23.06.2006 - Cérémonie de sortie de la 10ème promotion de lieutenants de police

23 juin 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de la cérémonie de sortie de la 10ème promotion d'élèves lieutenants de police à l'Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Police, à Cannes-Ecluse (Seine-et-Marne)


Mesdames et Messieurs,

Voici venu le moment que vous attendiez et pour lequel vous avez été formés pendant 18 mois. Aujourd'hui, vous devenez des officiers de la police nationale ! Cette distinction fait de vous des hommes et des femmes de devoir, dont la charge est de défendre et de promouvoir l'un de nos droits les plus sacrés : le droit à la sécurité.

Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, en présence de vos familles et je veux, en venant ici, à l'Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Police de Cannes-Ecluse, vous manifester ma confiance, et, par delà, celle de tous nos concitoyens.

Vous allez dans quelques jours rejoindre vos affectations et je vous adresse toutes mes félicitations pour votre choix professionnel et pour tous les efforts que vous avez accomplis dans cette école.

Ces efforts sont aujourd'hui récompensés.

Mes félicitations vont aussi aux 20 auditeurs étrangers qui achèvent, ce jour même, leur formation.

Avant la prise de vos premières fonctions, cette cérémonie est un moment solennel, un moment de fierté pour vous et vos familles.
Vous allez désormais porter les insignes d'officier de la police nationale. C'est un honneur et une haute responsabilité. Votre mission, il n'en est pas de plus noble, sera de défendre les libertés publiques et de protéger la vie et la tranquillité de nos concitoyens.

Elle exigera de votre part du courage, de la détermination, de la disponibilité, mais aussi de la générosité. Au cœur des tensions sociales et des passions humaines, votre métier sera difficile mais il sera passionnant.

Vous êtes, désormais, garants des institutions de la République. Vous êtes les serviteurs de ses lois et les protecteurs de nos droits.

Les Français placent leur confiance en vous. Cette confiance vous oblige. Elle éclaire vos devoirs.

Vous êtes officiers de police. Ce mot n'est pas anodin, il a une dimension particulière. Vous représentez dorénavant le corps de commandement.
Alors commander, qu'est ce que cela veut dire? Cela veut dire que vous êtes le lien, tout simplement.
Vous êtes le lien entre la population et la police, mais vous êtes aussi le lien entre tous les grades de votre noble institution.
Vous avez de belles responsabilités: responsabilité des missions qu'on vous confie, mais aussi responsabilité des hommes et des femmes que vous commandez.
Mais je crois que ce qui fait l'intérêt de vos fonctions, et ce quelle que soit votre direction d'appartenance, c'est que vous êtes polyvalents.
C'est ce qu'on attend de vous, les officiers, car vous êtes les cadres de la police nationale.

Par votre dynamisme, vos initiatives, votre persévérance et votre exemplarité, j'attends que vous donniez aux hommes et aux femmes que vous allez encadrer la volonté de se dépasser. Je veux que nos concitoyens voient en vous les interprètes de l'Etat républicain, cet Etat efficace, ferme et juste, qu'ils appellent de leurs vœux.

Votre rôle est de faire respecter son autorité et de porter haut les valeurs de la police nationale en veillant scrupuleusement au respect de la déontologie et au discernement dans l'action.

Depuis quatre ans déjà, vos collègues, policiers ou gendarmes, se sont fortement mobilisés pour lutter plus efficacement contre la délinquance, et ceci partout sur notre territoire car il ne peut y avoir en France de zones de non droit. Les résultats obtenus sont significatifs. La délinquance générale a baissé de plus de 8 %. Dans le même temps, l'activité judiciaire des services et le nombre d'affaires résolues ont progressé, avec un taux d'élucidation passé de 26 à 33 % en quatre ans.

Pour les cinq premiers mois de cette année, le nombre de faits élucidés a encore augmenté de 3,4% par rapport à 2005.

Mais je connais trop bien la réalité sur le terrain pour me satisfaire de ces progrès. Notre effort doit être amplifié, et en particulier ciblé sur les noyaux durs qui nourrissent la criminalité et la violence.

Je pense que lors de vos stages d'application, vous avez pu déjà vous rendre compte de ce regain de tension au travers des violences urbaines de novembre ou encore du mouvement contre le CPE.

Cette violence mine notre pacte républicain, elle déstabilise l'esprit de fraternité qui doit inspirer la France.

Vous intégrez la Police Nationale pour relever un défi : celui de la paix civique.

J'attends de vous un engagement total et une grande fermeté. La lutte contre la violence qui frappe sous toutes ses formes notre société et nos concitoyens, doit être votre priorité. Il convient de faire reculer cette violence en empêchant une minorité de commettre des actes crapuleux ou de faire vivre dans la peur une partie de nos concitoyens.

Je vous demande donc dans la continuité de ce qui a été engagé, de mener à la fois une politique de prévention et de dissuasion et une politique répressive contre les auteurs de violence.

Qu'elles soient familiales, urbaines ou terroristes, qu'elles aient lieux dans les transports, dans les stades ou sur la route, vous devez combattre ces violences avec détermination et travailler en partenariat avec la justice, l'éducation nationale et les services sociaux des collectivités locales afin de mieux les déceler et les éradiquer.

Vous devez poursuivre sans relâche, et à tous les niveaux, la lutte contre toutes les formes de criminalité : trafic de drogue, crime organisé, cybercriminalité, délinquance routière, mais aussi immigration clandestine. Cette dernière masque souvent de véritables réseaux d'exploitation d'êtres humains. Elle anéantit, par ailleurs, nos efforts d'intégration.
La lutte contre le terrorisme constitue, elle aussi, un impératif majeur qui reste d'actualité. Je vous demande d'exercer une vigilance de tous les instants. Vous devrez développer une culture du renseignement opérationnel, quels que soient vos services d'affectation.

Cette lutte quotidienne contre l'insécurité, nous la devons aux Français !

Pour atteindre ces objectifs, je tiens à vous rappeler quatre principes. La prévention doit être considérée comme une politique à part entière qui, par la dissuasion et l'anticipation, doit faire baisser la délinquance. Les victimes, ensuite, doivent être au cœur de vos préoccupations. Je vous demande pour cela d'être attentifs à leur accueil dans vos services et de leur apporter votre soutien tout particulièrement pour les affaires de violence. La baisse de la délinquance et de la violence passe également par une plus grande présence policière sur la voie publique, que vous devez assurer par un commandement et une gestion optimale des femmes et des hommes que vous allez encadrer.
Enfin, outre le respect de la déontologie qui doit s'imposer en toutes circonstances, il est un point sur lequel je tiens à insister tout spécialement car il influe sur l'image qu'ont les citoyens de leur police. Je veux parler de la notion de discernement.

Avant de recourir aux prérogatives de la puissance publique et d'user de la contrainte légitime, vous devez, à chaque instant, en évaluer l'opportunité et faire preuve de discernement, pour, en toutes circonstances, agir de façon adaptée et proportionnée. Vous devez, en cela, montrer l'exemple et insuffler ces valeurs à vos collaborateurs.

Vous devrez vous montrer exemplaires, en faisant valoir, partout et pour tous, les règles qui fondent notre République.

Sur ce sujet, ce que j'exige de vous, vous l'exigerez de chacun de vos collaborateurs ! Il n'y a pas d'autorité sans exemplarité. Elle est la condition d'une action efficace parce que respectée de tous. Il en va de votre crédibilité et de votre légitimité. Il en va de l'honneur de la police nationale.

Sur ce point, je n'accepte aucun compromis. Ma fermeté en la matière est la contrepartie du soutien sans faille que je vous accorde.
Nous avons confiance en vous, nous comptons sur vous, mais, sachez-le, nous sommes exigeants vis-à-vis de vous.

Responsables du commandement dans la Police Nationale, vous êtes des représentants éminents de la puissance publique.

Mesdames et Messieurs les officiers,

Depuis 2002, l'Etat s'est engagé pour vous donner les moyens d'agir avec plus d'efficacité.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure vous a fourni des moyens matériels et structurels, la loi pour la sécurité intérieure a renforcé vos moyens juridiques, la réforme des corps et carrières vous confirme dans vos fonctions de commandement opérationnel des services.

Destinée à renforcer l'efficacité opérationnelle de la police nationale, elle offre à chaque agent un métier attractif, des responsabilités évolutives correspondant à son grade et la capacité de progresser grâce à une juste reconnaissance des résultats.

Le rôle central du corps des officiers y est pleinement reconnu et le niveau de recrutement pour les lieutenants de police a été rehaussé à BAC + 3. Le décret relatif au nouveau statut de votre corps de commandement de la police nationale, reconnaît les responsabilités accrues des officiers en prenant appui sur une nomenclature resserrée des postes qui vous conduira à exercer des fonctions de direction de certains services.

Il prévoit l'attribution de droit de la qualité d'officier de police judiciaire et la mise en place d'une mobilité fonctionnelle ou géographique, ainsi qu'une réforme des modalités d'avancement..

Naturellement, cette reconnaissance suppose un engagement réciproque.

L'autorité - votre autorité ! - ne se décrète pas !
Elle s'acquiert, par la compétence, la disponibilité, l'esprit de décision, le courage.

Elle se mérite, par l'exercice plein et entier des responsabilités, par une capacité à entraîner, motiver, écouter ses collaborateurs, par l'aptitude à expliquer les ordres et à en contrôler l'exécution rigoureuse.

Elle s'enrichit, enfin, par le biais de votre formation.

Cannes-Ecluse, votre école, a formé plus de 16 000 inspecteurs et officiers en 30 ans.

Vous le savez également, s'agissant de la scolarité, j'ai demandé aux services du ministère d'engager une réflexion afin que l'Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Police soit implantée dans une ville universitaire. Le moment venu, le site de Cannes-Ecluse sera toutefois conservé et adapté à l'accueil de nouvelles formations.

Mesdames et Messieurs les officiers,

Vous avez voulu que votre promotion porte le nom d'un officier exemplaire, celui de Marie-Christine Baillet, morte pour le service, le 9 juin 1991. Elle avait 32 ans. Ce choix honore sa mémoire, il distingue sa bravoure et son dévouement exceptionnel.

Affectée au commissariat de Mantes la Jolie, Marie-Christine Baillet est intervenue, ce 9 juin 1991, sur un rodéo de voitures volées organisé par de jeunes délinquants dans une cité. Sur place, elle a été volontairement percutée par un véhicule volé et est décédée de ses blessures.

Marie-Christine Baillet était au service de la loi, au service de nos concitoyens et de notre nation. Le verbe "servir" est chargé de dignité, de grandeur et de générosité… Il indique un détachement de soi pour mieux accompagner et protéger l'autre.

Avec vous, j'honore aujourd'hui sa mémoire avec respect et émotion. Je veux dire à ses parents, à ses frères et sœurs, à ses amis et ses collègues, que le nom de Marie-Christine Baillet est gravé dans nos cœurs. Ses qualités restent vivantes dans l'esprit de tous ceux qui l'ont connue.

Son souvenir est une blessure qui nous attriste et nous éclaire à la fois.

Il est un exemple.

Car en dehors de toutes les responsabilités qui vous incombent, je voudrai vous en rappeler une qui pour moi est primordiale.

Vous travaillez dans le risque, dans le danger vous ne devez jamais l'oublier. Comme vous ne devez jamais oublier que votre premier devoir est de rentrer indemne chez vous le soir, et le devoir d'un officier, c'est aussi de faire appliquer cette règle aux fonctionnaires dont il a la responsabilité.
Ces paroles ne sont pas une incitation à l'inaction, mais une invitation à l'appréciation et à la prise de risque calculée au plus juste.

Mesdames et messieurs les officiers de police,

A l'heure où votre vie professionnelle s'engage, j'adresse à chacun d'entre vous mes encouragements.

Vous pouvez être fiers du parcours accompli, mais vous devez mesurer le poids des responsabilités qui pèsent désormais sur vos épaules.

Je vous connais. Je sais que vous saurez vous montrer dignes de notre confiance.