23.02.2006 - Déplacement de Nicolas SARKOZY à Ecully

23 février 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire devant les responsables de la sous-direction de la police technique et scientifique et de l'institut national de police scientifique à Ecully, lors de son déplacement à Lyon


Mesdames, Messieurs,
Dans un monde où la menace terroriste est réelle et présente, dans des sociétés où l'affirmation du droit à la sécurité quotidienne est un enjeu majeur, le développement de la police technique et scientifique est un impératif absolu.
La France a choisi, dans ce domaine, de se situer dans le peloton de tête des Etats modernes.
Parce que cette modernité est un gage d'efficacité, parce qu'elle nous permet d'anticiper les défis qui nous sont lancés.
Dès 2002, avec la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, j'ai souhaité que nous nous engagions plus résolument dans cette voie.
Personne ne peut raisonnablement et sérieusement envisager une enquête sans signalisations, prélèvements, techniciens de scène de crime ou comparaisons d'empreintes.
Le champ de la preuve s'est élargi et la police est devenue plus performante.
Sans élément matériel, nous le savons, nos dossiers sont fragiles. L'aveu est devenu suspect, le témoignage est jugé faillible. Avec la preuve objective, nous pouvons aujourd'hui élucider des affaires qui, il y a quelques années encore, seraient restées des énigmes.
Plus encore, la technique et la science nous permettent de mettre hors de cause les innocents et de confondre les coupables.
La police technique et scientifique s'est affirmée comme  un outil de lutte contre la délinquance quotidienne. Je veux ici, devant vous, souligner le travail accompli dans ce domaine par la sécurité publique et la police judiciaire afin d'améliorer la sécurité des Français.
Mais, la police technique et scientifique, c'est aussi un instrument essentiel de lutte contre le terrorisme. Face à des activistes rompus aux technologies modernes, face à leurs odieuses menaces, il faut que nous disposions en permanence de compétences et de connaissances toujours plus affûtées.
La police technique et scientifique est et demeure en perpétuelle évolution.
Centrée, il y a quelques années encore sur la recherche des empreintes digitales, elle s'est appropriée de nouveaux modes de preuves et de nouveaux terrains de recherche.
Nous avons considérablement progressé et je sais l'implication et la motivation de tous les acteurs. Je veux que nous poursuivions nos efforts.
La mise en place de l'Institut National de Police Scientifique (INPS) constitue une formidable opportunité. C'est un atout et nous devons pleinement l'utiliser.
Le dispositif que nous avons mis en place doit ainsi nous permettre d'accroître encore notre efficacité dans la lutte contre toutes les formes de criminalité.
Créé officiellement en 2001 et regroupant les entités préexistantes, l'Institut National de Police Scientifique a en charge la réalisation de tous les examens, recherches et analyses d'ordre scientifique et technique demandés par les autorités judiciaires ou les services de police et de gendarmerie.
A cet égard, la pluralité des laboratoires constitue un avantage opérationnel considérable en les rendant plus proches des enquêteurs et des magistrats.
Les efforts doivent tendre à assurer pour chaque site des prestations de qualité équivalente tout en développant – ce qui existe déjà – des pôles de spécialisation ou de coordination.
L'objectif est clair et ambitieux : il faut atteindre dans les différentes spécialités le niveau des meilleurs standards européens.
Un certain nombre de chantiers préalables sont ouverts.
Je pense aux efforts conduits en matière d'assurance qualité. Il faut tendre vers l'accréditation pour l'ensemble des activités et poursuivre la démarche initiée dès 2000, faute de quoi la validité scientifique des travaux ne peut être certifiée.
La fonction de coordination au niveau central est essentielle. Elle doit constituer une priorité pour 2006.
Enfin l'informatique doit être partie intégrante de la plupart des activités. Elle doit notamment conduire à la mise en place d'un dispositif de remontée d'information vers l'établissement public afin d'évaluer les coûts et les performances.
Je veux aujourd'hui dire les choses simplement : l'INPS doit être en mesure de répondre à toutes ces questions et j'entends lui donner les moyens de le faire.
La modernisation de nos méthodes et de nos structures est non seulement une chance, elle est aussi à mes yeux une obligation.
Cette logique vous le savez, je la défends et la promeut depuis mon arrivée à la tête de ce ministère.
C'est elle qui a guidé l'élargissement du périmètre juridique du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) en 2003.
Des efforts importants devaient être réalisés dans l'équipement des laboratoires afin d'assurer un très fort volume d'analyses dans des conditions de qualité irréprochables.
En 2004 et 2005, ils ont pu s'équiper de deux chaînes distinctes d'analyses (traces et individus) et de systèmes globaux de gestion.
Parallèlement, un budget de 1 900 000 euros a été accordé au laboratoire de Lyon pour acquérir les matériels nécessaires à la mise en œuvre d'une unité de génotypage de masse d'un débit annuel de 125 000 profils/individus sur le site d'Ecully.
En cours de finalisation, cette unité fait appel aux technologies les plus récentes. Elle est sans doute parmi les plus modernes d'Europe. Elle sera opérationnelle dès le début du mois de juillet 2006.
Dans l'attente, des opérations d'externalisation permettent de traiter les flux.
Les résultats sont concrets. En 2002, le fichier avait permis d'effectuer 19 rapprochements. Nous en sommes actuellement à 2 160.
A titre d'exemple particulièrement éloquent, l'interpellation en octobre 2003 d'un individu en flagrant délit de vol à main armé nous a permis de faire le rapprochement avec l'auteur d'une série d'agressions sexuelles commises à paris entre octobre 1999 et juillet 2003.
De même, l'auteur présumé de l'enlèvement et du viol de la petite Charlène en janvier dernier, a été rapidement interpellé grâce à des comparaisons ADN effectuées en urgence. Je tiens ici à souligner ce formidable travail d'investigation dans une affaire qui me tient particulièrement à cœur.
La dimension immobilière n'a pas été négligée.
La section biologie du laboratoire de Toulouse occupe de nouveaux locaux spécialement adaptés à l'analyse ADN.
L'unité gestionnaire du FNAEG a emménagé en octobre dernier dans les locaux rénovés de la "villa SANTY", ici à Ecully.
Ce qui est en construction, c'est la police du 21ème siècle. La sécurité intérieure doit être dans tous les domaines à la pointe de l'innovation.
Ce qui fonctionne et qui a fait ses preuves doit pouvoir être amélioré. Ainsi, le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales n'a jamais été aussi efficace.
En 2005, il a permis d'identifier 11 437 traces et de révéler 47 996 identités multiples. Nous devons maintenant pouvoir utiliser les techniques numériques permettant d'obtenir une réponse pendant le délai de la garde à vue.
A la fin 2006, 30 bornes et 150 terminaux auront été commandés. Les acquisitions se poursuivront jusqu'en 2008 et permettront de créer un réseau efficace sur l'ensemble du territoire.
Je veux que l'ensemble des services de police et de gendarmerie bénéficient de cet élan.
Il doit aussi signifier que l'on mette fin à des anachronismes comme la coexistence des bases STIC et JUDEX. D'ores et déjà, les directions générales se sont engagées dans une modernisation mutualisée d'une grande partie de leurs systèmes d'information.
La première étape porte sur la création fin 2007 d'une base commune de recherches criminelles dénommée "Ariane".
Parallèlement la refonte des fichiers va se poursuivre.
Mon propos n'est cependant pas d'être exhaustif.
La police technique et scientifique a beaucoup progressé. Il nous reste pourtant encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous le savons.
Ce que je veux vous dire aujourd'hui c'est que ma volonté de poursuivre dans cette voie est plus que jamais déterminée.
La politique de sécurité intérieure ne peut rester à l'écart des grandes évolutions scientifiques et technologiques.
Elle doit les utiliser pleinement, pour être plus efficace d'abord, et aussi pour faire face à armes au moins égales aux nouveaux moyens utilisés par les criminels.
L'exploitation des traces issues des nouvelles technologies de l'information et de la communication est à cet égard un exemple parfait.
La loi antiterroriste qui vient d'être adoptée renforce les capacités d'investigation notamment en clarifiant le statut juridique des lieux offrants des accès internet quant à la conservation des données de connexion.
Un pôle unique de signalement des sites à contenu illicite a été constitué au sein del'Office Central de Lutte contre la Criminalité Liée aux Technologies de l'Information et de la Communication.
Un service spécialement chargé de l'exploitation des enregistrements sonores, des mémoires de téléphones portables, des images vidéo ou autres matériels et supports informatiques a été créé.
Des antennes ont été ouvertes dans certaines directions interrégionales de la police judiciaire et d'autres le seront prochainement.
Le combat contre le terrorisme et la lutte contre la délinquance nous imposent de nous adapter en permanence.
La même logique doit nous guider dans toutes nos actions.
L'effort, nous devons le mener en parallèle tant sur les outils de sécurisation passive et de prévention que sur les moyens d'identification des criminels.
Cela veut dire que nous devons développer, conformément aux objectifs de la loi du 23 janvier 2006, la vidéosurveillance. De même, le système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI) permettra de lutter ainsi contre les réseaux de véhicules volés ou les Car-Jacking.
Cela signifie aussi que nous devons utiliser les ressources de la biométrie. Elle nous permettra de limiter la fraude aux documents de voyage et les trafics de faux papiers grâce à une vérification rapide de l'identité de leur titulaire. La borne EURODAC placée récemment à Calais a permis l'identification de 56 personnes.
Nous pourrons, grâce à ces outils, mieux contrôler les déplacements, particulièrement dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires, ainsi que sur les grands axes de transit national ou international.
Cela veut aussi dire que la police technique est un élément clé de notre dispositif.
Nous devons innover, poursuivre nos recherches, travailler avec l'ensemble de nos partenaires publics et privés.
Nous devons également à la base, à la source, systématiser la recherche des traces et indices pour améliorer encore notre taux d'élucidation. Les résultats sont déjà significatifs, mais je demande aux directeurs généraux de veiller tout particulièrement à ce point.
La police technique et scientifique, c'est aussi ce que nous devons aux victimes. Ce doit être une activité quotidienne au service de tous.
Je sais que tous ici, personnels administratifs, techniques, scientifiques, policiers, êtes au cœur de cette démarche. Je sais pouvoir compter sur votre détermination pour qu'ensemble nous continuions à progresser au service de tous.