Cérémonie de remise des sabres aux élèves-officiers de la Gendarmerie

Cérémonie de remise des sabres aux élèves-officiers de la Gendarmerie
2 décembre 2016

Intervention de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à l'occasion de la Cérémonie de remise des sabres aux élèves-officiers de la Gendarmerie nationale, en date du 2 décembre 2016


Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,

Madame le Commandant de l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale, Générale,

Mesdames et Messieurs les officiers et les élèves-officiers de la Gendarmerie,

Mesdames et Messieurs,

Ce soir, et pour la troisième fois, je me tiens sur cette place d’armes de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale. C’est la troisième fois, oui, mais c’est là, comme toujours, une très grande fierté et une très grande émotion que de m’adresser à vous, qui serez demain les officiers, les cadres, les chefs de la Gendarmerie.

Je sais que la traditionnelle cérémonie de remise des sabres, qui nous réunit aujourd’hui, constitue un moment particulièrement fort, une étape symbolique, pour vous, élèves-officiers de 1ère année, qui vous trouvez aujourd’hui à l’aube d’une carrière dans l’une des institutions les plus prestigieuses de notre pays.

En vérité, en entrant dans la Gendarmerie, vous faites plus que de choisir une carrière : vous accomplissez une vocation. Vous vous engagez à servir l’État de droit. Vous faites le serment de défendre jusqu’au bout les lois de la République, celles-là mêmes que le peuple français, dans le plein exercice de sa souveraineté, s’est données à lui-même. Vous serez ainsi, avec vos collègues policiers, les gardiens vigilants de la sécurité de nos concitoyens. Et par là même, vous serez les fermes garants du respect de leurs libertés.

Vous accomplissez une vocation, je l’ai dit, et, ce faisant, vous embrassez une histoire. Née sous la monarchie, fille des Lumières, la Gendarmerie nationale est aujourd’hui un pilier de la République. Institution de loyauté et de fidélité, d’ordre et de stabilité, elle a néanmoins toujours su s’adapter aux évolutions de la France et à celles du monde qui l’entoure, aux secousses qui les ont tous deux transformés tout au long de huit siècles d’histoire tumultueuse.

Cette histoire, désormais, est aussi la vôtre. Vous y entrez de plain-pied, vous en serez très bientôt des acteurs à part entière.

Derrière vous, sur la façade de votre Ecole, s’élèvent les Trois couleurs du drapeau national. Pour elles, nombreux sont vos camarades qui, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, se sont battus et parfois sont tombés. Ces Trois couleurs nous rappellent la signification profonde de votre engagement.

Je l’ai rappelé, voici un an, à celles et ceux qui se tenaient ici-même à votre place, et je veux aujourd’hui vous le dire à vous aussi, car c’est là le cœur de notre identité nationale.

En République, Mesdames et Messieurs, l’honneur est le fruit des vertus et des talents, et non pas des privilèges. Il est le résultat des choix que nous assumons, tous autant que nous sommes, avec les responsabilités qui sont les nôtres.

La grandeur dans la République ne s’hérite pas : elle se mérite.

En entrant dans la Gendarmerie nationale, vous faites désormais partie de l’élite de la République. Cette noblesse du courage, c’est elle que symbolise le sabre que les élèves de seconde année vous ont remis solennellement.

Par cette cérémonie, vous signez un contrat, un pacte avec la France et avec les Français. Sur l’ensemble du territoire national, vous vous engagez à les protéger de toutes les menaces et de toutes les violences susceptibles de les atteindre.

Ce pacte, vous le réalisez aujourd’hui, vous le savez, dans des circonstances particulièrement dramatiques pour le pays. Votre engagement n’en est que plus fort et plus nécessaire que jamais.

Depuis le mois de janvier 2015, la France affronte une menace terroriste inédite par sa nature comme par son ampleur. A Paris comme à Montrouge, de « Charlie Hebdo » à la porte de Vincennes, à Saint-Quentin-Fallavier, aux terrasses du cœur de la capitale comme au Bataclan, à Saint-Denis comme à Magnanville, sur la Promenade des Anglais, à Nice, comme en l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, nombreux – trop nombreux – sont nos concitoyens et nos amis de l’étranger qui ont été victimes de la barbarie djihadiste. Parmi ces victimes, il y eut six fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, morts en service, les armes à la main, ou bien pris pour cible, assassinés parce qu’ils portaient l’uniforme et parce qu’ils étaient des serviteurs de la République.

Tous, nous les pleurons, sans exception. Et nous exprimons notre profonde gratitude aux gendarmes et aux policiers qui, à chaque fois que nous avons été attaqués, ont pris tous les risques pour neutraliser les assaillants et protéger les Français.

Grâce à vous et grâce à l’ensemble des femmes et des hommes qui croient en elle et qui se mobilisent pour la défendre, la France, malgré les coups qui lui sont portés, sera toujours plus forte que le terrorisme. Le combat sera long  certed, il sera aussi difficile. Chacun d’entre nous doit en avoir pleinement conscience. C’est la raison pour laquelle la France a besoin de vous. Mais, à la fin, soyez-en sûrs, nous vaincrons. Car telle est la grandeur de notre pays, meurtri, mais fier et toujours debout malgré les épreuves.

Elèves-officiers, sachez que les Français attendent beaucoup de vous.

Ils attendent bien sûr des résultats concrets en matière de lutte contre la criminalité et la délinquance, de lutte contre le terrorisme. Mais ils vous demandent aussi d’être une présence visible, qui les écoute et les rassure, de jour comme de nuit. Dans les territoires ruraux, en particulier, vous serez l’incarnation de l’Etat.

Lors de vos patrouilles ou de vos interventions, vous serez souvent confrontés à des situations d'urgence, parfois extrêmement dangereuses. Face à la violence et à la délinquance du quotidien, face aux trafics en tous genres et à la criminalité, face au terrorisme, vous serez en première ligne. Vous devrez faire preuve de discernement et de droiture morale. Vous serez exemplaires et rigoureux, et d’abord à l’égard des femmes et des hommes que vous aurez sous votre commandement. Car, de votre comportement et de vos capacités de décision, dépendront la sécurité et parfois la vie même de ceux qui vous entourent, qui travaillent avec vous ou sous vos ordres, de ceux aussi pour qui vous vous engagez.

N’oubliez jamais que la seule autorité qui vaille repose sur la valeur de celles et ceux qui l’exercent. Car l’élévation d’une femme ou d’un homme ne se justifie que si l’on apporte à l’effort commun l’impulsion et la rigueur que celui-ci exige.

C’est à ce prix, celui de la responsabilité, que l’on obtient le droit de commander à autrui.

En tant qu’officiers, vous devrez donner du sens aux missions qui seront confiées à vos subordonnés. Vous assumerez aussi un rôle pédagogique en contribuant à leur formation continue, tout au long de leur carrière. Il reviendra à chacun d’entre vous de faire preuve d’attention, d’entendre les observations et les suggestions des gendarmes placés sous vos ordres, d’écouter leurs doléances et leurs propositions.

Car c’est aussi cela, être un chef.

C’est aussi cela, l’exercice de l’autorité.

Ce soir, je veux donc vous délivrer à tous un message de confiance et de gratitude.

De confiance, parce que je sais que vous serez à la hauteur.

De gratitude, parce que je sais le prix trop souvent payé par les gendarmes – et par les policiers – lorsqu’ils accomplissent leur devoir.

J’ai bien sûr aussi une pensée émue pour vos camarades qui ont été blessés, ou, pire, qui sont tombés en mission. Depuis le début de cette année, neuf gendarmes ont été tués en service.

Je pense ce soir au chef d’escadron Christian RUSIG, qui nous a quittés il y a quelques jours à peine, à Tarascon-sur-Ariège.

Je pense au lieutenant-colonel Jean-Christophe ROYER, au chef d’escadron Dominique JAMET, aux capitaines Christophe CAVAILLÈS et Lionel LOUSSALEZ-ARTETS, qui ont trouvé la mort, le 20 mai dernier, dans le crash de leur hélicoptère.

Je pense au capitaine Alain NICOLAS, victime d’un forcené, dans le Var, au cours de ce même tragique mois de mai.

Je pense enfin aux majors Hocine REBIHA, Sébastien CONARD et Jean-Christophe BOCHET, qui, tous trois, ont eux aussi perdu la vie cette année dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ont droit à la reconnaissance de la Nation tout entière.

Comme je l’ai dit, l'action des forces de l'ordre a pour objectif de protéger les personnes et les biens, en faisant appliquer la loi de la République. Parce qu’elle est particulièrement exigeante, une telle mission doit être menée avec sérénité et confiance.

La Gendarmerie a toujours su s'adapter aux attentes de la population et aux nouveaux enjeux de sécurité. L’institution à laquelle vous appartenez désormais est parfaitement armée pour relever les nombreux défis auxquels nous devons faire face collectivement.

Nous avons en effet considérablement renforcé les moyens humains dont disposent les forces de l’ordre. D’ici à la fin du quinquennat, 9.000 gendarmes et policiers supplémentaires auront ainsi rejoint les unités et les services de sécurité intérieure. Au cours de la seule année 2016, plus de 12 000 gendarmes auront été incorporés et formés dans nos écoles. A cet égard, nous venons d’inaugurer avec le Général Lizurey la toute nouvelle Ecole de gendarmerie de Dijon – la première créée depuis plus de quinze ans.

Bien sûr, ces arrivées profitent d’ores et déjà et continueront de profiter à l’ensemble des forces, quelles que soient les missions dont elles s’acquittent : la lutte contre l’insécurité et la délinquance quotidiennes, l’antiterrorisme, le renseignement intérieur, la lutte contre l’immigration irrégulière, le maintien de l’ordre public. J’ajoute que nous avons recréé 22 pelotons dans les escadrons de gendarmerie mobile, ce qui représente plus de 480 effectifs supplémentaires. Nous avons même créé un tout nouvel escadron, en Seine-Saint-Denis. C’était là aussi la première fois qu’un tel événement avait lieu depuis près de 20 ans.
Enfin, nous avons créé quatre antennes supplémentaires du GIGN, dont trois en métropole.

Derrière les chiffres, il y a une réalité humaine, celle des femmes et des hommes, policiers et gendarmes, qui rejoignent les commissariats de police et les brigades de gendarmerie, pour lutter contre la délinquance et la criminalité.

Nous avons aussi renforcé les moyens matériels. Nous avons augmenté de 16% les crédits d’équipement et de fonctionnement pour moderniser les armements et les équipements de protection, rénover l’immobilier et renouveler le parc automobile. Nous avons mis l’accent, grâce à un plan inédit lancé dès le mois d’octobre 2015, sur les moyens dont disposent les BAC dans les commissariats de police et les 150 Pelotons de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie (PSIG) de type Sabre.

Nous avons signé un accord historique, en avril dernier, avec le Conseil de la Fonction militaire de la Gendarmerie et les syndicats de police pour améliorer les conditions de travail des femmes et des hommes qui composent les forces de l’ordre, tout en les recentrant sur leur cœur de métier.

Enfin, il y a un peu plus d’un mois, nous avons décidé de mettre en œuvre un grand Plan pour renforcer les moyens dont disposent les femmes et les hommes de la Sécurité publique, ces policiers et ces gendarmes du quotidien qui assurent la sécurité sur le terrain, au plus près de nos concitoyens.

Nous prenons donc toutes les décisions qui s’imposent pour vous donner les moyens d’accomplir vos futures missions.

Chacun d’entre vous participera ainsi pleinement à la lutte que nous menons contre le terrorisme et contre le phénomène de la radicalisation violente. Car, depuis l’année dernière, nous avons changé d’époque, et par là même nous avons changé de paradigme : désormais, la lutte contre le terrorisme ne mobilise plus seulement les services et les unités spécialisés, mais bien l’ensemble des forces de l’ordre.

Dans chacun des maillons de notre dispositif global, progressivement consolidé au cours de ces derniers mois, la Gendarmerie, acteur majeur de la sécurité nationale, joue donc un rôle de tout premier plan. Les précieux atouts de cette dernière sont ainsi pleinement valorisés, qu’il s’agisse de son maillage territorial, de ses capacités de recueil et d'analyse du renseignement, de ses capacités judiciaires et d'intervention, de  son organisation favorisant la montée en puissance rapide sous un commandement unique.

Ces atouts, nous continuerons de les mobiliser pleinement dans les mois qui viennent afin que le ministère de l’Intérieur assure au mieux, avec le concours des Armées, la protection de l'ensemble du territoire.

Votre implication dans les missions de renseignement sera déterminante. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’implanter des antennes du renseignement territorial au sein d’unités de gendarmerie, pour enraciner au cœur des territoires le renseignement ciblé sur la lutte contre la radicalisation violente.

A cet égard, la coopération entre les différents acteurs et les échanges d’informations doivent faire partie de vos habitudes de travail. Les différentes composantes des forces de l’ordre doivent se parler, être à l’écoute les unes des autres, partager entre elles leurs informations – bref, travailler ensemble. C’est ce que l’Etat exigera de vous, une fois que vous aurez achevé votre scolarité et que vous aurez pris vos fonctions dans vos unités respectives. Il en va tout simplement de la sécurité et de la protection de nos concitoyens, en tout point du territoire national.

En second lieu, vous lutterez contre toutes les formes de délinquance qui sont susceptibles d’affecter la vie quotidienne des Français. En cette matière aussi, les attentes sont très fortes. Les futurs commandants territoriaux de gendarmerie que vous êtes devront faire preuve de réactivité et d’esprit de décision. Car l’autorité de l’Etat doit s’exercer avec fermeté en tout point du territoire national : c’est ainsi que nous protégerons nos concitoyens face à toutes les formes d’insécurité.

La politique de sécurité que le Gouvernement conduit est ambitieuse et attentive aux préoccupations des Français. Elle décline dans chaque territoire les grandes orientations nationales que nous avons déterminées et qu’il s’agit d’adapter aux réalités locales. Telle est la logique qui a présidé à la mise en place, dans les zones où se concentrent les faits de délinquance, des Zones de Sécurité prioritaires (ZSP), dotées de moyens renforcés et où interviennent tous les services de l’Etat.

Pour remplir votre mission, vous devrez apprendre à connaître votre zone de compétence, les attentes de la population qui y réside, les difficultés qu'on y rencontre, les enjeux qui s'y attachent, la délinquance qui s'y développe. Ce travail d’analyse vous permettra d'établir des diagnostics précis, de participer à l’élaboration des priorités et des réponses opérationnelles que nous opposons à la délinquance, en proposant des actions concrètes et adaptées.

Bien entendu, dans l’accomplissement de leurs missions, les forces de sécurité intérieure n'agissent pas seules. Sous l'égide des autorités administratives et judiciaires, vous travaillerez avec l'ensemble des acteurs qui concourent à la sécurité du territoire. Vous devrez nouer et cultiver un dialogue fructueux avec les élus, les associations, les bailleurs, les transporteurs, la communauté éducative et bien entendu avec l'autorité judiciaire. J’attends également de vous que vous établissiez un lien de confiance solide avec la population, qui devra reposer sur l'exemplarité de votre action et sur un respect mutuel. C'est là une condition indispensable de la réussite de vos missions. Car, plus que jamais, la sécurité au quotidien est l'affaire de tous.

Enfin, vous devrez relever un troisième et dernier défi : celui de la modernisation de l'action publique. C'est là un autre objectif majeur du Gouvernement, qui doit nous permettre de mieux utiliser nos ressources – et d’en développer de nouvelles – pour gagner en efficacité, au profit de nos concitoyens. Tous les cadres publics – vous en ferez partie – doivent s’engager résolument dans cette démarche, qui commande que nous agissions avec pragmatisme. 

C'est tout le sens de la « feuille de route » participative engagée depuis maintenant trois ans. 370 mesures ont d’ores et déjà été prises, articulées autour de trois axes : le renforcement de l’action opérationnelle et la production de sécurité, l’allègement de l’administration et du fonctionnement de l’institution et la valorisation du personnel et des compétences.  C’est là une démarche de concertation inédite, grâce à laquelle une institution multiséculaire démontre qu’elle est capable, collectivement, de se réformer elle-même pour le bien de celles et ceux qui la font vivre et, partant, pour le bien de tous les Français.

Elèves-officiers de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale, vous avez choisi de servir une institution présente sur tous les fronts, comme l’a encore démontré l’année qui s’achève.

Pour assurer les missions qui demain seront les vôtres et relever les défis que j’ai rappelés, vous allez bénéficier, à l’EOGN, pendant deux années, d’une formation complète qui vous préparera pleinement à prendre, le temps venu, toute votre place à la tête d'un commandement opérationnel, dans la préparation et la conduite des politiques publiques, au sein du ministère de l'Intérieur ou en interarmées, mais aussi dans un cadre interministériel ou dans un contexte international.

Demain, c’est vous qui, aux côtés de vos camarades, c'est vous qui veillerez sur la République et sur la sécurité des Français. C’est vous qui, en toute circonstance, défendrez nos valeurs communes : l’égalité devant la loi, la liberté de conscience et d’expression, la laïcité, le droit à la sécurité, l’Etat de droit – ces valeurs mêmes qui font de nous un grand peuple, uni et solidaire dans l’adversité. Un peuple généreux, capable de se mobiliser pour défendre les principes de la République. Un peuple, enfin, qui a en lui d’infinies ressources de courage et de patriotisme.

Officiers et élèves-officiers de la Gendarmerie, je veux vous dire ce soir à nouveau que la Nation est fière de vous, que la Nation compte sur vous, sur les compétences que vous allez acquérir au sein de cette école et sur l’engagement qui vous inspire. Je veux vous dire du fond du coeur toute ma confiance et l’estime que je vous porte, qui n'ont d'égal que l'estime et la confiance que les Français placent en vous.

Vive la Gendarmerie nationale !

Vive la République !

Vive la France !