23.02.2006 - Déplacement de Nicolas SARKOZY à la préfecture du Rhône

23 février 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire devant les élus et les associations de Vénissieux et Vaulx-en-Velin, à la préfecture du Rhône, lors de son déplacement à Lyon.


Mesdames, Messieurs,
A l'occasion de mon déplacement dans le Rhône, j'ai tenu à m'adresser aux élus et aux associations de Vénissieux et de Vaulx en Velin. Deux raisons ont guidé mon choix : la première, c'est que je connais bien évidemment les difficultés de ces deux villes, de leurs quartiers. Ce sont des quartiers qui  ont malheureusement incarné le malaise des banlieues. C'est ici qu'on a  commencé à construire  des tours de béton dans les années 60 ; c'est ici aussi que sont apparues les premières émeutes urbaines, en 1981 et en 1983 à Vénissieux, en 1990 à Vaulx en Velin. C'est d'ici qu'est partie la marche des Beurs pour l'égalité des droits en 1983. Mais  depuis vingt cinq ans, on n'a pas résolu, ici, comme ailleurs, les problèmes qui sont ceux des quartiers sensibles.
La vérité m'oblige à dire que si on n'a pas réussi, on a au moins essayé. Et c'est la deuxième raison pour laquelle je suis là. Vénissieux et Vaulx en Velin ont des maires, André Gerin , Maurice Charrier , qui sont des hommes de conviction, mais aussi des hommes qui ont gardé leur liberté de parole. Vous comprenez pourquoi j'apprécie leur action. Lorsque l'on met le feu à des quartiers, ils protestent, et ils le font pour les mêmes raisons que moi. Ce sont des raisons qui ne sont ni de gauche, ni de droite. C'est au nom du respect des autres, des plus fragiles, des plus pauvres, qu'ils défendent la fermeté et qu'ils bannissent la complaisance.
Je défends moi aussi la fermeté sans concession:pourquoi ? Parce que la compassion, la complaisance, ça peut faire plaisir, mais ce n'est jamais une solution.Ni pour ceux qui ont été volés, violés, agressés, ni même pour leurs agresseurs. On me dit "Mais Monsieur Sarkozy, regardez ces quartiers, ces immeubles, ce chômage, cette désespérance". Alors il faudrait que je réponde: "Oui, je comprends, j'excuse la violence, puisqu'il n'y a rien à faire" ? C'est hélas le discours de beaucoup de responsables politiques. Mais justement je pense le contraire, je pense qu'il y a beaucoup à faire. Et c'est de ça que je suis venu vous parler. Contre la violence, il y a évidemment la sanction, mais il y a aussi la prévention.
Il y a, à Vénissieux comme à Vaulx en Velin, des urgences à résoudre et du travail en profondeur à faire.
Des urgences d'abord.
La violence diminue mais elle reste encore beaucoup trop élevée. En 2005, trop de faits  de violence ont encore été commis sur la  voie publique, 2800 à Vénissieux et 2500 à Vaulx en Velin. Trop de voitures ont été brûlées, 350 à Vénissieux et 160 à Vaulx, c'est beaucoup, c'est même beaucoup trop. Personne ne me contredira si je dis qu'on ne vit pas encore en sécurité dans les quartiers de ces deux villes. On y  trouve des trafics de stupéfiants, qui augmentent, de même que les violences volontaires, les outrages, les dégradations et les destructions. Nouvelle particularité : des agressions intolérables contre les professionnels de santé, avec trois incidents graves depuis novembre à Vénissieux, qui ont déclenché une émotion tout à fait légitime.
Il y a donc urgence. Je demande au préfet trois choses : garder un niveau de vigilance maximale dans la lutte contre les violences urbaines, à travers toutes les unités spécialisées;  mais aussi affecter, en fonction des besoins, des moyens supplémentaires, comme par exemple une section de CRS sur le territoire de ces communes  pour appuyer les effectifs locaux. Enfin veiller en liaison  avec les maires  à ce que les deux commissariats bénéficient des effectifs adaptés à leurs besoins.
Je veux aussi soutenir les efforts des équipes municipales pour lutter contre la délinquance; ce sont des efforts réels, concrets, résolus. Je pense en particulier aux actions de la régie « tranquillité office public » de Vénissieux, qui apporte de l'aide aux habitants 7 jours sur 7 : les crédits qui leur sont consacrés seront portés à 142 000 euros en 2006, soit  une augmentation de  75 %.
L'année dernière, il a brûlé à Vénissieux en moyenne presque une voiture par jour et à Vaulx une tous les deux jours, c'est considérable. Je veux qu'on puisse vivre aux Minguettes  ou au Mas du Taureau sans avoir peur de retrouver son véhicule détruit. En général, les incendies de véhicules, ça ne concerne pas des gens riches, mais plutôt des habitants du quartier qui ont besoin  de leur voiture pour aller travailler. On a même vu au mois de novembre dernier des habitants de ces quartiers dormir dans leurs voitures pour empêcher qu'on les détruise. C'est  totalement inacceptable.
Je propose l'aide de l'Etat pour mettre en place ou pour développer la vidéo-surveillance, notamment pour couvrir les espaces de parking des véhicules fortement exposés ou encore les sites proches des établissements scolaires.
Le projet de vidéosurveillance de Venissieux représente un peu plus de 500 000 d'euros en investissement et autant en fonctionnement. André Gerin  demande une participation de l'Etat de 50 % sur l'investissement. Je lui dis aujourd'hui que je suis d'accord.
De même il faut poursuivre le développement de ces équipements à Vaulx en Velin et surtout moderniser le centre de surveillance urbaine. Là encore les coûts estimés à 200.000 euros seront pris en charge à 50% par l'Etat.
Je veux aussi qu'on  réagisse avec la plus grande fermeté pour protéger les médecins, les infirmiers, les dentistes, les kinésithérapeutes, toutes les professions de santé, qui ont subi ces derniers temps des agressions insupportables. Notre devoir absolu est bien sûr d'arrêter le plus rapidement possible les coupables,  mais aussi d'aider ces professions à travailler normalement . Je sais que les forces de police ont déjà contacté les cabinets médicaux pour leur donner des consignes de sécurité. Une réunion va se tenir dès la rentrée scolaire entre les services de police et les représentants de la profession pour arrêter des mesures de protection. Je demande au préfet de présider cette réunion et  je mettrai en place les moyens nécessaires pour que l'on puisse soigner les habitants des Minguettes et de Vaulx en Velin en toute sécurité .
Je veux aussi que l'on s'occupe des victimes. Je veux que l'on change de culture, c'est à dire que l'on considère que les victimes sont prioritaires, et qu'on leur accorde beaucoup plus d'attention. Il existe à Vénissieux une association d'aide aux victimes, AMELY, qui intervient déjà, qui fait du bon travail et qui va pouvoir développer son action : l'Etat va  tripler son aide en 2006 et lui apporter un soutien de 20 000 euros. Une disposition de même nature pourrait être mise en œuvre à Vaulx en Velin.
 
Je propose enfin d'aller plus loin et de prévoir un soutien aux victimes au sein même des interventions des services de sécurité publique. La présence d'un travailleur social au sein de chacun des deux commissariats de Vénissieux et de Vaulx en Velin apporterait cette dimension dans l'action de la police. Je propose de créer ces deux postes et que l'Etat prenne en charge, comme il l'a fait à Rillieux la Pape,  l'essentiel de leur financement .
Au-delà de la lutte contre la délinquance, je veux aussi aider concrètement les actions de prévention. Des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ont été créés. Je crois beaucoup à cette instance, présidée par le maire, parce qu'elle permet de réunir tous les acteurs de la prévention de la délinquance. Je veux même la généraliser dans toutes les villes de plus de 5000 habitants. L' Etat financera le poste de coordonnateur  du conseil local de Vénissieux, qui a pris ses fonctions le 25 novembre 2005, à hauteur de 50%, soit
24 000 euros, comme cela a déjà été décidé dans les mêmes conditions à Vaulx en Velin.
Voilà pour les urgences. Mais je souhaite aussi que l'on agisse en profondeur. J'ai présenté au Premier ministre  au début de ce mois un plan national de prévention de la délinquance. Ce plan comporte des mesures législatives, qui seront examinées au printemps, mais aussi des mesures réglementaires et même des mesures pratiques, qui peuvent être appliquées dès maintenant. Je vous propose de commencer ici, à Vénissieux comme à Vaulx en Velin, à appliquer ces mesures.
Je sais que vous réfléchissez activement, à Vénissieux, à la création d'une cellule de veille éducative,  réunissant les acteurs sociaux au profit des jeunes de 12-16 ans déscolarisés. Cette question des jeunes en rupture avec l'école est essentielle. Cette rupture est souvent le chemin de la délinquance. Et c'est à l'école que l'on peut encore agir, si on a le courage de ne pas fermer les yeux. Je veux vous dire que l'Etat vous aidera dans cette voie, et que d'ores et déjà
25 000 euros  sont réservés pour  le financement des actions décidées par cette cellule. Dans le même esprit, à Vaulx en Velin, vous voulez, Maurice Charrier, créer une école de la deuxième chance. L'Etat, le moment venu, vous soutiendra.
Je voudrais aussi vous parler du sport. On parle souvent de l'insertion par le sport. Ici, on fait plus qu'en parler, on le fait et on l'a même quasiment découvert. Ce n'est pas si facile.  Le club de foot des Minguettes, il  a détenu d'abord le record de la violence dans les années 80. Comme quoi, il  ne suffit pas de donner un  terrain et un ballon à des jeunes pour donner un  sens à leur vie. C'est un peu plus compliqué. C'est une psychologue et un entraîneur sportif, qui ont pris la tête de l'association, et qui ont élaboré une méthode pédagogique pour faire du football un élément de développement. Les entraîneurs reçoivent une formation spécifique "Football pour tous", reconnue par la Fédération. Cette méthode fonctionne, au point que l'Association sportive des Minguettes a maintenant un projet d'organisation d'un tournoi national  réunissant 1 000 débutants-poussins. L'Etat  va soutenir ce projet,  à hauteur de 10 000 euros, et je veux aussi que l'on soutienne la diffusion des méthodes employées par  l' association sportive des Minguettes. De même à Vaulx j'ai relevé  l'intérêt des actions conduites par l'association « sport dans la ville ». Là aussi 10 000 euros vont être débloqués .
Je vous annonce également que l'aide de l'Etat en direction des  associations de Vénissieux et de Vaulx en Velin, qui  oeuvrent pour  l'insertion des publics  en difficulté sera majorée en 2006 substantiellement, dans des proportions qui pourront aller jusqu'à 50% d'augmentation.
Je veux aussi  aller plus loin et vous parler de l'égalité des chances, c'est à dire de la discrimination positive. Aux Minguettes ou au Mas du Taureau, il  serait bien irresponsable de dire que l'on a les mêmes chances de réussite que dans le 6ème arrondissement de Lyon. Et pourtant tous nos systèmes fonctionnent "comme si" c'était le cas. La nomination de l'un des six préfets délégués pour l'égalité des chances, Rémy ENFRUN, dans le département du Rhône, est un signe fort de la priorité gouvernementale donnée à l'égalité des chances. Il est ici, à mes côtés. Je lui demande de se mobiliser sans réserve  auprès de vous pour cette cause.
C'est quoi l'égalité des chances ? C'est avoir accès, à mérite égal, à une réussite égale. Pour cela, une condition  est essentielle : il  ne faut pas être  en retard sur la ligne de départ.
Ici, il existe au moins  deux handicaps : l'accès au savoir, et l'accès à l'emploi. C'est là  que la discrimination positive doit jouer, car si elle ne joue pas, rien ne bougera, tout le monde ici gardera les mêmes handicaps. La situation pourrait même empirer, car plus on s'éloigne de la vie sociale et de ses repères, plus on en éloigne ses propres enfants.
Première étape : les villes de Vénissieux et de Vaulx en Velin  s'engagent dans des projets de parcours de réussite éducative. C'est une démarche exemplaire de  discrimination positive. Il s'agit de donner aux enfants et aux adolescents, et spécialement  aux plus fragiles, aux plus démunis devant les difficultés de l'école, les appuis qu'ils ne trouvent pas dans leur environnement  familial et social. C'est aussi exemplaire parce qu'on s'adapte à chaque situation individuelle, à chaque situation familiale. On travaille  avec les parents, on travaille avec la famille. C'est difficile, c'est exigeant, mais c'est un enjeu majeur. C'est pourquoi l'Etat  va apporter 250 000 euros pour le financement de ce dispositif à Vénissieux et 200 000 euros à Vaulx en Velin.
Dans le domaine de l'emploi et de l'insertion : disons nous franchement les choses. Il existe une discrimination à l'embauche en fonction des origines. Pour un jeune de vos  quartiers, c'est un peu plus difficile que pour un jeune du boulevard des Belges, d'avoir une réponse à un CV, d'aborder un entretien avec un employeur. Il faut donc affronter cette question, car si on l'ignore, elle ne trouvera pas de solution. Les entreprises Carrefour, Casino, la Poste, pour ne citer qu'elles, se sont engagées à écarter toute discrimination à travers une charte nationale de la diversité. Elles vont bientôt la signer au plan local, et vos quartiers seront directement concernés.
J'ai également  demandé à Vedior bis  qu'un emploi soit créé dans l'entreprise, dédié aux jeunes de vos quartiers. Cette personne aura deux missions : insérer le plus possible les jeunes dans les circuits de l'emploi, sous forme de stages, de formations,  de missions d'interim, mais aussi de placements définitifs. Deuxième mission : trouver à cent jeunes en deux ans un emploi  stable. Une convention va être signée tout à l'heure entre Vedior bis et les acteurs locaux de l'emploi.
Je veux aussi vous donner des moyens d'être plus autonomes. J'ai demandé au Crédit mutuel d'accéder à la demande de crédit immobilier de l'association sportive des Minguettes. Une association qui fait du bon travail doit pouvoir accéder au crédit comme une entreprise qui fait du bon travail. On ne peut pas s'occuper de précarité avec succès si on est soi même précaire.
J'ai également demandé à la Caisse des dépôts de dédier sur ses fonds propres 300 000 euros  à Planet Finance et à l' Adie – je me tourne vers Jacques Attali et Etienne TAPONNIER, représentant Maria Nowak, qui assisteront, à Vénissieux et à Vaulx en Velin, les associations ou les personnes qui portent des projets utiles aux quartiers et à leurs habitants : ce peut être du conseil juridique, de l'expertise technique, du montage de dossiers financiers, fiscaux  pour une association, pour une création d'entreprise, une aide à l'orientation, pour quelqu'un qui n'a pas de soutien, ou qui n'a pas la qualification voulue. Il est évident que lorsqu'on a des moyens financiers, on a tout de suite accès à tous les conseils que l'on veut ! Ce que je propose, c'est de rendre ces conseils accessibles à ceux qui en ont besoin.
Toutefois, les conseils ne suffisent pas, il faut aussi un financement. La Caisse des dépôts s'engage aussi à garantir les prêts  bancaires accordés à ces mêmes publics, souvent exclus de l'accès au crédit et des subventions. C'est pour cela qu'à ma demande les Caisses d'épargne et le groupe Crédit mutuel CIC accorderont des financements ou des aides , avec la garantie de la Caisse des dépôts. Je vais donc signer une convention dans un instant, ici même, avec tous ces acteurs, qui s'engagent pour un montant  de plus de 3,5 millions euros.
C'est très important, c'est même déterminant, de mettre en place des passerelles, non pas vers le succès garanti, mais vers les moyens d'y parvenir.
Voilà  ce que je voulais vous dire, à vous toutes et tous qui oeuvrez pour la réussite de ces quartiers. J'attends maintenant vos questions.