Crimes de haine : lutter contre l’intolérance

Crimes de haine : lutter contre l’intolérance
19 avril 2018

Outre les crimes de masse, l’OCLCH est également compétent en matière de crimes racistes, antisémites ou homophobes, pour lesquels les enquêtes requièrent une certaine technicité. En permettant la répression de ces crimes de haine, il contribue aussi au renforcement de la cohésion nationale, et à la protection de la dignité humaine.


Un « crime de haine » ne correspond pas à une qualification pénale particulière : il peut s’agir d’un acte d’intimidation, de menaces, de destruction de biens, d’agression, de meurtre ou de n’importe quel autre acte criminel. Il n’existe pas d’infraction spécifique dans le droit pénal français : il est réprimé parce que, en mettant à jour la présence d’un mobile discriminatoire à l’acte, il constitue un facteur d’aggravation des crimes et délits.

« L’efficacité de la politique pénale en matière de répression des crimes de haine repose sur le taux d’élucidation des affaires traitées, explique Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), l’institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme accréditée auprès des Nations Unies, et rapporteur national indépendant sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France. Dès lors qu’une affaire est portée à la connaissance de la justice, et que les investigations policières menées permettent de l’élucider, elle peut recevoir une réponse pénale. Or, plus le taux d’élucidation est élevé, c’est-à-dire plus les auteurs d’infraction ont la quasi-certitude d’être sanctionnés, plus le sentiment d’impunité et le phénomène infractionnel reculent. C’est pourquoi, pour accroître le taux d’élucidation, il est essentiel de conduire les investigations de façon approfondie : c’est toute la plus-value que peut apporter l’OCLCH ».

En étendant les missions de l’OCLCH à ces crimes racistes, antisémites ou homophobes, le législateur a signifié que le mobile de la haine a une dimension particulière, qui requiert une grande technicité. « En droit pénal, il est souvent dit que le mobile est indifférent, ce qui signifie que s’il permet d’éclairer parfois le passage à l’acte, il est rarement un élément de la qualification juridique de l’infraction, rappelle Magali Lafourcade. Or, dans le cadre de délits ou de crimes aggravés et motivés par la haine, le mobile est un élément essentiel de la qualification des faits ou de la caractérisation de la circonstance aggravante. Il faut alors pouvoir l’objectiver, et établir par la recherche de preuves, une intention qui est parfois du domaine du ressenti. C’est là toute la difficulté pour des enquêteurs qui n’ont pas l’habitude de travailler à partir du mobile comme élément constitutif de l’infraction ».

C’est pourquoi la CNCDH encourage le ministère de la Justice à informer les magistrats de la possibilité de saisir l’OCLCH, ou de le co-saisir avec un service classique d’enquête, pour diligenter les investigations s’agissant des crimes de haine les plus graves. « À terme, dans ce domaine, l’office central, quand il aura à son actif plusieurs années d’expérience et la résolution de plusieurs affaires complexes, pourra devenir un centre d’expertise ouvert sur l’international pour la police et la gendarmerie en matière de crimes de haine, ce qui fait défaut aujourd’hui dans le paysage français et européen. En cette matière, une connaissance approfondie de ces phénomènes et du ressenti des victimes et des groupes auxquels ces victimes sont susceptibles d’appartenir est nécessaire pour les traiter de manière adaptée sur le plan judiciaire », assure la secrétaire générale de l’institution.

La victime et le groupe

Outre la prépondérance du mobile, les crimes de haine diffèrent également des crimes ordinaires en raison de leur impact sur la victime. Celle-ci est choisie pour son appartenance à un groupe, ce qui suggère l’idée d’interchangeabilité entre les membres de ce groupe, et non sur la base de critères personnels. Le message de l’agresseur est ainsi adressé non pas à la victime en tant qu’individu, mais à l’ensemble de la communauté dont elle fait partie. Et ce message est celui d’une mise en cause de leur droit à faire partie de la société. Cet impact sur des communautés entières constitue en conséquence des problèmes potentiellement sérieux pour la sécurité et l’ordre public. C’est pour cette raison qu’une réponse judiciaire vigoureuse doit leur être donnée.

L’ensemble des États européens se mobilise donc, au-delà des seules actions pédagogiques, dans la répression de ces actes de discrimination. À ce titre, l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), organisation internationale œuvrant, en Amérique du Nord, en Asie centrale et en Europe, en matière de prévention des conflits,  de stimulation du développement économique, d’utilisation durable des ressources naturelles et de promotion du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, offre la définition du crime de haine la plus pertinente qui soit : « Une manifestation violente d’intolérance qui a un impact profond sur la victime et le groupe auquel elle est susceptible d’appartenir ».

Bonnes pratiques

En matière de prévention comme de répression, la France n’est pas en reste. Elle s’est dotée d’outils efficaces en matière de lutte contre les actes racistes. La délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), placée depuis novembre 2014 sous l’autorité du Premier ministre, a pour mission de donner une nouvelle impulsion interministérielle aux politiques publiques en matière de lutte contre le racisme et la haine des personnes LGBT. La plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS), mise à disposition des internautes par l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), est en mesure également d’apporter son concours dans la lutte contre les infractions motivées par la haine, commises sur Internet.