Hommage au major Christian RUSIG

Hommage au major Christian RUSIG
30 novembre 2016

Intervention de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à l'occasion de l'hommage au major Christian Rusig, tué en service, à Tarascon-en-Ariège, le 30 novembre 2016


Madame la Préfète,

Madame et Messieurs les parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil départemental,

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mon Général, Directeur général de la Gendarmerie nationale,

Mon Général, Commandant la région de gendarmerie Occitanie,

Mon Colonel, Commandant le groupement de gendarmerie départementale de l’Ariège,

Mesdames et Messieurs les autorités judicaires, civiles et militaires,

Chère Yolande Rusig,

Cher Rugero Rusig,

Chers Aurélie et Nicolas,

Mesdames et Messieurs,

Il y a trois jours, dans la nuit de samedi à dimanche, un grand gendarme, un chef unanimement respecté et un homme de valeur, nous a quittés. Cet homme, c’était le major Christian RUSIG, commandant de la brigade de gendarmerie de Tarascon-sur-Ariège. Il avait 55 ans. Il est mort comme il a vécu : en accomplissant son devoir au service de la France et de la République.

Aujourd’hui, nous sommes tous rassemblés, dans la peine et le chagrin, pour lui rendre un dernier hommage et accompagner sa famille, ses proches, ses camarades, dans cette terrible épreuve.

C’est aussi la République tout entière qui salue l’un de ses fils, tombé en son nom et pour faire respecter ses lois. A travers le major RUSIG, nous rendons enfin hommage à l’ensemble des gendarmes et des policiers de France qui n’hésitent pas à donner leur vie pour protéger celle de leurs concitoyens.

Depuis le début de cette année, neuf gendarmes ont été tués en service. Je pense notamment au lieutenant-colonel Jean-Christophe ROYER, au chef d’escadron Dominique JAMET, aux capitaines Christophe CAVAILLÈS et Lionel LOUSSALEZ-ARTETS, du  peloton de Gendarmerie de haute-montagne (PGHM) de Pierrefitte-Nestalas et du détachement aérien de la gendarmerie de Tarbes, qui ont trouvé la mort, le 20 mai dernier, dans le crash de leur hélicoptère, à moins de 100 km d’ici. Sur les neuf militaires dont nous déplorons la perte, cinq appartenaient donc à des unités de la région de gendarmerie Occitanie, laquelle paye un lourd tribut à la protection des Français.

La disparition tragique du major RUSIG, comme celle de vos autres camarades, rappelle à chacun d’entre nous, à chaque Français, les exigences qui sont celles de votre métier et la part de risque qui lui est consubstantielle.

Quelles que soient vos spécialités et quelle que soit la carrière que chacun d’entre vous a choisi d’embrasser, vous avez tous en partage les mêmes qualités de courage, de sang-froid et de dévouement à la République. Chaque jour, vous prenez des risques pour permettre à nos concitoyens de vivre en toute sécurité. Les Français le savent bien, qui vous soutiennent et placent les forces de l’ordre au premier rang des services publics auxquels ils accordent leur confiance.

A l’instar du major RUSIG, chacun d’entre vous a fait le serment, en intégrant la Gendarmerie – et c’est également le cas des policiers –, de défendre l’Etat de droit contre toutes les menaces susceptibles de l’atteindre. Cette noble mission, vous l’accomplissez dans des conditions souvent difficiles, que nos concitoyens peinent parfois à imaginer. Pourtant, ils mesurent les sacrifices que vous consentez en leur nom. Ils ont besoin de vous, et ils sont fiers de vous.

Néanmoins, chacun d’entre nous, ici, en a tristement conscience : un nouveau palier a été franchi dans la violence à laquelle les forces de l’ordre sont confrontées. En témoignent la mort du major RUSIG, ainsi que les violences inqualifiables dont deux autres de vos camarades ont fait l’objet au cours de ces derniers jours : l’un, du Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie de Palaiseau, et l’autre, jeune gendarme-adjoint volontaire du PSIG de Quimper, tous deux blessés, traînés sur plusieurs mètres par un véhicule dont le conducteur avait refusé d’obtempérer et de se soumettre à un contrôle. En témoigne également la tentative d’assassinat perpétrée par une bande de criminels, le 8 octobre dernier, à Viry-Châtillon, contre quatre policiers qui accomplissaient une mission de surveillance.

Jamais nous ne tolèrerons que de telles violences, de telles agressions puissent être commises contre des gendarmes ou des policiers. Elles doivent être réprimées avec la plus grande fermeté. Le chauffard criminel qui a tué Christian RUSIG était un délinquant multirécidiviste, plusieurs fois condamné pour des infractions graves. Il a été appréhendé par les forces de l’ordre. A nouveau, la Justice doit faire son œuvre, et ce avec la plus grande sévérité.

Je souhaite, en cet instant où nous nous recueillons en mémoire du major Christian RUSIG, que nous méditions le sens profond de l’engagement inconditionnel qui fut le sien, des risques qu’il a pris pour accomplir sa vocation. Un engagement et une vocation au service des principes fondamentaux de liberté, d’égalité et de fraternité, qui font du peuple français un grand peuple, uni, libre et debout.

Christian RUSIG était un grand professionnel, un homme de cœur qui servait la République avec passion et conviction. Dans la nuit de samedi dernier, entre Ussat et Tarascon-sur-Ariège, il est allé au bout de son engagement, au bout de ses valeurs de courage et d’abnégation. Jamais nous n’oublierons son exemple, comme jamais nous n’oublierons les circonstances dans lesquelles il a sacrifié sa vie.

Ce soir-là, il était en patrouille de surveillance avec le gendarme Guy GARROS, auquel j’adresse aujourd’hui une pensée émue. Alors que tous deux intervenaient sur un incendie aux côtés des sapeurs-pompiers, ils ont aperçu un véhicule suspect faisant demi-tour. Immédiatement, ils se sont lancés à sa poursuite, parvenant finalement à l’intercepter. Alors que le major RUSIG s’apprêtait à contrôler le conducteur et ses passagers, le véhicule lui a foncé dessus, de manière délibérée, nous le savons, dans l’intention évidente de tuer.

Très grièvement blessé, Christian RUSIG est alors évacué vers l'hôpital de Toulouse. Malheureusement, en dépit de l’intervention des médecins, il succombe à ses blessures, peu avant l’aube, le dimanche 27 novembre. 

Je l’ai souvent dit : face à tous les périls, les femmes et les hommes qui s’engagent au sein des forces de l’ordre veillent sur nous. Et parfois, ils meurent pour nous. Le major Christian RUSIG était l’un de ces héros du quotidien.

En cet instant, c’est d’abord à vous, Yolande, que je pense, son épouse, sa confidente, son plus fidèle soutien. A vous et à vos deux enfants, Aurélie et Nicolas, que Christian aimait tant et dont il était si fier. Je pense aussi à vous, Rugero, qui perdez un fils, douleur contre-nature que nul parent ne devrait avoir à endurer.

Je pense à toute sa famille et à ses proches, à ses amis et à ses camarades de la brigade territoriale autonome de Tarascon-sur-Ariège et du groupement de gendarmerie de l’Ariège, à toutes celles et à tous ceux qui ont eu le privilège de croiser ou d’accompagner son chemin.

Vous tous qui aimiez Christian, vous avez perdu un époux, un père, un fils, un ami, un camarade. Sachez que, dans cette terrible épreuve, vous avez, et vous aurez toujours, tout mon soutien, comme celui de l’ensemble de la Gendarmerie nationale. Votre chagrin est aujourd’hui le nôtre, et il est le mien.

La carrière du major RUSIG fut, en tous points, remarquable.

Très tôt, après son service militaire effectué dans la Marine, il a fait le choix de s’engager, dès 1983, dans la Gendarmerie nationale, animé par la volonté de servir son pays. Dès lors, sa vocation est définitivement assurée, et ne cessera, au fil des années et des affectations, de se renforcer. La vie de Christian RUSIG, c’est la Gendarmerie. Celle-ci est sa seconde famille.

Sa carrière – une belle carrière –, il l’accomplit dans les unités territoriales, c’est-à-dire au cœur de l’institution de la Gendarmerie, au plus près des réalités du pays, au plus près aussi de nos concitoyens. Tout d’abord affecté à la brigade motorisée d'Orléans, il rejoint quatre ans plus tard la région Midi-Pyrénées, sa région natale. Il sert alors au sein de la brigade territoriale de Jegun, dans le Gers, où il obtient le diplôme d'officier de police judiciaire. En mars 1994, il est affecté à la brigade territoriale de Lauzès, dans le Lot, en qualité de commandant de brigade. Le 1er décembre suivant, il est promu maréchal des logis-chef.
A partir de décembre 1997, il change d’horizon et rejoint la brigade territoriale de Rikitéa, en Polynésie française. Dans cette unité isolée, dont il réorganise le fonctionnement, il noue un contact privilégié avec les élus locaux et la population. Là-bas, il découvre de nouveaux aspects de son métier. Il continue d’y développer son goût de l'effort et de l’action, sa volonté de toujours aller au-delà de soi-même. Chef respecté, il s’investit dès lors dans la lutte contre les violences sur mineurs et contre les trafics de stupéfiants qui touchent particulièrement l'archipel. Il assume aussi parfois un rôle de notaire ou d'huissier, tant les gendarmes, dans certains territoires ultra-marins, doivent remplir certains offices supplémentaires, parachevant en quelque sorte leurs fonctions d’hommes du droit.

Après deux années passées en Polynésie, c’est désormais riche d’une expérience unique que Christian RUSIG retrouve la métropole et, une nouvelle fois, sa région d’origine, à Bourg-de-Visa, dans le Tarn-et-Garonne. Il ne cessera cependant de se montrer très attaché à ces îles lointaines, lumineuses poussières de France au cœur du Pacifique, auxquelles il aura tant donné et dont il conservera à jamais le souvenir.

En décembre 2006, il est finalement affecté à la tête de la brigade territoriale autonome de Tarascon-sur-Ariège. Dans ces nouvelles responsabilités, il s’engage totalement, comme il l’a toujours fait, avec son autorité naturelle, ses compétences opérationnelles et son sens aigu de l’exemplarité. Autant de qualités qui justifient qu’il soit promu major le 1er janvier 2012.

Toujours « sur la brèche », commandant « à la voix », comme on dit, il est systématiquement le premier à se rendre sur le terrain. En 2014, il dirige, avec un brio remarquable, une intervention particulièrement délicate, venant en aide à deux personnes âgées bloquées à bord d’un véhicule tombé dans la rivière Ariège.

Samedi dernier, il s’était encore porté volontaire pour le service de nuit, malgré son grade et son ancienneté, montrant à nouveau l’exemple.
Le major RUSIG était un chef dans l’âme. Il était de ceux dont on sait toujours pouvoir compter sur eux. Il avait encore tant de choses à faire, et une si belle carrière à poursuivre.

Samedi dernier, plus de trente-quatre années passées au service de la France et de la République ont été tragiquement interrompues. Christian est tombé en gendarme, fidèle à ses valeurs, fidèle aux valeurs de la Gendarmerie, fidèle aux valeurs de la République.

Mais c’est aussi la vie d’un père de famille, d’un homme passionné de rugby et de peinture, qui a été injustement brisée, arrachée à l’affection des siens, de son épouse, de ses deux enfants et de son père.

Un tel drame nous rappelle une fois de plus ce que nous devons aux gendarmes et aux policiers. Grâce à eux, nos lois, nos valeurs et nos libertés ne restent point lettre morte. C’est la raison pour laquelle jamais je n’accepterai que quiconque puisse remettre en cause, sans raison aucune, l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui, pour nous protéger, s’exposent eux-mêmes au danger. Ils ont droit à notre estime, à notre profonde gratitude et à notre admiration.

Et c’est aussi la raison pour laquelle, comme je l’ai dit, les violences commises à leur encontre ne doivent jamais rester impunies. Tous ceux qui s’en prennent aux représentants de la loi et de l’ordre, tous ceux qui défient l’autorité légitime de l’Etat, doivent savoir que la République les rattrapera.

Aujourd’hui, la Gendarmerie nationale est en deuil, plus que jamais solidaire comme à chaque fois que tombe l’un des siens. En considération de sa brillante carrière, Christian RUSIG a été promu au grade de chef d’escadron. Dans un instant, il sera élevé à titre posthume au grade de chevalier de la Légion d’Honneur et sera décoré de la Médaille de la Gendarmerie avec palmes de bronze. Il sera également cité à l’ordre de la Nation.

Aujourd’hui, la République exprime sa profonde gratitude et sa reconnaissance à celles et ceux qui l’ont servie jusqu’au bout. Le major RUSIG était l’un d’entre eux. Comme tout gendarme, il avait l’esprit droit et l’âme honnête. Homme de devoir, il avait la volonté de bien servir. Sa conviction était l’honneur, et la République. Qu’il repose désormais en paix.