L’Inguimbertine dans son nouvel écrin

L’Inguimbertine dans son nouvel écrin
5 septembre 2016

L’Hôtel-Dieu, imposant édifice du centre-ville de Carpentras, fait l’objet d’une importante réhabilitation en vue d’accueillir en 2017 la prestigieuse bibliothèque Inguimbertine. Un projet porté par la municipalité et soutenu par l’État.


Pour bien comprendre le grand projet architectural et culturel qui mobilise Carpentras depuis une dizaine d’années, il est nécessaire de remonter au 18e siècle. Après vingt-cinq ans passés en Italie, Joseph-Dominique d’Inguimbert fut nommé en 1735 évêque de Carpentras, ville où il est né 57 ans plus tôt. Il marquera la cité vauclusienne de son empreinte. « C’était un esprit largement influencé par Rome, explique Jean-François Delmas, conservateur en chef de la bibliothèque Inguimbertine et des musées de Carpentras.

D’emblée, il décide de fonder un Hôtel-Dieu, pour secourir l’indigence physique, ainsi qu’une bibliothèque-musée publique pour lutter contre l’indigence intellectuelle. Il faut bien comprendre que ces deux réalisations, devenues de véritables institutions carpentrassiennes, sont absolument indissociables l’une de l’autre. »

Fondée en 1745, la bibliothèque ne dérogera jamais à l’esprit de son créateur : « Bibliothèque-musée accessible à tous, l’Inguimbertine fut avant la lettre une véritable encyclopédie du savoir, un lieu d’études et d’apprentissages, un centre d’humanisme qui intègre tous les supports de la connaissance ». Grâce à un fonds constamment enrichi, l’établissement figure aujourd’hui parmi « les institutions culturelles françaises les plus prestigieuses ». Certes peu connue du grand public, elle jouit cependant d’un grand prestige dans le monde de la recherche. « Outre la bibliothèque de lecture publique, l’Inguimbertine dispose de fonds rares et précieux de renommée mondiale dont de nombreux incunables, d’archives anciennes et de quatre collections muséographiques. »

Il reste que les locaux n’étaient, depuis longtemps, plus adaptés aux  collections riches de 250 000 volumes dont 100 000 anciens, 3000 manuscrits, 4000 périodiques, 1000 tableaux, 300 sculptures et 1500 objets d’art. Autant
de pièces dispersées dans sept lieux de stockage.

L'Hôtel-Dieu à Carpentras

Le problème sera définitivement résolu en 2017 avec le transfert de la bibliothèque-musée à l’Hôtel-Dieu, édifice achevé en 1762 sous la  responsabilité d’Inguimbert. « Ce bâtiment a fonctionné comme hôpital jusqu’en 2001, et depuis, les municipalités successives ont eu à coeur de le rénover afin de lui redonner son lustre. » Très rapidement, s’est imposée l’idée d’un transfert de l’Inguimbertine à l’Hôtel-Dieu.

« La rénovation permettra au monument de retrouver toute sa majesté et  notamment les volumes initiaux de l’édifice. L’accueil restauré valorisera l’escalier d’honneur, chef d’oeuvre architectonique, et le grand vestibule. » Le projet améliorera bien entendu la conservation de l’ensemble des collections et réaffirmera la vocation première de la bibliothèque-musée, « associant lecture publique et mise en valeur du patrimoine de l’Inguimbertine, afin de créer une réelle proximité entre le public et les oeuvres ».

La « future » bibliothèque proposera également de nouveaux services comme un espace multimédia. « Ce transfert n’est pas seulement un projet culturel, tient à souligner Jean-François Delmas. Il offre une réelle opportunité pour le développement urbain, économique, touristique et social de cette petite ville de 30 000 habitants.»

Travaux d’aménagement et de transfert : 34,7 millions d’euros
Aide de l’État : 4,4 millions d’euros au titre de la dotation globale de décentralisation
+ 150 000 € pour la muséographie,
+ 184 000 € pour la restauration intérieure au titre des monuments historiques
+ 600 000 € du soutient à l’investissement public local pour les travaux d’aménagement intérieur.

La French Tech en mode culture

Fin 2013, le Gouvernement décidait de lancer une initiative baptisée French Tech, afin de favoriser l’émergence de start-up et leur rayonnement à l’international. L’objectif affiché par le secrétariat d’État chargé du Numérique était de « susciter une mobilisation collective de tous les acteurs, privés et publics, en faveur de la croissance des start-up françaises ».

Dans le cadre de ce programme, une candidature provençale a émergé autour de la culture, une initiative portée par l’université d’Avignon, le Festival d’Avignon et Cap Gemini, et largement appuyée par la préfecture du Vaucluse. Son nom : Culture Tech. « Nous accompagnons des entreprises numériques innovantes qui ont la singularité d’être dans le champ culturel, cela va du patrimoine aux festivals en passant par la viticulture ou la Food-Tech », précise Paul-Roger Gontard, son secrétaire général. Autre particularité de French Tech Culture : contrairement aux autres projets labélisés qui sont centrés sur une métropole, la French Tech provençale rayonne sur un large territoire rassemblant trois villes principales -Avignon, Arles et Nîmes- et 180 communes. « La région s’affirme comme un territoire culturel européen et mondial majeur en accueillant chaque été les plus grands festivals européens d’arts vivants. »

Concrètement, French Tech Culture dispose de deux outils. « Le 1er est une association loi 1901, structure de coordination du label qui met en réseau tous les acteurs -entreprises et partenaires mais également centres de formation, de recherches et structures culturels- ». Le second est un accélérateur de  startup, baptisée The Bridge, qui favorise l’émergence de projets et aide les entreprises du numérique à se développer.

« Nous fonctionnons par appel à projets, et nous aidons au démarrage de ces jeunes entreprises par de la mise en réseau, du mentorat et du coaching. Nous sommes en mesure d’apporter à ces créateurs une aide juridique, comptable, technologique ou en matière de communication. »

Aspect non négligeable du label, les projets retenus bénéficient d’une bourse pouvant atteindre 30 000 euros versée par le ministère de l’Economie via la banque publique d’investissement. Si French Tech Culture entend propulser un maximum de start-up locales, elle compte également attirer de nombreux projets étrangers et faciliter leur installation en Provence. « Faire en sorte qu’elles trouvent sur notre territoire toutes les conditions permettant leur développement. »

Frank Canton