voie publique. L’on n’y est jamais seul. Là aussi, c’est une évidence, un truisme même, mais qu’il faut constamment rappeler. Sur la route, la sécurité de chacun passe par la responsabilité de tous, ma sécurité est indissociable de celle d’autrui.
C’est la raison pour laquelle l’Etat doit s’engager avec détermination et la sécurité routière est une priorité d’action du ministère de l’Intérieur. Mon objectif est donc de veiller à une mise en œuvre rapide, totale et optimale des mesures engagées par mes prédécesseurs, Manuel VALLS et Bernard CAZENEUVE, mais aussi de préparer l’avenir, avec le concours du CNSR, qui est l’un des garants de cette continuité.
A chacun et chacun d’entre vous, je souhaite donc la bienvenue au sein du CNSR, lequel sera, grâce à vous et pour un nouveau mandat de 3 ans, une force de proposition incontournable, une véritable instance de prospective à même d’éclairer les choix du Gouvernement en matière de sécurité routière.
Mais aujourd’hui, l’heure est d’abord au bilan. En premier lieu, celui de l’année 2016.
Comme chaque année, les chiffres seront stabilisés au printemps, ce qui ne nous interdit de dresser un premier bilan, lequel évoluera assez peu compte tenu de la fiabilité du modèle statistique utilisé.
Un peu moins de 3 500 personnes (3 469 très exactement) ont perdu la vie sur la route, au cours de l’année 2016, soit 8 victimes de plus par rapport à 2015 (+0,2%). L'année 2016 s’inscrit donc dans une tendance à la stabilisation, sans cette rupture qu’on était en droit d’attendre de par notre engagement avec les deux années de hausse consécutives, 2014 et 2015.
Ces résultats doivent être replacés dans le contexte plus large de ces cinq dernières années.
Depuis 2012, nous avons en effet enregistré une diminution de -12,5% du nombre de tués sur la route. C’est là autant de vies épargnées, d’existences préservées. A titre d’exemple, il y a eu, en 2016, près de 500 victimes en moins qu’en 2011, c’est-à-dire près de 500 vies préservées en plus.
Bien sûr, il y a, et il y aura toujours, trop de morts sur la route. C’est la raison pour laquelle tout triomphalisme nous est interdit.
Mais nous progressons, petit à petit, nous nous rapprochons, étape par étape, de l’objectif que nous nous sommes fixé : moins de 2 000 morts sur la route en 2020.
Plus que jamais, cet objectif doit être réaffirmé, car il est à la fois ambitieux, réaliste et accessible : en témoignent les résultats de ces cinq dernières années, en dépit d’une mauvaise tendance conjoncturelle. Nous devons poursuivre nos efforts, continuer dans la direction que nous avons choisie. Mais aussi ouvrir de nouveaux champs de réflexion, imaginer de nouvelles solutions qui tiennent compte des évolutions technologiques et des habitudes de conduite, anticiper les changements de société pour mieux protéger nos concitoyens et continuer à faire reculer la mortalité routière.
Je le dis avec humilité et détermination : si nous avons pu faire baisser la mortalité routière depuis 2012, c’est grâce aux mesures novatrices que nous avons prises ces dernières années. A cet égard, je veux rendre hommage à mes deux prédécesseurs, Manuel VALLS et Bernard CAZENEUVE. Je veux aussi saluer l’action de l’ensemble des acteurs de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières, car c’est, et pour beaucoup, grâce à eux que nous avons pu mettre en œuvre avec efficacité les décisions prises.
81 mesures ont été adoptées par le Gouvernement au cours de l’année 2015, réaffirmant ainsi la mobilisation de tous les départements ministériels dans la mise en œuvre de la politique publique de sécurité routière.
Au-delà des chiffres, quel bilan pouvons-nous en dresser ?
Tout d’abord, l’ensemble des 26 mesures décidées dans le cadre du Plan national d’action de janvier 2015 est aujourd’hui mis en œuvre.
Je ne vais pas toutes les citer, vous les connaissez, mais je pense par exemple à l’entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2017, de la réglementation relative au niveau de transparence des vitres latérales avant des véhicules. C’est là l’illustration de notre volonté de protéger les usagers de la route les plus vulnérables, tout en permettant aux forces de l’ordre de mieux constater les infractions génératrices d’accidents. Je pense aussi à la possibilité de confirmer, par un test salivaire, la conduite après consommation de stupéfiants qui est désormais juridiquement encadrée.
Par ailleurs, sur les 55 mesures décidées par le Comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015, 38 sont aujourd’hui mises en œuvre ou en passe de l’être.
L’un des objectifs poursuivi consistait à augmenter les contrôles, et par conséquent la probabilité pour les usagers d’être contrôlés, afin d’influencer durablement leur comportement.
Je pense ainsi à la mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle stratégie de déploiement des radars. En la matière, nous allons monter en puissance en 2017, une fois que les marchés auront été passés et les ajustements techniques nécessaires auront été réalisés.
Je pense aussi à la simplification des missions incombant aux forces de l’ordre, pleinement mobilisées contre la délinquance routière en dépit des très nombreuses sollicitations que le contexte actuel impose. Cela passe notamment par l’externalisation de la conduite des véhicules radars, qui sera lancée en septembre prochain, après une expérimentation à partir du mois de février en Normandie. Cela passe par l’extension du champ du contrôle automatisé et de la vidéo-verbalisation, ou encore par celle de la capacité d’action des polices municipales dans le domaine de la sécurité routière.
Enfin, parce que la répression ne peut aller sans la prévention, le Gouvernement a mobilisé, dans cette optique, les entreprises et le monde professionnel. 21 grandes entreprises, représentant au total 1,1 millions de salariés, se sont ainsi engagées, le 11 octobre 2016, en faveur de la sécurité routière. Depuis lors, 300 autres entreprises ont rejoint de grand mouvement de sensibilisation et de prévention. Toutes ont adopté des mesures responsables pour lutter contre la mortalité routière, laquelle constitue, on ne le dit pas assez, la première cause de mortalité au travail. Dans le prolongement de cette initiative, une disposition législative est venue rendre obligatoire la désignation du conducteur en infraction pour les personnes morales depuis le 1er janvier 2017.
En tout, 84 textes normatifs ont été mis en œuvre pour la sécurité routière depuis 2015. C’est là un chiffre particulièrement significatif, qui témoigne de l’engagement du Gouvernement et des services de l’Etat, au premier rang desquels, je l’ai dit, la Délégation à la sécurité et à la circulation routières et les Directions générales de la police et de la gendarmerie nationales, avec l’Unité de coordination pour la lutte contre l’insécurité routière (UCLIR).
Il nous faut donc continuer avec volontarisme, continuer de bousculer les pesanteurs et les habitudes. C’est ainsi que nous pourrons atteindre notre objectif et passer sous la barre des 2 000 morts d’ici à 2020. Grâce à la détermination des pouvoirs publics, mais aussi grâce à la mobilisation de l’ensemble de la communauté nationale.
Et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin du CNSR, de ses travaux et de ses propositions.
A cet égard, je veux rendre hommage au député Armand JUNG qui a présidé le CNSR durant trois ans. Par la force de son engagement, il a su donner une nouvelle impulsion à votre institution.
Ainsi, en trois ans seulement, le CNSR a adopté 21 recommandations majeures, à la suite des travaux réalisés au sein de ses commissions, avec l’appui du comité des experts. Parmi ces recommandations, 19 ont été reprises par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle, dès le 2 octobre 2015, le Comité interministériel de la sécurité routière a retenu le principe d’une refonte du CNSR en confortant celui-ci dans son rôle de conseil du Gouvernement.
Je remercie le député Yves GOASDOUE d’avoir accepté de présider cette nouvelle assemblée. Je le connais bien, je connais la force de ses convictions et la grande expérience qui est la sienne en tant qu’élu de terrain. Aussi, j’ai toute confiance en lui pour présider aux destinées du CNSR dans les trois ans qui viennent.
Je remercie également l’ensemble des membres du CNSR, ses 67 titulaires et ses 44 suppléants, qui tous vont assurer la représentativité des acteurs de la sécurité routière. La diversité de vos parcours et de vos compétences, l’ouverture à de nouveaux profils, à des expériences professionnelles et associatives plus variées, constitue, Mesdames et Messieurs, une richesse : c’est là, à mes yeux, un véritable gage d’efficacité et d’inventivité. A cet égard, je constate avec plaisir que le nombre de femmes a considérablement augmenté au sein du Conseil, et c’est là aussi une bonne nouvelle.
Mesdames et Messieurs, le Gouvernement compte sur votre engagement au service de cette grande cause nationale, sur vos idées, sur vos convictions, sur vos analyses et sur vos propositions. Nous poursuivons un objectif commun : renforcer la sécurité routière, en aidant les Français à continuer de changer leurs comportements. Il y a là une très forte exigence de solidarité nationale et de civisme. En définitive, et quelles que soient nos convictions, ce qui nous rassemble, c’est la volonté de contribuer ensemble à sauver des vies sur la route. A chacun d’entre vous, je souhaite une pleine réussite dans cette belle et noble mission.
Je vous remercie.