Discours de Bernard Cazeneuve ministre de l'Intérieur, lors d'une conférence de presse conjointe sur la sécurité dans les écoles et établissements scolaires, en présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, en date du 24 août 2016
Seul le prononcé fait foi
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Monsieur le secrétaire général du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Monsieur le préfet de police,
Madame et Messieurs les directeurs généraux,
Monsieur le président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
Mesdames et Messieurs,
La rentrée scolaire est un événement majeur de la vie de la Nation, comme le système éducatif est, depuis des générations, le creuset des valeurs de la République. C’est un moment important pour la vie des familles, pour la communauté éducative dans son ensemble. Il l’est donc pour nous tous et doit demeurer ce qu’il est : la perpétuation d’une ambition nationale de la transmission des savoirs, de la construction des femmes et des hommes de demain, de citoyens libres et responsables. « La rentrée », c’est d’abord et avant tout cela.
Et même si nous avons changé d’époque, même si – comme le rappelait le Premier ministre récemment – « le temps de l’insouciance est derrière nous », il est essentiel de ne pas escamoter ces fondamentaux.
La menace terroriste, je veux le redire ici, pèse, depuis de long mois, sur le pays. Elle est complexe, diffuse, elle vient de l’extérieur tout autant de notre propre territoire. Elle a étendu ses cibles à notre société tout entière, de manière indiscriminée. L’école n’échappe pas à ce contexte de menace globale et il nous revient, avec lucidité mais aussi avec sang-froid, d’en prendre la mesure et d’apporter collectivement les mesures préventives appropriées.
Dans cette réponse collective, les forces de sécurité et des services de secours, avec l’appui des militaires engagés dans l’opération « Sentinelle », sont des acteurs majeurs. Je veux souligner à nouveau aujourd’hui la confiance et la gratitude que leur témoignent à juste titre les Français.
Mais au-delà, la résilience du pays tout entier doit pouvoir compter sur la vigilance, le professionnalisme et le dévouement d’autres acteurs, agents publics, élus locaux ou simples citoyens. A cet égard, la communauté éducative, à tous ses échelons, a fait preuve d’un sens des responsabilités absolument exemplaire au cours des derniers mois.
Dans ce contexte, dont chacun sait qu’il s’inscrit dans la durée, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Education nationale et le ministère de l’Agriculture, au titre de l’enseignement agricole, ont décidé de renforcer et d’approfondir leur partenariat pour mieux protéger les établissements scolaires et les personnes qui les fréquentent, aussi bien les élèves que les enseignants et l’ensemble des personnels.
Si, depuis longtemps, nos trois ministères ont pris l’habitude de travailler de façon étroite et confiante ensemble, nous nous devons aujourd’hui de faire monter en puissance nos dispositifs.
La sécurité des élèves et des personnels éducatifs constitue en effet une priorité absolue. Non seulement pour nous prémunir contre le risque d’une attaque mais aussi pour garantir l’atmosphère de sérénité que requièrent l’acquisition et la transmission des savoirs.
L’Etat a parfaitement intégré cette dimension en mettant en place des dispositifs de sécurité spécifiques aux établissements scolaires.
En novembre 2015, en décembre 2015 puis en juillet 2016, nous avons ainsi déjà cosigné, avec la Ministre de l’Education Nationale, plusieurs instructions visant à renforcer les mesures de sécurité dans les écoles et les établissements scolaires. Leur mise en œuvre se fait sous l’autorité des préfets, avec le concours concerté des forces de sécurité, de la communauté éducative et des élus, de façon fluide, dans un esprit de parfaite coordination interministérielle.
Un guide de bonnes pratiques intitulé « Vigilance attentats : les bons réflexes » a été élaboré à l’intention des chefs d’établissement, des inspecteurs de l’éducation nationale et des directeurs d’écoles. Conçu par le Secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale (SGDSN), il a été diffusé aux acteurs locaux début février accompagné d’un protocole explicatif très détaillé.
Des mesures de vigilance renforcées seront encore prises à l’occasion de la prochaine rentrée scolaire. Il s’agit d’améliorer encore les échanges établis dans le cadre de l’application des circulaires communes diffusées à la fin de l’année 2015, pour opposer au contexte de menace terroriste un dispositif efficace, qui soit aussi, pour les parents, pour les élèves, les enseignants et l’ensemble des personnels, un dispositif rassurant.
J’ai ainsi donné instruction à tous les préfets de réunir avant cette rentrée un état-major départemental de sécurité consacré à la protection de l’espace scolaire. Ils se rapprocheront également des collectivités territoriales, propriétaires des infrastructures, pour coordonner les initiatives relevant de leurs compétences propres, qu’il s’agisse de la sécurisation des bâtiments ou des activités périscolaires. Les collectivités ont en effet un rôle important à jouer aux côtés de l’Etat pour assurer une coproduction de sécurité qui soit véritablement efficace. C’est l’ambition commune de toutes les institutions de la République, et avec la Ministre de l’Education Nationale, nous avons obtenu du Premier Ministre des moyens supplémentaires, 50 millions d’euros, qui abonderont le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance pour des travaux de sécurisation des établissements scolaires.
Par ailleurs, dans toute la France, les responsables des forces de sécurité assisteront aux réunions de rentrée organisées par les recteurs ou les directeurs académiques des services de l'éducation nationale, au niveau académique ou départemental. Ils pourront y rappeler les consignes indispensables et présenter les dispositifs de sécurité et des adapter en fonction des informations qui leur seront transmises dans le cadre d’échanges permanents.
Mais les mesures que nous prenons ne s’arrêtent pas, bien entendu, à la seule préparation de la rentrée scolaire.
Tout au long de l’année, une attention particulière sera portée aux abords des établissements. La surveillance dynamique à proximité des écoles, collèges, lycées et universités sera donc renforcée par des patrouilles mobiles mises en place par les forces de sécurité de l’Etat, en lien avec les municipalités et coordonnées avec les polices municipales. La montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police nationales, décidée par le Président de la République, contribuera grandement à l’efficacité de ce dispositif global. A titre d’exemple, plus de 3000 réservistes de la gendarmerie seront mobilisés pour la prochaine rentrée.
Les services et les forces du ministère de l’intérieur apporteront en outre un soutien technique aux élus et à leurs services pour identifier les travaux prioritaires permettant de sécuriser les établissements scolaires, de faciliter les alertes et de mettre à l’abri.
Les chefs d’établissements pourront compter en particulier sur l’engagement des 2391 gendarmes et policiers « correspondants sécurité école » présents dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, et dont le réseau a été redynamisé en décembre dernier. En soutien, 440 référents « sûreté » de la gendarmerie et de la police nationales leur apportent leur expertise. Ainsi, pour l’année scolaire écoulée, 3 000 missions d’assistance technique ont été effectuées par ces experts au profit de la communauté éducative, soit 6 fois plus que pour l’année scolaire précédente. Cet effort sera amplifié cette année.
Les chefs d’établissement pourront également compter, en cas de crise, sur les BAC et les PSIG qui constituent une réserve d’intervention de proximité immédiatement mobilisable, conformément au schéma national d’intervention que j’ai présenté en avril dernier. Afin de se préparer à de tels scénarios de crise, les plans des établissements scolaires ont été diffusés aux forces de sécurité intérieure.
S’agissant du suivi des personnes susceptibles de s’engager dans un processus de radicalisation, le dispositif adopté dans l’instruction du 29 juillet permet de prendre à la fois en compte les agents exerçant dans les établissements scolaires et les élèves.
Ce dispositif prévoit une articulation renforcée entre les référents académiques « radicalisation » de l’éducation nationale, les cellules de suivi internes aux établissements et les cellules de suivi préfectorales. Nous organisons ainsi des échanges réguliers et exhaustifs entre l’autorité préfectorale et des services académiques pour prendre en charge, de façon efficace, les personnes signalées, élèves ou agents, qui auront donné des signes de radicalisation. Le préfet Olivier de MAZIERES, chef de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), est intervenu hier au cours du séminaire des recteurs organisé au ministère de l’éducation nationale afin de présenter le cadre de cette coopération.
Enfin, un effort particulier a été engagé pour préparer chacun des responsables impliqués à un titre ou à un autre dans la sécurité des établissements, c’est-à-dire réagir en cas de crise. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que chaque préfecture organise un exercice départemental de gestion de crise, dans l’objectif de renforcer encore la bonne coordination des acteurs concernés.
D’autres exercices seront bien entendu programmés au sein des établissements scolaires et universitaires. Mme VALLAUD-BELKACEM vous le précisera dans quelques instants.
Par ailleurs, lors de notre déplacement commun à Saint-Astier en janvier dernier, nous avions pu constater la très grande qualité de la formation dispensée aux agents de l’éducation nationale par les gendarmes du Centre national d’entrainement des Forces de la Gendarmerie. Mais le nombre des agents bénéficiant de ces formations nous est apparu insuffisant. C’est pourquoi j’ai décidé d’ouvrir 3 centres de formation supplémentaires dans les écoles de gendarmerie de Rochefort et de Tulle et à l’école des officiers de la gendarmerie de Melun. Ainsi 500 cadres de l’éducation nationale seront désormais formés chaque année, soit quatre fois plus qu’auparavant. Cet effectif nous permettra de mettre en place un réseau de formateurs et de diffuser rapidement les savoir-faire à l’ensemble des académies.
Parallèlement, le partenariat mis en place par l’Ecole Nationale Supérieure de Police avec l’académie de Créteil sera renforcé, dans une démarche commune de formation des lieutenants de police et des chefs d’établissement à la problématique de la sécurité en milieu scolaire.
En outre, le ministère de l’intérieur s’est engagé à faciliter les échanges entre les services de l’éducation nationale, les associations et organismes habilités pour la formation au secourisme, ainsi qu’avec la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, dont je salue le Président ; l’objectif étant de former toujours plus d’élèves aux premiers secours. Najat VALLAUD BELKACEM vous précisera dans quelques instants les détails de cette initiative partagée.
Enfin, nous avons jugé ensemble que l’expérience des classes de « cadets de la sécurité civile », telle qu’elle existe dans une dizaine de départements et qui permet à des jeunes de s’initier, dans le cadre de leurs études, aux techniques du secours, donnait d’excellents résultats. C’ est pourquoi nous avons décidé de généraliser cette année ce dispositif avec l’ouverture, dans chaque département, d’au moins une classe de ce type à la rentrée 2016-2017.
Plus généralement, je suis heureux que le ministère de l’Intérieur puisse contribuer, en donnant l’exemple, en matière d’engagement citoyen. Au-delà de l’engagement des hommes et des femmes qui le servent et qui se dévouent déjà pour la collectivité, il doit encourager et accompagner l’engagement de ceux de nos compatriotes, jeunes ou moins jeunes, qui veulent être eux aussi, à leur échelle, les acteurs de notre sécurité collective. Je sais qu’ils sont nombreux parmi les élèves et, au-delà, de toute la communauté éducative.
Anticiper les risques, mieux protéger les bâtiments et surveiller leurs abords avec une extrême vigilance – ce qui appelle une mobilisation très forte des préfets à chaque instant - coordonner les efforts des acteurs de la sécurité et de la communauté éducative, former les personnels et les élèves : tels sont les principes sur lesquels repose la politique de sécurité dans les établissements scolaires et que nous avons tenu, avec Najat VALLAUD BELKACEM et Stéphane LE FOLL, à vous présenter à quelques jours de la rentrée scolaire.
Ils se retrouvent au cœur de l’accord-cadre de partenariat conclu entre nos trois ministères « protection-prévention-engagement » que nous avons signé voici quelques instants.
Parce que l’Ecole est à l’exact opposé de tout ce que véhicule l’idéologie de ceux qui nous menacent, parce qu’à l’obscurantisme elle oppose la connaissance, parce qu’à l’abrutissement elle oppose le libre-arbitre, parce qu’à la violence elle oppose la tolérance, elle est un joyau qu’il nous faut préserver. Evoquant l’Ecole, Victor Hugo écrivait qu’elle était « sanctuaire autant que la chapelle ». C’est pourquoi nous devons la préserver, préserver sa mission, préserver ses maîtres, leurs disciples, leurs parents.
C’est ensemble, par cet effort de coopération, que nous y parviendrons.