29.05.2006 - Réunion des préfets

29 mai 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire. Réunion des Préfets Hôtel de Beauvau


Mesdames et Messieurs les Préfets,

Lors de notre dernière rencontre, je vous avais détaillé notre feuille de route pour 2006. Elle était déjà particulièrement dense, à la mesure des attentes des Français.

Ces derniers mois ont vu s'exprimer de nouvelles inquiétudes, comme lors du mouvement contre le CPE. Je veux de nouveau saluer la manière dont les forces de sécurité ont géré, sous votre direction, cette période difficile.

Je vous demande de leur faire part de mes remerciements pour avoir su concilier, de manière efficace et sereine, la protection des manifestants et l'interpellation des fauteurs de troubles (plus de 3 700 aux abords et à l'intérieur des cortèges.)

Tout le monde aura noté, malgré la difficulté de la mission, que – comme en novembre - nous n'avons eu à déplorer aucun décès, que ce soit dans les rangs des fonctionnaires ou parmi les manifestants. Cette rigueur, ce professionnalisme en matière de sécurité, il va falloir les exprimer sur de nouveaux fronts.

Je veux en effet donner une nouvelle impulsion à la lutte contre la délinquance.

Depuis 2002, beaucoup de choses ont été faites. Le paysage de la sécurité s'est radicalement transformé. Des moyens importants ont été mis en place grâce à la LOPSI et d'autres sont encore attendus pour 2006 et 2007. Nous avons aussi modifié nos méthodes et développé nos moyens face à certaines menaces, comme le terrorisme, l'immigration clandestine ou la violence dans les stades. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Nous l'avons vu ces derniers mois et les statistiques mensuelles le confirment : si la délinquance générale continue de baisser, les violences aux personnes progressent, les agressions brutales sans autre justification que l'envie de casser, de blesser et parfois de tuer sont devenues quotidiennes et, pour tout dire, presque banales. Certains commentateurs l'ont écrit, et ils ont raison : nous avons là à faire face à un phénomène de société nouveau, qui ressort de la sphère privée et des relations personnelles et par conséquent, rend notre intervention particulièrement difficile.

Je veux rompre avec ce fatalisme, qui conduirait à accepter l'insupportable au seul motif qu'il est devenu courant. Cette violence, je veux l'attaquer à la racine, sur le terrain de la sanction bien sûr, mais aussi par une véritable politique de prévention.

Notre société évolue, certaines pratiques criminelles, les agressions gratuites et l'ultra violence sont des phénomènes nouveaux, qu'on ne peut traiter avec les outils du passé. Il nous faut une méthode nouvelle et de nouvelles armes.

Une méthode nouvelle, d'abord.

Il faut sortir du cloisonnement et de la logique de guichet qui imprègnent encore l'action de l'administration. Je propose une approche fondée sur la proximité, le travail en réseau, la présence permanente sur le terrain et la responsabilisation des acteurs.

La proximité, c'est organiser la prévention de la délinquance autour des maires, car ce sont eux les premiers sollicités et les mieux informés.

La mise en réseau passe par des CLSPD [conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance] qui associeront, dans les villes de plus de 10 000 habitants, tous les acteurs qui ont un rôle à jouer dans ce domaine : élus, magistrats, forces de sécurité, travailleurs sociaux, associations, voire les familles elles-mêmes.

La présence sur le terrain, elle s'impose à tous, mais elle est vitale pour l'Etat. Beaucoup d'habitants des quartiers sensibles n'identifient l'Etat qu'à travers la police et ce n'est pas normal. Un préfet, un sous-préfet, doit connaître les acteurs de terrain, les associations de quartier, les expériences qui réussissent. Il doit aussi multiplier les désignations de délégués de l'Etat dans les quartiers. Je vous ai déjà exhorté à agir dans ce sens, mais il faut accélérer le mouvement.

La responsabilisation vise enfin à sortir des logiques d'assistance et de sanction qui sont aujourd'hui les seules, notamment envers les familles. Je propose d'instituer des « conseils pour les devoirs et droits des familles » présidés par le maire. Ils pourront, en cas de carences, rappeler aux parents quelles sont leurs obligations légales et les aider à prendre en charge l'éducation de leurs enfants.

Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi aborder de front les nouvelles pratiques délinquantes.

Je pense d'abord à la violence des mineurs, qui a progressé de 80 % en 10 ans et s'étend aujourd'hui à des populations de plus en plus jeunes.

Cela pose la question de l'école et de son rôle. Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), qui existent déjà dans certains établissements, sont une partie de la réponse, de même que la généralisation des plans de sécurité et de prévention de la délinquance. Les policiers référents doivent être multipliés. Si les établissements scolaires en sont d'accord, ils doivent, quand il le faut, être présents dans les locaux.

C'est également à l'école que peut être organisé le suivi de la santé des enfants en difficulté, dont les familles sont trop souvent dépassées. Au-delà des polémiques, on ne peut pas raisonnablement nier que les troubles du comportement révèlent des situations de mal être, des difficultés familiales, bref, des fragilités qui peuvent conduire à des attitudes violentes. Il faut déceler ces troubles et leur apporter des réponses.

On doit aussi prendre à bras le corps la question de l'absentéisme scolaire. Ce que je propose, c'est de mettre le maire en mesure de faire respecter l'obligation scolaire, en liaison avec la CAF et l'inspecteur d'Académie, qui devront là encore travailler ensemble. Il ne s'agit pas de punir les familles des enfants qui ne vont pas en classe, mais de les aider à assumer la scolarité et ses obligations.

Il faut enfin adapter l'ordonnance de 1945, qui ne permet plus de lutter contre la délinquance des mineurs. Le sentiment d'impunité est le pire service qu'on puisse rendre aux familles, à la justice et à notre société. C'est pourquoi je propose une série de mesures éducatives nouvelles destinées à responsabiliser les jeunes délinquants et à les réinsérer le plus tôt et le plus rapidement possible, ainsi qu'un raccourcissement des délais de jugement des mineurs grâce à la formule de la présentation immédiate.

Un autre facteur croissant de délinquance tient à la toxicomanie. Il y a en France 3,5 millions de consommateurs de cannabis et depuis le début des années 90, le niveau d'expérimentation des jeunes adultes a doublé. Il est prouvé que cette consommation peut avoir des effets graves pour les usagers eux-mêmes, mais aussi parce qu'il facilite le passage à l'acte agressif.

De fait, cette consommation n'est pas actuellement réprimée. Mon objectif est donc de redonner une réalité à l'interdit social de la drogue en prévoyant des sanctions réalistes, donc applicables et dissuasives, par le recours à la composition pénale ou à l'ordonnance pénale, tout en développant le suivi thérapeutique.

Un point enfin sur les conditions du suivi psychiatrique. Nous avons tous en tête les drames rendus possibles par une vigilance insuffisante. Cela pose les questions de l'hospitalisation d'office et du suivi des sorties.

S'agissant de l'hospitalisation d'office, je propose la création d'une période d'observation de 72 heures, au lieu de 24 heures, pour que le psychiatre de l'établissement d'accueil confirme ou non la nécessité d'une hospitalisation sous contrainte. Cette période doit permettre une appréciation plus sereine de la dangerosité des personnes. Par ailleurs, je souhaite que le maire puisse prononcer une hospitalisation d'office aux mêmes conditions que le préfet, et plus seulement en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes.

S'agissant des sorties, je veux vous donner le pouvoir d'en décider, après avis des médecins. Je souhaite aussi que les maires en soient systématiquement informés.

C'est un autre registre mais la même volonté d'anticiper qui nous a conduit à élaborer le Livre blanc du Gouvernement contre le terrorisme, dont vous trouverez un exemplaire dans le dossier qui vous sera remis tout à l'heure. Il est le fruit d'une réflexion collective qui a mobilisé de nombreux services de l'Etat, mais aussi des partenaires du monde de l'entreprise et des médias.

Ce travail nous dote d'une véritable doctrine, avec les outils conceptuels, organisationnels et opérationnels dont notre pays a besoin pour relever le défi d'une menace élevée et durable.

Plusieurs aspects de cette réflexion, que ce soit en matière de protection des populations, de gestion des crises ou de détection précoce, croisent vos préoccupations et relèvent de vos responsabilités.

J'attends donc que vous vous en imprégniez et que vous vous en fassiez le relais auprès de vos collaborateurs, mais aussi auprès de vos partenaires, publics et privés.

Sur le même sujet, il est temps, après une année, de tirer le bilan des pôles régionaux de lutte contre l'islamisme radical. 525 lieux ont été contrôlés, dont 47 salles de prière et 473 commerces. Sur les 1 785 individus contrôlés, 365 ont fait l'objet de mesures administratives. Enfin, 283 procédures ont été diligentées par les administrations partenaires.

Au-delà des chiffres, je note surtout que l'ensemble des administrations partenaires ont pris l'habitude de travailler ensemble, chacune avec ses méthodes, officialisant ainsi des rapports qui n'étaient au mieux qu'informels.

Outre les islamistes connus pour leur activité militante, il importe aussi de retenir les cibles commerciales où se dissimulent des sources de financement et de soutien, sans négliger les actions de sensibilisation vers les administrations et le secteur privé.

Une nouvelle exigence s'impose aussi dans le contrôle des flux migratoires.

Depuis le début de l'année, le nombre d'aidants à l'immigration irrégulière interpellés par les services est en hausse de plus de 40 %. Celui des employeurs arrêtés pour travail illégal a augmenté de près de 60 % et celui des étrangers en situation irrégulière de plus de 20 %. Mais le nombre d'éloignements reste insuffisant pour atteindre notre objectif de 25 000 reconduites. Vous devez là aussi accroître votre effort. Je dis clairement que certains départements sont à la traîne dans des conditions qui ne sont pas explicables.

J'insiste particulièrement sur le dispositif d'aide au retour volontaire.

Vous le savez, j'ai décidé d'en augmenter très fortement le montant. Alors que le "pécule" proposé ne dépassait pas 150 euros par personne, il est désormais de 2 000 euros pour un adulte seul, 3 500 euros pour un couple, auxquels s'ajoutent 1 000 euros par enfant mineur jusqu'au troisième, puis 500 euros par enfant.

400 personnes ont effectivement bénéficié du nouveau dispositif entre le 1er octobre et le 1er mai. C'est une amorce. Mais c'est encore trop peu.

J'attends de chacun de vous une mobilisation sur ce dossier.

Il vous appartient d'organiser vos services, en liaison avec l'ANAEM, pour que les étrangers susceptibles d'en bénéficier se voient effectivement proposer l'aide au retour.

Je vous demande de veiller à ce que l'aide au retour volontaire soit systématiquement proposée aux personnes déboutées du droit d'asile ainsi qu'aux familles d'étrangers en situation irrégulière. Vous devez concentrer les efforts sur ces deux catégories.

Vous porterez une attention toute particulière, en juin, aux étrangers en situation irrégulière dont un ou plusieurs enfants sont scolarisés. Il est nécessaire que, de manière personnalisée, chacune de ces familles dispose de toute l'information utile pour choisir de retourner volontairement dans son pays d'origine lorsque l'année scolaire sera achevée.

Je vous demande aussi de lutter contre les détournements de la procédure de regroupement familial.

Le projet de loi sur l'immigration, vous le savez, encadre les conditions du regroupement familial. Je vous donnerai des instructions en temps utile pour appliquer la réforme.

Mais sans attendre, je vous demande de mettre en œuvre, mieux qu'aujourd'hui, les instruments dont vous disposez. Conformément au télégramme que je vous ai adressé le 28 février, vous devez procéder à des retraits de titre de séjour en cas de détournements de procédure.

De même, il vous appartient de retirer le titre de séjour de l'étranger polygame qui a fait venir auprès de lui plus d'un conjoint.

Pour conclure provisoirement sur les questions de sécurité, je vous rappelle les objectifs fixés pour 2006 : une baisse de 3 % de la délinquance générale, une baisse de 5 % de la délinquance de voie publique et un taux d'élucidation qui doit tendre vers 35 %.

Les résultats des premiers mois, qui traduisent une baisse de 0,65 %, des faits constatés ne sont pas suffisants. Je n'ignore pas les difficultés auxquelles il a fallu faire face en termes d'ordre public, mais ces évènements sont désormais derrière nous, et il faut rattraper le retard pris.

Je vous réunirai à nouveau le 9 juin prochain, avec 2000 policiers et gendarmes pour faire le point de ces questions et vous donner de nouvelles orientations.

Un mot à présent sur la saison estivale, qui va nous mobiliser.

J'ouvrirai le 8 juin, dans le Vaucluse, la campagne feux de forêts. Comme l'an passé, le dispositif comprendra 650 hommes, 23 avions bombardiers d'eau et 1 hélicoptère de très grande capacité qui sera positionné en Corse, 3 avions et 8 hélicoptères de secours et de commandement. Par ailleurs, le ministère de la Défense affectera 300 hommes et 3 hélicoptères.

Des colonnes de renfort sont également préconstituées à l'échelon de chacune des zones de défense et en Corse.

La flotte des bombardiers d'eau, dramatiquement affectée l'an dernier, a été complétée par un Canadair livré en début d'année. Un autre est prévu au budget de 2007.

Je veux aussi que tout soit mis en œuvre pour que les incendiaires soient trouvés et jugés et je demanderai au ministre de la Justice un engagement total des Parquets dans ce domaine. Les forces de police et de gendarmerie doivent recevoir toutes réquisitions afin de contrôler les personnes et ouvrir les coffres des véhicules circulant en zone sensible. Je tiens à ce que la loi du 9 mars 2004 qui aggrave les peines en matière de feux de forêts soit appliquée avec fermeté.

En matière de sécurité routière, il n'est pas question de renouveler les mauvais résultats de juillet 2005, alors même que l'évolution depuis le début de l'année est plutôt positive.

Outre les interventions habituelles pour rappeler les règles élémentaires de conduite, vous organiserez donc des contrôles spécifiques à destination des publics les plus vulnérables, comme les deux-roues, et sur les lieux les plus accidentogènes, en particulier les itinéraires d'accès et les abords des lieux festifs. Sur les axes transnationaux, vous contrôlerez prioritairement les cars de tourisme et les véhicules en surcharge.

Je vous demande aussi de programmer, en liaison avec le Parquet, des opérations de contrôle avec postes médicaux mobiles en ciblant les conduites sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue.

Je vous rappelle enfin que vous devez réaliser pour le 15 septembre, si ce n'est pas déjà fait, une mise en cohérence de la signalisation sur les limitations de vitesse. Il est important, pour que les Français adhèrent à notre politique, qu'ils aient la certitude que les limitations de vitesse prescrites sont à la fois adaptées et bien signalées. J'ajoute cependant que les contrôles routiers doivent impérativement être effectués avec toute la courtoisie et tout le discernement nécessaires. J'y insiste et vous devez y veiller. Il ne faut jamais oublier que les réglementations routières sont faites pour protéger la sécurité des usagers de la route, et non pour les ennuyer …

Les problèmes liés aux stationnements illicites des Gens du voyage ne sont pas réservés à la saison estivale, mais ils prennent souvent plus d'acuité dans cette période. Il y a deux points durs ici : les retards pris dans la réalisation des aires d'accueil et la lenteur des procédures d'évacuation.

Sur le premier point, j'ai engagé une action afin d'augmenter le montant des subventions aux collectivités pour l'aide à la réalisation et à la gestion des aires. Dans le même temps, je souhaite qu'on supprime les multiples préconisations techniques qui vont au-delà des normes minimales fixées par le décret du 29 juin 2001 et qui augmentent considérablement les coûts des travaux.

Pour ce qui concerne la lenteur et le coût des procédures d'évacuation, je ferai prochainement des propositions.

Concernant enfin les zones d'affluence touristique, j'attire votre attention sur la mise en place des renforts saisonniers, qui permettent de faire face aux afflux de population et d'endiguer l'augmentation de la délinquance dans ces secteurs.

Là comme ailleurs, je vous demande de mobiliser les services dans une logique d'anticipation et de prévention. La confiance que nous témoignent les Français repose d'abord sur leur conviction que les problèmes ont été repérés et pris en compte le plus en amont possible.

J'en viens au troisième axe de mon intervention, qui portera sur l'aménagement du territoire.

2006 marque une étape importante avec l'achèvement de l'actuelle génération des contrats de plan et la préparation des futurs « contrats de projets ». Ces derniers, qui iront de 2007 à 2013, seront recentrés sur trois thèmes : la compétitivité et l'attractivité, le développement durable et la cohésion territoriale.

Comme vous le savez, ils ne comporteront plus de volet routier, puisque les compétences respectives de l'État et des collectivités dans ce domaine sont désormais clairement délimitées.

Je vous demande en revanche de veiller à ce qu'ils intègrent trois actions que je considère comme prioritaires.

D'abord la mise en place d'une stratégie de maîtrise de l'énergie et des émissions de gaz à effet de serre. C'est à la fois une question d'indépendance énergétique, de réduction de la facture pétrolière, et de lutte contre le changement climatique. Le développement des filières biomasse et biocarburants représente aussi un débouché nouveau pour les productions agricoles touchées par la réforme de la PAC.

Cette stratégie reposera sur des objectifs chiffrés de baisse de l'intensité énergétique et des émissions de gaz carbonique. La DIACT travaillera avec l'ADEME [agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie] à la définition de ces objectifs et financera l'ingénierie dont vous aurez besoin.

Je vous donne d'ores et déjà trois pistes d'actions :

- Le développement des énergies renouvelables.
- La politique d'urbanisme et de réseaux de transport pour développer les bâtiments économes et les alternatives à la route.
- Un effort de réduction des émissions et de la consommation d'énergie dans tous les autres volets des contrats de projet.

Dans le contexte énergétique nouveau que nous connaissons, ce choix du développement durable est fondamental pour l'aménagement du territoire et plus largement pour l'avenir du pays. Nicolas HULOT pourra vous dire à quel point il est urgent d'agir.

En deuxième lieu, Christian ESTROSI et moi tenons à ce que vous meniez une réflexion globale d'aménagement du territoire en zone urbaine.

Les actions de l'agence nationale de rénovation urbaine [ANRU], seront désormais intégrées aux contrats de projet. C'est l'occasion de les inscrire dans une approche plus globale qui doit favoriser la mixité sociale et, je n'hésite pas à le dire, ethnique dans les quartiers difficiles.

Il s'agit aussi de rétablir des circulations et des échanges entre ces quartiers et leur ville : y implanter des bureaux pour faire venir des salariés, des hôtels d'entreprise pour y encourager la création d'activités, organiser les transports et les réseaux pour faciliter l'accès à l'emploi.

L'enclavement de quartiers comme Clichy-sous-Bois ou Les Minguettes a des effets avérés sur le taux de chômage et favorise la mentalité d'enfermement, avec les conséquences que l'on sait sur la délinquance. Les contrats de projets permettront aussi de financer des transports urbains destinés à faciliter le désenclavement.

La réflexion doit enfin porter sur l'urbanisme et le peuplement. Contrairement à une idée reçue, la densité d'un habitat en maisons de ville contiguës est supérieure à celle des grands ensembles et crée un espace urbain moins criminogène et plus propice à l'accession à la propriété.

Je compte sur votre expérience de terrain pour dynamiser cette réflexion et mobiliser les collectivités.

La troisième priorité, vous la connaissez bien, c'est la compétitivité des territoires et de notre économie.

Les pôles de compétitivité ont dynamisé la coopération entre recherche, universités et entreprises. Il faut consolider cette dynamique. Les contrats de projet ne sont pas faits pour financer directement des projets de recherche, mais ils peuvent servir à créer des équipements, à construire des bâtiments universitaires, à encourager le très haut débit ou la constitution de campus qui rassemblent les forces et relient les sites entre eux.

Je serai plus bref sur les collectivités locales. Vous disposez d'une information régulière sur les transferts de compétence et de personnels qui, grâce au dialogue permanent que mène Brice HORTEFEUX, se déroulent dans de bonnes conditions.

Je m'en tiendrais donc à deux points d'actualité.

L'article 89 de la loi sur les responsabilités locales et la circulaire d'application du 2 décembre 2005 ont suscité des incompréhensions, auxquelles il convient de répondre.

[l'art. 89 porte sur la prise en charge, par les "communes de résidence", des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat pour les élèves scolarisés dans une autre commune, dite "commune d'accueil".]

Le principe de la répartition des dépenses de fonctionnement par accord entre commune d'accueil et commune de résidence était déjà applicable au financement des écoles privées sous contrat. Mais l'article 89 a prévu une procédure de résolution des conflits sur le modèle de ce qui existe pour les écoles publiques.

Dans les cas où cette procédure doit être mise en œuvre, deux situations se présentent.

Si la commune de résidence n'a pas de capacités d'accueil dans ses propres établissements, il vous appartient de déterminer sa contribution, après avis du CDEN, en tenant compte de ses ressources, du nombre d'élèves concernés et du coût moyen par élève.

La divergence d'interprétation survient lorsque la commune de résidence dispose de capacités d'accueil dans ses établissements. L'AMF et l'Enseignement catholique sont convenus de s'en remettre au Conseil d'Etat, qui a été saisi de la circulaire du 2 décembre, pour déterminer plus clairement les obligations de la commune dans ce cas.

Cela signifie que, pour l'heure, les cas d'exonération ou d'obligation s'appliqueront pour les écoles privées sous contrat dans les mêmes conditions que pour les écoles publiques. C'est dans ce cadre que vous mettrez en oeuvre l'article 89, lorsqu'il n'aura pas été possible de trouver un accord local.

Nos interlocuteurs vont diffuser ce message auprès de leurs relais départementaux, je vous demande de faire de même en prenant l'initiative, si vous ne l'avez pas déjà fait, de réunir autour d'une table ronde les représentants des maires et ceux de l'enseignement privé sous contrat.

Ce dialogue devrait permettre de régler la plupart des difficultés rencontrées, pour assurer la mise en oeuvre de l'article 89 dans un climat apaisé.

Je vous rappelle également les échéances désormais très proches en matière d'intercommunalité.

C'est d'abord la fin du mois de juin pour le retour de vos schémas d'évolution de l'intercommunalité et vos éventuelles propositions d'évolutions législatives. J'insiste sur la nécessité de distinguer clairement les ajustements de court terme des évolutions de moyen terme.

Inutile de vous rappeler la sensibilité de ces sujets, à deux ans du renouvellement des conseils municipaux. Vous devrez bien entendu prendre en compte les impératifs juridiques, les enjeux économiques, les évidences géographiques, mais je vous invite aussi à faire un peu de "realpolitik". Le meilleur moyen d'intégrer ces différents niveaux d'analyse sera sans doute d'élaborer plusieurs scénarios d'évolution.

Les deux autres échéances sont celles de la mi-août : elles concernent à la fois la définition de l'intérêt communautaire, qui doit avoir abouti à cette date, et celle de la révision de l'évaluation des charges transférées, qui doit au moins avoir été engagée.

Ces deux procédures ont un lien étroit puisque la définition de l'intérêt communautaire commande le volume des charges qui seront transférées. Il est donc indispensable qu'elles aient été menées en parallèle.

Deux points d'actualité qui concernent le fonctionnement de vos préfectures.

Le déploiement des passeports électroniques se poursuit dans des conditions satisfaisantes et sera achevé le 13 juin.

Après quelques retards, le Budget vient de publier l'instruction qui permet d'obtenir gratuitement un nouveau titre, en échange d'un passeport dit « Delphine » délivré entre le 26 octobre 2005 et le 1er avril 2006.

Cela concerne les Français qui veulent se rendre aux Etats-Unis et profiter de la dispense de visa que permet le passeport électronique. J'ajoute que cette mesure est rétroactive puisqu'elle s'applique à toutes les demandes d'échange effectuées à compter du 30 mars.

Dans un autre registre, je vous demande de renforcer vos capacités en matière d'analyse électorale.

Depuis 2005, vous avez reçu trois missions précises dans ce domaine : la constitution d'une documentation électorale, la réalisation des prévisions et du bilan des résultats électoraux, la détermination des bureaux test pour la journée du scrutin.

Le Secrétaire général a engagé plusieurs chantiers pour vous accompagner dans ces missions. Deux partenariats ont ainsi été établis avec des établissements universitaires qui travaillent sur les comportements électoraux : le centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et l'Université de Paris II.

La première vague du Baromètre Politique élaboré par le CEVIPOF a eu lieu au mois d'avril. Ses résultats ont été rendus publics, comme le seront d'ailleurs tous les autres travaux réalisés dans ce cadre.

Vous recevrez dans les prochains jours plusieurs notes de commentaires et d'accompagnement qui vous permettront de tirer parti de cette première enquête. Enfin un dispositif de formation est prévu pour vos proches collaborateurs.

Cette réforme vient normaliser une situation qui, en confiant aux services de police une partie des études électorales, était atypique par rapport aux autres démocraties occidentales. Nous serons désormais dans une situation totalement transparente, comparable à celles de nos voisins, où le financement public des enquêtes électorales est habituel et ancien.

Un dernier mot enfin sur le Conseil supérieur pour l'administration du territoire.

Il s'agit de créer une nouvelle fonction d'appui aux membres du corps préfectoral en postes territoriaux, qui s'exercera – ceci pour lever les inquiétudes de certains – en dehors de tout cadre hiérarchique.

J'en attends également un meilleur potentiel d'évaluation des préfets et des sous-préfets et le développement d'une nouvelle compétence en matière d'études et d'audits, distincte de celle de l'IGA,  sur les questions liées à l'administration territoriale de l'Etat.

Plus largement, je compte sur cette réforme pour assurer et développer la cohésion du corps préfectoral, face à des missions de plus en plus complexe et dans le contexte d'une ouverture grandissante.

Ces cinq derniers mois ont été riches en réformes. Je sais pouvoir à nouveau compter sur votre implication et votre engagement pour y faire face, en mobilisant les services de l'Etat et y associant l'ensemble de nos partenaires.