Cérémonie d’hommage aux victimes des attentats de mars 2012

Cérémonie d’hommage aux victimes des attentats de mars 2012
16 mars 2017

Discours de M. Bruno Le Roux, ministre de l’Intérieur, prononcé lors de la cérémonie d’hommage aux victimes des attentats de mars 2012 à Sarcelles, le 15 mars 2017


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député-Maire,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président du Conseil représentatif des institutions juives de France,
Monsieur le Président de la Communauté juive du Val d’Oise,
Monsieur le Président de la Communauté juive de Sarcelles,
Messieurs les représentants des cultes,
Chère Eva SANDLER, Chers Myriam et Samuel SANDLER, Chère Madame ACOCA,
Chère Madame GRESH, Chers Madame et Monsieur BAROUKH,
Mesdames et Messieurs,

Il y a cinq ans, la barbarie terroriste frappait à nouveau notre pays.

Des Français juifs, parce qu’ils étaient juifs, étaient assassinés.

Des militaires français, parce qu’ils portaient l’uniforme, tombaient sous les balles.

C’était à Toulouse, c’était à Montauban.

La douleur et l’effroi ne se sont pas apaisés avec le temps. Cela est impossible. Et nous voici, aujourd’hui, tous rassemblés pour partager la mémoire et le chagrin.

Trois enfants, dont aucun n’avait plus de huit ans : la petite Myriam MONSONEGO, puis Gabriel et Arieh SANDLER, eux aussi emportés par cette violence abjecte, avec leur père, Jonathan SANDLER, qui tentait de les protéger. Tous les quatre sont morts, à l’école Ozar Hatorah, parce qu’ils étaient juifs.

Trois militaires issus de nos régiments parachutistes, froidement abattus parce qu’ils avaient fait le choix de servir leur patrie et de défendre la République. On ne sépare pas celles et ceux qu’un même martyre a réunis, aussi je veux devant vous rappeler leurs noms : Imad IBN ZIATEN, Abel CHENNOUF, Mohamed LEGOUAD.

A leurs familles, à leurs proches, à celles et ceux qui ont survécu et qui demeurent blessés dans leur chair, je veux dire, au nom de la Nation, toute mon émotion et toute ma compassion dans cette épreuve affrontée avec une très grande dignité.

A l’époque, la barbarie de ces crimes et leur caractère d’inhumanité avaient immédiatement frappé chaque Français de stupeur et d’indignation. Comment peut-on ainsi prendre la vie d’enfants ? Celle d’une petite fille de huit ans ? Celle d’un père et de ses fils de trois et six ans, à l’entrée d’une école ? Au nom de quelle cause peut-on vouloir assassiner de la sorte des hommes dont le seul tort est d’avoir voulu défendre leur pays, défendre la République, défendre la liberté ? Comment, enfin, peut-on concevoir, en ce début de XXIe siècle, que des juifs meurent à nouveau sous les balles de ceux qui les haïssent ?

Depuis, il y a eu d’autres crimes, d’autres morts. D’autres larmes.

Sans doute est-il trop facile de dire qu’il y a cinq ans, nous savions déjà que les attentats de Toulouse et de Montauban constituaient les prémices de ce cycle de violence lié à l’apparition d’une nouvelle forme de terrorisme djihadiste. Nous n’avions pas exactement compris, alors, ce qui venait. Il faut avoir l’humilité de le reconnaître.

Mais pourtant, dès 2012, nous sentions à coup sûr que la violence et la haine qui nous menaçaient ne se prêtaient pas à la négociation. Leurs inspirateurs nous haïssent, ils haïssent la France en raison du combat qu’elle mène pour la paix et pour la liberté, conformément à son message et à sa vocation historiques. Et rien ne pourra non plus faire diminuer la violence de leur haine antisémite.

Il y a une phrase de SARTRE que les attentats m’ont fait revenir à la mémoire. Elle se trouve à la toute fin de ses Réflexions sur la question juive, publiées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle dit : « Pas un Français ne sera en sécurité tant qu’un juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie. »

Aujourd’hui comme hier – nous le savons bien – à chaque fois que l’on s’en prend aux juifs, on finit toujours par s’en prendre à l’humanité tout entière. Quand un juif est pris pour cible, chacun d’entre nous doit craindre pour sa vie. L’antisémitisme n’est pas un problème juif : il est notre problème à tous.

Voilà pourquoi nous ne nous accommoderons jamais, nous ne nous habituerons jamais, nous ne tolèrerons jamais que des juifs à nouveau, en France et en Europe, soixante-dix ans après la libération des camps d’extermination, soient la cible de violences criminelles, comme ce fut le cas à Toulouse, à Bruxelles, à Paris, à Copenhague et ailleurs.

Depuis les crimes de Toulouse et de Montauban, la terrible succession d’attentats commis sur notre sol ou bien à l’étranger nous a tragiquement rappelé que nous étions tous concernés, quelles que soient nos convictions ou nos certitudes, nos croyances ou nos origines.

Cinq ans après les crimes de Toulouse et de Montauban, nous savons désormais que pèse sur nous une menace terroriste d’une nature et d’une ampleur inédites dans notre histoire. C’est la raison pour laquelle nous mettons tout en œuvre pour combattre cet ennemi, car nul ne doit nous contraindre à vivre dans la peur. Nul ne saura empêcher les Français de vivre ensemble, dans la fraternité. Nul ne saura nous empêcher de vivre libres.

Jamais il n’y aura de refuge sur le sol national pour les terroristes qui s’en prennent à nos enfants, à nos proches, à nos amis, à nos policiers et à nos soldats. Jusqu’au dernier, nous les traquerons. Jusqu’au dernier, nous les jugerons.

La République, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas la division ni la haine. La République, c’est dire à autrui : « tu es mon égal, et tu es mon frère ».

C’est bien ce sens de la Fraternité qui a poussé les Français, par millions et à de nombreuses reprises depuis maintenant plus de deux ans, à revendiquer leur goût de la liberté et leur attachement farouche aux valeurs de la République.

Souvent, nous sommes prompts à nous quereller – nous le constatons régulièrement, lors des débats qui animent la communauté nationale. Mais lorsque l’essentiel est en jeu, nous nous rappelons que nous formons un seul peuple, un peuple uni et libre. Quand l’essentiel est en jeu, nous savons aussi nous rassembler et faire face. 

C’est dans cet esprit de résistance, dans l’indignation et même dans le chagrin que suscite et continuera toujours de susciter en nous le souvenir des crimes de Toulouse et de Montauban, tout autant que celui des crimes de Paris, de Vincennes, de Montrouge et de Saint-Denis, de Nice, de Saint-Etienne-du-Rouvray et de Saint-Quentin-Fallavier, de Magnanville et de Villejuif, nous devons trouver le ressort d’un espoir collectif. Celui de faire vivre la République, dans le respect d’autrui et de sa liberté. Celui de faire vivre la Fraternité.

Nous le devons à Myriam MONSONEGO, à Jonathan, à Gabriel et à Arieh SANDLER, à Imad IBN ZIATEN, à Abel CHENNOUF et à Mohamed LEGOUAD.

Puissions-nous ne jamais l’oublier.

Je vous remercie.