24.03.2006 - Rencontre avec les services de police et gendarmerie

24 mars 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, le 24 mars 2006 à l'Hotel de Beauvau, lors de sa rencontre avec les services de police et de gendarmerie, au lendemain de manifestations


Mesdames et Messieurs,

J'ai tenu à vous réunir aujourd'hui pour une raison simple : les manifestations que nous connaissons depuis quelques semaines sont en train de changer de visage.

Je vous ai donné la semaine dernière des instructions claires. Je vous ai demandé de faire preuve de discernement, de faire en sorte que les manifestants puissent manifester dans la paix et de vous montrer intransigeants avec les casseurs.

Je tiens à rendre hommage au sang-froid et au professionnalisme dont vous avez fait preuve, vous et les unités que vous commandez. Vous avez été engagés sur tous les sites et vous avez su faire face au déchaînement de violence de certains éléments. Les contacts établis avec les organisateurs nous ont permis d'éviter le pire.

Je pense aujourd'hui aux 453 blessés, dont 90 pour la seule journée d'hier, que nous comptons dans nos rangs. Je veux leur renouveler tous mes voeux de prompt rétablissement. Votre dévouement honore la police et la gendarmerie nationales et je veux que vous sachiez que tous les Français vous sont reconnaissants du travail accompli.

Hier, nous avons assisté à Paris, mais aussi en plusieurs villes de province, à une nouvelle tournure dans les violences. Des casseurs en nombre, organisés, s'en sont pris encore une fois aux forces de l'ordre, et – ce qui est nouveau – aux manifestants et aux passants, notamment pour les voler.

Rien ne justifie que vous soyez ainsi l'objet d'attaques physiques de cette nature. Rien ne justifie que des commerces soient pillés, des véhicules incendiés, des passants détroussés.
Manifester est une liberté publique. Détruire, brûler, blesser sont des délits qui doivent être punis en tant que tels.

Je sais que pour nous l'équilibre est fragile et que lorsque ce sont des jeunes qui manifestent, maintenir l'ordre public est un exercice encore plus difficile. Je sais qu'une intervention des forces de l'ordre à l'égard d'un casseur est toujours susceptible d'entraîner des réactions de solidarité susceptibles de dégénérer. Je sais qu'il est extrêmement difficile de faire le tri au sein d'une foule entre ceux qui manifestent pacifiquement et ceux qui veulent créer du désordre.

Mais nous ne pouvons accepter que certains cherchent à instaurer le règne de la terreur.

Je suis à la tête du ministère de l'intérieur garant de la sécurité de chacun. De celle des manifestants, de celle des non manifestants et de la vôtre.

Face à l'évolution de la situation, je vous demande de mettre en place des dispositifs particulièrement adaptés à l'interpellation des fauteurs de troubles.

Nous ne sommes plus confrontés à de simples manifestations. Des délinquants de plus en plus nombreux profitent de la situation. Hier soir, un jeune de 21 ans a été grièvement blessé à la tête et opéré cette nuit. En arrivant aux urgences, il a déclaré qu'il avait été  agressé par des casseurs. Nous avons su adapter nos dispositifs lors des violences de novembre dernier. Il faut que cette fois encore nous nous adaptions.

Vous êtes ici ensemble, CRS, gendarmes mobiles, policiers de la sécurité publique, des renseignements généraux, de la police judiciaire. Chacun d'entre vous doit être impliqués.

Je demande au préfet de police, aux préfets et aux directeurs départementaux de la sécurité publique d'être particulièrement attentifs aux contacts préalables avec les organisateurs. La responsabilité de tous est engagée et vous devez insister sur la nécessité pour eux de mettre en place des services d'ordre internes qui soient adaptés aux risques.

Je demande aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie et au préfet de police de veiller à l'interpellation des individus violents, et de mettre au point les dispositifs tactiques nécessaires. Depuis le début du mouvement, 1 420 ont déjà été interpellés, dont 630 pour la seule journée d'hier. Notre réponse policière et judiciaire doit être à la hauteur des problèmes que nous devons affronter.

Les services judiciaires doivent être impliqués, nous devons obtenir la condamnation de tous ceux qui commettent des délits. Les renseignements généraux doivent être mobilisés pour identifier les casseurs.

Pour parler simplement vous devez mettre en place des groupes opérationnels d'interpellation avec éventuellement des fonctionnaires en tenue civile couplés aux unités de maintien de l'ordre.

Vous devez multiplier les contrôles dans les gares ou les stations de métro tant avant la manifestation qu'au retour pour dissuader, interpeller et mettre à disposition de la justice les délinquants.

Je vous demande aussi de prendre les contacts nécessaires  pour sécuriser les itinéraires et les abords. Vous devez veiller à l'enlèvement de tous ce qui peut être une arme par destination.

Nous devons prévoir les risques, montrer notre force, préserver l'ordre public, interpeller les casseurs.

Je sais que ces exigences sont apparemment contradictoires. Je sais que c'est un art très difficile. Ce que je vous demande, c'est en plus de votre professionnalisme unanimement reconnu, un discernement de tous les instants, une adaptation permanente à la situation que seules votre expérience et votre présence sur le terrain permettent d'obtenir.

Nous avons surmonté ensemble les violences urbaines du mois de novembre. Je vous demande, dans la nouvelle crise que nous avons à gérer, de réussir le triple défi de faire respecter le droit de manifester, de prévenir les violences, et de déférer leurs auteurs à la Justice, afin de les faire condamner.