Bernard Cazeneuve est intervenu au sujet de la crise migratoire exceptionnelle en Europe
- Seul le prononcé fait foi -
L’Europe est confrontée depuis le début de l’année à une crise migratoire exceptionnelle, avec près de 230.000 entrées irrégulières dans l’espace Schengen, en provenance de la Corne de l’Afrique, de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan.
Cette situation migratoire exceptionnelle a des conséquences humaines dramatiques. Elle a des répercussions particulièrement dures à Calais, qui connaît une pression migratoire inédite, avec 3000 migrants qui tentent, parfois au péril de leur vie, de rejoindre le Royaume Uni.
Calais est un miroir des conflits et des crises qui déchirent certaines régions du monde. Plus la guerre dure en Syrie, plus la misère prospère dans la corne de l’Afrique, plus nombreux sont ceux qui, jetés sur les routes de l’exode, cherchent à gagner l’Europe et attendent pour certains d’entre eux à Calais de pouvoir rejoindre l’Angleterre.
Hier, un migrant est à nouveau décédé en tentant de rejoindre le Royaume Uni à travers le tunnel. Cela porte à neuf le nombre de migrants qui ont perdu la vie depuis le 26 juin, dont sept sur l’emprise du tunnel. Je m’associe à la douleur de l’ensemble des acteurs de l’État, des services publics, des associations qui, au quotidien, au plus près des migrants, les accompagnent dans toutes leurs démarches et pour lesquelles ces décès tragiques ne constituent pas des faits divers, mais la mort d’hommes et de femmes en situation de grande vulnérabilité.
Face à cette situation humainement dramatique, la France engage des moyens exceptionnels, et, sait qu’elle peut compter sur le partenariat fructueux noué avec le Royaume-Uni.
J’ai en effet rencontré hier mon homologue britannique Theresa May et obtenu que le Royaume Uni apporte 10 millions d’euros supplémentaires notamment pour la sécurisation du site d’Eurotunnel. Cet engagement nouveau vient s’ajouter aux 15 millions d’euros, déjà mis en œuvre dans le cadre de la déclaration conjointe de septembre dernier, notamment pour la sécurisation du port. Nous avons également pris la décision de renforcer notre coopération de renseignement.
Pour sa part, l’État va renforcer encore les moyens qu’il consacre à la sécurisation de la frontière, et notamment au site d’Eurotunnel. Je le dis sans esprit de polémique, car la situation à laquelle nous faisons face appelle un esprit de responsabilité. Je veux annoncer dès ce matin que deux unités de force mobile, soit 120 fonctionnaires, vont être temporairement affectées à Calais, afin de contribuer au renforcement de la sécurisation de ce site.
A Calais, l’État prend donc toutes ses responsabilités. Qu’il s’agisse de maintenir l’ordre public, de démanteler les filières, d’éloigner les étrangers en situation irrégulière ou de mettre en place des solutions humanitaires pour les migrants et demandeurs d’asile. Le groupe Eurotunnel doit également prendre les siennes notamment en ce qui concerne la sécurité au sein même de son emprise.
Le dialogue entre les services de l’État et Eurotunnel est continu, dans une situation à laquelle nous avons à faire face ensemble y compris en consacrant des moyens humains à la hauteur de l’enjeu. Pour sa part, l’Etat a multiplié par cinq les moyens en force de l’ordre qu’il consacre à la gestion de la situation à Calais depuis 2012.
Cette action de l’État à Calais s’inscrit dans le prolongement des efforts exceptionnels consentis depuis neuf mois maintenant :
- Une sécurisation de la frontière par des travaux de barriérage sur le port et le tunnel et des renforts exceptionnels en forces de l’ordre ;
- L’évacuation de l’ensemble des campements illicites en centre-ville ;
- Le renforcement des moyens consacrés par la police aux frontières aux retours forcés et au démantèlement des filières de l’immigration clandestine ; 17 filières à destination du Royaume Uni ont été démantelées depuis le début de l’année, soit quatre fois plus que sur l’ensemble de l’année 2014 ;
- La mise en place d’un accueil humanitaire au sein du centre Jules Ferry, comprenant un accueil de jour et un hébergement de 110 femmes et enfants pour plus de 10 millions d’euros, financés par l’Etat et l’Union européenne; 2000 repas sont ainsi fournis chaque soir aux migrants ;
- Un accès facilité à la demande d’asile en France pour ceux des migrants qui en relèvent : 930 migrants ont ainsi pu bénéficier, au cours des neuf derniers mois, d’une prise en charge et d’un hébergement à l’extérieur de Calais après avoir effectué une demande d’asile en France.
La France poursuivra cette action globale, en étroite relation avec les institutions européennes et le Royaume-Uni, destinée à permettre aux migrants de bénéficier d’une prise en charge appropriée et conforme à leurs droits tout en limitant les intrusions illégales dont les conséquences dramatiques nous appellent collectivement au devoir de responsabilité.
Le sujet auquel nous sommes confrontés est d’une exceptionnelle gravité. Il est aussi d’une exceptionnelle complexité. Il renvoie aux désordres qui se sont emparés de certaines régions du monde. Il appelle, pour être surmonté, une action résolue de l’Union Européenne. La France a été en première ligne pour que des solutions européennes globales et fortes puissent permettre un traitement à la fois humain des migrants qui relèvent du statut de réfugiés en Europe, et ferme de ceux qui sont dans une situation irrégulière après avoir franchi les frontières extérieures de l’Union européenne.
Nous souhaitons, avec mon homologue britannique, mais également avec mes homologues allemand, espagnol, italien, travailler avec les pays de provenance, dans le cadre de politiques de co-développement offensives, qui permettent d’éviter de laisser les migrants entre les mains de ces organisations cyniques de passeurs. La mise en place de hot spots en Italie et en Grèce, au moment du franchissement des frontières extérieures de l’UE, doit permettre de mieux identifier ceux qui relèvent du statut de réfugié et d’organiser la reconduite à la frontière de ceux qui sont en situation irrégulière.Notre action est résolue. Nous sommes dans la volonté de la solidarité à l’égard de ceux qui subissent des persécutions, et nous sommes aussi dans la responsabilité.
C’est la raison pour laquelle nous continuerons à agir, c’est la raison pour laquelle nous devons renforcer nos coopérations avec tous ceux qui, à nos côtés, peuvent permettre la résolution de ce problème humainement douloureux auquel nous sommes confrontés depuis maintenant plusieurs mois.
Je vous remercie.