Journées nationales des femmes élues

Journées nationales des femmes élues
4 novembre 2016

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, ministre de l'Intérieur, à l'occasion des journées nationales des femmes élues, le 4 novembre 2016 à Paris.


- Seul le prononcé fait foi -

Mesdames et Messieurs (aussi, il y en a quelques-uns),

C’est pour moi un grand plaisir et un grand honneur que de prendre la parole devant vous, à l’invitation de l’association « Femmes & Pouvoir », pour introduire cette cinquième édition des Journées Nationales des Femmes Elues. En tant que ministre de l’Intérieur, et par conséquent ministre des Territoires, mais aussi ministre en charge de l’organisation des élections, je suis évidemment sensible à la qualité des échanges et des réflexions menées au sein des ateliers thématiques de vos Journées. Je suis bien sûr également conscient de la très forte charge symbolique d’un événement tel que celui auquel j’ai le privilège de participer. Avec les Journées Nationales des Femmes Elues, nous célébrons en effet le rôle prépondérant que jouent les femmes politiques dans notre démocratie.

Nous savons que le chemin parcouru a été long. Ce chemin n’est pas achevé. Mais le grand nombre d’élues présentes ici aujourd’hui, la variété de leurs parcours, le rôle grandissant qu’elles exercent à travers leurs mandats, démontrent les progrès très importants qui ont été réalisés en France depuis maintenant plusieurs années. Ces progrès, nous devons, vous devez les poursuivre, les approfondir. C’est là un combat toujours à mener.

Un combat historique, un combat qui vient de loin. En 1848, le suffrage prétendument universel, je le rappelle, excluait la moitié de la population. Il a fallu près d’un siècle pour que cette inégalité indéfendable soit effacée.

Aujourd’hui, les femmes, qui constituent 51 % de la population française, représentent ainsi 52 % de l’électorat.

Mais la démocratie, ce n’est pas seulement voter, ce n’est pas seulement élire nos représentants. C’est aussi pouvoir se présenter à des élections, être élu, représenter le peuple. Pour être pleinement citoyen, il faut à la fois pouvoir voter et pouvoir être élu.

C’est là un enjeu décisif. Il est indispensable que le nombre de femmes élues, au Parlement comme dans les exécutifs locaux, continuent d’augmenter, car il en va tout simplement de la capacité de la classe politique à représenter l’exacte réalité de la société française. A mes yeux, la forte présence des femmes dans la vie politique, dans les instances de décision et de représentation politiques, constitue un indice particulièrement net de la vitalité d’une démocratie, du bon fonctionnement de ses institutions et, plus largement, du haut niveau de développement d’une société. Un Parlement, des exécutifs nationaux et locaux pleinement paritaires seraient une preuve indéniable de la bonne santé de notre démocratie.

Comme vous le savez, le Gouvernement n’en est pas resté au stade des principes. Nous avons pris des décisions fortes pour faire de la parité au sein des institutions politiques une réalité. A cet égard, je rappelle que la composition du Gouvernement est elle-même exactement paritaire.

Je me félicite par ailleurs de la qualité du bilan législatif de ces dernières années en matière de promotion de la parité. Je pense notamment à la loi du 17 mai 2013, qui institue la parité au sein des scrutins pour l’élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires, ou encore à la loi du 14 février 2014 portant sur l’extension des règles de non-cumul des mandats. Nous savons en effet que parmi les parlementaires cumulant deux mandats au moins, 80 % sont des hommes, pour 6 % de femmes seulement. Il nous revient donc de lutter, avec la plus grande fermeté, contre ces pratiques qui constituent un frein aux carrières des élues féminines.

Grâce à ces dispositifs législatifs, des progrès conséquents ont été effectués. La proportion de femmes est ainsi passée, à l’Assemblée, de 18 à 27 %, et au Sénat de 17 à 25 %. C’est une évolution très positive, mais c’est encore insuffisant. Je sais, comme vous, que les mentalités évoluent souvent plus lentement que la loi, et qu’il ne suffit pas d’intentions louables pour favoriser un bouleversement des représentations dans ce domaine.

C’est là que la loi du 4 août 2014 joue tout son rôle. Grâce à ce texte, les pénalités infligées aux partis politiques n’ayant pas respecté les règles de la parité aux élections législatives ont été doublées. Je ne doute pas du caractère incitatif de cette loi, qui sera mis à l’épreuve dès l’année prochaine.

Comme vous, je regrette qu’il faille en passer par un système de quotas pour garantir une représentation équitable des femmes dans les instances politiques de notre pays. Nous savons cependant que de telles mesures sont nécessaires pour forcer le cours des événements. Depuis l’instauration de l’obligation de la parité, en 2000, les progrès accomplis ont été très encourageants. Les femmes ont accédé largement aux assemblées communales et départementales. Les adjoints aux maires sont désormais pour moitié des adjointes.  La loi porte ses fruits. S’il vient un jour où il ne sera plus nécessaire d’user de l’incitation et de la contrainte pour que les partis présentent d’eux-mêmes un nombre équivalent d’hommes et de femmes aux élections, nous pourrons considérer que l’ère des quotas est révolue.

Et je veux croire que cette période est proche, que nous allons la vivre dans les années qui viennent. Nous voyons aujourd’hui même combien l’accession des femmes aux plus hautes responsabilités politiques est devenue une réalité. C’est le cas en France : Anne HIDALGO est maire à Paris, Martine AUBRY à Lille, Johanna ROLLAND à Nantes. Valérie PECRESSE dirige la région Île-de-France, Marie-Guite DUFAY la région Bourgogne-France-Comté, Carole DELGA la région Occitanie. Pour travailler au quotidien avec elles, je peux vous assurer qu’elles ne me ménagent pas davantage que leurs collègues masculins.

Elles sont, si j’ose dire, des hommes politiques comme les autres.

Et qu’en sera-t-il demain ? Vous avez vu, je n’en doute pas, la une de l’Express de cette semaine. Depuis onze ans, Mme MERKEL dirige l’Allemagne. Depuis quatre mois, Theresa MAY est Premier ministre du Royaume-Uni. Dans quelques jours, peut-être – je l’espère –, Hillary CLINTON remportera les élections présidentielles aux Etats-Unis. Si tel était le cas, trois des plus grandes démocraties occidentales seraient dirigées par des femmes. Cela serait une situation radicalement nouvelle.

Elles sont la preuve que des attributions traditionnellement jugées masculines sont en réalité ouvertes à tous, et que des femmes, de tous bords politiques, peuvent y exercer leurs talents. Je regrette d’ailleurs que trop souvent, les ministères régaliens soient encore détenus systématiquement par des hommes (même si, je tiens à le souligner, dans le ministère qui est le mien, mon cabinet est désormais strictement paritaire, ce qui est une première).

Si les représentations peinent à évoluer, des avancées significatives ont pourtant eu lieu : c’est avec Theresa MAY, quand elle dirigeait le Home Office, que j’ai travaillé sur les questions qui intéressaient nos deux pays. C’est avec Amber RUDD que je le fais aujourd’hui. J’apprécie leurs talents et leurs qualités humaines, qui jouent un rôle significatif dans la résolution des dossiers complexes que nous traitons.

Nous nous souvenons aussi des fortes personnalités qui ont occupé, en France, certains de ces ministères régaliens : Elisabeth GUIGOU, Marylise LEBRANCHU, plus récemment Christiane TAUBIRA ont été Gardes des Sceaux. Michèle ALLIOT-MARIE a détenu successivement les portefeuilles de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Toutes ont laissé, dans leurs ministères respectifs, le souvenir de leur investissement passionné et pour certaines, de leur activité réformatrice.

Bien évidemment, il reste beaucoup à faire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un événement comme celui d’aujourd’hui est nécessaire à la cause des femmes en politique : ces parcours exemplaires masquent encore trop souvent les inégalités et les discriminations dont sont victimes les femmes dans leur carrière militante, puis élective. Quelques chiffres significatifs le démontrent : 84 % des maires, 95 % des présidents de conseils départementaux, 92 % des présidents de conseils régionaux sont des hommes. Là où la loi ne contraint pas, les vieux réflexes reprennent le dessus.

C’est d’ailleurs un combat qu’il faut mener sur tous les fronts, dans toutes les administrations. Pour ma part, je n’ai cessé de prêter, au sein du ministère de l’Intérieur, une attention particulière à la question de l’égalité femmes-hommes. J’ai ainsi veillé à ce que soit renforcée la lutte contre les stéréotypes liés au genre.

J’apprécie donc à sa juste valeur le travail quotidien de formation que vous effectuez auprès des femmes élues, pour les aider à prendre toute leur place dans la vie politique. Comme vous le savez, il ne suffit pas d’être présent pour exercer une influence. Il faut se faire entendre. Trop d’obstacles s’opposent encore à l’affirmation des femmes dans certaines de nos enceintes : le premier d’entre eux est l’intériorisation, par les femmes elles-mêmes, de leur rôle secondaire. Vous menez donc un travail d’utilité publique en donnant aux femmes élues les outils qui leur permettent d’assumer pleinement leur pouvoir.

C’est aussi grâce à la formation, et aux échanges d’expériences qui ont cours lors d’événement comme celui d’aujourd’hui, que les mentalités évoluent. Trop d’élues, ou de collaboratrices d’élus, ont à se plaindre du comportement de leurs collègues masculins. C’est, dans ce domaine, un véritable travail d’éducation qu’il faut mener. Je sais que vous y travaillez avec beaucoup d’ardeur et une conscience très nette de l’objectif à atteindre. Vous reprenez à votre compte, dans votre action quotidienne, les propos tenus par Hillary CLINTON à Pékin en 1995 : « Les droits des hommes sont aussi ceux des femmes et les droits des femmes sont, une bonne fois pour toutes, des droits de l’homme. »

Je me félicite donc aujourd’hui que la cinquième édition des Journées Nationales des Femmes Elues serve cet objectif essentiel pour la vitalité de notre démocratie. Nous devons œuvrer ensemble, auprès des élus, des partis politiques, de la société civile pour que les femmes continuent à gagner les places qui leur sont réservées et apportent leur juste contribution au pacte républicain. J’y veille scrupuleusement. Il ne fait pas doute que les échanges d’aujourd’hui et de demain, qui promettent d’être riches, y participent aussi. Je vous remercie et vous adresse toute ma confiance pour ce que vous faites, et pour ce que vous faites.

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, ministre de l'Intérieur, à l'occasion des journées nationales des femmes élues, le 4 novembre 2016 à Paris.