Exercices pour tous

Exercices pour tous
19 avril 2018

Depuis les attentats de 2015, les départements français se préparent à faire face à la menace terroriste. En 2017, la préfecture de l’Allier et les services de sécurité et de secours ont organisé deux exercices, l’un au tribunal de grande instance de Moulins, l’autre au parc animalier et de loisir (Pal), à l’est du département.


Deux exercices dans l’année. Il fallait bien cela pour que l’ensemble des services de sécurité et de secours de l’Allier se jaugent et s’organisent face à la menace potentielle d’attaque terroriste dans le département. « La nécessité de se perfectionner était d’autant plus forte que nous n’avions pas vraiment de dispositif opérationnel bien défini sur cette thématique, précise Marie Le Franc, chef du SIDPC à la préfecture de l’Allier. Il faut dire que la probabilité que l’Allier puisse être le théâtre d’une attaque terroriste de grande envergure nous semblait presque nulle avant 2015. »

C’est au tribunal de grande instance que le premier acte s’est joué, en janvier 2017. La préfecture, le palais de justice, l’ARS, la Police nationale, la gendarmerie, la police municipale, le SDIS, le SAMU, le centre hospitalier de Moulins, les associations de sécurité civile et la mairie de Moulins, soit 300 personnes, dont une cinquantaine de figurants, ont participé à l’exercice dont le scénario était l’attaque du TGI pendant une audience par trois individus armés faisant de nombreuses victimes. C’est le préfet de l’Allier, Pascal Sanjuan, qui, en tant que directeur des opérations, a coordonné l’action des services pendant toute la durée de l’exercice.

Et la journée fut riche d’enseignements. « Elle a mis en évidence deux grandes difficultés, au niveau du commandement et des transmissions », résume Marc Pinguet, commandant de police et chef d’état-major de la DDSP de l’Allier.

« L’objectif de cet exercice était de faire travailler ensemble policiers et gendarmes, expose Roland Marzin, chef d’escadron du groupement de gendarmerie départementale de l’Allier. Nous nous sommes vite rendu compte que la communication était très difficile en raison des moyens radios différents et que le commandement n’était pas clairement identifié par les intervenants. Ces difficultés ont nui à la rapidité de la manœuvre et retardé l’intervention des pompiers et du SAMU.» Pour corriger ces difficultés, policiers, gendarmes et pompiers se sont entraînés tout au long de l’année sur des fréquences communes et ont assimilé les procédures et les techniques des uns et des autres.

« Nous avons tous essuyé les plâtres lors de cet exercice, tient à souligner Marie Le Franc. Les secours aussi ont rencontré quelques difficultés, notamment en testant leurs corridors d’extraction. » « Extraire les victimes du tribunal fut très compliqué, confirme le commandant Arnaud Manry du SDIS de l’Allier. Mais cette expérience nous a au moins permis de définir précisément nos besoins matériels ainsi que la doctrine d’utilisation. Autre bénéfice de cette journée, elle a accéléré le rapprochement entre les forces de sécurité et les secours initié en 2015. Ce partage d’expérience et la mise en place d’une culture commune sont une véritable révolution.» « Policiers, gendarmes, pompiers et médecins, nous parlons désormais le même langage », confirme le commandant de police Marc Pinguet.

En octobre 2017, l’ensemble des protagonistes, plus l’antenne du GIGN de Dijon, se retrouvaient pour un nouvel exercice, cette fois-ci, dans un parc animalier et de loisir situé à l’est du département. « Il s’agit du site de loisirs qui accueille le plus de touristes en Auvergne, explique Roland Marzin. L’objectif était non seulement de nous tester en tenant compte des enseignements du premier exercice, mais également de permettre à l’opérateur de développer son plan d’urgence interne.»

500 personnes participèrent ce jour-là à l’exercice dont le scénario reposait une nouvelle fois sur une attaque terroriste. Si, comme le précise Marc Pinguet, « des progrès considérables ont été réalisés, tant au niveau du commandement que des transmissions », le choix de jouer un exercice global avec de très nombreuses victimes a permis cette fois-ci de mesurer les difficultés de leur prise en charge dans un département comme l’Allier. « Au-dessus d’un certain nombre, cela devient très problématique, convient Marie Le Franc. Le parc peut accueillir jusqu’à 10 000 personnes par jour au plus fort de la saison. En cas d’attaque occasionnant des centaines de victimes - morts et blessés - nous serions débordés. »

« Nous sommes dans un département rural, explique Davy Murgue, médecin au SAMU 03, nos possibilités de soins pour des blessures par balle sont donc forcément réduites, et nous serions bien entendu dans l’obligation d’avoir recours aux moyens des départements limitrophes pour l’évacuation et le traitement des victimes. C’est une réalité que l’on connaît mais ces exercices ont le grand mérite de nous le rappeler et d’y travailler.»

Exercice de crise Préfecture de l'Allier

Sécurisation des événements

« L’organisation et la coordination par la préfecture d’événements rassemblant du public sont montées en puissance ces dernières années, explique Marie Le Franc, chef du SIDPC. Avant les attentats de 2015, nous traitions une dizaine de dossiers par an. Aujourd’hui, leur nombre est largement plus important et nous sommes beaucoup plus stricts sur le volet sécurité. »

Deux grands événements mobilisent particulièrement la préfecture chaque année : l’Hadra trance festival et l’Iron- man Vichy, « nécessitant la mise en place d’un poste de commandement opérationnel piloté par la préfecture ». S’ils diffèrent radicalement dans leur configuration, leur public et leur problématique, l’exigence en matière de sécurité reste la même. « Nous avions quelques craintes quand l’Hadra trance festival, spécialisé dans la musique électronique, avait quitté le Vercors pour s’installer à Vieure en 2016, mais il faut reconnaître que les organisateurs font preuve d’un véritable professionnalisme. Nous n’avons connu aucun problème majeur. L’événement rassemble pourtant 6 500 festivaliers 24 heures sur 24 pendant quatre jours, et nous savons très bien que les participants ne boivent pas tous de l’eau. »

Un dispositif d’ordre public nécessitant de maintenir sur place une centaine de gendarmes par jour est ainsi mis en place pour des contrôles en profondeur afin de limiter l’introduction de produits illicites. « Le dispositif prévisionnel de secours est lui aussi bien dimensionné puisqu’une trentaine de secouristes se relaie 24 heures sur 24. Nous avons d’ailleurs signé avec elle une convention qui lui permet de procéder à certaines évacuations sanitaires vers les hôpitaux, ce qui décharge les pompiers. »

Changement d’ambiance et de configuration pour l’Iron-man de Vichy, épreuve de triathlon qui comprend 3,8 km de natation sur un plan d’eau de Vichy, un circuit à vélo de 180 km dans l’Allier et le Puy-de-Dôme et une course à pied de 42 km au cœur de la cité vichyssoise. « Le risque terroriste est plus important sur ce type d’événement ouvert, explique Marie Le Franc, cela réclame des mesures spécifiques comme des contrôles visuels des sacs et l’installation de plots de béton et de chicanes. » La mobilisation de l’ensemble des forces de sécurité est surtout indispensable. « La gendarmerie est chargée de la sécurité du parcours vélo et les polices nationale et municipale de la sécurisation des sites en ville. »

Frank Canton