Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de la signature de la convention entre la Collectivité de Corse et la Caisse des dépôts et consignation
Mesdames, Messieurs,
Cette convention qui pourrait paraître très technique est en fait très importante, et c'est pour cela que j'ai tenu à y assister.
En juillet 2005, j'avais à mes côtés, ici même, à Ajaccio, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, lorsque j'ai évoqué avec les élus de Corse les grandes perspectives de l'aménagement du territoire. Je lui ai demandé de préparer l'outil qui permettrait de répondre aux attentes de la collectivité. Et je le remercie d'avoir préparé ce projet spécifique à la Corse, cela même s'il a déjà conclu une convention avec l'association des régions de France.
Car ici les problèmes sont différents. Plus d'autonomie, plus d'attentes, plus de besoins. La Collectivité de Corse, on lui demande maintenant de tout faire, ou à peu près, en termes d'aménagement de l'espace, en termes d'aide aux entreprises. Or la Collectivité, son président ne cesse de me le rappeler, a des ressources limitées. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai demandé à ce qu'une mission des inspections générales de l'administration et des finances se penche sur cette question des recettes de la collectivité de Corse, et c'est pour cela que cette mission est en train de travailler activement sur le sujet. Rendez vous fin mai pour ses conclusions.
Mais on ne peut pas indéfiniment augmenter les dépenses et les recettes publiques : en 2006, le budget de la collectivité, c'est 636 millions d'euros de dépenses, et de recettes, soit une hausse de près de 23%. Pourquoi ? A cause de la formidable progression des investissements en routes et chemins de fer. Il est évident qu'on ne peut pas augmenter la pression fiscale à hauteur des projets d'investissement. La solution intelligente, c'est un changement de méthode. Il faut passer au partenariat et c'est ce que nous faisons ici.
J'insiste sur l'esprit de cette convention, qui me paraît fondamental : la Caisse des dépôts met sa compétence au service de la Collectivité de Corse. Cela veut dire, cher président Ange Santini, que vos responsabilités de conception, de choix, de programmation, ne vont diminuer en rien, soyez rassuré. Mais cela veut dire aussi, et je le dis sans hésiter devant Francis Mayer, que vous allez désormais pouvoir vous appuyer sur un soutien financier et technique inégalables.
Je sais que la collectivité de Corse est en attente de prêts à long terme, car elle est préoccupée par son encours d'endettement ; je sais que la Caisse des dépôts peut aller encore plus loin en proposant de véritables outils de programmation financière. Voilà des attentes et des compétences qui vont se retrouver.
Mais je vois aussi dans cette convention des débuts de solutions à des problèmes que nous nous sommes souvent posés ensemble. Je retiens par exemple la possibilité, tellement attendue ici, de regrouper les instruments financiers existants. Je retiens aussi le projet, cher à Camille de Rocca Serra, à José Rossi, et ils ont raison, de créer un outil de mobilisation de l'épargne locale vers des projets locaux. Ce qui a été tenté dans des batailles législatives que vous avez menées va pouvoir se concrétiser beaucoup plus simplement. La loi n'est pas la réponse à tout, et heureusement. Il faut savoir mobiliser autour de soi les compétences voulues, c'est parfois plus difficile que d'écrire une loi, mais aussi plus efficace !
J'insiste enfin sur le projet qui figure dans cette convention de mettre en place un comité de pilotage pour favoriser la transmission et la reprise d'entreprises. On ne le sait pas assez, il y a en Corse près de 21 000 entreprises, c'est presque une pour dix habitants. Mais on doit aussi prendre conscience de la fragilité de ces entreprises, dont aujourd'hui 1600 risquent de disparaître faute de succession. Cela mérite que l'on s'y penche sérieusement.
Pour résumer, tout l'intérêt de cette convention, ce n'est pas d'imposer une vision parisienne du développement, mais c'est plutôt le contraire.
Se développer, tout en restant soi même, on y revient sans cesse, c'est tout l'enjeu de la Corse. C'est aussi sa responsabilité, car ses compétences le lui permettent. Il lui en faut les moyens. Et pour cela, il est essentiel d'avoir un partenaire avec qui on puisse discuter librement, un partenaire qui s'engage à vos côtés non pas pour s'imposer, mais pour vous aider. Pour cela il faut un partenaire qui soit implanté localement, et c'est le cas de la Caisse qui a une direction régionale et qui vient d'ouvrir une antenne à Bastia. Il faut un partenaire qui sache financer un dossier, mais aussi s'il le faut contribuer à le monter. Il faut un partenaire qui s'intéresse aux grandes réalisations, mais aussi aux projets de proximité, car ici c'est vital. On va le voir tout à l'heure avec la ferme aquacole Gloria Maris, que la Caisse des dépôts a soutenue avec des financeurs locaux et qui a pu se développer à partir de ressources locales.
Ce qu'il faut, et cela n'allait pas de soi, c'est mettre un géant tel que la Caisse aux dimensions humaines de la Corse, ou chaque emploi compte. Il ne suffit pas de dire que le chômage baisse en Corse, même si c'est une bonne nouvelle. Il faut que chaque famille, qui se demande si ses enfants vont pouvoir continuer à vivre ici, prenne espoir. L'avenir ici, ce n'est pas seulement l'emploi public, ce peut être beaucoup de choses nouvelles conçues, voulues, gérées et maîtrisées par des corses C'est cela notre enjeu, et pour cela je remercie encore les deux signataires de s'en gager dans cette convention.