Point de situation au soir du 1er jour du démantèlement du campement de la lande à Calais

Point de situation au soir du 1er jour du démantèlement du campement de la lande à Calais
24 octobre 2016

Déclaration de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur - Hôtel de Beauvau, le 24 octobre 2016.


- Seul le prononcé fait foi -

Mesdames et messieurs,

Au soir du 1er jour du démantèlement du campement de la lande à Calais, et alors que je quitte à l’instant une réunion de la cellule de coordination et de suivi mise en place ici-même au ministère de l’Intérieur, je souhaite avec Emmanuelle Cosse vous faire un point de situation et rappeler les principes qui guident l’action du Gouvernement dans cette opération, pour laquelle nous sommes tous mobilisés.

Ce soir, 2318 migrants ont été mis à l’abri. 1918 majeurs ont quitté Calais à bord de 45 bus pour rejoindre 80 centres d’accueil et d’orientation situés dans 11 régions de France, et 400 mineurs ont été orientés et eux aussi mis à l’abri au centre d’accueil provisoire dans l’attente de l’instruction de leur dossier, rejoignant les 200 qui s’y trouvaient déjà. 600 mineurs isolés sont désormais en sécurité au sein du CAP. Une première étape est donc franchie aujourd’hui, elle s’est passée dans le calme et la maîtrise, et nous devons bien entendu continuer.

Si je donne ces informations, et si nous continuerons à les donner dans les jours à venir, c’est parce que nous menons cette opération au grand jour, avec une volonté de transparence.

Non seulement sous le regard de la presse, ce qui est normal, mais aussi en présence des associations qui œuvrent sur place, des représentants du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations-Unies, des représentants du Défenseur des droits, de la Contrôleure Générale des lieux de privation de liberté,  mais aussi de nombreuses associations comme Amnesty International ou Human Rights Watch. Il est normal que les Français sachent exactement ce que nous faisons : ce que le Gouvernement fait à Calais, et qui va durer autant de jours que nécessaire, est tout simplement son devoir de pays attaché au droit d’asile.

C’est d’abord son devoir humanitaire. Nous souhaitons mettre à l’abri l’ensemble des personnes qui se trouvaient encore aujourd’hui sur le campement, dont la grande majorité a fui les guerres et les persécutions.

Les conditions dans lesquelles elles vivaient dans le campement de la Lande étaient indignes et ne pouvaient durer. C’est pour cette raison que depuis un an déjà, nous avons proposé une orientation en CAO aux migrants qui le souhaitaient. 6000 d’entre eux avaient ainsi pu quitter Calais pour rejoindre l’un de ces 167 centres d’accueil et d’orientation que nous avons créés à travers la France. Depuis aujourd’hui et jusqu’à la fin du démantèlement, ce sont 6500 migrants qui en feront de même.

Pour cela nous avons créé depuis l’été 283 CAO supplémentaires, portant donc leur total à 450 au niveau national. Ces CAO représentent une étape temporaire – j’insiste sur ce point - de quelques mois dans le parcours des migrants, qui va les conduire ensuite, la plupart du temps, à déposer une demande d’asile, puis à accéder au statut de réfugié, et donc à une vie normale et digne à laquelle ils aspirent légitimement.

Cette politique de mise à l’abri humanitaire, qui correspond aux valeurs de la France, à ce qu’elle est profondément, à ses engagements internationaux, s’accompagne de son corollaire absolument indispensable, c’est-à-dire une fermeté absolue à l’égard de l’immigration clandestine. Depuis le début de l’année, 1789 personnes en situation irrégulière ont été éloignées du territoire national depuis Calais.

Par ailleurs, toujours depuis le début de l’année, 33 filières d’immigration irrégulière à destination du Royaume-Uni ont été démantelées, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année dernière. Je souligne enfin que 47 000 personnes ont été refoulées à l’entrée du territoire national depuis le rétablissement de nos contrôles aux frontières le 13 novembre dernier.

Ce que le Gouvernement fait à Calais, c’est aussi son devoir vis-à-vis d’une ville, Calais, d’un territoire, de ses habitants, de ses élus, de ses acteurs économiques et sociaux, qui depuis plus de quinze ans ont porté souvent seuls sur leurs épaules le poids des effets de la crise migratoire internationale dans notre pays. Ils l’ont fait avec courage, avec générosité, avec patience. Cette situation non plus ne pouvait pas durer.

Comme l’a rappelé le Président de la République sur place le 26 septembre dernier, la solidarité nationale doit jouer. Nous le devons aux Calaisiens, qui, eux aussi, ont droit à une vie normale, paisible, tournée vers le développement économique et vers l’avenir.

Nous le devons aussi aux forces de l’ordre engagées sur le terrain depuis des mois et des mois, et qui font face avec un professionnalisme qui force l’admiration à des situations tendues toutes les nuits autour de la rocade. Ces forces de l’ordre resteront aussi longtemps que nécessaire pour sécuriser la frontière et empêcher la reformation de campements à Calais ou sur le littoral. Sur ce point de veux être extrêmement clair : il y a le démantèlement mais aussi l’après-démantèlement. Les forces de l’ordre présentes procèderont à des contrôles, notamment dans les gares, pour faire en sorte qu’à Calais et sur la côte septentrionale, les campements ne se reconstituent pas.

Cette nécessaire solidarité nationale, nous l’organisons donc avec ces 450 CAO répartis sur l’ensemble du territoire. La grande majorité des Maires jouent le jeu, c’est à leur honneur et je veux les en remercier vivement. Nous constatons que les CAO déjà mis en place depuis un an fonctionnent bien, sans incidents avec les habitants des communes concernées.

Avec ma collègue Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’Habitat durable, nous voulons également remercier les Préfets, ces serviteurs de l’Etat discrets et admirables, qui ont su non seulement mobiliser en un temps record les places en CAO nécessaires à l’accueil des migrants dans les départements, mais qui nouent également avec les maires le dialogue nécessaire.

Je veux enfin saluer et adresser un message de gratitude et d’encouragement à toutes les équipes présentes sur place à Calais, qui ont préparé minutieusement, depuis des semaines, cette opération de démantèlement, et qui la mettent en œuvre aujourd’hui. La préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, et ses collaborateurs, ainsi que les équipes de la DGEF autour de Pierre-Antoine MOLINA, de l’OFPRA autour de Pascal Brice et de l’OFII autour de Didier Leschi. Je veux remercier les policiers et les gendarmes présents, dévoués, pour assurer la sécurité de l’opération, et l’ensemble des personnels, permanents ou bénévoles, des associations, qui œuvrent depuis des mois auprès des migrants pour leur venir en aide.

Cette opération est un travail de grande précision, inédit à cette échelle. J’ai constaté tout au long de la journée que chacun est à son poste, à sa place, et que cela a permis jusqu’à maintenant d’assurer un déroulement dans le calme et dans la maîtrise de cette opération. Nous n’ignorons rien des risques et des difficultés qui pourraient se présenter dans les prochains jours ; et c’est la raison pour laquelle nous allons conserver une mobilisation et concentration totales pour la suite des opérations.

Je veux également remercier les autorités britanniques, avec qui nous menons depuis maintenant deux ans un dialogue permanent, amical et franc, et surtout fructueux et toujours emprunt du sens des responsabilités que nos deux pays ont en partage.

Je rappelle que depuis deux ans, nos négociations avec les Britanniques ont permis d’obtenir des efforts substantiels de la part de Londres, qui montrent que dans la gestion de cette situation, la responsabilité est pleinement partagée entre nos deux gouvernements. L’engagement renforcé des autorités britanniques à Calais s’est notamment matérialisé par une coopération accrue entre nos services de polices aux frontières dans la lutte contre les filières d’immigration clandestine, mais également par le versement de 100 millions d’euros qui ont principalement contribué aux travaux nécessaires pour rendre étanche la frontière à Calais, dans le tunnel, au port, autour de la rocade.

Vous savez que ces dernières semaines, ces négociations se sont encore intensifiées avec mon homologue britannique Amber Rudd, qui a succédé à Theresa May, devenue Premier Ministre. Ces négociations ont porté sur deux points essentiels : une demande de notre part de nouvelles contributions financières pour participer notamment au coût du démantèlement, et la prise en charge au Royaume-Uni de tous les mineurs isolés présents à Calais ayant des attaches en Angleterre, en pleine application des accords passés à Amiens en mars dernier entre nos deux pays.

Je suis en mesure de vous annoncer ce soir que nous sommes parvenus à un accord sur les deux points. Premièrement, une nouvelle aide financière de plus de 40 millions d’euros pour Calais va être versée par les Britanniques.

Deuxièmement, le Royaume-Uni accueillera effectivement tous les mineurs isolés présents à Calais dont les attaches familiales en Grande-Bretagne sont établies, et même au-delà puisque les autorités britanniques se sont engagées à étudier également les dossiers des mineurs non accompagnés qui n’ont pas de liens familiaux mais dont l’intérêt supérieur serait de rejoindre ce pays. Depuis les accords d’Amiens près de 300 mineurs ont déjà pu traverser la Manche, dont 200 la semaine dernière. D’autres suivront dans les jours et les semaines qui viennent.

Je salue cet accord et j’en remercie encore une fois les autorités britanniques. Cette coopération va bien entendu se poursuivre.

A l’issue de cette première journée, je remercie à nouveau l’ensemble de ceux qui sont engagés pour cette opération humanitaire.

Je vous remercie.

Retrouvez l'intervention de M. Bernard CAZENEUVE en vidéo :

 
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