Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'est rendu le mercredi 25 mai 2016 à Orange pour rendre hommage au capitaine Alain Nicolas, gendarme de l'antenne du GIGN d'Orange, décédé en intervention
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député-Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,
Monsieur le Commandant de la région de gendarmerie de Provence-Alpes-Côte-D’azur, Mon Général,
Monsieur le Commandant du GIGN, Mon Colonel,
Monsieur le Commandant de groupement de gendarmerie départementale de Vaucluse, Mon Colonel,
Monsieur le Commandant de l’antenne GIGN d’Orange, Mon Capitaine,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Chère Virginie Nicolas (son épouse),
Chers Véronique et Jean-Pierre Nicolas (ses parents),
Chers Mathias et Maël (ses fils),
Mesdames et Messieurs,
C’est un triste printemps, un printemps terrible, que connaît aujourd’hui la Gendarmerie nationale. La semaine dernière, en l’espace de seulement deux jours, cinq des siens, cinq gendarmes valeureux ont perdu la vie dans des circonstances tragiques et alors qu’ils accomplissaient leur mission au service des Français. Cinq grands professionnels incontestés dans leurs domaines respectifs : l’intervention spécialisée, l’aéronautique et le secours en montagne. Cinq gendarmes disparus, dans le Var et dans les Pyrénées, et c’est la République qui perd cinq de ses fils parmi les plus braves.
Aujourd’hui, à Orange, nous sommes tous rassemblés, dans la peine et le chagrin, pour rendre un dernier hommage au capitaine Alain NICOLAS, tombé samedi dernier sous les balles d’un forcené.
Demain, à Tarbes, nous serons aux côtés des familles de vos quatre camarades du Peloton de Gendarmerie de Haute-montagne de Pierrefitte-Nestalas et du détachement aérien de la gendarmerie de Tarbes, disparus dans un accident d’hélicoptère.
Quelles que soient vos spécialités et quelle que soit la carrière que chacun d’entre vous a choisi d’embrasser, vous avez tous en partage les mêmes qualités de courage, de sang-froid et de dévouement à la République. Chaque jour, vous prenez des risques pour permettre à nos concitoyens de vivre en toute sécurité. Les Français le savent bien, qui vous soutiennent et placent les forces de l’ordre au premier rang des services publics auxquels ils accordent leur confiance.
La mort tragique d’Alain NICOLAS rappelle à chacun d’entre nous, à chaque Français, les exigences qui sont celles de votre métier et la part de risque qui lui est consubstantielle.
A l’instar du capitaine NICOLAS, chacun d’entre vous a fait le serment, en intégrant la Gendarmerie – et c’est également le cas des policiers –, de défendre l’Etat de droit contre toutes les menaces susceptibles de l’atteindre. Cette noble mission, vous l’accomplissez dans des conditions souvent difficiles, que nos concitoyens peinent parfois à imaginer. Pourtant, ils ont conscience des sacrifices que vous accomplissez en leur nom. Ils ont besoin de vous, et ils sont fiers de vous.
Je souhaite, en cet instant de recueillement en mémoire du capitaine Alain NICOLAS, que nous méditions le sens profond de l’engagement inconditionnel qui fut le sien. Un engagement au service de la France et de la République. Un engagement au service des principes fondamentaux de liberté, d’égalité et de fraternité, qui font de nous un grand peuple, uni, libre et debout.
Alain NICOLAS était un grand gendarme, un homme de cœur qui servait la République avec passion, et qui, pour cette raison même, n’hésita jamais à risquer sa vie pour protéger celle des autres. Samedi dernier, à Gassin, dans le Var, il la risqua une dernière fois, au point, cette fois, de la perdre. Jamais nous n’oublierons son exemple, comme jamais nous n’oublierons les circonstances dans lesquelles il a sacrifié sa vie.
Il y a de cela à peine quatre jours, il était en effet appelé, avec ses camarades de l’antenne GIGN d’Orange, à intervenir aux côtés des gendarmes de la compagnie de Gassin-Saint-Tropez pour neutraliser un homme qui venait de tirer sur ex-conjointe avant de se retrancher à son domicile.
Alors que le capitaine NICOLAS était chargé, avec l’un de ses camarades, de renseigner et d’appuyer la colonne d'assaut, il a soudainement été atteint par les tirs du forcené. Bien qu’immédiatement secouru par les sapeurs-pompiers, il a succombé à ses blessures.
Face à tous les périls, les femmes et les hommes qui s’engagent au sein des forces de l’ordre veillent sur nous. Et parfois, meurent pour nous. Le capitaine Alain NICOLAS était l’un de ces héros.
En cet instant, c’est d’abord à vous, Virginie, que je pense, son épouse, sa confidente, son plus fidèle soutien. A vous et à vos deux enfants, Mathias et Maël, qu’Alain aimait tant et dont il était si fier. Je pense aussi à vous, Véronique et Jean-Pierre, qui perdez un fils. C’est là une souffrance que je ne saurais moi-même imaginer et que nul parent ne devrait avoir à endurer.
Je pense à toute sa famille et à ses proches, à ses amis et à ses camarades de l'antenne GIGN d’Orange, à toutes celles et ceux qui ont croisé ou accompagné son chemin. Je pense notamment à ses anciens frères d'arme du Groupe de pelotons d'intervention de Guyane.
Vous tous qui aimiez Alain, vous avez perdu un époux, un père, un fils, un ami, un camarade. Sachez que, dans cette terrible épreuve, vous avez, et vous aurez toujours, tout mon soutien, comme celui de l’ensemble de la Gendarmerie nationale. Votre chagrin est aujourd’hui le nôtre, et il est le mien.
La carrière du capitaine NICOLAS fut, en tous points, remarquable. Il était un grand professionnel, passionné par son métier.
Il avait fait très tôt le choix de s’engager, animé par la volonté de servir. C’est ainsi qu’en février 2000, après son service militaire, il a choisi de rejoindre l'école de Gendarmerie de Tulle comme gendarme-adjoint volontaire, avant d’intégrer, à l’issue de sa formation initiale, le peloton d’autoroute de Noiretable, dans son département d’origine, la Loire.
Dès lors, sa vocation est définitivement assurée, et ne cessera, au fil des années et des affectations, de se renforcer. La vie d’Alain NICOLAS, c’est la Gendarmerie. Celle-ci est sa seconde famille.
En janvier 2003, il est ainsi admis à l’école de Gendarmerie de Montluçon, d'où il sortira brillamment pour intégrer l'escadron de gendarmerie mobile de Bron, dans le Rhône. Avec cette unité, il participe à de nombreuses missions en métropole et outre-mer. Il y apprend son métier et ses contraintes, intervenant parfois dans des contextes particulièrement difficiles, comme en Guadeloupe en 2009. Il y développe son goût de l'effort et de l’action, sa volonté de toujours aller au-delà de soi-même.
Très vite, en raison de ses nombreuses compétences, on le repère pour servir au sein du peloton d'intervention. Il choisit alors de se spécialiser dans ce domaine et d’y faire sa carrière. En août 2010, bientôt promu maréchal-des-logis-chef, il rejoint la Guyane au sein du Groupe des pelotons d'intervention outre-mer, à Cayenne. C'est là une affectation d’élite, réservée aux professionnels aguerris, tant elle exige de grandes qualités techniques et humaines. Cette expérience marquera très profondément Alain NICOLAS, lui qui parlait souvent de « sa » Guyane et que ses camarades appelaient « le Guyanais ».
De l’autre côté de l’Atlantique, dans ce bout de France niché aux portes de l’Amazonie, il participe à bien des missions périlleuses. Là-bas, il sera blessé, félicité, décoré à plusieurs reprises pour ses nombreux faits d'armes.
En septembre 2010, à peine arrivé, lors d'une mission de lutte contre la pêche illégale, il contribue à la neutralisation d’un équipage qui cherchait à s’opposer par la violence à l'action des forces de l’ordre. Pour cela, il sera cité à l'ordre de la brigade par le Directeur général de la Gendarmerie nationale en personne, et obtiendra la Médaille de la Gendarmerie nationale, étoile de bronze.
En décembre 2013, il fait une nouvelle fois preuve d’un courage impressionnant à l’occasion d’une opération d’arraisonnement d’un équipage brésilien se livrant, lui aussi, à des activités de pêche illégales. Au cours de cette intervention délicate, il protège ses camarades en butte à la violence des délinquants, et, alors que la situation dégénère, se porte au secours de l'un d’entre eux, victime d'un coup de couteau. Lui-même gravement blessé à la main, il n’en poursuit pas moins sa mission jusqu’au bout, montant à l'assaut et réussissant – malgré sa blessure – à interpeller l’un des malfaiteurs, avant d'être à son tour évacué. En raison de cet acte d’héroïsme, il fut cité à l’ordre de la Division et reçut la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement, ainsi que la Médaille de la Gendarmerie nationale, étoile d’argent. Car, oui, Alain NICOLAS était un véritable héros.
Il y eut encore bien d’autres missions et bien d’autres actes de bravoure. Il y eut l'arrestation des auteurs présumés de l'assassinat de deux militaires français à Dorlin, après une longue traque en pleine forêt équatoriale. Il y eut l'interpellation d'un forcené particulièrement dangereux, recherché pour meurtre à Saint-Laurent-du-Maroni. Il y eut aussi l'arrestation en flagrant délit de quatre auteurs d'homicides et de vols à main armée dans la commune de Matoury. En Guyane, le capitaine NICOLAS avait appris à repousser ses limites et à endurer les circonstances les plus rudes. Il était devenu un gendarme d’élite, capable de faire face à toute situation d’intervention.
C’est désormais riche d’une expérience unique qu’après quatre années passées outre-mer, il retrouve la métropole, en août 2014, au sein du Peloton d'intervention inter-régional de la gendarmerie (PI2G) d'Orange, unité d'élite transformée, il y a peu, en une antenne régionale du GIGN. Personnalité forte, mais accessible et modeste, adepte de l’autodérision, Alain s’est imposé comme une référence pour les plus jeunes d’entre ses camarades, qui n’hésitaient jamais à prendre conseil auprès de lui.
Promu adjudant en 2014, chef d'équipe expérimenté, il a contribué, avec sa nouvelle unité, à interpeller plusieurs individus dangereux, aux côtés de la gendarmerie départementale.
Le capitaine Alain NICOLAS ne laissait jamais rien au hasard. C’était un perfectionniste, un homme de l’art qui n’avait de cesse d’améliorer les techniques et les matériels auxquels lui et ses camarades avaient recours. Les petites fiches qu’il rédigeait à l'attention de ses chefs étaient devenues fameuses. C'est cette très grande rigueur qui l'a tout naturellement conduit, en septembre dernier, à prendre la tête de la cellule accordage-franchissement du PI2G d'Orange. Car Alain était un chef dans l’âme, il était de ceux dont on sait toujours pouvoir compter sur eux. Il avait encore tant de choses à faire, et une si belle carrière à poursuivre.
Samedi dernier, près de dix-sept années passées au service de la France et de la République ont été tragiquement interrompues. Alain est tombé en gendarme, fidèle à ses valeurs, fidèle aux valeurs de la Gendarmerie, fidèle aux valeurs de la République.
Un tel drame nous rappelle une fois de plus ce que nous devons aux gendarmes et aux policiers. Grâce à eux, nos lois, nos valeurs et nos libertés ne restent point lettre morte. C’est la raison pour laquelle jamais je n’accepterai que quiconque puisse remettre en cause, sans raison aucune, l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui, pour nous protéger, s’exposent eux-mêmes au danger. Ils ont droit à notre estime, à notre profonde gratitude et à notre admiration.
Et c’est aussi la raison pour laquelle les violences commises à leur encontre ne doivent jamais rester impunies. La justice doit ainsi passer avec la plus grande sévérité. Tous ceux qui s’en prennent aux représentants de la loi et de l’ordre, tous ceux qui défient l’autorité légitime de l’Etat, doivent savoir que la République sera intraitable avec eux et qu’elle les rattrapera.
L’année dernière, plus de 18 000 policiers et gendarmes ont été blessés en service, tandis que 8 de leurs collègues et camarades ont trouvé la mort dans l’exercice de leurs fonctions. Je souhaite que chacun de nos concitoyens en prenne conscience, comme nous en avons conscience, au sein du ministère de l’Intérieur.
Aujourd’hui, la Gendarmerie nationale est en deuil, plus que jamais solidaire comme à chaque fois que tombe l’un des siens. En considération de sa brillante carrière, Alain NICOLAS a été promu au grade de capitaine. Dans un instant, il sera élevé à titre posthume au grade de chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et sera décoré de la Médaille militaire.
A tous ceux qui se plaisent à décrire une France qui serait en proie au déclin, je veux dire ceci : tant que certains d’entre nous – les plus braves – seront prêts à donner leur vie pour elle, la France vivra. Tant qu’il y aura des Alain NICOLAS, la France demeurera fidèle à ce qu’elle doit être.
Voilà pourquoi, aujourd’hui, c’est toute la Nation qui exprime sa profonde gratitude et sa reconnaissance à celles et ceux qui l’ont servie jusqu’au bout. Alain NICOLAS était l’un d’entre eux. Honneur à lui. Honneur à tous ceux qui, comme lui, sont tombés. Honneur à toutes celles et ceux qui poursuivent chaque jour le combat qu’Alain NICOLAS aura livré jusqu’au sacrifice ultime, et qui lui demeureront fidèles.