24.07.2006 - Réunion des préfets

24 juillet 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire présentant la nouvelle loi sur l'immigration et l'intégration, lors de la réunion des préfets, à l'Hôtel de Beauvau, le 24 juillet 2006.


Mesdames et Messieurs les Préfets,
Monsieur le Secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration,
Messieurs les directeurs,

1 - Au cours de ces dernières semaines, votre activité, à  l'image de la vie publique nationale, a été dominée par des questions relatives à l'immigration.

Ce n'est pas une spécificité de la France : l'immigration mobilise les dirigeants politiques de toutes les grandes démocraties, à commencer par les États-Unis et nos partenaires européens.

Le thème de l'émigration s'impose, parallèlement, comme une préoccupation fondamentale des pays du Sud. Je viens d'y consacrer plusieurs déplacements en Afrique subsaharienne et au Maroc.

Aucun sujet de société n'est aussi complexe. La politique d'immigration requiert un arbitrage permanent entre des impératifs humanitaires et un enjeu d'intérêt général.

Des impératifs humanitaires, bien sûr, parce que nous avons affaire, non pas à des dossiers, mais à des personnes. Ces étrangers ont quitté leur pays en croyant trouver l'Eldorado en Europe ou en France. Beaucoup ont été trompés par des passeurs criminels.

Un enjeu d'intérêt général, ensuite : compte tenu de ses capacités d'accueil, la France ne peut pas recevoir tous ceux qui voient en elle un Eldorado. J'ai toujours refusé l'idée d'immigration zéro, qui est à la fois immorale et irréaliste, mais je condamne avec tout autant de fermeté l'idée d'une immigration sans limite et d'un monde sans frontières !

Les préfets sont les premiers à constater les conséquences d'une hausse incontrôlée des flux migratoires. Je tiens à saluer le professionnalisme, le sang froid, le sens du service public des fonctionnaires en charge des étrangers dans vos préfectures.

Je n'accepte pas les reproches, les attaques, les injures dont vos collaborateurs et vous-mêmes faites trop souvent l'objet. Les mots ont un sens bien précis : "arbitraire", "déportation", "chasse aux enfants" ! Ceux qui les emploient à des fins politiciennes trahissent la mémoire des victimes de l'époque la plus sombre de notre histoire. Il est honteux d'employer de tels mots au sujet de personnes en situation illégale en France, que l'on reconduit dans leurs pays d'origine après s'être assuré qu'elles n'y courraient pas de risque. Faire respecter les lois de la République, sous le contrôle des juges, c'est notre devoir. Il ne mérite pas l'insulte !

Je vous demande de témoigner, auprès des fonctionnaires placés sous votre autorité, de ma solidarité à leur égard. Et  je vous demande de ne pas laisser passer sans réagir les propos injurieux. Le secrétaire général de la Rochelle a obtenu la condamnation de deux personnes qui l'avaient gravement insulté. Gardons cet exemple à l'esprit.

Nos concitoyens, dans leur immense majorité, ne sont pas dupes de ces manipulations.
Ils attendent de ma part, et aussi de la vôtre, une politique juste, humaine, tenant compte des situations particulières mais aussi une attitude ferme et courageuse, déterminée dans la lutte contre l'immigration illégale et la maîtrise des flux.

 Je reviendrai, tout à l'heure, sur le dossier des familles d'étrangers en situation irrégulière ayant un enfant scolarisé.

 Mais je voudrais, d'abord, remettre en perspective l'action que nous avons conduite ensemble depuis 2002, et vous faire part de nos résultats.

2 - Depuis quatre ans, la maîtrise de l'immigration est, avec la sécurité, au cœur des priorités de mon action. 

 Vous êtes, Mesdames et Messieurs les Préfets, les témoins de l'incurie qui a prévalu en France entre 1997 et 2002. Vous êtes aussi, depuis quatre ans, les acteurs du redressement.

 J'évoquerai 5 dossiers majeurs.

Premier dossier : le Calaisis. 

 En 2002, le hangar de Sangatte se présentait aux yeux du monde comme le symbole honteux des désordres migratoires français. Venus d'Afghanistan, d'Irak, de Somalie ou du Soudan, 2 000 à 3 000 migrants s'entassaient, avec l'espoir de passer en Grande-Bretagne, dans ce camp improvisé par le gouvernement de l'époque. Les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne atteignaient un niveau de tension extrême. Je suis allé plusieurs fois sur place. J'ai fermé le site, qui était devenu une zone de non droit et de ralliement des passeurs criminels.  Certains osent me dire aujourd'hui que la fermeture de Sangatte n'a rien réglé. Le hangar accueillait 2 000 à 3 000 personnes en permanence. Aujourd'hui, les associations sur place délivrent des repas à une centaine de migrants alors qu'on était encore à 250 à l'automne dernier. Les chiffres ont donc été divisés par 20 ou 30. Qui peut dire que rien n'a été réglé ?

 Nous sommes mobilisés en permanence sur le Calaisis : le préfet du Pas-de-Calais, la direction centrale de la police aux frontières, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration.

 L'installation à ma demande, en décembre 2005 d'une borne Eurodac à Coquelles a exercé un puissant effet dissuasif. Elle nous permet désormais de faire réadmettre dans les Etats partenaires de la Convention de Dublin les migrants qui ont présenté une demande d'asile ou ont été enregistrés avant leur venue en France.

Deuxième dossier : la zone d'attente de Roissy. 

 Autre symbole de la situation de pagaille trouvée en 2002 : la zone d'attente de Roissy était submergée par les migrants essayant de rentrer en France sans passeport et sans visa. 500 personnes s'entassaient sur un site prévu pour en recevoir 200 au maximum.

 Là aussi, j'ai pris les décisions qui s'imposaient. J'ai créé les visas de transit et demandé à la police aux frontières d'organiser des contrôles à la sortie des avions en provenance des régions les plus sensibles. J'ai réorganisé les procédures d'asile à la frontière qui expliquaient en partie cet afflux en zone d'attente. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Aujourd'hui, l'affluence en zone d'attente de Roissy oscille autour de 50 à 80 personnes : environ 10 fois moins que ce que nous avons connu en 2002.

Troisième dossier : l'asile. 

 La loi du 11 mai 1998 avait doublé les procédures et les circuits de décision. Un demandeur d'asile pouvait déposer sa demande soit à l'OFPRA, s'il se considérait victime d'une persécution étatique, soit au ministère de l'intérieur, s'il estimait avoir subi des exactions de la part de mouvements non étatiques. Le demandeur d'asile pouvait ainsi présenter successivement une demande d'asile à l'OFPRA puis, une fois débouté, une demande d'asile au ministère de l'Intérieur, et présenter ensuite une demande de réexamen à l'OFPRA, etc., dans une sorte de mouvement perpétuel…

 C'est ainsi qu'en 2002 les délais d'examen des demandes d'asile dépassaient deux ans, parfois trois ! Autant dire que le Gouvernement de l'époque avait créé les conditions d'une installation durable, en France, de déboutés du droit d'asile toujours plus nombreux.

 En 1997, la France était le septième pays au monde pour l'accueil des demandeurs d'asile, avec 20 000 dossiers par an. En 2003, elle avait pris la première place en Europe avec 82 000 demandeurs d'asile. Dans le même temps le nombre de demandeurs d'asile chutait en Grande-Bretagne, passant de 90 000 en 2000 à 60 000 en 2003. Il s'effondrait en Allemagne, passant de 100 000 à 50 000.

 La loi du 10 décembre 2003 a supprimé l'asile territorial et instauré le principe de guichet unique. Grâce aux efforts de recrutement consentis pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés, le délai d'examen des dossiers s'est stabilisé à environ 12 mois. La réforme a également instauré le système de la liste des pays d'origine sûr, permettant de traiter selon la procédure prioritaire les ressortissants de pays respectueux des libertés.

 Sous l'effet de cette réforme décisive, le nombre total de demandeurs d'asile connaît une baisse marquée depuis deux ans :
65 000 en 2004 et 60 000 en 2005. Il continue à s'effondrer en 2006. Si l'on tient compte des seules premières demandes d'asile, leur nombre était de 42 000 en 2005. En 2006, si la tendance se poursuit, il devrait tendre vers les 25 000, soit une baisse de près de 40 %.

 C'est un véritable succès qui couronne nos efforts depuis quatre ans dans ce domaine et nous rapproche enfin de nos partenaires européens, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne.

 J'ai relevé avec un vif intérêt les déclarations au Figaro du 11 juillet de Monsieur Olivier Brachet, directeur général de Forum Réfugiés, l'une des premières associations en charge de l'accueil des réfugiés en France : « La politique gouvernementale porte ses fruits (…). Les étrangers qui tentent la voie de l'asile comme un moyen d'installation sur le territoire sans être pour autant victimes de persécutions politiques ne vont plus payer des passeurs alors qu'ils risquent l'expulsion au bout de quelques mois. ».

Quatrième dossier : la lutte contre l'immigration illégale. 

 A la fin des années 90, le système de lutte contre l'immigration illégale est tombé en panne. Il avait perdu tout caractère dissuasif. Le nombre de mesures d'éloignement ne dépassait pas 10 000 chaque année. Comment lutter contre l'immigration illégale lorsque les migrants savent pertinemment que la probabilité d'être reconduits à la frontière est proche de zéro ?
 
J'ai rompu avec ces années de laxisme.. L'allongement de la durée de la rétention administrative que la loi du 26 novembre 2003 a fait passer de 12 à 32 jours, a profondément modifié les conditions de lutte contre l'immigration clandestine. De plus, la capacité de rétention administrative a fortement augmenté. J'ai convaincu Bercy de financer un programme très ambitieux de développement des centres de rétention : 968 places en juin 2002, 1 447 places aujourd'hui, 2 500 places en juin 2007.

J'ai tenu, vous le savez, à mobiliser les préfectures et les services de police en vous fixant des objectifs quantitatifs annuels d'éloignement. Mois après mois, préfecture par préfecture, je suis ces indicateurs avec la plus grande attention.

Les résultats sont là : le nombre de reconduites à la frontière exécutées a doublé en trois ans, pour atteindre 20 000 en 2005.

Au total, en 2005, plus de 55 000 étrangers ont été renvoyés hors de France métropolitaine (20 000 éloignements d'étrangers présents en France ; 23 000 refoulements ou refus d'admission et 12 400 réadmissions vers des pays européens).

Je vous le dis avec fermeté : l'effort de reconduites à la frontière – qui est le plus difficile – doit être poursuivi avec la plus grande vigueur.

En 2006, nous sommes actuellement sur un rythme de reconduites à la frontière équivalent à celui de 2005 : il tend vers 20 000 reconduites sur douze mois. C'est encore insuffisant, au regard de l'objectif de 25 000 qui vous a été assigné.  Je suis conscient de vos contraintes. Mais je vous demande de tout mettre en œuvre pour remplir cette mission essentielle que je vous ai confiée.

J'ajoute que je vous demande de maintenir vos efforts en matière d'aide au retour volontaire. Depuis l'automne 2005, 843 personnes en ont effectivement bénéficié et ont regagné leur pays. C'est une amorce encourageante. Je vous invite à persévérer !

Vous allez progressivement disposer de nouveaux outils de lutte contre l'immigration illégale, grâce à la généralisation des visas biométriques. Nos postes consulaires délivrent 1 900 000 visas de court séjour chaque année. Il est évident qu'une partie de ces visas est détournée par des personnes qui, introduites régulièrement en France, s'y maintiennent irrégulièrement. Etendu à l'ensemble des consulats d'ici 2008, le système des visas biométriques va considérablement faciliter les mesures d'éloignement, en identifiant les étrangers clandestins et leur nationalité.

Dans l'attente, des actions diplomatiques vigoureuses nous permettent aujourd'hui d'atteindre des résultats nettement plus satisfaisants en matière de délivrance des laissez-passer consulaires : 45% de réponses positives et dans les temps, contre moins de 20% il y a quelques années.

Mais il ne suffit pas de reconduire à la frontière les migrants en situation illégale, qui sont bien souvent les victimes de passeurs criminels. La lutte contre l'immigration clandestine passe d'abord par la répression des filières.

Les arrestations de passeurs ont plus que doublé en trois ans : de 1 150 en 2002 à 2 300 en 2005. Au premier semestre 2006, ce sont 1 562 auteurs d'aide à l'immigration irrégulière (dont 976 employeurs de travailleurs illégaux) qui ont été interpellés, soit une augmentation de +22% par rapport à l'année passée.
 C'est un travail de longue haleine, dont je remercie la police aux frontières. Ces chiffres marquent la réussite de notre action dans la lutte contre ce fléau qu'est la traite des personnes humaines.

Cinquième dossier : la maîtrise de l'immigration  familiale. 

En six ans, de 1997 à 2003, les statistiques de l'immigration régulière se sont accrues dans des proportions importantes. Le nombre des premiers titres de séjour délivrés en France est passé de 120 000 en 1997 à 160 000 en 2002, sans compter les Communautaires ni les enfants. Cette hausse n'est en aucun cas le résultat d'une volonté politique de faire venir en France des migrants dont notre pays aurait besoin. Elle est due à une augmentation considérable de l'immigration à caractère familial qui a presque doublé en cinq ans, passant de 53 000 en 1999 à plus de 100 000 en 2004.

D'où une situation très préoccupante. Cette croissance des flux s'effectue en dehors de toute prise en compte des capacités d'accueil de notre pays, par exemple en matière d'emploi ou de logement. Ce n'est pas un hasard si la France bat tous les records de chômage des étrangers : 20% des étrangers en France sont demandeurs d'emploi. Il manque environ 500 000 logements sociaux dans notre pays.

Les conséquences de cet état de fait peuvent conduire à de véritables tragédies. Je pense bien sûr aux incendies des 25 et 29 août 2005 à Paris qui ont entraîné la mort de 24 personnes originaires d'Afrique, dont de nombreux enfants, logés dans des squats et des taudis insalubres.

Je veux en finir avec cette situation ! C'est tout l'enjeu de la nouvelle loi. Malgré l'ampleur du travail accompli depuis quatre ans, la remise en ordre de la politique française de l'immigration n'en est qu'à ses débuts.

3 - J'en viens au sujet d'actualité immédiate, qui mobilise  les préfectures au cœur de l'été : la situation des familles  d'étrangers ayant des enfants scolarisés.

Depuis quelques semaines, vous devez gérer ce dossier très délicat, dans le cadre des instructions que je vous ai adressées le 13 juin.

 Nous subissons encore le passif des années 1997-2002. Les difficultés que nous rencontrons avec les familles en situation irrégulière ayant des enfants scolarisés en sont l'héritage.

 La plupart de ces familles sont entrées en France à cette époque, attirées par le système d'asile particulièrement laxiste. Elles ont scolarisé leurs enfants en France. Puis elles ont été déboutées du droit d'asile en 2003, 2004 et 2005 et se sont installées dans une semi-clandestinité.

Je ne vais pas revenir dans le détail sur l'application de la circulaire du 13 juin. Sa mise en œuvre a donné lieu à des réunions au ministère, en votre présence ou celle de vos secrétaires généraux. Le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, avec son équipe, se tient à votre disposition pour vous éclairer sur l'application de la circulaire. J'ai en outre désigné un médiateur indépendant, Me Arno KLARSFELD, personnalité chargée de présenter un avis sur les situations les plus sensibles et les plus délicates d'un point de vue humanitaire.

J'ai un message clair à vous transmettre.

Nous ne sommes en aucun cas dans la perspective d'une opération de régularisation globale ouverte aux familles en situation irrégulière. Nous restons dans une logique d'examen, au cas par cas, de situations individuelles, à titre humanitaire.

 Evidemment, la circulaire n'a pas pour effet d'abroger le code de l'entrée et du séjour des étrangers. Elle n'a pas vocation à se substituer aux procédures de droit commun, comme le regroupement familial ou la demande d'asile ! Elle n'a pas plus vocation à suspendre l'application de la "convention de Dublin" !

La circulaire énonce 6 critères, qu'il vous appartient de mettre en œuvre dans le cadre de votre pouvoir d'appréciation.

Le principe général est simple : je ne veux pas que des enfants nés en France ou qui y sont entrés très jeunes, n'ayant aucune attache, aucun souvenir dans leur pays d'origine, y soient reconduits par la force.

Mais j'exclus tout autant l'idée qui consisterait à régulariser l'ensemble des familles en situation irrégulière en France ! Cela reviendrait à déclencher un appel d'air et à créer une nouvelle filière d'immigration vers la France.

Vous le savez, des opérations de régularisation globale ont été mises en œuvre à plusieurs reprises dans le passé. 120 000  personnes en 1981, puis 80 000 en 1997, ont été régularisées. Ces opérations ont à chaque fois provoqué un puissant effet d'appel d'air. Le migrant régularisé fait venir sa famille. Il indique à ses amis, dans son village, que l'émigration vers la France est possible. Des filières se créent. Et, dans les pays d'origine, le signal est bien reçu : la frontière est ouverte ! L'expérience de l'Italie et de l'Espagne est particulièrement révélatrice. Après avoir régularisé un million de clandestins entre 2000 et 2004, l'Espagne a dû régulariser 570 000 migrants au premier semestre 2005. En 2002 et 2003, l'Italie a régularisé un million de personnes. Et le Gouvernement italien vient d'annoncer une nouvelle régularisation de 500 000 personnes en 2006.

Les régularisations globales contribuent à la confusion et au désordre. Renouer avec ces pratiques déclencherait un flux massif et incontrôlé, aux conséquences désastreuses pour notre pacte social. Il n'est donc évidemment pas question de régulariser toute famille qui scolarise ses enfants en France !

J'insiste donc sur le fait que la circulaire du 13 juin a un caractère ponctuel et sur la nécessité de prendre en compte les 6 critères qu'elle définit – y compris, naturellement, la "volonté d'intégration" de la famille.

Cette circulaire vise à apurer un passif. Elle est enserrée dans des dates précises que je vous demande de respecter : vous n'accepterez plus de demande d'examen après la mi-août et vous veillerez à traiter les dossiers qui vous sont soumis avant la rentrée de septembre.

A ce stade, à la date du 13 juillet :

• 14 000 étrangers adultes ont déposé une demande de régularisation ;
• 9 000 convocations ont été délivrées, pour un examen approfondi ;
• 1 280 dossiers d'adultes ont été examinés ;
• sur ces 1 280 dossiers,
o 580 ont fait l'objet d'une décision de régularisation
(= délivrance de cartes de séjour à des étrangers adultes) ;
o 700 ont été rejetés.

Ce sont des chiffres provisoires.

On peut raisonnablement s'attendre à ce que, au total, 20 000 demandes soient présentées, ce qui pourrait aboutir à l'attribution de 6 000 cartes de séjour.

Une fois ce passif apuré, il va de soi que la loi devra s'appliquer.  

4 – C'est l'enjeu majeur des mois à venir : la mise en œuvre de la loi relative à l'immigration et à l'intégration.

 Vous le savez : le Conseil constitutionnel, jeudi dernier, a entièrement approuvé la loi relative à l'immigration et l'intégration. Les décrets d'application, dont la plupart doivent être soumis au Conseil d'Etat, seront publiés avant le 1er janvier 2007. Nous sommes donc, dans les mois à venir, dans une période de transition, qui requiert toute votre attention.

 Au cours des 100 heures de débats parlementaires, j'ai observé que la plupart des critiques de l'opposition témoignaient d'un sentiment de défiance à l'égard des autorités publiques. Le thème de « l'arbitraire de l'administration » est revenu comme un leitmotiv.

 J'ai pris le parti inverse : celui de la confiance à l'endroit des représentants de l'Etat. La réforme aura en effet pour conséquence de renforcer sensiblement le rôle des préfets. Je me félicite d'ailleurs que la préparation du projet de loi ait donné lieu, pour la première fois, à une consultation intense des préfets à travers les questionnaires qui vous ont été adressés à l'hiver dernier.

 Je souhaiterais maintenant aborder les principales réformes, qui auront très vite de fortes implications pour vous sur le plan opérationnel.

Première réforme : l'immigration choisie.  

L'immigration choisie, c'est d'abord l'expression de la souveraineté de la France. C'est le droit pour notre pays, comme toutes les grandes démocraties du monde, à choisir ceux des étrangers qu'il décide d'autoriser à séjourner sur son territoire.

En pratique, dans vos préfectures, la mise en œuvre de l'immigration choisie consistera d'abord à modifier les conditions d'accueil des étudiants et des travailleurs étrangers. 

Les étudiants

La nouvelle loi améliore sensiblement les conditions d'accueil des étudiants étrangers en France, par 2 mesures importantes.

La première est une mesure de simplification : désormais, certains étudiants munis d'un visa de long séjour pourront obtenir de plein droit, à leur arrivée en France, un titre de séjour. Ils n'auront plus besoin de se présenter en préfecture pour obtenir ce titre, qui leur sera remis à l'occasion de leur visite médicale dans les locaux de l'ANAEM. Bénéficieront de cette simplification les boursiers du gouvernement français, les lauréats des concours d'entrée dans les grandes écoles, les titulaires d'un baccalauréat français obtenu dans un lycée français à l'étranger et, enfin et surtout, tous les étudiants étrangers ayant obtenu un visa de long séjour par l'intermédiaire d'un centre pour les études en France (CEF) et inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur ayant à cette fin passé convention avec l'Etat.

Dans le même esprit de simplification, la réforme prévoit que les étudiants étrangers admis à suivre une formation en vue de l'obtention d'un master pourront obtenir un titre de séjour valable pour plusieurs années – ce qui, là aussi, les dispensera de revenir chaque année en préfecture.

La seconde innovation du projet de loi concerne la possibilité pour un étudiant étranger de travailler en France. L'autorisation d'exercice d'une activité salariée pendant la durée des études est portée à 60 % de la durée de travail annuelle. En outre, la nouvelle loi ouvre à certains étudiants étrangers la possibilité de compléter leurs études en France par une première expérience professionnelle. Ceux qui auront obtenu un master pourront, s'ils le souhaitent, se maintenir en France pendant 6 mois pour trouver un emploi correspondant à leur formation.

Vous devrez alors leur délivrer une autorisation de travail sans leur opposer la situation de l'emploi, si vous estimez que cette première expérience professionnelle en France est utile pour préparer le retour du jeune diplômé vers son pays d'origine et contribuer, ainsi, au développement de ce pays. Il s'agit donc d'un dispositif équilibré, qui permettra à notre pays d'accueillir les meilleurs étudiants étrangers jusqu'alors découragés par l'impossibilité d'obtenir un emploi à l'issue de leurs études en France, tout en veillant à ce que les étudiants originaires des pays en voie de développement inscrivent leur projet en France dans la perspective d'un retour dans leur pays d'origine.

Et c'est ce qui fait le lien avec l'immigration pour motifs professionnels.

Les travailleurs étrangers

L'économie française a du mal à pourvoir certains emplois. Pourtant, depuis la fermeture de l'immigration du travail après la crise de 1974, le nombre de recrutements à l'étranger est extrêmement faible.

Notre pays a accordé seulement 5 600 titres de séjour à des salariés étrangers venus en France pour des motifs professionnels. 5 600 titres, c'est 3,4 % du nombre total des titres de séjour délivrés en 2005. C'est l'inverse de ce que font les grands pays occidentaux et notamment le Royaume-Uni, le Canada, les Etats-Unis ou l'Australie.

Sans pour autant engager la France dans la voie d'une ouverture générale de l'immigration du travail, qui serait irresponsable dans le contexte actuel du chômage, j'ai souhaité assouplir cette pratique pour répondre à des besoins ponctuels de notre économie.

La nouvelle loi prévoit donc que pour certains métiers et certaines zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement, un salarié étranger pourra se voir délivrer un titre de séjour sans que lui soit opposable la situation de l'emploi. Vous aurez à expliquer cette réforme, localement, aux partenaires économiques et sociaux.

Dans le même esprit, les étrangers porteurs d'un projet économique, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif pourront obtenir une carte "compétences et talents", qui sera valable 3 ans et permettra à l'intéressé de s'installer immédiatement en France avec les membres de sa proche famille.

La carte sera délivrée par le ministère de l'Intérieur, selon une logique de guichet unique. Les critères de délivrance seront précisés par une commission ad hoc, qui évaluera le dispositif au regard de sa contribution au développement des pays d'origine. La demande de carte sera adressée au consul lorsque l'étranger réside à l'étranger, et au préfet lorsque l'étranger réside en France. Il vous appartiendra donc de recevoir les "candidatures" d'étrangers souhaitant bénéficier de cette nouvelle carte.

Cette mesure a été conçue avec la préoccupation absolue d'éviter le risque de "pillage des cerveaux". Pour les pays de ce qu'on appelle la "zone de solidarité prioritaire" (pays en voie de développement), la délivrance de la carte "compétences et talents" est, en effet, subordonnée à la signature par la France d'un accord de co-développement avec le pays d'origine, ou bien à l'engagement de l'étranger de retourner dans son pays au bout de 6 ans.

J'ajoute que la nouvelle loi simplifie aussi les procédures d'admission au séjour des travailleurs saisonniers et des salariés en mission qui viennent en France pour quelques mois avant de repartir travailler dans une filiale de leur entreprise à l'étranger.

Deuxième réforme : l'immigration familiale.  

Votre mission, en cette matière, va être profondément transformée. Chaque Préfet disposera de nouveaux outils destinés à assurer l'exercice du regroupement familial dans des conditions conformes à l'intérêt des familles comme à celui de notre pays.

J'évoquerai 4 changements : le regroupement familial, les cartes "vie privée et familiale", le régime du séjour des conjoints de Français, la lutte contre la polygamie.

(1) La nouvelle procédure du regroupement familial

Vous aurez désormais le devoir de vous opposer à la venue de la famille d'un étranger qui ne respecte pas les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France, pays d'accueil : monogamie, égalité de l'homme et la femme, respect de l'intégrité physique de l'épouse et des enfants, respect de la liberté du mariage, assiduité scolaire, respect des différences, acceptation de la règle selon laquelle la France est une République laïque...

Ainsi, un  étranger ne respectant pas nos valeurs ne sera plus autorisé à faire venir son conjoint et ses enfants. Vous pourrez solliciter l'avis du maire avant d'arrêter votre décision. J'entends, de la sorte, renforcer le partenariat entre le préfet et le maire dans la gestion de l'immigration.
 
J'ajoute que la durée minimale de séjour en France avant de pouvoir solliciter le regroupement familial est portée de douze à dix huit mois, ce qui vous donnera une période de temps suffisante pour évaluer les efforts d'intégration de l'intéressé.

L'appréciation des conditions de logement des familles est également modifiée. Le critère du logement était, jusqu'à présent, déterminé par une règle uniforme, fixée dans le cadre d'un décret du 6 juillet 1999, repris en mars 2005. Totalement inadaptée aux réalités de terrain, cette règle permettait de faire venir en France une famille de sept personnes dans un appartement d'une surface de 61 mètres carrés… Beaucoup d'entre vous m'aviez signalé cette anomalie aux conséquences parfois désastreuses.

Désormais, le critère de surface sera fixé par un décret en fonction des réalités du logement pour chaque région géographique. La prise en compte de la diversité locale est nécessaire pour garantir l'intégration des familles étrangères, qui doivent pouvoir vivre dans les mêmes conditions que des familles françaises comparables.

La réforme introduit enfin un changement majeur dans la prise en compte des ressources indispensables pour être autorisé à faire venir sa famille. Désormais, les allocations et les prestations sociales sont exclues des ressources prises en compte (à l'exception de l'allocation pour adulte handicapé). Seul le revenu d'un travail permettra de faire venir sa famille, ce qui constitue un gage de stabilité pour l'étranger et sa famille.

(2) La carte de séjour "vie privée et familiale"

La situation était particulièrement incertaine jusqu'à présent, à mesure de la diversité des jurisprudences des tribunaux administratifs. Ces incohérences provenaient du caractère très lapidaire de la législation. La nouvelle loi est plus précise. Vous serez désormais amenés à apprécier les liens personnels et familiaux à la lumière de plusieurs critères tel que l'intensité, la stabilité, et l'ancienneté de la vie commune en France, les conditions d'existence  et l'insertion de l'étranger dans la société française.

(3) Le séjour des conjoints de Français

La loi nous donne de nouveaux moyens pour lutter contre les mariages frauduleux, en particulier les mariages blancs et les mariages forcés, sans porter atteinte à la liberté du mariage.

Désormais, l'étranger qui épouse un ressortissant français devra justifier de trois ans de vie commune en France avant d'obtenir une carte de résident. Pendant une année, cette carte pourra être retirée en cas de rupture de la vie commune, sauf si celle-ci résulte de violences conjugales. Quant à l'obtention de la nationalité française, elle interviendra désormais après quatre ans de vie commune.

En amont, l'obtention d'un visa de long séjour devient la condition légale de l'entrée sur le territoire d'un conjoint de Français. La délivrance du visa de long séjour ne peut alors être refusée par le consul qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public.

Cette mesure, qui s'inspire des modèles allemand, britannique, espagnol, vise à sortir d'une situation très confuse : aujourd'hui, très souvent, un étranger entre en France avec un visa de court séjour, se marie et obtient automatiquement une carte de séjour en préfecture.

Il reste que le législateur a voulu éviter de pénaliser les conjoints de Français en situation irrégulière mais dont le mariage en France est sincère. Pour éviter à ces derniers la contrainte d'un aller et retour obligatoire dans leur pays, la nouvelle loi prévoit que la demande de visa de long séjour est alors déposée, sous certaines conditions, auprès du préfet. Des instructions précises vous seront données pour mettre en œuvre ce nouveau dispositif, qui nécessite des échanges d'informations entre les préfectures et nos consulats à l'étranger. Depuis la Conférence préfectorale et consulaire que j'ai présidée à Marseille, le rapprochement des réseaux préfectoral et consulaire a progressé : nous pourrons appliquer la réforme dans de b bonnes conditions de coopération.

(4) La lutte contre la polygamie

Ce phénomène concerne 20 000 familles en France et environ 120 000 personnes. Je vous demande de redoubler vos efforts, qui me paraissent aujourd'hui très insuffisants à cet égard. Je le répète : vous devez faire usage de vos pouvoirs de retrait de titre de séjour aux étrangers polygames.

Et vous devrez faciliter la mise en œuvre, sur le terrain, du nouveau dispositif de mise sous tutelle des allocations familiales. Aux termes de la nouvelle loi, le juge des enfants pourra désormais, en cas de polygamie, placer les allocations familiales sous tutelle et les confier à une personne qualifiée dans l'intérêt de l'enfant. Je vous demande de mobiliser les acteurs locaux pour donner toute sa portée à ce nouveau dispositif. 

Troisième réforme : le parcours d'intégration.  

Le contrat d'accueil et d'intégration est rendu obligatoire pour tous les migrants qui entrent en France dans la perspective de s'y installer. Il est nécessaire que vous vous impliquiez personnellement dans le suivi de ce dossier. Vous vous appuierez sur l'ANAEM. Mais vous devez piloter vous-même la mise en œuvre de ce dispositif.

Le contrat d'accueil et d'intégration devient, en effet, un outil décisif de la réussite de la politique française de l'immigration. Par la signature de ce contrat, le primo-arrivant s'engagera à suivre une formation civique et si nécessaire, linguistique, sanctionnée par un diplôme. Le respect du contrat devient, en aval, une condition de l'obtention de la plupart des cartes de résident.

En effet, le droit d'installation durable en France perd son caractère d'automaticité, sauf dans certains cas – celui, par exemple, des réfugiés. Il repose désormais sur le mérite des ressortissants étrangers, leur engagement à respecter les principes de la République et le respect effectif de ces principes.
 
Il s'agit là d'un changement profond de la philosophie même du droit des étrangers.

Une responsabilité nouvelle va désormais incomber aux préfets, puisqu'il vous reviendra d'apprécier le respect par un étranger de ses obligations d'intégration. Vous devrez, pour cela, vous appuyer sur l'avis du maire.

J'ajoute que vous aurez un rôle majeur à jouer pour généraliser les cérémonies d'accueil dans la citoyenneté, pour toutes les personnes qui acquièrent la nationalité française. C'est un progrès symbolique important en faveur de l'intégration, jusqu'à l'assimilation à la communauté nationale.

Quatrième réforme : de nouveaux outils de lutte contre l'immigration clandestine et le travail illégal.  

La grande complexité et la lourdeur des procédures qui pèsent sur les services préfectoraux et les juridictions ont justifié une profonde simplification du régime de l'éloignement, dans le respect des garanties offertes aux étrangers.
Pour l'essentiel, la réforme consiste à abandonner la distinction entre le refus de séjour et l'arrêté de reconduite à la frontière. Il s'agit donc de fusionner, dans une seule décision, le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français, exécutoire à l'expiration du délai de retour volontaire d'un mois, ainsi que la mention du pays de renvoi. J'attends de cette réforme un allègement du travail des préfectures et, par conséquent, une meilleure mobilisation de vos moyens pour réussir les éloignements d'étrangers en situation irrégulière.

La nouvelle loi comporte, par ailleurs, une batterie de mesures permettant de mieux lutter contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail. La principale des ces dispositions est celle qui fait obligation à tout employeur, avant d'embaucher un salarié étranger, de s'assurer auprès de vos services de ce que cet étranger est bien titulaire d'une autorisation de travail.

Ces nouveaux outils juridiques de lutte contre le travail illégal n'ont de sens que si vous les mettez en œuvre avec détermination.

Je regrette que les résultats des opérations "coups de poing" que je vous ai demandées de conduire, afin de lutter contre l'emploi d'étrangers sans titre, soient inférieurs, au premier semestre 2006, à ceux du dernier trimestre 2005.

Je vous demande donc de redoubler d'efforts pour lutter contre le travail illégal et de me rendre compte précisément des obstacles que vous rencontrez. J'ai d'ores et déjà relevé, dans vos compte rendu, que l'inspection du travail pourrait être plus mobilisée.

Cinquième réforme : de nouveaux instruments de lutte contre la délinquance des étrangers.

 La plupart des immigrés présents sur notre sol, comme la plupart des Français, n'aspirent qu'à la tranquillité. C'est pourquoi il faut être ferme à l'encontre de la minorité qui perturbe l'ordre public.
 
 La nouvelle loi, d'une part, vous permettra d'interdire le retour en France d'étrangers ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pour atteinte à l'ordre public pendant la durée d'un court séjour en France. C'est une mesure qui sera très utile à l'encontre des délinquants étrangers qui dirigent des réseaux d'exploitation de la prostitution ou de la mendicité.

D'autre part, la loi vous donne le pouvoir de retirer leur carte de résident à des étrangers protégés contre l'expulsion mais qui ont été condamnés à une peine de prison pour des faits de rébellion, d'intimidation ou d'outrage aux personnes chargées d'une mission de service public. Ces étrangers se verront délivrer une simple carte de séjour d'un an et ne pourront donc retrouver leur carte de 10 ans que s'ils font des efforts pour s'intégrer.

Sixième réforme : la gestion de l'accueil des demandeurs d'asile. 

 Nous devons poursuivre, avec la plus grande détermination, les efforts de réduction du délai d'examen des demandes d'asile.

 La réforme des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) vous y aidera. Je vous avais demandé en début d'année de lutter contre l'engorgement des CADA par les déboutés ou par les réfugiés. La nouvelle loi interdit d'accueillir en CADA un réfugié ou un débouté et réserve ces établissements aux seuls demandeurs d'asile dont la demande est en cours d'instruction. Il reste encore beaucoup d'efforts à faire pour atteindre cet objectif.

J'ajoute que le remplacement de l'allocation d'insertion par l'allocation temporaire d'attente, décidée par le législateur lors du vote de la loi de finances pour 2006, va pouvoir entrer en application à la rentrée de septembre. Vous devrez proposer systématiquement un hébergement en CADA à tout nouveau demandeur d'asile et, en cas de refus, l'intéressé sera privé de la nouvelle allocation.

Septième et dernier élément de la réforme : le cadre des régularisations.

 J'ai souhaité aborder ce point à la fin de mon intervention, pour faire le lien entre l'application de la circulaire du 13 juin dans le cadre de la loi actuelle, et la mise en œuvre de la nouvelle loi.

Vous savez que l'une des dispositions les plus commentées de ce texte a été la suppression de la régularisation de droit après dix ans de séjour illégal. Je ne reviendrai pas sur cette mesure de bon sens. Ce système revenait à encourager la clandestinité et à donner de la France l'image d'un pays où l'on récompense celui qui réussit à ne pas respecter la loi dans la durée !
 
Cependant, j'ai bien conscience que le retour dans le pays d'origine après 10 ans de séjour illégal en France est parfois inconcevable. C'est pourquoi, dans cette hypothèse, le dossier de l'étranger devra être soumis à la commission des titres de séjour, qui vous donnera un avis. Vous devrez donc, à l'automne, réactiver cette commission. Il reste que le critère des dix ans ne sera plus, à  lui seul, créateur d'un droit à régularisation. Il vous reviendra de prendre en compte d'autres paramètres, en rapport avec le comportement général de l'intéressé.

La suppression de l'automaticité des régularisations après dix ans de clandestinité facilitera a contrario la prise en compte, au cas par cas, de situations dignes d'intérêt avant cette échéance de dix ans.

C'est dans cet esprit que le législateur a consacré le pouvoir de régularisation du préfet. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit désormais une « admission exceptionnelle au séjour », décidée par le préfet. Elle peut avoir deux fondements : des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels que l'étranger fait valoir, par exemple une compétence particulière, une aptitude professionnelle qui rend sa présence bienvenue dans notre pays. On rejoint ici, vous le voyez, la logique d'immigration choisie.

Vous serez donc appelés, dans le cadre de votre pouvoir d'appréciation, à prendre en compte, un faisceau d'indices combinant la situation humanitaire et l'intérêt du maintien en France d'un l'étranger au regard de sa compétence, de son dynamisme, de sa volonté de s'intégrer par le travail. Afin d'harmoniser les conditions de la mise en œuvre de ce dispositif, la loi met en place une Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, composée de représentants des administrations, du monde associatif et des élus.

Ce dispositif sera mis en œuvre dès la publication d'un décret soumis cet été à l'examen du Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs les Préfets,
Monsieur le Secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration,
Messieurs les directeurs,

Cette longue intervention m'a paru nécessaire pour vous faire part, de vive voix, de votre "feuille de route" pour les mois à venir. J'ajoute que j'adresserai à chacun des préfets d'outre-mer une instruction écrite, tenant compte des spécificités de leur territoire.

 Je me réjouis des résultats que nous avons obtenus ensemble depuis 2002 mais l'heure n'est pas à l'auto-satisfaction. L'heure est à la mobilisation !

 Les Français attendent de vous et de chacun des agents des préfectures une totale détermination pour conduire, sur le terrain, la réforme du système d'immigration. Je sais pouvoir compter sur votre capacité à mobiliser vos équipes. Je vous remercie de votre attention.