06.10.2011 - Ouverture du 27ème Congrès de l'Association nationale des élus de montagne

6 octobre 2011

Intervention de Philippe Richert, Ministre chargé des Collectivités territoriales lors de l'ouverture du 27ème Congrès de l'Association nationale des élus de montagne à Bonneville (Haute-Savoie), le jeudi 6 octobre 2011.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président de l'Association nationale des élus de montagne,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Député-maire,
Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs les maires et élus de montagne,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs, chers amis,

D'abord merci, Monsieur le Président, cher Vincent, pour votre invitation à ouvrir votre congrès annuel, et à vous tous ici présents pour votre accueil chaleureux.

Je découvre cette très belle commune qu'est Bonneville, cité de caractère, dans le magnifique environnement que nous offrent les montagnes et les vallées des Alpes.

Je voudrais saluer le chemin accompli par votre association depuis un an, mais plus largement son engagement constant pour traiter les défis qui se posent aujourd'hui aux territoires de montagne.

Les thématiques de vos tables rondes le montrent encore une fois : l'énergie renouvelable avec l'hydro-électricité,  le déploiement du très haut débit, le service public de l'éducation. Ce sont des sujets essentiels pour le développement économique de la montagne, pour son désenclavement et pour maintenir et attirer des populations en milieu rural.

Je suis très attentif, pour être moi-même un élu de montagne, à tous ces sujets et en particulier à deux grandes thématiques de mon ministère qui sont inscrits à votre programme et qui font l'actualité : la péréquation des finances locales et la réforme de l'intercommunalité.

I. La réforme de l'intercommunalité

Je sais combien l'ANEM est à la fois vigilante et compétente pour que les enjeux des territoires de montagne soient pris en compte dans les textes votés par le Parlement.

Et c'est le cas de la loi de réforme des collectivités territoriales  adoptée le 16 décembre 2010, grâce à la coopération active et constructive des parlementaires de votre association. 

Depuis un an, les choses ont avancé, les commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI, ont été installées dans la sérénité, avec une représentation spécifique des communes et des EPCI de montagne que vous aviez souhaitée voir inscrite dans la loi.

Les projets de schémas ont été élaborés et adressés à l'ensemble des collectivités, le délai de 3 mois pour exprimer son avis a expiré. Désormais nous sommes entrés dans la période où les CDCI examinent les projets de schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), au vu des avis reçus.

D'ici le 31 décembre, les discussions vont se poursuivre et s'intensifier pour aboutir à ce que nous appelons de nos vœux c'est à dire à une coproduction. En effet, les schémas doivent être le résultat d'une véritable coproduction entre les préfets et les élus. Je l'ai encore dit avec beaucoup de fermeté à l'ensemble des préfets jeudi dernier.

Nous savons maintenant que l'exercice n'est pas facile. Osons le dire : dans certains territoires, il est même compliqué.

Certaines circonstances rendent le processus difficile : les délais sont courts, mais il est difficile de les allonger si l'on garde à l'esprit que les prochaines élections municipales auront lieu en 2014 : en temps politique, c'est déjà demain !

Je suis venu vous dire que cette difficulté et la vivacité de certains désaccords sont légitimes. Ce qui l'est moins, c'est de ne pas se donner les moyens de les surmonter. Lorsqu'il s'agit de dessiner ensemble ce que pourraient être de nouvelles formes de coopération entre les communes, il faut s'efforcer de se projeter dans l'avenir, avec responsabilité.

Je sais pouvoir compter sur le bon sens des élus de montagne pour que des solutions raisonnables et aussi consensuelles que possible finissent par se dégager. C'est ce que j'ai demandé aux préfets : il faut finaliser les projets de schéma dans la concertation, de façon à ce que la CDCI, lorsqu'elle donnera son avis final sur le projet, après l'avoir amendé autant de fois que nécessaire, puisse se prononcer favorablement, en reconnaissant la qualité du travail accompli ensemble.

Il y a pour cela des principes que j'ai également rappelés aux préfets :
-    la révision de la carte intercommunale n'a jamais été et ne doit pas être une course au gigantisme. Les intercommunalités doivent correspondre à la réalité des bassins de vie.
-    Le seuil de 5 000 habitants pour constituer une communauté de communes est un objectif, non une fin en soi, et il n'est pas opposable aux zones de montagne dont les particularités ont été affirmées par le législateur. Mais  à l'inverse, cette dérogation légitime dans bien des cas, ne doit pas être forcément un prétexte au statu quo.

Il y a aussi pour cela une méthode, faite de dialogue et de co-construction, que je voudrais décrire par quelques exemples très concrets.
J'ai demandé aux préfets de ne pas hésiter à tenir autant de réunions formelles ou informelles que nécessaire. Au cours de ces rencontres, les amendements au projet de schéma pourront être examinés et adoptés, par un travail progressif qui permettra de voir émerger le schéma le plus réaliste compte tenu de chaque territoire.

Je leur également demandé de ne pas hésiter non plus à remettre sur le métier les projets qui cristallisent les oppositions ou paraissent trop ambitieux ; il leur faut alors proposer à la CDCI, ou trouver avec elle, des alternatives peut-être plus modestes, mais aussi plus consensuelles.

Il en va de même du nombre de syndicats et de la question de leurs compétences. J'ai bien noté que cette question était délicate dans la grande majorité des départements. Dans ce domaine, je tiens à le redire, il n'y a pas d'objectif quantitatif. Il ne s'agit pas de faire -10, -20, -30% mais de faire prévaloir le bon sens et l'efficacité !

La loi n'interdit pas de faire preuve de souplesse, lorsque l'on constate qu'il faut préserver au niveau adapté l'exercice de certaines compétences. Je pense notamment à la compétence scolaire dont vous savez combien elle est sensible, puisque vous avez souhaité y consacrer une table ronde. Sur ce point j'aimerais vous dire qu'il n'y a aucune « règle » non écrite qui voudrait que les regroupements intercommunaux en matière scolaire se traduisent par des suppressions de classe ; dans certains cas, le fait qu'une intercommunalité exerce la compétence scolaire peut même éviter les conflits de répartition des dépenses pour les « élèves non résidents », qu'ils soient scolarisés dans le secteur public ou dans le secteur privé.

Bien sûr, les prochaines semaines seront très importantes : il nous faut réunir nos efforts pour faire de cette phase de discussion un succès, et que les schémas recueillent, in fine, la plus large adhésion possible. Je le redis, nous sommes dans un processus de "co-construction", de "co-production". C'est l'objectif que j'ai fixé aux préfets, et j'y veillerai personnellement. C'est dans esprit de responsabilité et de consensus qu'ils poursuivront leur dialogue avec les CDCI ; je suis sûr que c'est le même esprit qui animera aussi les élus.

Mais je veux aussi vous dire clairement que les dates prévues par la loi, notamment celle du 31 décembre prochain ne sont pas des couperets, ce sont des étapes. Comme le président de l'AMF, je crois qu'il est préférable d'avoir un schéma qui donne au préfet sa "feuille de route", que de ne pas en avoir. Mais en tout état de cause, la réforme ne sera pas "verrouillée" ! Le dialogue ne s'arrêtera pas le 1er janvier prochain ! Au cours de l'année 2012, si des solutions plus pertinentes se font jour, elles pourront se substituer aux propositions actuelles, dans le cadre d'une nouvelle phase de dialogue avec la CDCI ; si des projets se heurtent à une nouvelle opposition des communes et des intercommunalités concernées, là aussi, le dialogue reprendra avec la CDCI. La discussion sur les périmètres ne sera donc pas fermée, et la discussion sur les dates de mise en place des nouvelles intercommunalités sera elle aussi ouverte et pragmatique.

II.    J'en viens maintenant à la question de la péréquation.

La péréquation n'est à la fois un gage de solidarité et d'équité. Cette année elle prend une ampleur inégalée.
Il y a tout d'abord la péréquation verticale, celle qui s'opère au sein de la DGF.
Malgré le gel des concours financiers de l'Etat, cette péréquation continuera de progresser. C'était un engagement pris par le Président de la République lors de la conférence sur les déficits de mai 2010. Ainsi :

  • la DSU devrait progresser d'au moins 60 M€ l'an prochain, soit une augmentation de +4,6% ;
  • la DSR suivra une progression parallèle de +4,6%, ce qui représente +39M€. Les deux dotations voient leur dispositif cible reconduit ;
  • la DNP progressera de 11 M€.

Ces augmentations seront notamment financées par un nouvel écrêtement du complément de garantie des communes, qui variera comme l'an dernier en fonction du potentiel fiscal, à raison de 140 M€ ; Toutes les communes dont le potentiel fiscal est inférieur à 0,9 fois celui de leur strate démographique verront leur complément de garantie maintenu. Pour les autres, il sera écrêté dans la limite de 6%.

La répartition des dotations de péréquation constituera un exercice particulier cette année. En effet, elle s'opérera sur la base d'une nouvelle définition du potentiel financier, qui tient compte des nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.

Toutefois, afin d'éviter des variations trop brutales dans les attributions des dotations de péréquation, j'ai souhaité que la loi de finances intègre des systèmes de garantie pour les différentes dotations de péréquation communales et intercommunales :

  • d'une part, les garanties de sortie pour la DSU, les premières fractions de la DSR et la DNP, sont étendues à 3 ans pour les communes qui cessent d'y être éligibles.
  • d'autre part, les variations de DNP et de DSR seront encadrées : elles ne pourront être ni inférieures à 90%, ni supérieures à 120% du montant perçu l'année précédente.

Il y a ensuite la péréquation horizontale, qui va connaître un développement sans précédent.

En effet, la loi de finances pour 2012 va préciser le fonctionnement du fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales.

Je veux vous en donner les principes généraux :

  • ce fonds redistribuera, dès l'an prochain, 250 M€. Sa montée en charge sera progressive jusqu'en 2015 pour atteindre plus d'un milliard d'euros de redistribution.
  • les collectivités (intercommunalités ou communes isolées) seront prélevées sur la base d'un potentiel financier agrégé, et élargi :
  1. - agrégé, car il agrégera les ressources communales et intercommunales du territoire considéré ;
  2. - élargi, car il intégrera quelques recettes fiscales supplémentaires, comme vous le souhaitiez. Cela me paraît également plus juste.
  • Le prélèvement sera organisé par strates. Il portera sur des communes isolées ou sur des "blocs territoriaux", agrégeant les EPCI et leurs communes membres.

Le principe de la stratification fait aujourd'hui débat.

Je peux d'ores et déjà vous dire que ce parti de la stratification est celui de l'équité. Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, il ne pénalise pas les plus petites collectivités : le rapport montre à l'inverse que la strate des communes et intercommunalités de moins de 10 000 habitants est bénéficiaire nette de cette redistribution.

Ce phénomène est encore plus marqué si l'on met de côté les communes isolées de moins de 10 000 habitants, qui en moyenne contribuent plus, mais ont vocation à rejoindre des EPCI.
Les intercommunalités et communes isolées de moins de 10 000 habitants devraient ainsi recevoir 53,5 M€ pour un prélèvement de 35,9 M€. Les blocs territoriaux de 10 000 à 20 000 habitants connaîtront la même situation avec une attribution de 42,5 M€ contre un prélèvement de 35,2 M€.

Cette péréquation entre les ressources des collectivités continuera de se développer significativement dans les prochaines années. Elle permettra de renforcer encore l'équité entre nos territoires.

Avant de conclure, permettez-moi de dire un dernier mot sur 2 autres spécificités montagnardes, qui montre à mon sens que le Gouvernement a maintenant bien intégré la montagne lorsqu'il s'agit de conduire les politiques publiques. Je veux évoquer avec vous la clarification des compétences des collectivités locales et son enjeu pour les comités de massif et les délégations de service public des remontées mécaniques.

  • Sur la clarification des compétences des collectivités locales et son enjeu pour les comités de massif

Le conseil national de la montagne qui va se réunir dans les prochains jours se verra présenter un constat sans concession, mais constructif, des politiques menées dans les territoires de montagne. Je ne doute pas que les pistes de réflexion nombreuses et prometteuses que vous allez esquisser pendant ces deux jours de congrès viendront nourrir le débat de ce prochain conseil.

Vous savez mieux que personne que les comités de massif pourraient jouer un rôle plus ample dans la définition de l'action publique, même s'il n'est pas facile de faire correspondre les limites de massif avec celles des services de l'Etat et plus encore avec celles des régions et des départements.

Je crois sincèrement que l'effort de clarification des compétences des collectivités régionales et départementales, engagé par la loi de réforme des collectivités territoriales, sera également une chance pour les territoires de montagne. Ce sera d'abord le cas parce que la réforme crée les conditions d'un contexte territorial plus efficient, en fixant un cadre qui facilitera la mise en œuvre de politiques publiques adaptées au monde de la montagne et à ses attentes spécifiques.

Dans chaque région, un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services, établi par la région et les départements qui la composent, permettra de réorganiser les compétences, de répartir les interventions financières respectives des deux collectivités et d'organiser la mutualisation de leurs services.

Elle permettra aussi aux comités de massif de disposer d'une vision plus claire de qui fait quoi, et de sensibiliser les régions et les départements à la nécessité de travailler ensemble pour appréhender le massif dans sa globalité. Si ce travail est fait dans la concertation, ce sera une vraie chance pour l'aménagement du territoire et la réalisation de projets véritablement structurants.

La réforme garantit aussi les financements dont bénéficient les communes et intercommunalités du monde rural, puisque les communes de moins de 3 500 habitants et les intercommunalités de moins de 50 000 habitants pourront bénéficier de subventions du département et de la région. Cette disposition trouvera bien sûr très souvent à s'appliquer en montagne.

La loi permet ainsi aux départements et aux régions d'accompagner plus efficacement les communes et les intercommunalités, tout en leur laissant une capacité d'initiative, lorsque l'intérêt général le commande.

  • Sur le sujet complexe des délégations de service public des remontées mécaniques.

Je suis attentif aux travaux en cours.

Il s'agit d'un enjeu majeur pour de nombreuses communes et intercommunalités, pour l'avenir des activités économiques et touristiques, pour les emplois qui y sont liés.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement de réfléchir aux questions juridiques et pratiques qui sont posées par le renouvellement des concessions. Il en a confié le pilotage à ma collègue Nathalie Kosciuzco-Morizet, qui sera avec vous demain et reviendra certainement sur le sujet.

Je vous dirai donc seulement que j'ai demandé à mes services qui sont associés aux travaux interministériels de privilégier deux objectifs :

  1. 1) Sauvegarder les intérêts des collectivités de montagne, qui ont consenti des efforts plus qu'importants pour valoriser ce secteur économique et touristique tout en préservant leur cadre de vie ;
  2. 2) Contribuer à la recherche de solutions de bon sens mais juridiquement solides et économiquement pertinentes, pour ne pas risquer de déséquilibrer des systèmes qui peuvent être fragiles.

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

La défense et la promotion des territoires de montagne est une œuvre de longue haleine. Elle doit se poursuivre, je crois vous avoir montré ma détermination à y participer activement.

Je reste à votre écoute, ainsi que mes collaborateurs, pour que les avancées récentes continuent à être bénéfiques aux territoires de montagne.

Je vous remercie pour votre approche constructive des enjeux qui nous réunissent. Je ne doute pas que cet esprit d'ouverture, associé au volontarisme souvent fort qui est la marque de fabrique des élus au caractère bien trempé que vous êtes, permettra à votre congrès d'être passionnant.

Je vous remercie.