L’essentiel du Projet de Loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

L’essentiel du Projet de Loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
19 juillet 2017

Dossier de presse du ministère de l'Intérieur, en date du 18 juillet 2017, reprenant l'essentiel du Projet de Loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.


Le contexte

La France vit sous le régime de l’état d’urgence depuis les attentats du 13 novembre 2015. La persistance de la menace a jusqu’ici conduit les gouvernements successifs à le proroger à plusieurs reprises.
L’état d’urgence a eu et a encore, dans l’état présent de notre droit, une réelle utilité pour lutter contre les terroristes et protéger les Français. Il a permis de déjouer plusieurs attentats, notamment à Marseille, en pleine période électorale. Mais dès lors que la menace devient durable, l’état d’urgence ne peut plus être la solution.

  • Il est conçu pour faire face ponctuellement à des circonstances exceptionnelles.
  • Il limite l’exercice de certaines libertés publiques, comme la liberté de réunion et de manifestation.
  • Il donne à l’administration des pouvoirs dérogatoires au droit commun, très étendus, et qui ne relèvent pas uniquement de la lutte contre le terrorisme.

Il faut donc adapter notre arsenal juridique pour nous donner le moyen de lutter efficacement contre le terrorisme dans le cadre du droit commun et ainsi sortir de l’État d’urgence le 1er novembre 2017.

C’est l’objet du projet de loi renforçant la Sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme présenté le 22 juin en Conseil des ministres.

Quelques chiffres clés

  • 5 attentats en France depuis le début de l’année 2017 : 3 février (carrousel du Louvre, Paris), 18 mars (Orly), 20 avril (Champs-Élysées, Paris), 6 juin (Notre-Dame, Paris), 19 juin (Champs-Élysées, Paris).
  • 6 attentats chez nos voisins européens : Düsseldorf, Westminster, Manchester, Saint-Pétersbourg, Stockholm, Londres.
  • Au moins 7 projets d’attentats déjoués en France depuis le début de l’année
  • Utilisation des mesures de l’état d’urgence:
    • 160 perquisitions administratives depuis 6 mois - plusieurs projets d’attentats déjoués grâce aux perquisitions administratives (Pau et Toulouse en décembre 2016, Marseille en avril 2017 etc.)
    • 63 assignations à résidence en vigueur début juin
    • 80 zones de protection et de sécurité instituées pour des grands événements, dont 15 en 2017
  • Légalité des mesures de l’état d’urgence : seulement 12% des mesures ont été annulées devant les tribunaux administratifs, et 13% devant le Conseil d’État.

Ce projet de loi permet de restreindre l’application des mesures en vigueur sous l’état d’urgence à l’unique prévention des actes de terrorisme.
Ainsi, les mesures individuelles qui, sous l’état d’urgence, visent toute personne à l’égard desquelles il existe des raisons de penser que leur comportement peut constituer une menace pour l’ordre ou la sécurité publique, viseront demain uniquement les individus dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité et dont la proximité avec le terrorisme ou avec les thèses qui en découlent pourront être établie.

« Il s’agit de dispositions de droit commun, assorties systématiquement de garanties protégeant les libertés individuelles. Les conditions d’application sont beaucoup plus ciblées et très encadrées, quant aux mesures elles-mêmes, elles sont moins restrictives. Nous avons   choisi de renforcer la sécurité des Français, de ne pas flancher devant la menace terroriste, nous visons la sécurité optimale pour tous les Français, mais pas au prix de nos libertés. »

Gérard Collomb
Ministre d’État, ministre de l'Intérieur

4 Mesures phares pour préserver l'équilibre entre la sécurité des français et la protection de leurs libertés

a- Possibilité d’établir des périmètres de protection afin d’assurer la sécurité des grands événements

L’article 1er du projet de loi confie la compétence au préfet pour ’instaurer des périmètres de protection, de nature à assurer la sécurité d’événements ou de lieux particulièrement exposés à la menace terroriste.

Ces périmètres permettent de filtrer les accès par l’usage possible de palpations de sécurité, de la fouille des bagages et de la visite des véhicules. Il s’agit ainsi de renforcer la sécurité des rassemblements de personnes, qu’ils soient festifs, sportifs ou culturels.

Sous l'état d'urgence les périmètres de protection peuvent être appliqués au seul motif de maintien de l’ordre public.

Demain il faudra une menace terroriste avérée pour les établir.

Exemple : lors d’une manifestation sportive ou culturelle considérée comme à risque le préfet pourra réglementer l’accès, la circulation et le stationnement des personnes afin de pouvoir organiser le filtrage des accès au périmètre protégé. Ce filtrage aura pour objectif de  s’assurer que chaque entrant dans le périmètre ne porte ou ne transporte pas d’arme et ne représente pas de danger.       

b- Possibilité de fermer certains lieux de culte

L’article 2 permet au préfet de procéder à la fermeture administrative des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, incitent à la violence, incitent à la commission d’actes de terrorisme ou  font l’apologie de tels actes pour une durée maximale de six mois. Ces fermetures se font sous le contrôle étroit du juge administratif.`

Sous l'état d'urgence la fermeture peut être décidée pour le motif large de provocation à la haine ou à la violence, pour une durée illimitée.

Demain le motif sera restreint à l’incitation à la commission d’actes terroristes, à la violence ou à l’apologie d’actes terroristes ; et la durée sera limitée à 6 mois.

Exemple : un lieu de culte dans lequel le prêche ferait l’apologie du terrorisme serait concernée. Cependant pour éviter toute fermeture inadéquate, une procédure contradictoire préalable ainsi qu’un délai d’exécution permettant d’introduire un recours en référé devant le juge administratif sont prévus.

c- Création d’un régime de surveillance individuelle, qui diffère largement du régime de l’assignation à résidence

L’article 3 permet au ministre de l’Intérieur de prendre des mesures visant à faciliter la surveillance d’un individu, aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme.

Ces mesures peuvent être prises à l’encontre de toute personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une « particulière gravité », et qui entre en relation habituelle avec des personnes ou des organisations aux visées terroristes, ou qui soutient ou adhère à des thèses incitant au terrorisme.

Cette mesure peut être assortie de l’obligation de se présenter une fois par jour aux services de police ou aux unités de gendarmerie. La personne peut être dispensée de cette obligation si elle accepte d’être placée sous surveillance électronique.

Sous l'état d'urgence les mesures d’assignation à résidence d’un individu sont contraignantes avec la possibilité d’un pointage trois fois par jour et l’obligation de demeurer la nuit à son domicile, et elles peuvent être prises pour un motif large de trouble à l’ordre public.

Demain la nouvelle mesure de surveillance sera restreinte au lien avéré de cet individu à une entreprise terroriste ou s’il soutient des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme et son périmètre ne pourra être inférieur à la commune, pour être compatible avec une vie professionnelle et familiale.

d- Création d’un nouveau régime de visites et saisies à domicile, qui diffère du régime des perquisitions administratives

Les perquisitions administratives ont, encore récemment, démontré leur utilité dans le contexte d’une menace terroriste durable, que ce soit :

  • dans une logique de prévention d’un comportement dangereux, sans que l’accomplissement d’actes de procédure judiciaire ne soit possible dans les délais impartis et sans devoir passer par la mise en place de techniques de renseignement, par définition plus longues à mettre en œuvre
  • pour lever rapidement un doute alors que les conditions susceptibles de caractériser l’infraction ne pouvaient pas être réunies, par exemple lorsque la perquisition est décidée à la suite d’un signalement d’un service de renseignement étranger, d’un témoignage crédible d’un proche ou que les éléments faisant craindre le passage à l’acte résultent de l’exploitation de techniques de renseignement, impossibles à exploiter dans une procédure judiciaire dans un délai rapide.

Il est ainsi apparu nécessaire de mettre en place un régime juridique de droit commun susceptible de répondre aux besoins de prévention du terrorisme en conservant la possibilité, pour l’autorité administrative, de procéder à des visites domiciliaires, dans des conditions cependant beaucoup plus encadrées qu’en période d’état d’urgence.

L’article 4 du projet de loi prévoit alors la création d’un nouveau régime de visites et saisies à domicile mieux ciblées, désormais soumis à un contrôle renforcé du juge.

Toujours décidées par le préfet dans des conditions strictement définies, les visites et saisies seront désormais soumises à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire, à travers le juge de la liberté et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris, et  s’effectueront sous son contrôle.

L’autorisation de procéder à l’exploitation des données saisies, aujourd’hui délivrée par le juge administratif, relèvera désormais du juge judiciaire, avec une possibilité de faire appel.

Sous l'état d'urgence les perquisitions administratives peuvent être ordonnées pour un motif de troubles à l’ordre public sans autorisation préalable du juge.

Demain le motif sera restreint « aux seules fins de prévenir le terrorisme » ; la nouvelle mesure prévoit que les visites soient autorisées par le juge des libertés et de la détention et les saisies seront encadrées.

Autres mesures pour donner aux autorités les moyens de prévenir plus efficacement la menace terroriste

a- Transposition de la directive « Passenger Name Record » (PNR)

Les articles 5 et 6 du projet de loi adaptent au droit de l’Union européenne et pérennisent la transposition de la directive « Passenger Name Record » (PNR).

Dès 2013, et dans l’attente de la directive PNR sur les « données passagers des voyageurs aériens » (il s’agit des informations déclaratives fournies par une personne, un organisme ou une agence de voyage, afin de réserver un voyage auprès d’un transporteur aérien) annoncée au niveau européen mais qui peinait à prospérer, la France avait fait le choix de créer, à titre expérimental, un « système PNR France ». La directive ayant été adoptée le 21 avril 2016, il est aujourd’hui nécessaire d’adapter le système français au droit de l’Union européenne et de le pérenniser avant son échéance, actuellement prévue au 31 décembre 2017.

b- Création d’un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime

L’article 7 modifie le code de la sécurité intérieure pour créer, selon des modalités appropriées à ses spécificités, un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France, distinct du système « Passenger Name Record » (PNR), toujours afin de prévenir et de détecter les infractions terroristes.

c- Instauration d’un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes

Les articles 8 et 9 du projet de loi établissent un cadre juridique pour les opérations de surveillance des communications hertziennes.

Le projet de loi tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 par laquelle ont été censurées, avec effet différé au 31 décembre 2017, les dispositions du code de la sécurité intérieure définissant les règles applicables aux opérations de  surveillance de ces communications électroniques empruntant la voie exclusivement hertzienne sans impliquer l’intervention d’un opération de communications électroniques.

d- Renforcement des contrôles en zones frontalières

L’article 10 élargit les possibilités de contrôle dans les zones frontalières intérieures et extérieures, y compris autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international.

Ce dispositif s’inscrit dans un objectif d’efficacité renforcée des mesures compensatoires à la libre circulation, principe fondateur de la construction européenne.