Intervention de Bruno Le Roux, ministre de l'Intérieur, à l'occasion de la cérémonie de sortie de la 242e promotion d'élève gardien de la paix et de la 111e promotion d'adjoint de sécurité, à Sens, le 24 février 2017.
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale,
Monsieur le Directeur central du Recrutement et de la Formation de la Police nationale,
Monsieur le Directeur de l’Ecole nationale de Police de Sens,
Mesdames et Messieurs les directeurs et chefs de services de la Police nationale,
Mesdames et Messieurs,
Chaque sortie de promotion est un événement unique.
Unique pour vous, élèves gardiens de la paix et adjoints de sécurité, car, à votre tour, vous êtes sur le point d’entrer dans la grande famille de la Police nationale. Désormais, vous êtes des policiers.
Unique, aussi, pour vos familles et pour vos proches, dont je sais combien ils sont fiers de vous, et cela est bien normal.
C’est également un événement important pour les femmes et les hommes qui vous ont formés et accompagnés dans votre parcours. Eux aussi sont fiers de vous, tout comme les autorités de la Police nationale, présentes aujourd’hui à vos côtés.
Enfin, c’est un moment important, éminemment symbolique, pour le ministre de l’Intérieur que je suis. Cette cérémonie consacre, en effet, la décision que vous avez prise, celle de servir la France, l'État, la République. Et c’est une très grande fierté pour moi aussi que de voir des jeunes gens, en aussi grand nombre, s’engager avec autant d’enthousiasme et de force de conviction dans les rangs de la Police nationale.
C’est, enfin, la dernière fois que vous vous trouvez tous réunis, les deux promotions au complet, ensemble, avant que chacun d’entre vous ne s’en aille vers sa première affectation, avec impatience, je n’en doute pas. C’est donc aussi, pour cette raison même, un moment de grande émotion : pour vous, c’est à la fois une fin, et un commencement.
Sans doute aurez-vous l’occasion de vous recroiser, les uns et les autres, au cours de vos carrières respectives, et je suis convaincu que vous conserverez précieusement en vous le souvenir de ces moments passés à l’École de Police, ces moments d’unité et de camaraderie. Je souhaite que vous en entreteniez l’esprit dans vos fonctions à venir, avec vos futurs collègues, dans les missions qui seront très bientôt les vôtres.
Vos deux promotions comptent respectivement plus de 830 élèves gardiens de la paix et près de 1 100 adjoints de sécurité. Au total, nous intégrerons, cette année, près de 4 400 élèves gardiens dans nos écoles, après en avoir recruté plus de 4 700 l’année dernière. Lesquels sont affectés en priorité dans les services chargés de la sécurité publique. D’une manière générale, nous aurons recruté près de 9 000 policiers et gendarmes supplémentaires au cours du quinquennat.
Cet effort considérable, sans précédent, témoigne de notre engagement, celui du Président de la République et celui du Gouvernement, pour donner aux forces de l’ordre les moyens humains, mais aussi matériels et juridiques, dont elles ont besoin pour, tout simplement, faire leur travail. Qu’il s’agisse de lutter contre le terrorisme, contre la criminalité organisée, contre les filières de l’immigration clandestine et de la traite des êtres humains, contre les violences urbaines, contre toutes les formes de délinquance et d’insécurité, des plus spectaculaires aux plus quotidiennes.
Rassurez-vous, je ne reviendrai pas en détail sur tout ce que nous avons fait, toutes les mesures que nous avons prises depuis cinq ans : le Plan pour la Sécurité publique, le rehaussement des budgets et des crédits d’équipements, les plans de lutte contre la délinquance, le plan BAC-PSIG, le protocole social et l’amélioration des conditions de travail et de déroulement des carrières, les lois qui ont modernisé le cadre d’action de nos services de renseignement, ainsi que nos moyens de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.
Je souhaite insister sur la loi Sécurité publique que le Parlement vient tout juste d’adopter, dans la mesure où elle vous concerne au tout premier chef. Je pense à la modernisation et à l’unification du cadre d’usage des armes. Je pense au renforcement des peines en cas d’atteinte à personne dépositaire de l’autorité publique, notamment en cas de refus d’obtempérer. Je pense, enfin, à l’autorisation de recourir, dans certaines procédures pénales, au matricule administratif, en lieu et place de l’état-civil, dès lors qu’existe un danger pour les agents impliqués ou bien pour leurs familles. De la sorte, nous renforçons la protection et la reconnaissance du travail des forces de l’ordre, et ce dans un cadre juridique stabilisé et incontestable.
En cinq ans, Mesdames et Messieurs, nous aurons donc reconstruit un appareil de sécurité intérieure digne de ce nom, en France.
C’était là une priorité. C’est désormais une réalité.
Dès demain, vous représenterez la République, vous incarnerez l’État de droit. C’est une très grande responsabilité, qui vous oblige et ne souffre aucun manquement aux règles de l’éthique et de la déontologie. Nul écart ni dérapage. En toutes circonstances, vous devrez agir avec le plus grand professionnalisme et adopter un comportement absolument exemplaire.
Car une police respectueuse, c’est une police respectée.
Nous vivons dans une société fragmentée où, il faut le dire, le respect de l’autorité ne va plus toujours de soi.
En démocratie, l’action de la police doit être, à tout instant, légitime, c’est-à-dire impartiale et juste, reconnue et vécue comme telle par les citoyens eux-mêmes. C’est ainsi qu’elle contribue efficacement à la paix publique. C’est ainsi qu’elle inspire confiance à celles et ceux qu’elle a pour mission de protéger.
La police est républicaine : elle est respectueuse des lois qu’elle contribue à faire appliquer. Elle est la gardienne de nos libertés et de nos valeurs les plus fondamentales. Les Français le savent bien et lui en sont reconnaissants.
Mais la police doit aussi être citoyenne : elle doit aller au-devant des Français, leur parler, nouer des contacts quotidiens avec eux, être à leur écoute. La répression ne fait pas tout, vous serez les premiers à le constater lorsque vous serez sur le terrain.
Que les représentants de l’ordre entretiennent de bonnes relations avec la population n’implique d’ailleurs pas, de leur part, une vigilance ou une efficacité moindre. Une confiance mutuelle contribue en effet largement à la réussite de la mission de sécurisation. A cet égard, le déploiement des caméras-piétons et l’expérimentation de leur usage systématique à l’occasion des contrôles d’identité ont bien pour objectif d’en sécuriser les conditions dans une relation apaisée. C’est ce que nous constatons là où elles ont été déjà utilisées.
Pour anticiper sur les difficultés qui peuvent naître, et non seulement réagir aux événements, vous devrez ainsi connaître l’environnement dans lequel vous interviendrez, et par là même entretenir un dialogue constant avec nos concitoyens.
J’y insiste : la confiance, c’est ce qui est au cœur, ce qui DOIT toujours être au cœur des relations entre la police et la population. C’est le fondement de toute autorité légitime.
La vocation que vous avez décidé d’embrasser vous conduira, bien souvent, à faire face à des situations difficiles, et même à prendre des risques. Il y aura des contraintes et des exigences. Il y aura aussi des sacrifices.
La Police, c’est la rigueur et le sang-froid, la maîtrise et le discernement. La force morale, c’est aussi ce que l’on attend de vous.
La Police, c’est le dévouement et la fraternité. C’est se serrer les coudes et se tenir ensemble dans l’adversité. C’est partager les bons comme les mauvais jours.
La Police, c’est aussi la mémoire et la transmission, le respect de celles et ceux qui vous ont précédés dans la carrière.
C’est ce que vous avez vous-mêmes voulu signifier, comme un hommage, en baptisant votre promotion du nom du major Louis HILDERAL. Celui-ci a en effet perdu la vie, le 12 mars 2014, à Fort-de-France, en Martinique, alors qu’il était en service. Victime d’un arrêt cardiaque après avoir été agressé, au commissariat même, par trois individus qui contestaient violemment l’interpellation d’une de leurs connaissances placée en garde à vue pour détention de stupéfiants. Louis HILDERAL avait 54 ans.
À sa famille, à ses filles Gwladys, Cynthia, Clarisse et Doris, à ses frères et sœurs, et notamment à son frère Séverin, major de police au commissariat de Stains en Seine-Saint-Denis, à eux tous je veux dire toute ma compassion et tout mon soutien.
Élèves gardiens de la paix de la 242e promotion, entretenez le souvenir du major HILDERAL. Prenez exemple sur les grandes qualités professionnelles qui étaient les siennes : le courage, le cœur et la générosité dans l’accomplissement de ses missions et dans le soutien qu’il savait apporter à ses collègues en butte à des difficultés.
Cela est aussi valable pour vous, élèves adjoints de sécurité de la 111e promotion.
Depuis maintenant 20 ans – c’est là une réforme menée par le gouvernement de Lionel JOSPIN –, les ADS jouent en effet un rôle indispensable au bon fonctionnement des services de police. Ils ont trouvé toute leur place au sein de l’institution, où ils assument une grande variété de missions, y compris des missions opérationnelles. À ce titre, ils prennent les mêmes risques – VOUS prendrez les mêmes risques – que les gardiens de la paix. Je pense ainsi à l’adjoint de sécurité Vincent RUIZ, grièvement blessé, le 8 octobre dernier, à Viry-Châtillon. Je pense également à votre camarade Kévin PHILIPPY, qui est présent parmi nous et que je veux saluer pour le grand professionnalisme qu’il a manifesté lorsque lui et sa collègue ont été violemment attaqués, en mai dernier, en marge d’une manifestation.
Parce que les adjoints de sécurité méritent, eux aussi, la reconnaissance de la Nation pour leur engagement au service de l’intérêt général, la Police nationale a mis en place un véritable dispositif d’égalité des chances qui permet à des jeunes sans condition de diplôme de rejoindre ses rangs. Depuis 1997, près de 34 000 adjoints de sécurité ont ainsi réussi le concours de gardien de la paix.
Élèves adjoints de sécurité de la 111e promotion, je veux donc saluer votre engagement et je vous invite, dès aujourd’hui, à poursuivre votre carrière dans la Police en profitant de la possibilité qui vous est offerte de passer des concours. La plus grande richesse, la plus grande force de la Police nationale, ce sont les femmes et les hommes qui la composent. C’est cette belle collectivité humaine au sein de laquelle chaque agent doit trouver sa place, au terme d’une formation pleinement adaptée à l’évolution des enjeux de sécurité.
C’est la raison pour laquelle mon prédécesseur Bernard CAZENEUVE, aujourd’hui Premier ministre, a lancé, le 2 juin dernier, depuis l’Ecole de Police de Oissel, une réforme ambitieuse de la formation, avec la création, le 29 janvier, de la Direction centrale du Recrutement et de la Formation de la Police nationale. Car la qualité de la formation professionnelle garantit en effet l'efficacité des services.
En 2010, l’ancienne Direction de la formation avait été brutalement supprimée au nom d’impératifs purement comptables : cela s’appelait, à l’époque, la RGPP. Cette politique à courte vue avait alors entraîné un émiettement des structures de formation, ce qui avait considérablement affaibli la capacité de la Police concevoir, animer et coordonner une véritable stratégie nationale de recrutement et de formation des agents.
Il était donc urgent de tourner cette page funeste, c’est désormais chose faite, et ainsi réparer l’erreur de 2010. A cet égard, je veux saluer Philippe LUTZ, premier Directeur central du Recrutement et de la Formation de la Police nationale, qui a toute ma confiance pour s’acquitter de la mission que je lui ai confiée : remettre de la cohérence dans les formations initiale et continue des policiers, quels que soient les services auxquels ils appartiennent. Pour ce faire, il s’appuiera sur des moyens significatifs : 30 structures de formation, dont 9 Ecoles nationales de Police, ainsi qu’un bon millier de formateurs.
Concernant la formation initiale, la relance des recrutements depuis 2012 impose aux écoles et aux services de formation des efforts considérables, j’en ai conscience, surtout après les fermetures réalisées au cours du précédent quinquennat.
Je veux d’ailleurs saluer le travail et l’engagement des formateurs, pleinement mobilisés pour dispenser aux élèves un enseignement de grande qualité, dans un contexte pourtant difficile. Je veux également rendre hommage à l’action décisive des directeurs des différentes Écoles de Police, et notamment à celle qu’a conduite ici Jacques RICHARD, à la tête de l’Ecole nationale de Police de Sens. C’est aujourd’hui la dernière promotion dont il accompagne la sortie, et je sais que les élèves qui se sont succédé au cours de ces années lui doivent beaucoup, comme c’est votre cas.
Le rôle des Écoles de Police, c’est de dispenser les compétences, les savoirs et les savoir-faire nécessaires pour que vous puissiez exercer avec efficacité le dur métier de policier. J’entends par là les connaissances théoriques et techniques. Les gestes réglementaires. Le travail en équipe. Mais aussi les valeurs républicaines au nom desquelles vous serez amenés à agir et que vous devrez défendre, et même illustrer, en toutes circonstances.
Concernant la formation continue, l’objectif est d’offrir aux policiers déjà en exercice les enseignements dont ils ont besoin pour utiliser les nouveaux moyens que nous mettons à leur disposition : les moyens matériels – armements, équipements de protection – avec leurs doctrines d’emploi, mais aussi les moyens juridiques dans le cadre des lois que nous avons fait voter.
L’évolution des menaces, celle des techniques et des tactiques d’intervention, et par conséquent celle des compétences à mettre en œuvre, concernent d’ailleurs aussi bien les services généraux que les unités spécialisées, notamment dans le cadre du nouveau Schéma national d'intervention. L’exigence de formation continue s’applique donc à chaque policier de France.
Autre exemple : l’adoption de la loi sur la Sécurité publique rend nécessaire le déploiement d’un plan ambitieux pour former très rapidement tous les policiers au nouveau cadre juridique d’usage des armes. Par ailleurs, un budget spécifique est consacré à l’entretien des stands de tir. Dans le même esprit, j’ai demandé à votre Directeur général de poursuivre le mouvement de contractualisation engagé avec les forces armées et le secteur privé, afin de vous donner plus largement accès de stands de tir qui ne relèvent pas du ministère de l’Intérieur.
Enfin, nous allons augmenter le nombre de formateurs aux techniques de sécurité et d’intervention sur la voie publique.
Répondre aux attentes des policiers, c’était donc notre premier objectif.
Le second consiste à définir une stratégie nationale de formation des policiers pour les années à venir.
Voilà pourquoi j’ai souhaité, à la suite de Bernard CAZENEUVE, repositionner l’exigence de formation au cœur de l'institution, en lien avec les besoins opérationnels des directions actives. Il est absolument nécessaire que les missions de recrutement et de formation, jusqu’alors éclatées entre plusieurs structures, gagnent en cohérence. C’est dans cette perspective que la nouvelle Direction centrale devra exercer son autorité sur l'ensemble du réseau du recrutement et de la formation, y compris sur le ressort de la Préfecture de Police de Paris, ainsi que sa tutelle sur l'École nationale supérieure de la Police.
L’unité de la formation renforcera l'unité de l’institution. Elle renforcera aussi la qualité des enseignements dispensés, la cohérence et la cohésion de la chaîne hiérarchique, la compétence des agents, et, au bout du compte, la qualité du service rendu aux Français, ce qui est bien là l’essentiel.
Je souhaite également une nouvelle articulation entre les formations initiale et continue, afin que les policiers puissent régulièrement actualiser et approfondir leurs connaissances tout au long de leur carrière.
La criminalité ne cesse en effet d’évoluer, de se diversifier, de s’internationaliser, bref de se complexifier. Nous avons donc nous-mêmes le devoir de changer, de nous adapter à ces évolutions, et même de les anticiper.
Par ailleurs, pour mieux répondre aux besoins des services et aux évolutions des métiers, nous élaborons un « référentiel métier » détaillant l’ensemble des compétences que l’on attend sur un premier poste. Il permettra d’élaborer des programmes adaptés ; celui des gardiens de la paix n’existe pas encore, nous allons le créer.
Un socle de compétences et de principes fondamentaux doit être maîtrisé par tous les corps de la Police, sans qu’il y ait pour autant de confusion entre eux. C’est la raison pour laquelle, je souhaite que nous multiplions les séquences communes aux élèves gardiens de la paix, officiers et commissaires, qui permettent de renforcer la cohésion de notre dispositif global. Il est notamment essentiel que les jeunes gardiens de la paix soient mieux encadrés et soutenus par leur hiérarchie ; que celle-ci soit plus proche d’eux sur le terrain, plus attentive aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans leur quotidien professionnel. Il y a là un enjeu fort de management.
Parallèlement, nous allons nous efforcer d’individualiser davantage la formation, notamment pour mieux tenir compte des parcours antérieurs. Le travail sur le référentiel des compétences permettra également d’engager une réflexion en profondeur sur nos modalités de recrutement et sur le profil des candidats recherchés. Enfin, nous serons en mesure de développer une gestion plus efficace des ressources humaines, intégrant plus finalement la formation dans la construction des carrières.
J’ajoute, avant de conclure, que les directions zonales joueront elles aussi un rôle important dans la prise en charge de la formation continue, recueillant les besoins des services pour mieux les satisfaire, en liaison étroite avec les autres directions de la Police nationale. Elles constitueront ainsi le centre névralgique de la formation sur leur ressort territorial, où elles pourront développer un réseau structuré et innovant, ouvert sur l’extérieur, comme dans les Écoles de Police – je pense aux apports venus de la recherche et de l’Université.
Élèves gardiens de la paix de la 242e promotion et élèves adjoints de sécurité de la 111e promotion, vous êtes l’avenir de la Police nationale. Par votre action, vous contribuerez à la sécurité et à la liberté des Français. Soyez fiers du choix que vous avez fait, celui de servir la République et de servir la France. A chacun et chacune d’entre vous, je souhaite une très belle carrière !
Vive la Police nationale !
Vive la République !
Vive la France !