Rapport sur l'impact de la décentralisation sur les administrations d'État - Ministère de l'Emploi et de la cohésion sociale - Ministère de la Santé et des solidarités établi par Jean-Baptiste NICOLAS Inspecteur des Finances, Michel GAGNEUX Inspecteur général des Affaires sociales, Jean-Yves LE GALLOU Inspecteur général de l'Administration sous la supervision de Bruno DURIEUX Inspecteur général des Finances, Laurent CHAMBAUD Inspecteur général des Affaires sociales et Nicolas GRIVEL Inspecteur général des Affaires sociales.
Depuis 1982, les lois de décentralisation ont transféré aux collectivités territoriales d'importantes compétences en matière d'action sociale et de formation professionnelle. Les récentes lois du 18 décembre 2003 et du 13 août 2004 ont franchi des étapes supplémentaires dans ce processus, en consacrant la responsabilité des départements en matière d'action sociale et d'insertion, et celle des régions en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
Le mouvement d'adaptation des administrations d'Etat à ces transferts de compétences n'a pas encore été porté à son terme :
- les effectifs des administrations d'Etat n'ont pas partout été ajustés à leurs nouvelles missions ; alors que les collectivités territoriales ont procédé à d'importants recrutements ;
- l'organisation des administrations d'Etat n'a pas systématiquement été mise en cohérence avec l'évolution de leur environnement ;
- plus profondément, les missions de l'Etat n'ont pas été redéfinies, et les modalités d'intervention de l'Etat restent souvent peu cohérentes avec la nouvelle répartition des compétences, ce qui induit dans de nombreux domaines une dispersion des leviers de pilotage coûteuse et préjudiciable à l'efficacité des politiques publiques.
L'intrication des compétences et la persistance d'interventions directes de l'Etat dans le champ des compétences transférées constituent probablement les principaux freins à l'adaptation des effectifs et des structures des administrations d'Etat à la décentralisation.
Cette inertie résulte à la fois de l'absence de « blocs de compétences », des interactions entre les politiques d'Etat et les politiques décentralisées, de l'absence de mécanisme institutionnel de régulation de l'exercice des compétences, et d'une série d'initiatives politiques qui ont amené l'Etat à réinvestir le champ des compétences transférées. La conduite de la politique économique et sociale amène parfois l'Etat à mobiliser des instruments qui relèvent de la compétence des collectivités territoriales. Les inflexions de court terme de la politique gouvernementale sont parfois peu cohérentes avec la fonction de programmation à moyen et long terme des collectivités locales.
Les administrations d'Etat semblent marquer une relative défiance à l'égard des collectivités territoriales, qui explique dans une large mesure leur difficulté à se dessaisir de leurs compétences au profit d'institutions pourtant soumises à des contrôles démocratiques et juridictionnels.
Pour autant, c'est vers l'Etat que se tournent les collectivités territoriales lorsque, dans l'exercice de leurs compétences, elles cherchent un médiateur capable d'arbitrer leurs différends. Dans les représentations collectives, l'Etat semble ainsi demeurer le seul garant de l'intérêt général. Ces constats ont conduit la mission à formuler une série de propositions (cf. liste jointe) visant à permettre à l'Etat de mieux exercer un nombre restreint de fonctions essentielles, en recentrant ses moyens.