Projet de loi confortant le respect des principes de la République

Projet de loi confortant le respect des principes de la République
9 décembre 2020

"Le problème que nous avons, c’est quand au nom d’une religion ou d’une appartenance, on veut se séparer de la République, donc ne plus en respecter les lois, et donc qu’on menace la possibilité de vivre ensemble en République à cet égard, qu’on en sort soi-même, mais qu’on menace la possibilité pour les autres de le faire.
C’est pourquoi notre ennemi est, à ce titre, le séparatisme c’est-à-dire ce phénomène que nous observons depuis des décennies qui est une volonté de quitter la République, de ne plus en respecter les règles, d’un mouvement de repli qui, en raison de croyances et d’appartenances, vise à sortir du champ républicain et cela n’est pas acceptable."

Emmanuel MACRON le 18 février 2020, Mulhouse

La question soulevée par le Président de la République n’est pas nouvelle. La commission présidée par Bernard Stasi dressait déjà, en 2003 un constat inquiétant : « Les fondements du pacte social sont sapés par un repli communautaire plus subi que voulu au sein de quartiers relégués, par la menace qui pèse sur les libertés individuelles et par le développement de discriminations fondées sur le sexe ou les origines ».

Ces dernières années, une forme de séparatisme à fondement religieux s’est affirmée. Elle n’est pas sans lien avec les attentats qui ont meurtri la France encore tout récemment.

Dès 2017, le sujet de la lutte contre l’islamisme radical a été pris à bras-le-corps par le Président de la République et le Gouvernement.

Deux textes :

  • Octobre 2017 : adoption de la loi n° 2017-1510 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui permet de fermer les lieux de culte où l’on professe la radicalisation, de décider l’assignation à résidence pour les personnes les plus dangereuses, de renforcer le suivi des personnes radicalisées et des sortants de prison ;
  • Avril 2018 : adoption de la loi n° 2018-266 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

Une mobilisation constante des services de l’État :

  • 15 plans de lutte contre la radicalisation dans les quartiers expérimentés sur des territoires marqués par des départs de combattants vers la Syrie (ex : Trappes, Strasbourg, Toulouse) ; lutte étendue à tout le territoire national par la circulaire du 19 novembre 2019 ;
  • La fermeture de 394 lieux ou de structures identifiées comme séparatistes.

Avec le discours de Mulhouse du 18 février 2020 et celui des Mureaux du 2 octobre 2020, le Président de la République a décidé de franchir une nouvelle étape : celle d’un sursaut républicain, en réaffirmant que la République est d’abord une exigence, une volonté de partager un destin commun. Cette stratégie passe d’abord par la mobilisation de tous les leviers de l’action publique afin de renforcer le pacte républicain là où les services publics sont le plus attendus, avec notamment :

  • Un dédoublement des classes pour 300 000 élèves, la réforme de l’accompagnement et de l’orientation scolaires ;
  • La mise en place des cités éducatives ;
  • Un investissement massif dans les projets de rénovation urbaine porté à 10 milliards d’euros de subventions pour la transformation de 450 quartiers ;
  • La création de 300 maisons France Services supplémentaires ;
  • Des renforts dans la justice et la police là où le besoin de proximité est le plus fort.

La reconquête républicaine est aussi le fruit de cette lutte résolue contre le séparatisme, renforcée par le projet de loi, et du renforcement de l’action publique pour l’égalité des chances et la cohésion sociale.

Elle s’appuie aussi sur l’engagement de l’islam contre l’islamisme, avec un effort de structuration de l’islam de France, la constitution de filières scientifiques d’excellence en islamologie et la formation des cadres religieux.

Elle s’incarne enfin dans un nouveau texte de loi destiné à conforter le respect des principes de la République pour donner à l’État des moyens nouveaux d’action. Élaborée au terme de travaux approfondis et de nombreuses consultations (partis politiques, société civile, intellectuels, représentants des cultes…), elle est présentée le 9 décembre en Conseil des ministres, 115 ans jour pour jour après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

Pourquoi une loi ?

Au cours de ces 20 dernières années, la République, par naïveté ou par faiblesse, a trop souvent fermé les yeux sur un islamisme radical qui gagnait chaque jour du terrain :

  • Un homme qui refuse de serrer la main d’une préfète, parce que c’est une femme ;
  • Des enfants qui sont retirés de l’école de la République pour une éducation communautariste ;
  • Des associations sportives qui mènent des activités prosélytes ;
  • Des médecins qui délivrent des certificats de virginité, des associations cultuelles qui deviennent le relais d’influences étrangères hostiles aux valeurs de la République ;
  • Des services publics dans lesquels les principes de neutralité et de laïcité sont méconnus.

Ces pratiques, ce sont des pratiques séparatistes. Le séparatisme ne se limite pas à la revendication d’accommodements venant saper le principe d’égalité, et la conception universaliste des droits de l’Homme que porte la France. Cela se matérialise par une réelle volonté de sortir du champ de la République, par des pratiques qui vont à l’encontre de la liberté de conscience, de l’égalité entre les femmes et les hommes et d’une fraternité inconditionnelle.

Avec ce texte, le Gouvernement veut se donner les moyens de lutter contre ceux qui dévoient la religion pour mettre en cause les valeurs de la République. Il s’agit d’empêcher que, sur certaines parties du territoire national, certains instrumentalisent la religion pour construire une société parallèle et imposer leurs règles à la République. Dans la République, on ne doit jamais accepter qu’on puisse mettre la règle d’un groupe au-dessus de la règle commune, sa foi au-dessus de la loi.

Pour lutter contre ces formes particulières de séparatisme, le projet de loi poursuit deux grands objectifs : garantir le respect des principes républicains et le libre exercice du culte.

Le Gouvernement souhaite renforcer l’affirmation de la primauté des valeurs de la République en les traduisant plus explicitement dans le droit positif lorsque ce dernier s’avère insuffisamment précis.

Dans les interstices laissés par l’ambiguïté de la loi ou par l’abus de droit, s’immisce une normativité d’inspiration religieuse qui tend à nourrir les dynamiques séparatistes. La loi doit donc
préciser les principes qui contribuent à définir ce que nous avons en commun.

a. Les premiers articles visent à renforcer les valeurs et principes républicains dans les services publics : neutralité des salariés de droit privé participant à une mission de service public et création d’un mécanisme contractuel permettant d’en assurer le respect. Ce texte permet aussi une meilleure protection de toutes les personnes exerçant une mission de service public en sanctionnant les menaces ou les violences exercées dans le but d’obtenir une exonération ou une adaptation des règles régissant les services publics.

b. Un chapitre est consacré au droit des associations, afin de s’assurer que celle-ci, dans les activités qu’elles mènent et dans l’emploi des subventions qui leur sont octroyées, respectent l’ordre public, les libertés fondamentales et les valeurs républicaines. Ainsi, la loi permet de :

  • Conditionner la délivrance des agréments de l’État et des subventions publiques à la souscription, par la structure associative, d’un « contrat d’engagement républicain » ;
  • Mieux contrôler par l’État l’usage et le fonctionnement des fonds de dotation, dont la finalité d’intérêt général peut aujourd’hui être facilement détournée ;
  • Compléter le régime juridique de dissolution administrative des associations troublant gravement l’ordre public ou appelant à la discrimination, à la haine ou à la violence ;
  • Renforcer le pouvoir de contrôle de l’administration fiscale afin de s’assurer que des associations ne puissent pas indûment délivrer des reçus fiscaux.

c. La loi comporte en outre des dispositions destinées à préserver la dignité de la personne humaine, et notamment à :

  • Lutter contre des pratiques qui dégradent la dignité de la femme, en pénalisant la délivrance de certificats de virginité ;
  • Renforcer les pouvoirs des officiers d’état civil pour prévenir les mariages forcés ;
  • Mettre fin à l’application de règles successorales étrangères sur notre territoire qui lèsent les femmes ;
  • S’assurer qu’aucun avantage ne puisse être tiré d’une situation de polygamie.

d. Des mesures importantes sont prévues dans les champs de l’éducation et du sport :

  • L’obligation scolaire sera effective dès l’âge de 3 ans. Cette mesure doit permettre à chaque enfant de bénéficier, dès son plus jeune âge, d’une scolarisation synonyme de qualité et de socialisation ;
  • L’instruction en famille ne pourra, désormais, intervenir que de manière dérogatoire, motivée dans le respect des droits de l’enfant.
  • Le renforcement des moyens de contrôle pour les établissements d’enseignement privés hors contrat concernant leur personnel et leurs ressources ;
  • De nouveaux moyens seront donnés aux autorités de l’État pour fermer rapidement un établissement présentant de graves manquements à ses obligations ou un établissement clandestin ;
  • Désormais les fédérations sportives devront s’engager expressément au respect des principes républicains.
  • Cet engagement conditionnera la délivrance de subventions et les modalités de l’agrément.

e. Le texte vient améliorer la protection contre la haine en ligne et permet :

  • De réprimer les pratiques consistant à livrer autrui à la vindicte en divulguant des informations le concernant dans le but de l’exposer, lui ou sa famille, à des actes qui lui nuiraient gravement ;
  • D’assurer une meilleure effectivité à l’exécution des décisions de justice ordonnant le retrait de contenus illicites en ligne, en étendant cette obligation à tout site qui se ferait le relai des contenus visés par l’obligation de retrait de contenu ;
  • Autoriser, dans certains cas, la comparution immédiate pour les délits d’incitation à la haine afin de permettre une réponse rapide.

Consolider le régime de l'exercice des cultes

Il existe, en France, des dérives idéologiques à fondement religieux, qui peuvent se traduire dans l’exercice du culte lui-même.

Certaines associations qui assurent cet exercice et les lieux de culte qu’elles gèrent sont le théâtre de tensions et de dérives qui mettent en péril la sauvegarde de l’ordre public.

Certains lieux de culte ont ainsi pu constituer des relais pour des discours promouvant des valeurs opposées à celles de la République, prêchant des discours incitant à la haine et menaçant ainsi le vivre-ensemble.

Afin que les pouvoirs publics soient à même de garantir que tous les cultes s’exercent librement et ne donnent pas lieu à des dérives idéologiques dangereuses, le Gouvernement souhaite une modernisation du régime des cultes. Il s’agit d’en conserver les principes et l’architecture mais de s’assurer, quel qu’en soit le mode d’exercice, que le cadre juridique soit protecteur de la liberté de religion, de la liberté de conscience des individus et donne aux pouvoirs publics, sous le contrôle du juge, la capacité de juguler les dérives par des mesures adaptées.

Le projet de loi vise à conforter le cadre de la loi de 1905. Il incite les acteurs du culte à constituer des associations cultuelles et à séparer leurs activités cultuelles de leurs autres activités en rendant plus évidentes, dans le souci d’un meilleur respect du principe de laïcité, les règles qui président aux relations entre l’État et les responsables d’activités cultuelles. La clarification
de la position et du rôle de chacun à l’égard de l’autre ne peut que contribuer à l’amélioration des rapports institutionnels et au développement d’une relation de confiance.

a. Le projet de loi vient renforcer le régime des associations cultuelles et prévoit notamment :

  • La modernisation des obligations comptables, qui permettra de s’assurer que les membres des associations disposent d’une information fiable et transparente sur le fonctionnement associatif, et sont à même d’exercer le pouvoir que leur donne leur qualité statutaire ; l’introduction obligatoire dans les statuts d’un régime de décision collégiale pour certaines des décisions les plus importantes prises par l’association, notamment l’adhésion de nouveaux membres. Il s’agit ici de lutter contre les prises de contrôles orchestrées par des groupes radicaux ;
  • La clarification du régime de reconnaissance du caractère cultuel des associations en vue de simplifier les démarches et de permettre à chaque dirigeant associatif de connaître avec certitude le régime auquel il peut prétendre, tandis que les pouvoirs publics disposeront ainsi d’une information fiable sur l’activité cultuelle, et d’outils juridiques utiles pour s’assurer de la préservation de l’ordre public.

b. Le projet de loi améliore la transparence des financements pour lutter contre l’influence des pays étrangers :

Les associations cultuelles peuvent parfois être la cible d’ingérences étrangères qui sont le fait d’États, d’associations ou de particuliers, qui veulent influer l’action et la croyance des fidèles, notamment par le biais de financements du culte.

Un mécanisme de transparence du financement est donc mis en place, sous forme d’une simple déclaration aux autorités des financements étrangers dépassant le seuil de 10 000 euros.

Les autorités publiques seraient fondées à s’y opposer pour un motif tiré de l’ordre public, lorsqu’il est porté atteinte à un intérêt fondamental de la société. L’obligation déclarative pèserait sur l’association destinataire in fine du financement, quelle que soit sa forme et quelles que soient les modalités de son transfert.

c. Le projet de loi garantit que les lieux de culte ne soient pas détournés de leur vocation ou servent de relais aux discours de haine.

Ainsi, le texte vient :

  • Interdire les opérations électorales dans les lieux de culte ;
  • Créer un dispositif permettant au préfet de fermer temporairement un lieu de culte où sont prononcés des discours qui provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ou tendent à justifier ou encourager cette haine ou cette violence ;
  • Ouvrir la possibilité pour le juge de prononcer des interdictions de paraître dans un lieu de culte à l’égard d’une personne condamnée pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.

ANNEXES

Zoom sur : les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR)

Composition

La CLIR est une équipe pluridisciplinaire, placée sous l’autorité du préfet de département, et vise à coordonner l’action de l’ensemble des acteurs susceptibles de contribuer à la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire.

Elle se compose du corps préfectoral, de la direction départementale des services de l’éducation nationale, de la direction départementale de la cohésion sociale, de la direction départementale de la protection des populations, de la direction départementale des finances publiques, de l’unité des directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, des forces de sécurité intérieure (gendarmerie nationale, police, services de renseignements) ainsi que de référents au sein de la CAF, de l’URSSAF ou encore de Pôle Emploi. L’autorité judiciaire, ainsi que les élus locaux, sont également des partenaires essentiels.

Missions

Les missions de la cellule départementale de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire sont :

  • L’établissement d’un diagnostic de l’état de l’islamisme et du repli communautaire dans le département. Une cartographie partagée est élaborée, permettant une approche croisée et une vision
  • transversale élargie.
  • La centralisation et le partage des informations confidentielles sur les phénomènes d’islamisme et de repli communautaire.
  • Ces informations proviennent tant des administrations de l’État présentes sur le terrain, que des élus ou autres acteurs locaux.
  • L’engagement de contrôles sur la base des informations recueillies, sous l’autorité de la justice et dans le cadre des pouvoirs de police générale ou spéciale de police administrative.
  • Le suivi des infractions constatées.
  • La définition et la proposition d’une stratégie d’accompagnement ou d’offres alternatives, pour permettre un retour des valeurs et principes républicains, en lien avec les élus, les collectivités locales et les structures associatives partenaires.