Ouverture du colloque des 25 ans de la Direction Centrale de la Sécurité Publique

Ouverture du colloque des 25 ans de la Direction Centrale de la Sécurité Publique
19 octobre 2018

Allocution de M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur à l'occasion de l'ouverture du colloque des 25 ans de la Direction Centrale de la Sécurité Publique - Palais d'Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental, le jeudi 18 octobre 2018.


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le ministre,
Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet de police,
Monsieur le préfet, directeur général de la police nationale,
Madame et messieurs les directeurs centraux,
Mesdames et messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel,
Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux,
Mesdames et messieurs les commissaires, officiers, gradés et gardiens de la paix, personnels administratifs, techniques et scientifiques,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d’être parmi vous ce matin au Palais d’Iéna, siège du Conseil économique et social, endroit propice à la réflexion et à l’innovation, pour ouvrir ce colloque organisé à l’occasion des 25 ans de la Direction centrale de la sécurité publique et je veux féliciter le Directeur général de la police nationale et le Directeur central de la sécurité publique d’avoir pris cette initiative.

En effet, au-delà même de l’importance de célébrer ce quart de siècle au service de nos concitoyens, il est heureux qu’une administration comme la DCSP, professionnelle de l’urgence, prenne le temps de s’interroger sur le sens, la portée et le devenir de son action et, surtout, que ce travail se fasse dans un souci d’ouverture.
En effet, vous avez souhaité, Monsieur le Directeur central de la sécurité publique, associer à votre réflexion des universitaires, des magistrats, des élus, des professionnels de la sécurité privée et, bien sûr, des professionnels de la sécurité publique de tous grades, de tous corps afin de réfléchir collectivement à la mission de sécurité publique, de se pencher sur ce que sera son contenu, son périmètre et par voie de conséquence, son organisation, dans les prochaines années.

Vos travaux s’inscrivent dans un environnement en perpétuelle transformation. Dans ce monde en mutation, tout change, sauf une chose : l’exigence légitime de tout un chacun, celle de vivre en sécurité.
Il s’agit d’un besoin élémentaire, d’une exigence d’un droit fondamental. Il s’agit pour l’Etat, d’une mission prioritaire et le Président de la République s’est engagé à garantir et à renforcer la sécurité des Français. J’y reviendrai, mais avant d’aborder l’avenir, je voudrais d’abord saluer le travail accompli par la DCSP et les réformes déjà engagées depuis plusieurs années dans le souci constant d’améliorer le service rendu à la population.

Je fus maire pendant 16 ans, député, vice-président de la région PACA de Nice à Marseille, de la frontière italienne jusqu’au Rhône, élu de terrain : il n’y a pas un jour où l’exigence de la sécurité n’a pas été mon quotidien car il est celui des français !
Avec près de 67 000 agents de tous corps et de tous grades, vous êtes la plus importante direction opérationnelle de la police nationale. Vous œuvrez quotidiennement – 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 – au service de la sécurité et de la lutte contre toutes les formes de violence et de délinquance. Vous êtes la colonne vertébrale de la police. C’est vous qui êtes les plus reconnus, les plus identifiés, c’est vous qui incarnez la police nationale aux yeux de la population, face à l’ensemble des risques auxquels sont soumis nos concitoyens et je pense notamment au risque terroriste.
Implantée dans 92 départements métropolitain et dans 7 départements et collectivités d’outre-mer, la DCSP couvre 1 583 communes, 307 circonscriptions et près de 27 millions d’habitants, soit environ 40 % de la population française.

Direction généraliste, la DCSP traite à elle seule la moitié des faits judiciaires constatés en France par l’ensemble des forces de sécurité intérieure, soit 1,8 millions de crimes et délits.  205 crimes et délits chaque heure qui passe, jour, nuit… Il n’y a pas de jours fériés pour le crime !
Il me semble aussi important de souligner qu’en matière de lutte contre la délinquance, la DCSP affiche un bilan dont vous pouvez être fière. Sur les six dernières années :

  • Une baisse des vols à mains armée de 37 % ;
  • Un recul des vols avec violence de 26 % ;
  • Une hausse des démantèlements de trafics de stupéfiants de 120 % ; et je suis d’ores et déjà, à la lecture des notes que me passe depuis 48 heures le directeur général, impressionné par la qualité des procédures judiciaires réalisées par les sûretés départementales et l’ampleur des réseaux démantelés par la sécurité publique ; j’ai notamment en tête une affaire réalisée par la sécurité publique de Nice qui a permis, mardi, de saisir 100 kilos de cannabis et 2,7 kilos de cocaïne dans le quartier du Moulin ;
  • Une forte augmentation du montant des avoirs criminels saisis : plus de 47,8 millions d’euros en 2017 (soit + 161 % par rapport à l’année 2012).

La DCSP, c’est aussi, en 2017 :

  • 12,5 millions d’« appels 17 » reçus et plus de 6 000 interventions par jour, pour l’essentiel relevant de l’assistance et du secours aux personnes, soit une toutes les 14 secondes ; j’ai pour ma part un respect tout particulier pour cette mission, « police secours », cette police du quotidien qui vous met au contact de la société français dans toute sa diversité, et dans toutes ses facettes, même les plus sombres ;
  • Plus de 11 000 services d’ordre mis en place, et près de 6 000 opérations de maintien de l’ordre conduites, toujours en 2017 ; et là encore, j’ai tenu dans mon discours d’installation à vanter votre savoir-faire en la matière, un savoir-faire indispensable à l’exercice, dans notre pays, de libertés fondamentales comme celle de se rassembler ou de manifester.

Mais, outre le secours d’urgence aux personnes, la gestion de l’ordre public, et l’activité judiciaire soutenue que je viens d’évoquer, la DCSP c’est aussi une activité partenariale considérable avec les élus et les collectivités territoriales, les associations (je pense notamment aux associations d’aide aux victimes), l’éducation nationale, le secteur privé (à travers le travail des référents sûreté), la prévention, comme le font par exemple les 265 policiers formateurs anti-drogue dans nos collèges et nos lycées.

La DCSP, c’est enfin le renseignement à travers la création, en mai 2014, du Service Central du Renseignement Territorial (SCRT). Appuyé sur ce maillage territorial que j’évoquais précédemment, le SCRT est doté de 255 entités en métropole et en outre-mer : 97 services départementaux, 63 antennes en zone gendarmerie, 8 antennes aéroportuaires et 87 services au niveau des arrondissements. Pour accomplir ses missions d’information des autorités, de prévention de la radicalisation et du terrorisme, le SCRT compte à ce jour plus de 2 700 agents, dont près de 300 gendarmes.
Chacun l’aura bien compris, cette grande variété de missions qui caractérise la Sécurité publique – variété à laquelle j’ajoute la contribution, essentielle, à la lutte contre l’immigration irrégulière – constitue la singularité et le caractère central de la DCSP dans notre dispositif de sécurité intérieure.
Il faut vous adapter en permanence à l’évolution de la délinquance, aux réalités sociologiques, à l’urbanisation croissante et à l’intensification des mobilités. C’est un enjeu majeur. Je sais pouvoir compter sur vous.

Ainsi, en affirmant progressivement l’échelon zonal, qui permet désormais d’assurer la coordination, l’animation et la mutualisation des moyens et en restructurant les services autour de vos trois métiers (la sécurisation de la voie publique, l’investigation et le renseignement).
Ce faisant, la DCSP se met ainsi en ordre de bataille pour mettre en œuvre ce que le Président de la République appellera « la grande réforme majeure du quinquennat dans le domaine de la sécurité » : la Police de Sécurité du Quotidien. C’était, vous vous en souvenez certainement, il y a un an jour pour jour, le 18 octobre 2017, dans un discours prononcé à l’Élysée devant l’ensemble des représentants des Forces de Sécurité Intérieure (FSI).

Ce jour-là le chef de l’État insistait sur l’objet de la réforme. Je le cite : « cette réforme consiste véritablement à transformer, à redonner du sens à l’action de la sécurité publique, à redonner toutes ses lettres de noblesse à la mission première d’un gardien de la paix, d’un militaire de la gendarmerie : le service de la population, la lutte contre la délinquance et la criminalité du quotidien ». Je suis là, avec vous, pour porter cette transformation profonde de l’action.
La DCSP se retrouve en première ligne dans la mise en œuvre de la PSQ, et, dans la montée en puissance des Quartiers de reconquête républicaine (QRR).
Je sais que la DCSP ne ménage pas ses efforts : les chefs de police locaux  s’investissent sans réserve, afin de décliner cette nouvelle « façon de faire de la police » inscrite dans une démarche dite de « résolution de problèmes », au plus près de la population.

Élaboration des stratégies locales de sécurité, recherche d’un contact accru avec la population, mise en place d’un comité de pilotage des bonnes pratiques, généralisation de ces dernières lorsqu’elles apparaissent pertinentes, renforcement de la synergie – déjà bien avancée ces dernières années – entre la DCSP et les autres directions opérationnelles de la DGPN (et notamment la DCPJ), votre mobilisation depuis le début de cette année est visible et je vous demande de poursuivre cette action : je compte sur vos capacités d’initiative, d’innovation, je compte sur votre créativité et sur votre connaissance fine des réalités locales. Je crois beaucoup à l’intelligence des territoires et c’est à vous, les chefs de police, les « patrons » comme vous appellent vos effectifs, qu’il vous revient d’adapter les politiques publiques aux attentes particulières de la population locale, de répondre chaque jour au sentiment d’insécurité et d’incarner l’ordre républicain.

Je suis favorable à encore plus, à toujours plus d’autonomie locale des chefs de police. Elle est un facteur d’amélioration de la gestion de vos moyens et du traitement des problématiques auxquelles vous faites face. Vous ne devez toutefois pas oublier l’échelon central : il est le garant d’une action continue et régulière sur l’ensemble du territoire. Vous devez également vous inscrire dans une complémentarité totale avec les autres services de police, notamment la police judiciaire, pour lutter ensemble, en mettant en commun le renseignement opérationnel, contre les phénomènes criminels complexes qui gangrènent certaines parties du territoires et la police aux frontières, dont l’effort constant pour contenir la pression migratoire est un facteur essentiel de la sécurité d’aujourd’hui et de demain.
Au cours de ce colloque, je vous demande d’oser et d’innover. Considérant la qualité des intervenants, je sais que cette journée sera prolifique, et ce d’autant plus qu’il a été demandé à chacun de ne pas censurer son propos. Je vous souhaite un débat d’idées le plus ouvert qui soit, qui investisse sans a priori, sans préjugé, le champ des possibles, et je m’associe sans réserve à votre démarche.

Je suis aussi venu pour vous assurer du soutien du Président de la République et du gouvernement. Votre action est prioritaire et c’est pourquoi je serais le garant des engagements qui ont été pris :

  • Le projet de loi de finances qui va être soumis au parlement, le budget du Ministère de l’Intérieur pour l’année 2019 connaît une hausse très significative de 3,4 % de ses moyens, soit 575 M€, au bénéfice de toutes les composantes du ministère dont une part majoritaire au bénéfice de la sécurité publique ; il permettra notamment de poursuivre le déploiement de la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes, avec 2 500 renforts en 2019.
  • Nous avons engagé une vaste réforme de la simplification et de la dématérialisation de la procédure pénale ;
  • Un effort continu et consenti pour réduire les charges indues, substituer des personnels actifs par des administratifs et recentrer les policiers sur leur cœur de métier, au contact du public ;
  • La nouvelle approche de la sécurité induite par la police de sécurité du quotidien s’appuie sur les partenariats et favorise la coproduction de sécurité : si la police est le principal acteur de la sécurité publique, son action s’inscrira de plus en plus dans un continuum permettant de confier des missions à d’autres partenaires publics et privés.

Mesdames, Messieurs,
Nous avons beaucoup évoqué le changement et l’adaptation. Mais il y a cependant un élément qu’il ne faut pas changer, qu’il faut  conserver, car il ne fait pas débat : c’est votre belle devise : « discipline, valeur, dévouement ».

Discipline
C’est là un principe de commandement cardinal au sein de la Police nationale dans son ensemble, un principe qui nous renvoie à l’obligation de loyauté, au respect de la déontologie. La discipline s’inscrit dans le cadre d’un management moderne, humain, à l’image justement de celui que la police nationale promeut dans ses rangs, un management reposant sur la responsabilisation et la valorisation de la hiérarchie intermédiaire et la confiance dans les effectifs.

Valeur
Au service de la population, immergés dans la Cité, les policiers de la sécurité publique sont les garants immédiats du pacte républicain. Dépositaires de l’autorité publique, pouvant avoir à exercer la force, les policiers se doivent d’être exemplaires en toutes circonstances dans leurs relations quotidiennes au sein et avec la population.
Policier du quotidien, policier au service de la population, le policier de sécurité publique a, par le comportement qui est le sien dans l’exercice de ses fonctions, une responsabilité particulière dans la préservation du vivre ensemble, comme dans le renforcement de ce tissu social parfois fragile.

Dévouement
Courage et abnégation, c’est aussi ce qui caractérise le travail des effectifs de la sécurité publique qui, chaque jour, portent secours et assistance à nos concitoyens, parfois au péril de leur propre vie – ainsi que nous le rappelle encore ce drame survenu lundi dernier à Albi, drame au cours duquel une gardienne de la paix, Marlène Castang, a trouvé la mort dans l’exercice de sa mission à l’âge de 49 ans. J’irai, vendredi, assister à ses obsèques.

* * *

On ne choisit pas le métier de policier par hasard. On devient policier par vocation.
C’est vrai de toutes celles et ceux qui choisissent de servir dans la police nationale, mais peut-être tout spécialement des policiers de la sécurité publique dont l’attachement presque viscéral à la « SP » force l’admiration.

Je serai, soyez-en certains, très attentif aux résultats de vos travaux car, dans une certaine mesure, vous allez défricher ici un terrain sur lequel nous aurons à construire la police de demain.
Alors, comme vous y a invité le directeur central, soyez audacieux.

Je vous remercie et vous souhaite une excellente journée de travail.