Résumé :
Le sentiment d’insécurité fait l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs, des médias et des autorités. Grâce à un nouveau traitement de géolocalisation des données d’enregistrements des forces de l’ordre mis en place par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) et l’Insee, un nouvel outil est disponible pour étudier le lien entre la délinquance dans le voisinage et le sentiment d’insécurité des habitants mesuré à partir de l’enquête Cadre de vie et sécurité (CVS).
Malgré les nombreuses limites inhérentes aux données administratives, sous l’hypothèse que le processus de révélation et d’enregistrement des crimes et délits soit homogène sur le territoire, la délinquance enregistrée et géolocalisée constitue en relatif un indicateur de la délinquance locale. Au contraire de la délinquance déclarée dans les enquêtes de victimation, cette délinquance enregistrée est parfaitement exogène aux autres réponses des individus enquêtés. L’introduction de cette nouvelle donnée dans les modélisations économétriques du ressenti ou de l’opinion des personnes enquêtées, notamment sur les questions de sentiments d’insécurité, constitue donc un apport majeur.
Cette étude met en évidence que, toutes choses égales par ailleurs, plus un quartier est touché par des actes de cambriolages, de vols de véhicules, de dégradations ou de violences physiques, plus la probabilité que ses habitants s’y sentent en insécurité est forte. En revanche, aucun effet significatif venant des vols sur les personnes (violents ou non), des infractions à la législation sur les stupéfiants et des vols dans/sur les véhicules n’est observé. Les caractéristiques personnelles et l’expérience personnelle de victimation sont, en outre, des facteurs explicatifs importants.
Au-delà des sentiments de peur déclarés par les individus, des réponses à d’autres types de questions de l’enquête CVS sont étudiées comme le fait d’observer fréquemment des actes de délinquance, le fait de se sentir fréquemment gêné autour de chez soi à cause de phénomènes délinquants, ou encore l’opinion quant à l’importance des problèmes de délinquance dans le quartier. Les réponses fournies n’ont bien souvent pas les mêmes causes que pour le sentiment d’insécurité. Notamment, certaines formes de délinquance n’ont pas d’effet significatif sur la peur déclarée mais influent fortement sur la gêne des habitants et sur l’importance qu’ils attribuent aux problèmes de délinquance dans leur quartier (les infractions à la législation sur les stupéfiants par exemple).
Enfin, la délinquance dans le voisinage (telle qu’enregistrée par les forces de sécurité) n’a pas d’effet significatif sur la préoccupation sécuritaire des habitants, mesurée par le fait d’estimer que la délinquance fait partie des principaux problèmes auxquels est confrontée la société.