Discours de M. Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur, à l’occasion de la cérémonie d’hommage à M. Hervé CORNARA
Fontaines-sur-Saône, 26 juin 2016
Seul le prononcé fait foi.
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Sénateur-Maire de Lyon,
Madame la conseillère régionale,
Monsieur le Maire de Fontaines-sur-Saône,
Chère Laurence CORNARA,
Cher Kévin,
Mesdames et Messieurs,
Voici un an, nous nous trouvions rassemblés au sein de l’église de Fontaines-sur-Saône pour dire un dernier adieu à Hervé CORNARA et pour exprimer notre compassion et notre solidarité à sa famille et à ses proches.
Jamais, aucun d’entre nous n’oubliera ce moment.
Jamais nous n’oublierons la détresse poignante d’une épouse, d’une mère, d’un fils frappés par le plus cruel des deuils.
Jamais nous n’oublierons l’immense tristesse des habitants de cette ville, rassemblés autour de la famille d’Hervé CORNARA pour pleurer la mémoire de cet homme juste et bon.
Jamais nous n’oublierons les larmes qui ont coulé lorsque nous sommes sortis de l’église, accompagnés par la mélodie qu’il aurait aimé entendre une dernière fois.
Mais surtout, jamais nous n’oublierons Hervé CORNARA
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Hervé CORNARA, comme l’a rappelé votre maire, était profondément attaché à cette ville, au quartier des Marronniers où il était né et où il avait grandi.
Il aurait donc été profondément touché de ce que, sur cette place qui porte désormais son nom, soit rappelé son rôle en tant que président de l’Association des locataires des Marronniers. Parce que s’il aimait cette ville et cette région, s’il était sensible à la beauté de la Saône qui coule au bas de ce plateau, il aimait avant tout ses habitants, ses voisins, qui étaient aussi, naturellement, ses amis.
A sa façon, avec modestie mais avec détermination, il voulait contribuer à leur bien-être. Il voulait que cet endroit, ce quartier populaire, conserve sa convivialité. Il voulait que la qualité des relations humaines, que l’amitié et la solidarité soient toujours là pour accompagner les bons moments de la vie et aussi pour aider à surmonter les moins bons. Il croyait profondément à la force de ce qui est peut-être la plus belle des valeurs de la République : la fraternité.
Bien sûr, il avait d’autres qualités qui le faisaient aimer de tous. Il était un travailleur infatigable et il avait l’esprit d’entreprise. Il était heureux de procurer du travail à ses salariés, qui le respectaient et qu’il traitait lui-même avec amitié, n’oubliant jamais qu’il avait été ouvrier avant de devenir son propre patron.
Il était également un véritable ami, de ceux sur lesquels on peut compter, en toutes circonstances. Il était un fils, un mari, un père, un frère aimant, entouré de l’affection des siens. Et personne ne peut sans doute mesurer tout à fait le vide immense qu’il a laissé dans la vie des siens.
Hervé CORNARA n’était pas de ceux qui recherchent la gloire, la lumière, les honneurs. Il ne croyait pas être un héros, ni un exemple. Et pourtant, comme l’écrivait Victor HUGO : « Il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se défendent pied à pied dans l’ombre... Nobles et mystérieux triomphes qu’aucun regard ne voit, qu’aucune renommée ne paye, qu’aucune fanfare ne salue. »
Le moment est venu pour nous de saluer Hervé CORNARA, cet homme bon et droit, profondément humain et attentif aux autres, attaché à faire en sorte, avec ses moyens et à son échelle, que le monde autour de lui soit meilleur, plus solidaire et plus beau. C’est là son titre de gloire et c’est que l’histoire retiendra de lui.
Et il est insupportable de penser qu’une personne aussi digne d’estime, qui a suscité l’amitié et l’amour autour de lui, est tombée victime d’un projet criminel inspiré par la seule force de la haine.
Car, nous le savons, Hervé CORNARA est tombé victime du terrorisme. L’enquête judiciaire, qui n’est pas close en dépit de la mort de son assassin, nous dira précisément dans quelles conditions a été préparé cet horrible crime. Mais nous savons déjà, avec la force de la certitude, que le crime affreux de Saint-Quentin-Fallavier n’était pas un fait-divers d’une cruauté particulière. Il a résulté de la guerre qui a été lancée contre notre pays, en raison des valeurs qu’il défend, par l’organisation terroriste DAESH et qui a fait depuis lors d’autres malheureuses victimes.
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Depuis le jour tragique de l’assassinat d’Hervé CORNARA, depuis un an, d’autres épreuves ont frappé la France et les Français.
Le 13 novembre, comme chacun s’en souvient, 130 nouvelles victimes sont tombées sous le feu des terroristes, à Saint-Denis et à Paris.
Ce soir-là, des dizaines d’autres familles ont été, elle aussi, plongées dans le malheur. D’autres parents et grands-parents qui ne reverront pas les enfants qu’ils aimaient tendrement. D’autres enfants, souvent très jeunes, qui sont devenus brutalement orphelins. D’autres épouses et époux dont on a brisé les tendres liens. D’autres amis, d’autres voisins, d’autres collègues qui ont été frappés par la stupeur et par l’effroi face à une telle intensité de haine.
Il y eu également d’autres tentatives d’attentats avortées ou empêchées, dans le Thalys, à Villejuif, et la mort tout aussi cruelle, tout aussi injuste, de la jeune Aurélie CHATELAIN.
Et puis, le 13 juin, il y a seulement quelques jours, deux fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING, ont été à leur tour lâchement assassinés par un terroriste ayant prêté allégeance à DAESH et qui les avaient attendus à leur domicile pour commettre son forfait.
Face à de telles épreuves, comme face à la mort d’Hervé CORNARA, notre pays a un devoir de résistance et un devoir de mémoire.
Un devoir de résistance car, nous le savons, cette guerre contre le terrorisme sera longue.
Au Proche-Orient, nos forces aux armées sont aux côtés de nos alliés pour porter le fer contre les bastions de l’organisation terroriste, dont nous voyons qu’elle ne cesse de reculer. Tout comme nous voyons aussi qu’elle ne cesse de tenter de s’approprier de nouveaux territoires et de rallier à elle d’autres mouvements fanatiques, en Libye ou au Sahel.
Ici même, jour après jour, nos forces de sécurité diligentent des enquêtes, démantèlent des filières, empêchent des départs vers la Syrie et l’Irak, arrêtent ceux qui en reviennent, tout comme elles patrouillent dans nos rues et protègent les sites sensibles. Elles déjouent des projets d’attentats, plus d’une quinzaine depuis deux ans, au terme d’un travail méthodique et inlassable. Mais le risque zéro, comme nous le savons, ne peut exister face des individus fanatisés, privés de tout repère moral, déterminés à tuer par tout moyen et au péril de leur propre vie.
Il est donc essentiel que nous sachions manifester cet esprit de résistance, cette volonté de ne pas céder face à la menace, parce qu’il en va de notre capacité à vivre libres, dans la fidélité à nos valeurs, dans l’amour de notre pays, comme a vécu et comme est mort Hervé CORNARA.
Il est essentiel que le pays se rassemble contre cet ennemi redoutable, qu’il fasse taire ses querelles, qu’il célèbre son unité autour de la République dont nous sommes tous les enfants, quels que soient nos origines, notre religion ou nos convictions.
Ainsi les Français trouveront en eux-mêmes et dans les valeurs qui fondent notre projet national, les ressources pour opposer une résistance farouche au terrorisme et pour le vaincre.
Face à ces crimes, nous avons aussi un devoir de mémoire. La cérémonie qui nous réunit relève de ce devoir.
Les Français, notre histoire l’a également montré, savent se rassembler dans l’épreuve, « enterrer les morts et réparer les vivants », comme l’a dit le Président de la République, au lendemain du 13 novembre, dans la cour des Invalides.
Ils ont construit autrefois des monuments aux morts dans chaque commune de France pour conserver, gravé dans la pierre, le souvenir de leurs enfants morts au combat. Dans le plus humble village de France, comme à Fontaines-sur-Saône, nous pouvons encore y lire l’histoire de familles entières sacrifiées, de fratries décimées.
Après la seconde guerre mondiale, les Français ont reconstruit une ville à côté des ruines de l’ancien village d’Oradour-sur-Glane, comme ils ont établi un mémorial pour que nous nous souvenions toujours des victimes du massacre commis, le 6 juin 1944. Chaque année, ils se souviennent, comme ils se souviennent des résistants arrêtés à Caluire et de ceux qui furent assassinés au terme d’une résistance héroïque sur le plateau des Glières. Comme ils se souviennent des 44 enfants d’Izieu et de leurs éducateurs, arrêtés sur ordre de Klaus BARBIE le 6 avril 1944 et envoyés vers une mort certaine.
Ces monuments, ces cérémonies sont placées sous le signe de la fidélité. Nous pleurons les victimes, les héros et les martyrs mais nous devons surtout tenter de tirer les leçons du souvenir, y trouver une source d’inspiration qui nous rendent meilleurs, qui nous rendent dignes d’eux et de leur sacrifice.
C’est la même fidélité que nous devons à la mémoire d’Hervé CORNARA, de la vie si belle qu’il a mené dans l’amour des autres, et dans le souvenir du crime abject qui la lui a ôtée. C’est au nom de la même fidélité que vous avez choisi de nommer cette place en son nom. Pour ne jamais oublier.
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Vous avez choisi de marquer ce moment par la récitation du magnifique poème de Paul ELUARD : « Liberté ».
Hervé CORNARA, j’en suis certain, aimait ce poème car il répondait à sa personnalité, à ses aspirations et aux valeurs qu’il avait faites siennes.
Et je pense donc aux vers d’un autre poème d’ELUARD, parce qu’il me semble qu’il lui ressemblait également :
« Tu ne supportais pas l’oppression ni l’injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d’être libre et je te continue. »
Un an plus tard, je sais que vous continuez, Chère Laurence CORNARA, cher Kévin, à suivre l’exemple que nous a laissé Hervé CORNARA, à respecter l’héritage moral qu’il vous a légué.
Vous assurez cette transmission au sein de votre famille. Vous le faites également à la tête de votre entreprise, par fidélité à l’égard de ses salariés et de ses clients ; par fidélité aussi vis-à-vis de ce qu’il avait créé, de cette société de transport dont il pouvait être fier.
Je sais que c’est une lourde responsabilité, que cela représente beaucoup de travail et d’énergie, pour vous-même et pour Kevin. Je sais aussi que vous pouvez compter sur la solidarité des entreprises qui sont vos partenaires et qui vous font confiance, comme elles faisaient confiance à Hervé. Je sais que vos salariés sont eux aussi à vos côtés et qu’ils n’oublient pas le patron qu’il était.
Je suis certain que les habitants de ce quartier et de cette ville ont eux aussi à cœur de continuer l’œuvre d’Hervé CORNARA, d’être fidèles eux aussi à son message de fraternité et d’humanité. Et c’est ainsi qu’ils s’emploient à ce que quartier des Marronniers demeure, comme il l’aurait lui-même souhaité, un endroit où il fait bon vivre, malgré les difficultés, parce que la solidarité n’y est pas un vain mot.
Au-delà, c’est la Nation toute entière, que je représente devant vous, qui doit continuer à honorer la mémoire de cet homme, notre compatriote, qui ne demandait qu’à vivre et à aimer et qui est tombé victime de la haine, victime du terrorisme, pour la France. C’est chaque Français qui peut trouver dans cette vie faite de droiture, de travail, d’amour des siens et d’attention aux autres, un modèle et un exemple.
C’est afin d’exprimer avec solennité l’estime et le respect que la Nation lui porte qu’Hervé CORNARA, votre mari, votre père, votre ami, votre voisin, notre concitoyen, a été appelé, à titre posthume, au sein du plus élevé de nos ordres nationaux.
Il me revient à présent de lui remettre cette distinction.
Hervé CORNARA, au nom du Président de la République, nous vous faisons chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur.