Politique de la ville : « Renouer le lien entre les jeunes et les institutions »

Politique de la ville : « Renouer le lien entre les jeunes et les institutions »
5 septembre 2016

« Le paradoxe du Vaucluse », ce sont ses champs de lavande ou le majestueux palais des Papes d’Avignon, côtoyant une fracture sociale et une économie fragile. « 20% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et les 2/3 de la population sont éligibles au logement social. Cela représente 65 000 personnes et 22 quartiers prioritaires », précise le préfet Bernard Gonzalez.


Les freins au développement économique sont nombreux : problèmes  d’infrastructures routières, secteurs d’activités fragiles, population jeune et peu formée… Afin de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement, l’État a mis en place 12 contrats de ville dans le département concernant les problématiques de l’emploi, l’éducation, la délinquance et la gestion urbaine. Les cinq délégués du préfet nommés sur le département, ou encore le dispositif Garantie jeune, oeuvrent pour dynamiser le territoire.

Miser sur la jeunesse

Le Vaucluse fait partie des dix territoires pilotes qui expérimentent depuis 2013 la Garantie jeune. Il s’agit d’un accompagnement pendant 12 mois comportant des périodes de stages et l’attribution d’une garantie de ressources dont le montant équivaut à celui du RSA. Ce programme est inscrit dans le plan de lutte contre la pauvreté, dont l’objectif est d’amener les jeunes de 18 à 25 ans en grande précarité à s’installer de façon autonome dans la vie active.

« Le Vaucluse est le département où il y a le plus bas niveau de qualification, explique Alain Paillard, directeur adjoint de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS). Des jeunes quittent l’école à 16 ans, nous les  récupérons quelques années plus tard, souvent dans des squats et dans la misère. La plupart sont issus des territoires prioritaires de la ville ».

En 2014, l’État a mobilisé près de 1 300 000 € pour permettre à 800 jeunes du Vaucluse de participer au dispositif Garantie jeune. Alain Paillard insiste sur la difficulté d’entrer en contact avec cette population : « ils ont une image
dégradée de ce que proposent les institutions », d’où la mise en place de médiateurs, occupant les postes « Adultes-Relais » créés par la politique de la ville. Ils sont chargés de renouer le lien entre les jeunes et l’État. « Les médiateurs sont eux-mêmes issus de ces territoires et connaissent les problèmes du monde du travail. Ils ont décidé de s’en sortir et transmettent leur capacité d’évolution. Quand les jeunes entrent en parcours Garantie jeune, ils sont là pour les motiver, les mettre en confiance, les secouer, et cela  fonctionne ! »

Le programme Garantie jeune prévoit des séquences en milieu professionnel, des ateliers collectifs. Un référent aide toute l’année le jeune à résoudre ses difficultés en matière de mobilité, santé, logement, recherche d’emploi et formation. « Les personnes que l’on cible sont déjà très abîmées. Nous avons alors une approche globale de la problématique du jeune. L’idée est de ne pas le laisser s’installer dans une immobilité physique et psychologique. Nous cherchons à les mettre dans une situation positive en termes de savoir être et de savoir-faire ». L’expérience tirée dans le département fait ses preuves, puisque la moitié des jeunes retrouve un emploi, en particulier dans les entreprises locales recrutant de la main d’oeuvre peu qualifiée.

La rocade, quartier au Sud d'Avignon

L’État dans les quartiers

Un État disponible, accessible et présent au coeur des quartiers : c’est le challenge à relever par les cinq délégués du préfet du Vaucluse. Aurélie Hernandez est chargée des secteurs d’Avignon Nord-Ouest, Le Pontet et L’Isle-sur-la-Sorgue. Son rôle est d’y faciliter la réalisation de projets en coordonnant les acteurs et les partenaires que sont le département, la région, l’agglomération, les associations et les centres sociaux. « Il est plus facile pour les associations de passer par nous pour mobiliser des fonds. Nous sommes le liant entre tous, et à l’écoute de chacun ».

Pour réduire les ghettos et favoriser la mixité sociale, elle mise sur la « politique des petits pas ». Ses démarches se concrétisent dans des actions ponctuelles, comme ce projet réalisé dernièrement suite à de nombreux épisodes de cassage de bus : « L’entreprise de transport urbain TCRA nous a demandé de mener une action envers les jeunes. Ce fut une sorte de course d’orientation en utilisant les autobus, ponctuée d’étapes à la mairie et à la préfecture, par exemple, où l’on y présentait les actions des institutions ». Un chauffeur de bus par équipe et 200 enfants participants, de quoi réconcilier la population !

« Le principe de la politique de la ville est de ramener le droit dans ces quartiers, que les habitants ne croient pas qu’on les stigmatise », insiste Aurélie. Grâce à son bureau situé au coeur même d’un quartier difficile, Aurélie est également en mesure de faire remonter les alertes perçues chez la population. Renouer le dialogue avec les institutions est possible : « Les acteurs et les habitants me font confiance, à travers moi ils font confiance à l’État ».

Floriane Boillot