Cérémonie de remise de décorations aux forces de sécurité à Mayotte

Cérémonie de remise de décorations aux forces de sécurité à Mayotte
7 mars 2017

Discours de M. Bruno Le Roux, ministre de l’Intérieur, lors de la cérémonie de remise de décorations aux forces de sécurité à Mayotte, le 5 mars 2017.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le Président de l’Association des Maires,
Madame la Présidente du Conseil d’administration du SDIS,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mon Général,
Monsieur le Directeur départemental de la Sécurité publique,
Mon Colonel, Commandant de la Gendarmerie de Mayotte,
Monsieur le Directeur départemental de la PAF,
Monsieur le Directeur des Douanes,
Mon Colonel, chef du SDIS,
Mon Colonel, chef de corps du détachement de la Légion étrangère de Mayotte,
Messieurs les officiers,
Mesdames et Messieurs,

Je veux tout d’abord vous dire combien je suis heureux d’être parmi vous ce soir, à Case Rocher, dans ce cadre magnifique. A mes yeux, c’est là un beau symbole que de conclure mon voyage à Mayotte par cette cérémonie de remise de décorations à des représentants des forces de sécurité, en raison du travail absolument remarquable qu’ils réalisent ici, dans des conditions souvent difficiles.

J’ai eu l’occasion, depuis hier matin, d’échanger à plusieurs reprises avec les responsables de la sécurité de l’île et de ses habitants, avec des policiers de la DDSP et de la PAF, avec des gendarmes, avec des sapeurs-pompiers ; avec des douaniers ; avec des militaires engagés sur notre dispositif d’action en mer contre l’immigration irrégulière.

Tous m’ont dit leur totale détermination à accomplir les missions qui sont les leurs. Ils m’ont dit aussi les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, ainsi que les risques qu’ils sont amenés à prendre dès lors qu’il s’agit de faire respecter la loi et d’assurer la protection de nos concitoyens.

Je veux donc profiter de cette cérémonie pour leur adresser, à tous, mes remerciements, au nom du Gouvernement. Pour leur dire toute ma reconnaissance pour l’action qu’ils mènent ici, à Mayotte.

Ils sont l’un des visages de l’Etat de droit – un beau et noble visage –, l’une des incarnations de la République, sur cette île plantée au beau milieu du canal du Mozambique, entre le continent africain et Madagascar.

Car, vous me permettrez de rappeler une évidence, Mayotte, c’est un territoire de la République.

Et en République, tous les Français, où qu’ils vivent, ont le droit au même niveau de sécurité et de tranquillité. C’est là une exigence absolue, et c’est là un objectif prioritaire. C’est, pour nous tous qui avons la responsabilité de l’État de droit, un devoir. Car, dans les territoires d’Outre-Mer comme partout ailleurs, la sécurité est l’une des conditions essentielles de la paix sociale et du développement économique, ainsi que de l’épanouissement individuel de chaque citoyen.

Bien sûr, dans la République, il y a des territoires où les enjeux de sécurité sont plus forts et plus prégnants qu’ailleurs, des territoires où les défis sont plus grands. C’est le cas de Mayotte, pour des raisons qui tiennent notamment à la géographie – l’insularité, l’éloignement avec la métropole, les rigueurs climatiques et les contraintes qu’elles engendrent, ou encore la proximité avec des pays ou des zones confrontés à des phénomènes endémiques d’insécurité.

Votre département doit ainsi faire face à des problématiques complexes qui se nourrissent les unes des autres.

Je pense à une certaine banalisation de la violence – y compris chez les plus jeunes – et notamment aux violences urbaines, ou  encore au phénomène des « coupeurs de route ».

Je pense aux différentes formes de délinquance d’appropriation, ainsi qu’au trafic et à la consommation de stupéfiants. Tout particulièrement la « chimique », cette drogue apparue récemment et provoquant des ravages terribles parmi la jeunesse de l’île.

Je pense, évidemment, à la très forte pression migratoire qui s’exerce ici, à l’immigration clandestine venue des Comores. C’est là aussi un facteur indéniable de déstabilisation de l’équilibre insulaire, ne serait-ce que sur le plan démographique, sans parler des tensions sociales que cela génère.

Enfin, je pense aux violences qui prennent explicitement pour cible les représentants de l’autorité publique, parmi lesquels, bien sûr, les membres des forces de sécurité.

Pour autant, je crois qu’il ne faut pas céder au fatalisme. C’est là une pente qui peut parfois sembler naturelle, sans doute est-ce la plus facile, mais elle est une erreur. Une forme de démission, ou de résignation. Ce n’est pas la voie que nous avons choisie, ce n’est pas la voie que VOUS avez choisie, Mesdames et Messieurs.

Face à la violence et à l’insécurité, IL N’Y A PAS, IL N’Y AURA JAMAIS DE FATALITÉ.

Il y a des causes – plus ou moins complexes, plus ou moins directes ou indirectes – sur lesquelles nous agissons et que nous nous efforçons de traiter.

Il y a des moyens que nous allouons dès lors que cela est nécessaire. Il y a des expérimentations, des adaptations. Des dispositifs mis en place pour répondre à tel ou tel phénomène précis. Tout cela prend du temps, c’est normal – le temps de bien faire les choses –, mais cela porte ses fruits, nous obtenons des résultats, et c’est bien là l’essentiel.

A cet égard, rien n’est plus faux que l’idée selon laquelle Paris ne se soucierait pas du sort de Mayotte. Si tel était le cas, je ne serais tout simplement pas là, aujourd’hui, à vos côtés. Et je sais qu’à leur tour, la ministre des Outre-Mer, Ericka BAREIGTS, puis la secrétaire d’État à la Ville, Hélène GEOFFROY, vont me succéder sur l’île dans les jours qui viennent.

Mayotte a beau être séparée de Paris à la fois par un continent et par un océan, elle n’en est pas moins pleinement intégrée à notre politique de renforcement de l’État de droit. Je suis moi-même très vigilant, à l’instar de mes prédécesseurs, sur la façon dont les décisions que je prends se déclinent sur votre territoire, avec les singularités qui lui sont propres.

C’est dans cet esprit qu’a été conçu le Plan pour la Sécurité à Mayotte, lancé dès le 2 juin 2016. Un Plan inédit de 66 actions, dont 38 – c’est-à-dire plus de la moitié ! – ont d’ores et déjà été mises en œuvre, et ce en un temps record. Nous avançons donc rapidement.

C’est aussi un Plan pionnier, précurseur du grand Plan pour la Sécurité outre-mer qui, par la suite, en a repris les principaux axes : le renforcement des moyens, du cadre d’action et des partenariats, dans une logique de coproduction de sécurité. C’est bien la preuve – une de plus – de l’attention que nous portons à la situation de Mayotte.

Ainsi, depuis juin 2016, ce sont plus de 200 policiers et gendarmes qui sont arrivés sur l’île pour renforcer le dispositif de sécurité.

Et c’est ce qui nous a permis de créer, sur l’île, une antenne du GIGN, composée de 30 gendarmes. Mais aussi de renforcer les brigades territoriales : 12 effectifs supplémentaires en 2016, 13 en 2017. Je n’oublie pas non plus les 41 gendarmes mobiles venus en renfort à partir du mois de novembre dernier.

C’est aussi ce qui nous a permis de créer un Groupe de sécurité de proximité (GSP), composé aujourd’hui de 15 policiers et adjoints de sécurité, intervenant dans les quartiers les plus sensibles de Mamoudzou.

C’est également ce qui nous a permis de renforcer la Compagnie départementale d’intervention, ainsi que les effectifs de la Police aux Frontières. Enfin, c’est ce qui va nous permettre de créer une Brigade canine composée de 6 policiers avec 3 chiens de patrouille.

Vous pouvez donc le constater : nous tenons nos engagements. Et quand il y a des départs d’effectifs, nous faisons en sorte de les compenser et de les remplacer.

Car, comme je l’ai dit, tout ce que nous faisons ici, par-delà les moyens et les dispositifs mis en place, repose avant tout sur des femmes et des hommes, celles et ceux qui, chaque jour, se battent, au péril de leur propre vie, pour protéger leurs concitoyens. Qui assument l’effort que nous réalisons pour la sécurité des Mahorais, la sécurité publique comme la sécurité civile. Qui se trouvent confrontés aux drames et à la misère humaine, aux détresses et aux déchirements propres à toute société – et sans doute ici plus qu’ailleurs. Et je pense notamment aux conséquences de la pauvreté et de l’immigration clandestine, laquelle constitue une véritable tragédie collective.

D’un courage et d’un dévouement exemplaires, ces femmes et ces hommes, ce sont les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les agents des douanes, ainsi que les militaires de nos forces armées.

Et ce sont eux qui, ce soir, sont ici à l’honneur.

*

Dans quelques instants, je vais en effet avoir le grand plaisir de remettre à 12 d’entre eux la Médaille pour Actes de courage et de dévouement, ou bien la Médaille de la Sécurité intérieure.

Par cette cérémonie, Messieurs, c’est la République qui vous exprime sa plus profonde gratitude et toute sa reconnaissance. A travers vous, cette gratitude et cette reconnaissance vont bien sûr à l’ensemble de vos collègues et camarades, à l’ensemble des forces de sécurité présentes sur l’île.

Tous, vous êtes de grands professionnels sur lesquels la République et nos concitoyens peuvent compter en toutes circonstances. Vous êtes issus de différentes administrations de l’Etat, et même de différents ministères. Vous appartenez à la Police ou à la Gendarmerie nationales, au corps des sapeurs-pompiers ou à la Gendarmerie maritime, aux douanes ou à la Marine nationale. A ce titre, vous incarnez notre dispositif de sécurité et de protection dans la richesse et la diversité de ses composantes. Et c’est ensemble que vous travaillez, chacun assumant le rôle qui est le sien, au service de l’efficacité collective et au service de l’intérêt général.

Je commence par les Médailles pour Actes de courage et de dévouement.

Gardiens de la paix François GENESTE et Anli HOUMADI, de la BAC de Mayotte, vous avez fait preuve d’une très grande bravoure, le 17 août 2016, en sauvant d’une mort certaine l’occupant d’une habitation en flammes. Vous n’avez pas hésité une seconde, et, en dépit des risques, vous avez ainsi fait votre devoir, côte à côte, empêchant par ailleurs un drame plus grave encore avec l’explosion de bouteilles de gaz que vous êtes parvenus à sortir in extremis.

Maréchal des logis-chef Jérémy MOLLO et adjudant Albin BERTEAUX, tous deux affectés à la brigade nautique côtière du commandement de la Gendarmerie de Mayotte, vous avez tous deux manifesté, le 28 novembre 2016, un héroïsme hors du commun, n’hésitant pas à risquer votre vie en plongeant, depuis un hélicoptère, dans une mer alors infestée de requins, pour sauver la vie d’une adolescente, une jeune migrante, qui dérivait, agrippée à un bidon et au milieu de corps inertes, après le naufrage de son embarcation de fortune.

Sergent-chef Mouhamadi ADAM, sapeur-pompier affecté au Centre de secours et d’incendie de Longoni, vous avez également fait preuve d’un sang-froid exemplaire, le 4 mai 2014, lors d’une opération de secours réalisée dans la commune de Bandrélé. Alors que vous cherchiez à protéger la victime, vous avez été alors très violemment agressé par plusieurs individus. Bien que sérieusement blessé, vous avez, malgré tout, réussi à déplacer votre véhicule d’intervention où se trouvaient la victime et les deux autres membres de votre équipage, assurant ainsi leur protection à tous, là aussi au péril de votre propre vie.

J’en viens à présent aux Médailles de la Sécurité intérieure.

Maréchal des logis-chef Marc MICHON, en tant que gendarme maritime affecté comme mécanicien sur la vedette de surveillance Odet, et comme OPJ affecté sur le bâtiment « Vétiver » de la Marine nationale, vous avez en effet participé à plus de 150 opérations d’interception de kwassas depuis septembre 2014. Dans ce cadre, vous vous êtes notamment illustré par des gestes d’un grand courage et d’un grand sang-froid. Je pense ainsi à la nuit du 10 septembre 2016, durant laquelle vous avez intercepté une kwassa où se trouvait une femme enceinte sur le point d’accoucher. Immédiatement, vous avez sauté dans l’embarcation pour prodiguer les gestes de premier secours, et, finalement, c’est vous qui avez aidé cette femme à mettre au monde son enfant. Vous avez ainsi assuré la survie et de la mère et de son bébé, avec une maîtrise qui, il faut le dire, va bien au-delà de ce que l’on attend de vous dans votre service. C’est d’ailleurs le cas pour chacun d’entre vous ici présents, quelles que soient les situations auxquelles vous avez été confrontés.

Gendarme Hervé GRIMBERG, vous aussi êtes affecté sur la vedette Odet, en tant qu’électricien de bord. Comme votre camarade, vous vous êtes particulièrement illustré dans les opérations d’interception de kwassas auxquelles vous avez participé. Depuis votre arrivée sur l’île, en mai 2014, vous avez intercepté plus de 120 embarcations clandestines, soit plus de 2.700 migrants en situation de détresse. Avec un professionnalisme et une rigueur de chaque instant, vous avez ainsi sauvé de très nombreuses personnes qui risquaient leur vie pour atteindre Mayotte dans des conditions de précarité extrêmement dangereuses. Vous avez notamment porté secours à un adolescent gravement blessé et traumatisé, dans une kwassa au milieu d’une mer très agitée. Au péril votre propre vie, vous avez tout fait pour le mettre hors de danger à bord de la vedette Odet, afin qu’il soit pris en charge.

Gardiens de la paix Ludwig KLEIMAN et Kamardine SAINDOU, tous deux membres de la Police aux Frontières, vous avez, dans la nuit du 8 août 2016, procédé avec vos collègues à l’interception particulièrement périlleuse d’une kwassa qui était dotée d’un moteur puissant et dont le pilote cherchait clairement à percuter l’intercepteur sur lequel vous vous trouviez. Au bout d’une vingtaine de minutes, la kwassa a brutalement chaviré, projetant ses 18 passagers dans la mer, et ce dans l’obscurité la plus totale. Grâce à votre courage, au professionnalisme et à la ténacité de votre équipage, les naufragés ont pu être sauvés, tandis que les deux passeurs, dont le pilote, ont été interpellés.

Second-maître Julien CORPORON et quartier-maître Tanguy TOM, de la Marine nationale, tous deux membres d’équipage de l’intercepteur « Vétiver », vous vous êtes, vous aussi, distingués à plusieurs reprises dans vos missions d’interception et de lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains. Dans des conditions de navigation souvent difficiles, vous avez joué un rôle décisif au cours de plusieurs opérations, de jour comme de nuit, sauvant de nombreuses vies et interpellant les passeurs. Ainsi, second-maître CORPORON, vous avez notamment, dans la nuit du 13 août 2015, mis en sécurité 27 personnes, dont 7 enfants, alors en situation de grave détresse sur une kwassa. Quartier-maître TOM, vous avez, quant à vous, manifesté, le 10 décembre 2015, une attitude absolument exemplaire pour contenir un début de rébellion dans une kwassa que vous aviez interceptée. Ainsi, grâce à votre sang-froid et votre rigueur professionnelle, vous avez pu préserver la sécurité et des migrants et des membres d’équipage du « Vétiver ».

Enfin, Alexandre FORNI, en tant qu’agent des douanes, vous n’avez pas hésité une seule seconde à vous jeter à l’eau à trois reprises, le 2 mais 2016, pour sauver la vie de plusieurs personnes naufragées après le chavirage en pleine nuit d’une kwassa. Cela a été, je le mesure, une opération particulièrement courageuse et difficile, mais aussi douloureuse, dans la mesure où un petit bébé a perdu la vie au cours de ce naufrage tragique.

A vous tous, avant de vous remettre les décorations que vous méritez, je veux une fois de plus adresser mes remerciements les plus chaleureux, mais aussi toute mon admiration.