Projet de loi relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux

19 janvier 2010

Intervention de Monsieur Alain Marleix, Secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités Territoriales devant l'Assemblée Nationale le mardi 19 janvier 2010.


Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,

Vous êtes aujourd'hui saisis du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux pour mars 2014, que le Sénat a adopté sans le modifier le 16 décembre dernier.

Ce projet de loi fait partie des trois textes qui accompagnent, dans le domaine électoral, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et qui ont été transmis ensemble au Sénat le 21 octobre 2009 : seul ce dernier texte, institutionnel, devait, aux termes de la Constitution, être obligatoirement soumis en premier lieu au Sénat, en raison de sa mission de représentation des collectivités territoriales, mais nous avons estimé difficile de dissocier les quatre textes.

Le Sénat a consacré au projet de loi « concomitance » deux réunions de sa commission des lois élargie et treize heures de débat en séance publique.

Je me propose de vous en présenter le contenu et les justifications de ses dispositions.

1- Le projet de loi se limite à deux articles :

  • L'intitulé et la rédaction de ces deux articles sont calqués sur ceux de la loi du 11 décembre 1990, dont l'objet était identique : c'est en application de ce texte que les élections cantonales et régionales de 1992 ont eu lieu le même jour pour l'ensemble des conseillers généraux ;
  • l'article 1er prévoit que la durée du mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 sera de trois ans et non de six : leur mandat prendra fin en même temps que celui de leurs collègues élus en mars 2008 ;
  • l'article 2 dispose, de la même façon, que le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 sera d'une durée de quatre ans et non de six : il expirera donc en mars 2014, en même temps que celui des deux séries de conseillers généraux.

Les deux articles sont applicables en Corse, ce qui rétablira la concomitance entre le renouvellement intégral des deux conseils généraux et l'élection des membres de l'assemblée de la collectivité territoriale de Corse qui existait jusqu'en 2004. L'Assemblée de Corse, consultée sur ce point, a rendu un avis favorable au texte le 19 octobre dernier.

2- Les objectifs du projet de loi sont doubles :

a) Il s'agit en premier lieu de permettre la création du conseiller territorial, dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales.
 
Je dis bien « permettre », car l'entrée en vigueur de cette importante réforme exige la concomitance des mandats ; mais cela ne signifie aucunement, comme je l'ai souvent entendu au Sénat, que le contenu de la réforme serait scellé par la seule adoption du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui au nom du Gouvernement. Ni le principe même de cette création, ni a fortiori la répartition des futurs conseillers territoriaux et leur mode d'élection, ne sont automatiquement liés au sort réservé à ce projet de loi :

  • le Sénat doit en particulier se prononcer, à partir d'aujourd'hui, sur la création du conseiller territorial, comme sa commission des lois l'a fait au mois de décembre en adoptant le projet de loi institutionnel ; vous l'examinerez à votre tour après les élections régionales ;
  • c'est également après ces élections que le Sénat débattra du projet de loi électoral lié à la réforme : je me suis engagé, devant le Sénat, à fournir, lors de la première de la commission des lois de la Haute Assemblée consacrée à ce texte, des indications précises sur le nombre des conseillers territoriaux envisageable dans chaque département et dans chaque région. Vous vous prononcerez ensuite sur ce projet de loi électoral, et notamment sur le mode de scrutin à retenir pour l'élection des conseillers territoriaux. Il n'en est pas question à ce stade.

b) Le second objectif du texte, indépendamment de ce que vous déciderez le moment venu sur la réforme des collectivités territoriales, est en effet de réaliser la fusion des deux renouvellements partiels des conseils généraux et un regroupement de l'élection de ces derniers avec celle des conseils régionaux :

  • la fusion des renouvellements par moitié, rétablis par la loi du 18 janvier 1994, est réclamée par l'Assemblée des départements de France, l'ADF, présidée par Claudy Lebreton. Elle figurait dans les conclusions du rapport d'étape de la mission sénatoriale présidée par Monsieur Claude Belot. Bénéficiant d'un certain consensus, elle offrira à nos concitoyens la possibilité, à l'échelle de chaque département, de se prononcer sur la gestion et les réalisations de l'assemblée départementale tout entière ;
  • le regroupement des scrutins régionaux et cantonaux sera un facteur d'augmentation de la participation électorale, les électeurs ayant parfois manifesté une certaine lassitude du fait d'un trop grand nombre de scrutins : ce fut le cas en 1988, et la réforme adoptée en 1990 avait permis de diminuer sensiblement, de plus de 20 %, le taux d'abstention aux élections cantonales de 1992 par rapport à celui constaté à toutes les élections cantonales depuis 1976 ;
  • le choix de l'année 2014 pour l'organisation simultanée des scrutins locaux présente l'avantage de maintenir un décalage avec le calendrier des élections nationales, législatives et présidentielles, qui engagent, à l'échelon national, l'avenir de notre pays. Il ne conduira pas à un nombre plus élevé de consultations électorales qu'en 2004 par exemple, où nous avons déjà connu la même année des élections cantonales, régionales et européennes. La simultanéité des élections municipales avec le renouvellement de la moitié des conseillers généraux a par ailleurs déjà été pratiquée en 2001 et en 2008 et ne devrait donc pas soulever de trop grandes difficultés ;
  • enfin, la concomitance qu'il vous est proposé de rétablir est cohérente avec le calendrier électoral propre au Sénat, conformément à sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales : en septembre 2014, les sénateurs seront élus par des membres des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux tous élus six mois auparavant.

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,

Le système de concomitance qu'il vous est proposé d'adopter n'affecte aucunement l'exercice et la durée des mandats locaux en cours :

  • les conseillers généraux qui viennent d'être élus en mars 2008 accompliront comme prévu leur mandat de six ans ;
  • le mandat des conseillers généraux élus en mars 2004, qui ont déjà bénéficié d'une prolongation de leur mandat de six à sept ans par la loi du 15 décembre 2005, ne sera pas prolongé une nouvelle fois : un allongement de six à dix ans de leur mandat aurait très certainement été jugé contraire à la Constitution, en méconnaissant le principe de périodicité raisonnable des consultations électorales auquel s'est déjà référé le Conseil constitutionnel, notamment en se prononçant sur la réforme intervenue en 1990 et ayant le même objet que le présent projet de loi.

Tout au contraire, le projet de loi, qui réduit à l'avance la durée d'un mandat futur, ne soulève aucune difficulté d'ordre constitutionnel :

  • d'abord parce qu'il intervient dans le domaine de compétence que vous attribue l'article 34 de la Constitution de fixer le régime électoral des assemblées locales et que, comme le Conseil constitutionnel en a jugé dans sa décision du 6 décembre 1990, vous pouvez, au titre de cette compétence, « déterminer la durée du mandat des élus qui composent l'organe délibérant d'une collectivité territoriale » ;
  • ensuite parce que la seule obligation imposée au législateur par le Conseil constitutionnel dans l'exercice de cette compétence est « de se conformer aux principes d'ordre constitutionnel, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage ». Il en résulte que, si l'allongement d'un mandat en cours est strictement encadré, puisqu'il retarde les élections prévues en début de mandat, le raccourcissement de la durée normale d'un mandat, avant que celui-ci ne soit entamé, ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Tel était le cas avec la loi du 11 décembre 1990 « organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux », soit exactement l'intitulé du projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui, destiné à permettre l'élection simultanée en 2014 de tous les conseillers généraux et des conseillers régionaux.

J'indique enfin, parce que la question a été souvent évoquée au Sénat et qu'elle le sera sans doute dans nos débats, on ne saurait critiquer le texte au motif que le mode de scrutin des futurs conseillers territoriaux ne serait pas encore fixé avec certitude. Puis-je en effet rappeler aux députés de l'opposition que, dans le précédent de 1990, examiné sous le Gouvernement de Monsieur Rocard, le projet de loi soumis au Parlement renvoyait dans son exposé des motifs à un projet de loi complémentaire le soin « d'organiser les procédures de vote propres aux élections simultanées », donc le mode de scrutin ? Or, le Conseil constitutionnel, invité à se prononcer sur ce décalage, a estimé dans la même décision du 6 décembre 1990, qu'il ne faisait aucunement obstacle à la publication de la loi soumise à son examen.

Le raccourcissement du mandat des conseillers régionaux qui vont être élus les 14 et 21 mars prochains doit intervenir avant la convocation des électeurs pour procéder à leur élection. Le respect du principe de la sincérité du scrutin exige en effet que les électeurs connaissent, au moment de leur vote, les caractéristiques de l'élection, et notamment la durée du mandat des personnes qu'ils s'apprêtent à élire. Le Gouvernement vous demande pour cette raison de vous prononcer sous le régime de la procédure accélérée.

Je vous remercie pour votre attention.