Intervention de Michèle Alliot-Marie lors de l'installation de la Commission Nationale de Vidéosurveillance le vendredi 9 novembre 2007

16 novembre 2010

Vendredi 9 novembre 2007 - Hôtel de Beauvau.

Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Maires,
Monsieur le Président de la Commission Nationale,
Madame le Bâtonnier,
Mesdames, Messieurs,

L'évènement qui nous réunit aujourd'hui, l'installation de la Commission Nationale de la Vidéosurveillance, apporte une pierre supplémentaire, et non la moindre, à un édifice majeur pour la sûreté des Français.

L'efficacité de la vidéosurveillance pour améliorer de façon significative la sécurité quotidienne n'est plus à démontrer. Des expériences étrangères l'ont largement prouvée, notamment au Royaume Uni avec l'élucidation de meurtres d'enfants et de crimes terroristes. Des expériences locales en France le montrent quotidiennement.

Or force est de constater que notre pays a pris du retard. Le rapport rendu par Monsieur Philippe Melchior, inspecteur général de l'administration, que je remercie pour la qualité de son travail, l'a confirmé.

On évalue à 340 000 les caméras autorisées dans le cadre de la loi de 1995, dont seulement 20 000 sur la voie publique.

L'attitude restrictive des années passées a évolué. L'opinion publique est désormais majoritairement acquise à cette technologie.

Un sondage réalisé par IPSOS ces derniers jours l'illustre : 78 % des Français y sont favorables dans les lieux publics pour lutter contre l'insécurité et le terrorisme. 66 % des sondés se sentent davantage rassurés lorsqu'ils sont dans des lieux équipés de tels dispositifs. Et ils ne sont plus qu'un tiers à craindre que la vidéosurveillance ne réduise leur liberté ou menace leur vie privée.

Mon ambition est à la fois quantitative et qualitative.

Au plan quantitatif, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de l'exprimer, je veux tripler en deux ans le nombre de caméras sur la voie publique, afin de passer de 20 000 à 60 000.

Au plan qualitatif, je souhaite des installations modernes, avec la possibilité pour les policiers d'accéder aux images des municipalités et des grands gestionnaires d'espaces publics : transports, centres commerciaux, enceintes sportives…
Cet objectif ambitieux est, j'en suis persuadée, parfaitement réalisable. J'en ai la ferme volonté. Les progrès déjà accomplis en quelques semaines, depuis la réunion plénière du 26 juillet avec des représentants des collectivités locales et des transporteurs, sont là pour en porter témoignage.

L'approche volontariste dont bénéficie désormais ce dossier est illustrée par quatre séries d'actions.

  • A Paris, le Préfet de Police grâce au plan "1000", ajoutera sur la voie publique 1000 caméras aux quelques 300 actuellement accessibles à ses services. Pour y parvenir, un dispositif de "partenariat public privé" sera recherché.

Dans le même esprit, la RATP va, d'ici 2009, porter son parc à 6 500 caméras. Parallèlement, dès 2008, l'accès à 150 caméras du secteur privé, déjà implantés dans des lieux stratégiques, sera organisé avec leurs exploitants. De même, le raccordement de 35 nouvelles caméras à la gare du Nord, financé par le fonds interministériel de prévention de la délinquance, interviendra au printemps prochain.

  • En régions, l'accélération du raccordement des centres de supervision urbains aux services de police est lancée depuis quelques jours.

Une instruction a été envoyée le mois dernier aux préfets, demandant d'organiser la mise en place de ces dispositifs, partout où c'est techniquement réalisable, et accepté bien sûr par les municipalités. La somme nécessaire a été réservée sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance. Je saisis cette occasion pour remercier le préfet Hervé Masurel de son investissement personnel.

D'ores et déjà, 21 communes ayant des installations ou des projets bien avancés ont accepté ce partenariat et ont été retenues pour bénéficier des transferts de fonds nécessaires.

La direction centrale de la sécurité publique, associée à cette dynamique, revoit simultanément son approche pour exploiter pleinement les bénéfices de ces installations municipales.

● Des projets de modifications de textes concernant l'organisation et le fonctionnement des commissions départementales, sont en cours d'étude par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques.

Un décret en préparation prévoit qu'en cas de silence de la commission durant trois mois, l'avis est réputé reçu. Ceci permet au préfet de statuer sur une autorisation d'installation, dans le délai de quatre mois qui lui est imposé.

● Enfin, l'Etat incitera et aidera les collectivités locales.
L'enveloppe annuelle du FIPD sera donc augmentée dans cet esprit. De même, les budgets "police" devront intégrer certaines dépenses de fonctionnement associées aux liaisons techniques avec les centres municipaux.

Pour suivre la progression voulue, il est nécessaire d'organiser son animation par des structures dédiées à cette fin.

C'est le rôle de la commission nationale que va présider Alain Bauer. J'attends beaucoup d'elle. Son rôle d'avis, d'orientation et de contrôle est essentiel.

J'ai désigné Jérôme Leonnet, Inspecteur Général de la Police Nationale, pour vous seconder en tant que délégué auprès de la commission. Je sais sa compétence. Votre expertise personnelle des questions de sécurité, la composition de la commission associant des responsables de haut niveau à des élus très impliqués, garantit une vision à la fois constructive, opérationnelle et protectrice des libertés publiques.

J' y insiste. Il est de mon devoir de ministre de l'Intérieur, d'imaginer et de mettre en place les instruments et les politiques de protection les plus efficaces au service de la sécurité des Français. La vidéosurveillance en fait partie, et doit permettre d'améliorer concrètement la sécurité des Français dans leur vie quotidienne. J'en attends une amélioration du taux d'élucidation des affaires avec un effet dissuasif puissant sur le long terme.

Pour autant je ne transigerai jamais sur la garantie des libertés publiques pour y parvenir. La légitimité des politiques de sécurité dépend en effet plus que jamais de leur parfaite insertion au sein de l'Etat de Droit. 

J'attends de la Commission nationale de vidéosurveillance, instance indépendante créée par le législateur, qu'elle soit garante des libertés: liberté individuelle, droit à l'intimité de la vie privée, droit à l'image, droit à l'oubli, transparence. Elle doit inscrire ses pas dans ceux de l'Observatoire National de la Délinquance, grâce à qui désormais, les statistiques de la délinquance sont placées sous le sceau de la transparence.

Je compte ainsi sur la Commission pour me faire toutes les suggestions pour la protection effective des libertés, le fonctionnement des commissions départementales, le renforcement des droits de la personne humaine dans le cadre de la vidéosurveillance.

La composition de la commission est un gage d'indépendance donné à ceux qui en douteraient. Parlementaires de la majorité comme de l'opposition, représentant des Barreaux, des communes et des maires de France, des entreprises de sécurité, des chambres de commerce, directeurs d'administration centrale, tous avez un haut niveau d'exigence et d'éthique. Je sais qu'ensemble nous saurons trouver et maintenir ce nécessaire point d'équilibre entre sécurité et liberté.

Votre commission trouvera aussi naturellement sa place au côté des deux autres structures pluridisciplinaires constituées pour faire avancer cet objectif.
La première, sous l'impulsion de Philippe MELCHIOR, dont j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer la richesse de l'analyse, est un Comité de Pilotage Stratégique. Composée d'experts aux très hautes qualifications, elle sera chargée de concevoir, d'impulser et de me proposer des décisions. Les propositions de ce CPS seront très naturellement à la base de sollicitations régulières d'avis éclairés de la commission nationale.

La seconde structure existe déjà au plan administratif. Il s'agit du secrétariat général du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance, dont Hervé MASUREL a la responsabilité. Accoutumé par nature à l'interministérialité, attributaire des fonds au niveau central et local, et doté d'une organisation interne fonctionnelle, le SG-CIPD aura un rôle majeur de mise en œuvre.

Il assurera l'ingénierie administrative et financière de la politique choisie, et veillera à la bonne coordination des différents acteurs. Avec cet ensemble, conception et proposition du Comité de Pilotage Stratégique, mise en œuvre par le SG-CIPD, et avis et contrôle par la Commission Nationale, je suis certaine que nous disposons de tous les atouts pour progresser vite et bien.

Il faut agir sans tarder. La sécurité des Français l'exige. Je sais que tous ceux qui vont participer à cette grande entreprise de modernisation en sont convaincus. Ensemble nous réaliserons cette ambition commune.