Discours de M. Bernard Cazeneuve au Sénat : examen de la deuxième loi de prorogation de l'état d'urgence

Bernard Cazeneuve au Sénat
9 février 2016

Le 9 février 2016, en raison de la persistance de menaces susceptibles de frapper la France à tout moment, le Gouvernement a soumis au Sénat une nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence pour une durée supplémentaire de trois mois, à compter du 26 février 2016.


Le contexte

Le 13 novembre 2015, 130 personnes ont perdu la vie à l'occasion d'attentats d'une nature et d'une ampleur sans précédent. Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a pris alors toutes les mesures qui s’imposaient, décrétant notamment l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national, afin de donner aux autorités de l’État les moyens, dans de telles circonstances, de préserver l’ordre public et de prévenir la commission de nouveaux attentats.

Le 20 novembre, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la loi modernisant la loi de 1955 relative à l’état d’urgence et en prorogeant l’application, pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015.

Le 9 février 2016, en raison de la persistance de menaces susceptibles de frapper la France à tout moment, le Gouvernement a soumis au Sénat une nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence pour une durée supplémentaire de trois mois, à compter du 26 février 2016.

Voici le discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, prononcé au Sénat le 09 février 2016.

Le discours du ministre de l'Intérieur

- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Monsieur le Rapporteur spécial,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Depuis le 13 novembre 2015, notre pays est confronté à une menace terroriste d’une gravité sans précédent au cours de notre histoire.

Voici maintenant trois mois, 130 victimes innocentes ont en effet perdu la vie en plein cœur de Paris et aux abords du Stade de France, tandis que des centaines d’autres resteront longtemps marquées dans leur chair, parfois même pour le restant de leurs jours. Jamais, jusqu’alors, nous n’avions connu des attentats d’une telle nature et d’une telle ampleur sur notre sol.

Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a pris alors toutes les mesures qui s’imposaient, décrétant notamment l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national, afin de donner aux autorités de l’État les moyens, dans de telles circonstances, de préserver l’ordre public et de prévenir la commission de nouveaux attentats.

Le 20 novembre, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la loi modernisant la loi de 1955 relative à l’état d’urgence et en prorogeant l’application , pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015.

Aujourd’hui, en raison de la persistance de menaces susceptibles de nous frapper à tout moment, le Gouvernement soumet à votre examen une nouvelle loi de prorogation de l’état d’urgence pour une durée supplémentaire de trois mois.

A cet égard, je veux saluer le travail réalisé en Commission des Lois autour du constat de la nécessité de cette nouvelle prorogation, et remercier tout particulièrement son président Philippe BAS. Je tiens également à remercier le Comité de suivi de l’état d’urgence et son rapporteur spécial, Michel MERCIER, qui ont d’ores et déjà fourni un travail très important d’évaluation des mesures que nous avons prises dans le cadre de l’état d’urgence.

*

Je crois utile de commencer par rappeler l’état d’esprit dans lequel nous proposons au Parlement d’adopter cette nouvelle loi de prorogation.

L’exception au droit commun fait partie intégrante de l’histoire républicaine française. Tout État démocratique a en effet le devoir de prévoir un dispositif d’exception susceptible de lui donner les moyens de droit pour faire face à une situation d’une extrême gravité. Mais il doit bien évidemment le faire dans le respect scrupuleux des principes démocratiques et en prévoyant les garanties permettant de s’assurer qu’il en sera fait un usage strictement nécessaire.

La loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence vise ainsi à nous permettre de lutter contre tout « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou contre des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Nul ne conteste que les attentats du 13 novembre s’inscrivaient dans ce cadre.

Mais si nous devons faire preuve de fermeté et de détermination, nous devons également agir dans la pleine conscience de la responsabilité qui est la nôtre. L’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit : il en est au contraire, dès lors que la situation l’exige, le bouclier.

Contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là dans la presse, l’état d’urgence n’est donc certainement pas synonyme d’arbitraire. Les raisons justifiant d’y avoir recours, sa déclaration comme sa prorogation, ainsi que les actes et les décisions pris sur son fondement, sont tous prévus et strictement encadrés par la loi.

Par principe l’état d’urgence n’a pas vocation à durer plus longtemps qu’il est nécessaire. Sa légitimité réside précisément dans ce caractère provisoire, déterminé par la persistance du péril imminent qui a justifié sa déclaration. Et je vous présenterai donc dans quelques instants les données factuelles qui amènent le Gouvernement à juger que ce péril persiste.

J’ajoute enfin qu’avec la loi du 20 novembre 2015 et cette nouvelle loi de prorogation, nous demeurons fidèles à l’ambition républicaine et progressiste qui animait les rédacteurs de la loi de 1955 – je veux bien sûr parler de Pierre MENDES-FRANCE et d’Edgar FAURE –, lesquels considéraient en effet que l’état d’urgence constituait une alternative libérale à l’état de siège.

Et c’est dans le même esprit libéral que le Gouvernement a pris l’initiative, dès la loi du 20 novembre, de supprimer certaines mesures relatives au contrôle des médias qui apparaissaient inadaptées aux réalités contemporaines et susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques.

C’est également pourquoi le Gouvernement a souhaité prévoir des garanties supplémentaires, telles que l’interdiction de procéder à des perquisitions administratives « dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes », ou bien la nécessité d’information du procureur de la République avant et après la perquisition, ou encore le contrôle du juge administratif, y compris dans l’urgence.

Enfin, c’est également ce Gouvernement et nul autre qui a mis en place un contrôle parlementaire inédit et pleinement effectif de l’état d’urgence – j’y reviendrai.

*

Je veux maintenant vous présenter un bilan précis des mesures que nous avons mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence et des résultats qu’elles ont d’ores et déjà permis d’obtenir.

Depuis le 13 novembre dernier, 3 336 perquisitions administratives ont été réalisées. Elles ont notamment permis la saisie de 578 armes, qui se répartissent de la manière suivante :

  • 220 armes longues ;
  • 169 armes de poing ;
  • 42 armes de guerre ;
  • 147 autres armes, qui pour la plupart présentent un caractère de dangerosité élevé.

395 interpellations ont eu lieu, entraînant 344 gardes à vue.

Au lendemain des attentats du 13 novembre, l’État a fait le choix de créer un effet de surprise pour éviter toute réplique éventuelle et déstabiliser les filières liées à des activités terroristes. Nous y sommes d’ores et déjà parvenus.

Néanmoins, je n’ignore pas que, depuis la proclamation de l’état d’urgence, des critiques ont porté, notamment dans la presse, sur l’usage qui était fait de ces mesures. J’ai pour ma part identifié certains faits isolés, certaines perquisitions qui n’ont pas été accomplies avec le discernement qui aurait dû pourtant présider à leur mise en œuvre ou même à leur choix. Je pense notamment à une perquisition dans une ferme biologique du Périgord qui a eu lieu le 24 novembre dernier et qui était injustifiée. Je pense également aux conditions d’une autre perquisition, le 17 novembre, cette fois dans une mosquée à Aubervilliers.

J’ai par conséquent immédiatement donné des instructions extrêmement fermes pour que les opérations de perquisition ne concernent que des objectifs pertinents et qu’elles se déroulent de manière irréprochable. Ces instructions ont fait l’objet d’un télégramme, en date du 25 novembre dernier, adressé aux préfets. J’ai également demandé aux Directions générales de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale de transmettre les mêmes consignes auprès de leurs effectifs.

Je souhaite également vous informer des suites judiciaires qui ont été pour l’heure réservées à ces mesures, et tout particulièrement aux perquisitions.

A la date du 2 février, 563 procédures judiciaires avaient été ouvertes. Sur les 344 gardes à vue, 65 condamnations ont d’ores et déjà été prononcées et 54 décisions d’écrou ont été prises.

Si l’on s’en tenait au seul chiffre des procédures ouvertes sous la qualification terroriste – 28 procédures, dont 23 pour apologie du terrorisme –, le bilan pourrait sembler modeste. Mais ce serait une erreur de méthode que de s’arrêter à ce décompte pour évaluer l’utilité des perquisitions effectuées.

En effet, les perquisitions administratives ont, par construction même, une finalité préventive et de renseignement. Les éléments collectés peuvent alimenter des dossiers de renseignement qui donneront lieu le cas échéant à judiciarisation plusieurs semaines ou plusieurs mois plus tard, après avoir été enrichis par d’autres sources d’information. C’est pourquoi ces résultats sont extrêmement précieux, sans être pour autant définitifs.

En outre, les perquisitions ont pour effet de désorganiser les réseaux qui arment et financent le terrorisme, en particulier à travers les trafics d’armes et de stupéfiants. C’est donc tout un environnement logistique permettant l’organisation et la commission d’actes terroristes que nous avons commencé à déstabiliser durablement.

Les saisies d’espèces, qui s’élèvent à plus d’un million d’euros, permettent également aux services de Bercy d’ouvrir des enquêtes particulièrement utiles. Les données numériques qui ont été saisies et qui sont en cours d’exploitation déboucheront certainement aussi, dans de nombreux cas, sur de nouvelles mises en cause.

La mise en œuvre de l’état d’urgence a d’ores et déjà permis aux forces de sécurité d’accomplir un travail considérable. La lutte contre la menace terroriste se poursuit sans trêve ni pause.

A ce jour et depuis 2013, le travail minutieux de nos services de renseignement a ainsi permis de déjouer 11 attentats, outre les deux tentatives qui ont échoué à Villejuif et à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris. Je veux par conséquent saluer le travail réalisé par la DGSI dont je veux rappeler qu’elle est saisie, en propre ou avec la Police judiciaire, du suivi de 216 dossiers judiciaires concernant 1 038 individus pour leur implication dans des activités liées au terrorisme djihadiste. Parmi eux, 320 ont d’ores et déjà été interpellés et 13 font l’objet d’un mandat d’arrêt international. 199 ont été mis en examen, 153 ont été écroués et 46 font l’objet d’un contrôle judiciaire. Ces chiffres montrent bien à quel point l’action quotidienne des services, sous l’autorité de la justice, porte ses fruits, permettant ainsi que des actions violentes, voire des attentats, soient empêchés d’être commis sur notre sol.

*

Je voudrais à présent vous rappeler les garanties qui ont été prises afin de nous assurer que les mesures mises en œuvre au titre de l’état d’urgence respectent scrupuleusement, comme je le disais en introduction, les exigences de l’État de droit.

En premier lieu, afin de préserver les garanties dont doivent bénéficier les personnes mises en cause et la sécurité juridique des procédures, des directives très précises ont été données, dès le lendemain des attentats, en vue d’associer pleinement l’autorité judiciaire, à travers les procureurs de la République, aux opérations de perquisition administrative, et ce en parfait accord avec la Chancellerie.

En deuxième lieu, nous avons veillé à ce que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence fassent l’objet d’un contrôle juridictionnel, qui n’était pourtant pas systématiquement prévu par la loi de 1955.

Ce contrôle est exercé à titre principal par le juge administratif. Certains ont pu déplorer l’absence, dans ce dispositif, du juge judiciaire, y voyant une « mise à l’écart » plus ou moins délibérée. Pourtant il ne s’agit là que d’une conséquence de ce principe général du droit qui veut que le juge administratif soit compétent pour contrôler la légalité des mesures de police administrative. Le juge administratif a d’ailleurs eu maintes fois l’occasion, au cours de notre histoire récente, de démontrer qu’il n’était pas moins indépendant que le juge judiciaire, et pas moins sourcilleux dans le contrôle du respect des libertés publiques. Par ailleurs, en vertu d’un principe ancien de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier, dans le cadre des procédures judiciaires initiées par des perquisitions administratives, la légalité des ordres de perquisition émanant de l’autorité administrative.

S’agissant particulièrement des assignations à résidence, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions introduites en novembre dernier à l’article 6 de la loi de 1955, les a déclarées conformes à la Constitution et a, par là même, réaffirmé la compétence du juge administratif, l’assignation à résidence n’étant pas constitutive d’une privation de liberté au sens de l’article 66 de la Constitution, aux termes duquel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle (Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015).

Ainsi, près de 400 assignations à résidence ont été prononcées depuis le début de l’état d’urgence. Parmi elles, 27 assignations concernaient des personnes susceptibles de constituer une menace pour l’ordre et la sécurité publics dans le contexte de la conférence internationale sur le climat ; elles se sont tout naturellement périmées à l’issue de la COP 21, c’est-à-dire dès le 12 décembre. Par ailleurs, 41 autres assignations ont été spontanément abrogées lorsque des éléments nous ont permis de lever les doutes sur la dangerosité des personnes concernées.

Enfin, s’agissant des contentieux administratifs, 160 référés (dont 125 référés liberté et 35 référés suspension) ont été soumis à la juridiction administrative. 11 suspensions seulement ont été prononcées, traduisant tout à la fois le sérieux des procédures engagées par le ministère de l’Intérieur et la parfaite indépendance de la juridiction administrative qui n’hésite pas à prononcer des annulations quand la situation l’exige.

Par ailleurs, si 108 recours au fond ont été introduits, une seule annulation a été prononcée jusqu’à présent. Il a en effet été jugé que ces assignations ne méconnaissaient pas le principe de proportionnalité, s’agissant d’individus présentant un risque pour l’ordre public dans le contexte que vous connaissez.

Aujourd’hui, 290 assignations à résidence sont toujours en vigueur, dont 83% concernent des individus surveillés par nos services de renseignement. A la fin de l’état d’urgence, leur assignation à résidence cessera de plein droit, même si, bien sûr, des suites judiciaires et administratives de droit commun sont mises en œuvres lorsque les conditions en sont réunies.

De même, je tiens à souligner que les interdictions de manifester qui ont été décidées par les préfets jusqu’au 12 décembre 2015 étaient pleinement justifiées par l’impossibilité dans laquelle se trouvait alors le Gouvernement de pouvoir garantir le maintien de l’ordre public dans ces circonstances particulières, alors que nos forces étaient déjà mobilisées pour protéger les Français et assurer le bon déroulement de la COP 21.

La liberté de manifester, à laquelle je suis comme vous particulièrement attaché, demeure bien évidemment la règle dans notre pays, comme chacun a encore pu le constater au cours de ces dernières semaines à l’occasion de plusieurs mouvements sociaux. Le 30 janvier, des manifestants ont même pu défiler, sous la protection des forces de l’ordre, pour dénoncer l’état d’urgence. C’est dire combien l’application de l’état d’urgence n’a en réalité ni affecté la liberté de manifester, ni réduit l’espace du débat démocratique.

Concernant les mosquées et salles de prière, 45 d’entre elles ont fait l’objet d’une perquisition administrative, 10 ont été fermées. Ces lieux, dont certains étaient des établissements recevant du public totalement clandestins, constituaient en effet autant de bases arrière pour la propagande d’un islam incompatible avec les valeurs de la République, encourageant ou légitimant la commission d’actes mettant en péril l’ordre et la sécurité publics.

Je relèverai le cas particulier de la mosquée de Lagny, en Seine-et-Marne. Celle-ci a été la toute première à faire l’objet d’une mesure de dissolution, après l’adoption de trois décrets en Conseil des Ministres prononçant la dissolution des associations constituant les personnes morales sur lesquelles reposait la gestion des activités de la mosquée.

Enfin, je rappelle que l’état d’urgence est soumis à un contrôle parlementaire d’une portée inédite. Celui-ci avait été inscrit dans son principe dans la loi du 3 avril 1955, mais n’avait pour autant jamais été appliqué. J’ai donc indiqué d’emblée aux présidents des Commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale, Michel MERCIER et Jean-Jacques URVOAS, que j’étais résolu à mettre en œuvre un tel contrôle, qui aille même au-delà de celui exercé par une Commission d’enquête parlementaire.

D’emblée, j’ai également affirmé que j’étais prêt à apporter des réponses précises et circonstanciées sur toute cas individuel, à transmettre en temps réel et quotidiennement un bilan chiffré des mesures mises en œuvre, de même que je me suis engagé à exiger la plus grande transparence de la part de tous mes services à l’occasion de contrôles réalisés sur pièces et sur place par le président de la Commission de suivi parlementaire.

En outre, des réunions hebdomadaires ont été organisées avec les représentants des groupes parlementaires, sous l’autorité du Premier Ministre ou bien sous la mienne. Jamais un tel contrôle n’avait été auparavant mis en place : les parlementaires de la majorité comme de l’opposition l’ont d’ailleurs unanimement reconnu.

*

J’en viens à la prorogation de l’état d’urgence et aux raisons pour lesquelles nous la croyons absolument nécessaire. Vous savez qu’elle s’apprécie à l’aune de la persistance d’un péril imminent. Et force est de constater que, plusieurs mois après les actes terroristes du 13 novembre, ce péril qui menace la France n’a pas disparu.

Je veux tout d’abord rappeler que le Conseil d’État lui-même, jugeant en référé, a estimé, dans sa décision du 27 janvier dernier, que la persistance d’un péril imminent justifiait que le Président de la République s’abstienne, à l’heure actuelle, de prendre un décret mettant un terme anticipé à l’état d’urgence, et que ce faisant il ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

Par ailleurs, depuis le 13 novembre, des attentats, même de moindre ampleur, ont été commis, en France et à l’étranger, visant nos intérêts et nos ressortissants. Ils ont également visé des alliés directs de la France, au nom d’organisations terroristes telles que DAESH ou Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

A la fin de l’année 2015, plusieurs attentats ont été déjoués en Belgique et en Allemagne. De même, au mois de décembre, deux projets terroristes en gestation sur le territoire national ont été déjoués : le premier à Tours,  où un djihadiste tchétchène a pu être arrêté avant de passer à l’acte, et le second dans la région d’Orléans, où deux individus cherchaient à se procurer des armes dans l’intention de s’en prendre à des représentants de la force publique.

Le 24 décembre 2015, un couple demeurant à Montpellier a été mis en examen et écroué pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et financement du terrorisme. De la propagande djihadiste et un faux ventre de femme enceinte qui aurait pu servir à dissimuler des objets, recouvert d'une couche d'aluminium, ont notamment été saisis à leur domicile.

Le 7 janvier 2016, un individu armé et apparemment porteur d’un engin explosif – qui s’est ensuite avéré factice –, ainsi que d’un document de propagande faisant clairement référence à DAESH, a été neutralisé par des policiers en faction devant le commissariat du 18e arrondissement de Paris.

Le 11 janvier 2016, à Marseille, un adolescent mineur a blessé à l’arme blanche un professeur d’une école, avant de revendiquer son action et son mobile antisémite.

Je rappelle également qu’au mois de décembre dernier, DAESH a explicitement appelé à cibler nos écoles et à tuer des enseignants et des élèves.

En outre, depuis le 13 novembre et au cours des dernières semaines, les organisations terroristes ont démontré leur capacité à frapper dans de nombreuses villes étrangères – à Tunis, à Bamako, à Jakarta, à Istanbul, à Ouagadougou, sans même parler bien sûr de la Syrie et de l’Irak  – et à viser notamment les ressortissants français et européens présents à l’étranger.

Le 20 novembre 2015, deux terroristes attaquaient l’hôtel « Blue Radisson » de Bamako, au Mali, essentiellement fréquenté par des Occidentaux. Ils ont assassiné vingt otages avant d’être neutralisés. Le groupe djihadiste Al-Mourabitoune, dirigé par l'Algérien Mokhtar BELMOKHTAR, a revendiqué la prise d'otages. Le 12 janvier 2016, un attentat suicide perpétré à Istanbul et visant des touristes allemand causait la mort de 10 d’entre eux et blessait 17 autres personnes. De même, le 15 janvier, un triple attentat était perpétré à Ouagadougou, au Burkina Faso, visant un hôtel et des établissements connus pour être fréquentés par des expatriés, causant la mort de 30 personnes, parmi lesquelles se trouvaient 3 ressortissants français.

A l’heure actuelle, nous savons qu’environ 600 Français sont présents en Syrie et en Irak. 254 sont d’ores et déjà revenus sur le territoire français et nous faisons preuve à leur endroit de la plus grande vigilance. Parmi eux, 143 font l’objet d’un suivi judiciaire, dont 74 ont été incarcérés après avoir été placés en garde à vue et 13 ont été placés sous contrôle judiciaire.

Par ailleurs, 111 Français de retour de Syrie ou d’Irak sont actuellement surveillés par nos services de renseignement ; 67 d’entre eux ont d’ores et déjà fait l’objet d’entretiens administratifs avec la DGSI.

Au cours de la seule année 2015, nous avons enregistré 329 nouvelles arrivées sur le théâtre des opérations en provenance de notre territoire. En un peu plus d’un an, le nombre de personnes ayant manifesté des velléités de départ mais n’ayant pas encore mis leur projet à exécution est passé de 295 à la fin de l’année 2014 à 755 au début de l’année 2016.

Pour toutes ces raisons, et quelles que soient les précautions que nous prenions, il ne nous est pas permis de nous croire à l’abri, ni de considérer que le « péril imminent » qui a justifié, en novembre dernier, la proclamation de l’état d’urgence a disparu.

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C’est pour permettre à notre pays de faire face à une menace exceptionnellement grave que le Gouvernement a décidé de prendre, dans le respect scrupuleux de l’État de droit, des mesures exceptionnelles. Ces mesures sont nécessaires au combat que nous menons contre le terrorisme et elles ont commencé à porter leurs fruits. Mais il ne nous est pas permis de relâcher notre vigilance, tant le risque auquel notre pays fait face demeure élevé.

Au milieu des années 1980, tandis que la France, déjà, était en butte à des attentats islamistes commandités depuis l’étranger, le président François MITTERRAND avait défini, d’une formule lapidaire, la doctrine qui devait présider à notre action : « Tout faire, sauf céder ». Tous les Gouvernements successifs ont eu à cœur d’adopter cette politique de fermeté face au terrorisme. Je suis convaincu qu’elle doit nous réunir encore aujourd’hui et c’est pourquoi je vous demande solennellement d’approuver le projet de loi prorogeant à nouveau l’état d’urgence pour trois mois.

Je vous remercie.

Etat d'urgence : bilan au 16 février 2016

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