Déclaration de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur, à l’Élysée le 26 octobre 2016, à l'issue de la présentation des mesures du plan pour la sécurité publique aux organisations syndicales représentatives de la Police Nationale.
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames et messieurs,
Aux côtés du Président de la République, du Premier Ministre et du Garde des Sceaux, nous venons de recevoir les organisations syndicales représentatives de la Police Nationale, et dans quelques instants nous recevrons le Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie.
Depuis plusieurs semaines, les policiers expriment leurs inquiétudes et leurs attentes fortes. Le Gouvernement les entend, les comprend, et s’emploie à y répondre depuis quatre ans, en tenant compte des enjeux et des défis auxquels les forces de l’ordre sont confrontées. Un effort supplémentaire est nécessaire aujourd’hui, en vue de poursuivre leur modernisation. Nous le ferons dans le dialogue et l’exacte conscience de l’urgence.
Le 8 octobre dernier à Viry-Châtillon, quatre policiers ont été violemment et lâchement agressés, par des criminels qui voulaient attenter à leur vie. Il s’en est fallu de peu qu’ils perdent la vie, et deux d’entre eux ont été gravement blessés.
A travers eux, qui ont fait montre d’un exceptionnel courage, à travers leur uniforme, à travers ce qu’ils incarnent, c’est aussi la République qui a été attaquée. Et quand la République est attaquée, elle est en droit, et en devoir, de se défendre.
Au nom du Président de la République et du Gouvernement, je veux dire aux criminels qui ont commis ces actes abjects : non seulement la République les rattrapera et ne laissera aucune violence impunie, mais qu’elle est plus que jamais déterminée à les combattre pour défendre ceux qui la protègent, c’est-à-dire d’abord, ses policiers et ses gendarmes. C’est la raison pour laquelle nous avons exposé aux organisations syndicales un plan ambitieux pour la sécurité publique, dont je vais vous présenter les principales mesures.
Ce plan n’est pas né des circonstances. Il est le prolongement et l’amplification d’une politique globale et résolue en faveur de la sécurité des Français menée par ce Gouvernement depuis 2012.
Cette politique, je le rappelle en quelques mots, nous a d’abord conduit à recréer 9 000 postes de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat. Elle nous a également permis de conclure au printemps dernier avec les organisations syndicales et les instances de concertation de la gendarmerie, à l’issue d’une négociation extrêmement dense, une feuille de route sociale d’un montant de 865 millions d’euros sur la période 2012-2020 pour la revalorisation des carrières des forces de sécurité.
Elle nous a enfin permis d’amorcer l’indispensable remise à niveau des équipements de ces forces, qui avaient été gravement laissés en déshérence par le passé.
Il était normal que, dans le contexte de menace terroriste extrêmement élevée auquel notre pays est confronté, nous ayons privilégié dans un premier temps la reconstruction des moyens de notre renseignement intérieur, dans lequel près de 2 000 postes auront été créés, dans le cadre de plusieurs plans antiterroristes, et l’équipement des primo-intervenants, particulièrement exposés lors des attaques terroristes. C’est pourquoi nous avons mis en œuvre le plan pour la modernisation des moyens des policiers des BAC et des gendarmes des PSIG.
Aujourd’hui que nous avons mené à bien ces étapes, nous devons poursuivre et amplifier notre action, en accélérant la modernisation des équipements de la sécurité publique, c’est-à-dire de tous les policiers et de tous les gendarmes directement mobilisés sur le terrain pour assurer au quotidien la protection des Français.
Que demandent les policiers, que je rencontre quotidiennement sur le terrain, comme je l’ai encore fait ces derniers jours à Rouen, à Créteil, à Paris, à Saint-Denis. Ils demandent du respect, et ils demandent du concret.
Le plan pour la sécurité publique, que j’ai annoncé dès le 19 octobre aux organisations syndicales de la police réunies Place Beauvau, puis confirmé dans la lettre que j’ai adressée à tous les policiers le 21 octobre, répond à ces deux légitimes exigences.
C’est un plan qui se donne les moyens de ses ambitions, puisqu’il représente une enveloppe globale de 250 millions d’euros, rendue possible par les décisions budgétaires prises par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Les policiers, comme les gendarmes, qui exposent quotidiennement leur vie pour protéger nos concitoyens, formulent l’exigence de respect auquel ils ont droit. Ce plan va à cet égard permettre trois avancées majeures.
La première concerne la légitime défense. Conformément aux instructions du Président de la République, les conditions d’évolution de cette légitime défense vont être de nouveau examinées, pour protéger au maximum les forces de l’ordre, dans un cadre juridique scrupuleusement conforme à notre Etat de droit. Ce travail sera réalisé en étroite collaboration entre les ministères de l’Intérieur et de la Justice, mais aussi avec les représentants des policiers et des gendarmes. Il appartiendra ensuite au Parlement de se prononcer sur ces propositions, qui seront formulées dès la fin du mois de novembre prochain pour un examen rapide par la représentation nationale.
La deuxième avancée consiste à aligner le régime juridique de l’outrage envers les agents dépositaires de l’autorité publique sur celui de l’outrage à magistrat, afin de durcir les sanctions prévues par la loi contre ceux qui mettent en cause les forces de l’ordre. Cette mesure signifie une évolution de la graduation des sanctions du simple au double. Je considère que c’est indispensable, car la République ne peut pas transiger à l’égard de ceux qui s’en prennent à ces hommes et à ces femmes qui protègent nos concitoyens.
La troisième avancée réside en un renforcement significatif des mesures d’anonymisation pour protéger les enquêteurs, à la fois dans le cadre des procédures qui le justifient, mais également lors de certaines interventions, notamment par l’extension de la faculté de recourir au port de la cagoule. Cette demande légitime a été exprimée par les syndicats de police, notamment après l’ignoble assassinat terroriste de Magnanville en juin dernier, et j’y souscris pleinement.
Toutes ces mesures seront présentées devant le Parlement à la fin du mois de novembre. Elles sont destinées à protéger les représentants des forces de l’ordre, et à imposer le respect qui leur est dû.
Le deuxième volet de ce plan de sécurité publique répond à l’exigence de concret.
En préalable, j’insiste sur le fait que les nouveaux effectifs sortant des écoles de police et de gendarmerie seront désormais affectés prioritairement à la sécurité publique, dont une partie destinée aux sûretés départementales, chargées de la police judiciaire de proximité, indispensable à la résolution des enquêtes touchant à la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Je rappelle que 4600 sorties d’école sont prévues en 2017, soit autant que pour cette année 2016 et dix fois plus qu’en 2012, ce qui montre le chemin parcouru.
Ce plan pour les effectifs de la sécurité publique comprend aussi trois autres avancées majeures, qui correspondent à trois revendications fondamentales et justes portées par les représentants des policiers et des gendarmes.
La première concerne les moyens de travail des forces de l’ordre, leurs équipements de protection, leurs armes, leurs véhicules et leurs locaux. Il s’agit d’abord de rehausser l’équipement des compagnies départementales d’intervention et des compagnies de sécurisation, comme nous l’avons déjà fait rapidement pour les BAC et les PSIG : dotation en casque balistique, gilets pare-balles porte-plaques, fusil d’assaut HK G 36. Par ailleurs, chaque équipage de police-secours et chaque patrouille de gendarmerie se verra doter d’un bouclier balistique souple et de gilets pare-balles porte-plaques. Dès le 1er janvier 2017, débuteront ainsi les livraisons de 8000 casques et visières pare-balles, de 21700 gilets porte-plaques, de 20 000 gilets pare-balles individuels, de 4730 boucliers balistiques souples, de 440 pistolets-mitrailleurs HK G 36, et de 5 500 armes nouvelles modernes, compactes et maniables, qui remplaceront les anciens pistolets-mitrailleurs. De même, le remplacement progressif des flashballs par des lanceurs de balles de défense plus récents, qui a déjà commencé, va se poursuivre. Par-delà ces livraisons, d’autres interviendront jusqu’à l’achèvement complet du plan de rééquipement des forces de l’ordre tout au long de l’année 2017.
Toujours concernant les armes, nous allons dès maintenant revoir la durée de validité des habilitations à l’usage des armes nouvelles pour les policiers, pour éviter les stages à répétition qui peuvent représenter des pertes de temps.
De plus et comme le Premier Ministre l’a annoncé devant l’Assemblée Nationale, chaque véhicule de police et de gendarmerie sera équipé d’un extincteur, d’une couverture anti-feu et d’une trousse de secours d’urgence. Des tenues résistantes au feu seront déployées. Le vitrage des véhicules banalisés et sérigraphiés sera renforcé afin d’en améliorer la protection pour les policiers et les gendarmes. Nous déploierons dans les quartiers les plus sensibles des véhicules protégés, destinés à permettre l’intervention de la police contre la délinquance. Ces mesures seront effectives d’ici à la fin du premier trimestre 2017.
J’ai donné des instructions aux chefs de service pour que, dans les zones particulièrement difficiles, des patrouilles à trois fonctionnaires soient immédiatement et systématiquement mises en place.
Pour ce qui concerne le renouvellement du parc automobile, je rappelle qu’au total, pour les deux forces - police et gendarmerie-, 16 132 véhicules neufs ont été acquis depuis 2012. Cet effort devra se poursuivre, avec une attention accrue portée au choix des modèles les plus pertinents, en lieu et place de petits véhicules peu adaptés aux missions de voie publique. En 2017, ce sont 3 080 véhicules neufs qui seront livrés pour la police nationale, et 3 300 dans la gendarmerie.
Afin d’assurer l’entretien du parc immobilier et les travaux de maintenance les plus urgents dans les commissariats de police et les casernes de gendarmerie, une enveloppe supplémentaire spécifique sera identifiée dans ce plan. Nous étudierons en outre la possibilité de déconcentrer ces crédits, afin de permettre une meilleure réactivité et d’éviter des délais d’attente incompréhensibles une fois les commandes passées. Ces premiers travaux commenceront dans les commissariats et les casernes de gendarmerie dès le mois de novembre. Ils profiteront à tous les personnels, y compris les personnels administratifs et techniques, qui concourent également au bon fonctionnement de la sécurité publique.
La deuxième avancée va permettre de recentrer les missions des forces de l’ordre sur leur cœur de métier en les débarrassant enfin de nombreuses tâches indues qui mobilisent inutilement du temps et des hommes. Pour cela, de nombreuses gardes statiques de bâtiment publics, en particulier devant les préfectures et les tribunaux, vont être remplacées par des gardes dynamiques, mobilisant moins de troupes et permettant d’agir dans un rayon élargi. La reprise de la mission de garde statique par des sociétés de gardiennage pourra être envisagée. Des enveloppes sont prévues à ce sujet. J’ai donné des instructions pour que ces mesures soient d’application immédiate. J’attends donc que les premiers actes soient posés dès la semaine prochaine.
Nous allons par ailleurs poursuivre et intensifier l’allègement des procédures administratives et de la procédure pénale, en lien avec le Garde des Sceaux, afin d’améliorer la rapidité et l’efficacité des enquêtes et d’éviter aux forces de l’ordre un certain nombre de tâches fastidieuses et chronophages. Je rappelle à cet égard que j’ai récemment décidé de la création du service central de la police technique et scientifique, directement relié au directeur général de la police nationale, qui renforce également l’efficacité des enquêtes. Pour resserrer encore les liens entre police et justice, liens très étroits en matière de police judiciaire – et je salue les excellents résultats obtenus en ce domaine - nous allons également mieux informer les policiers et les gendarmes des suites pénales réservées aux affaires qu’ils traitent, notamment en matière de délinquance de proximité, qui constitue une part importante de l’activité de la police et de la gendarmerie. Cette méthode dite d’information partagée contribuera au nécessaire climat de confiance entre les magistrats et les forces de l’ordre. Avec Jean-Jacques Urvoas nous sommes déterminés à avancer le plus rapidement possible sur ces points précis.
Enfin, nous allons poursuivre le travail de suppression des tâches indues, telles que le transfèrement de détenus et le transport de personnes interpellées aux urgences hospitalières, notamment en matière d’ivresse publique - missions elles aussi très chronophages et éloignées des missions fondamentales de sécurité - grâce à des évolutions concertées avec le ministère de la Justice et avec la médecine de ville, avec l’objectif d’une entrée en vigueur dans les premières semaines de 2017. J’ai demandé au directeur général de la police nationale et au préfet de police de Paris de mener les discussions en ce sens avec les hôpitaux dès la semaine prochaine.
Par ailleurs, des discussions vont être entamées entre mes services et la SNCF pour aboutir à un conventionnement portant sur les modalités de prise en charge du transport des fonctionnaires de police, afin de tendre et d’obtenir la gratuité.
Ce plan a donc vocation à s’appliquer immédiatement pour la plupart des mesures qu’il comprend, et dans les meilleurs délais pour celles nécessitant des modifications législatives. Comme je l’ai déjà indiqué, il pourra être complété par la concertation entamée sur mes instructions depuis lundi dernier dans tous les départements par les préfets et les directeurs départementaux de la sécurité publique avec les représentants des policiers, et dont les conclusions doivent m’être rendues au plus tard le 15 décembre.
Mesdames et messieurs, la sécurité figure parmi les premières préoccupations des Français, et le Gouvernement entend poursuivre et amplifier son action dans ce domaine en y consacrant toute son énergie et tous les moyens nécessaires. En défendant ses policiers et ses gendarmes, la République défend tous les Français.
J’adresserai à la fin de cette semaine une circulaire aux préfets et aux directeurs départementaux de la sécurité publique pour que l’ensemble de ces dispositions soient mises en œuvre dans les meilleurs délais.
Je vous remercie.