20.04.2006 - Déplacement de Nicolas SARKOZY à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle

20 avril 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire lors de sa visite à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle en présence de Dominique PERBEN, Ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer


Mesdames, Messieurs,

Nous vivons dans des sociétés confrontées à une menace terroriste nous imposant en permanence d'adapter nos postures et nos dispositifs. La sûreté aéroportuaire constitue un des grands défis qu'ont à relever les services de sécurité du monde entier.

Cette exigence, ici à Roissy-Charles de Gaulle, est présente dans tous les esprits.

Votre aéroport, l'un des plus grands d'Europe et du monde, a accueilli en 2005, plus de 53 millions de passagers.

C'est ici que décollent et atterrissent des avions à destination et en provenance de la quasi-totalité du globe.
Un aéroport, c'est un lieu de passage et de brassage des populations. C'est un lieu d'entrée sur le territoire qui impose des contrôles spécifiques.
Un aéroport, c'est aussi une richesse et un atout économique incomparable.
Je suis venu vous voir aujourd'hui pour vous dire ma détermination à continuer à faire de ce lieu un espace de sûreté.

Dès mon arrivée à la tête du ministère en 2002, j'ai pris en compte ce problème essentiel de la sécurité dans les aéroports en confiant à l'Inspection Générale de l'Administration une mission d'expertise dont la plupart des recommandations, contenues dans le rapport "Lemoine" ont été suivies.

En 2003, à ma demande, une mission d'évaluation des progrès réalisés dans ce cadre a été menée. Elle a conclu à la conformité de notre dispositif de sûreté aéroportuaire au regard de la réglementation et des obligations en vigueur au plan européen et international.

C'est en 2004, qu'un rapport spécifique concernant la protection de la zone réservée des aéroports a été réalisé. Il insistait sur la nécessité de mettre fin à la dérive en matière d'attribution de badges d'accès et notamment en réduisant la durée de validité maximum de l'habilitation. Cette mesure fait désormais l'objet d'une stricte application.
Enfin, fin mars 2006, une mission d'audit de modernisation sur la sûreté aéroportuaire, associant le Conseil général des ponts et chaussées, le Contrôle général des armées, l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale de la police nationale, a établi un nouveau point de situation dont les conclusions sont actuellement à l'étude pour une application aussi rapide que possible.

Actuellement à la suite des mesures prises la France est en pointe dans ce domaine. Face à l'évolution de la menace terroriste, nous avons constamment adapté notre stratégie.

Il s'agit d'abord pour nous d'être en permanence en mesure de détecter le plus tôt possible les individus dangereux. A une époque où les flux de voyageurs sont considérables, où la notion même de frontière a changé de nature, cette idée de ciblage des individus ou d'éléments anormaux, et de traçabilité c'est à dire la capacité que nous nous donnons de reconstituer un parcours est au cœur du débat. Ces deux principes d'action, ciblage et traçabilité, nous permettront de relever le défi de la sécurité dans les années à venir.

Dès 2003, le texte de loi relatif à la sécurité intérieure prévoyait de soumettre à agrément, délivré sous conditions strictes par le préfet, toute personne physique exerçant une activité privée de surveillance, de gardiennage et de sécurité. Il était d'ailleurs décidé de suspendre ou de retirer cet agrément en cas d'urgence ou de nécessité tenant à l'ordre public.

Récemment, avec la loi du 23 janvier 2006, j'ai voulu renforcer les moyens d'action des services de police. Nous avons ainsi adopté des dispositions facilitant le recueil et l'exploitation des bases de données des voyageurs ou l'accès aux fichiers.

C'est ainsi que les transporteurs aériens sont désormais tenus de recueillir et de transmettre aux services du ministère de l'intérieur les informations relatives aux passagers contenues dans les bases de données APIS-PNR ("Advanced Passenger Information System" / "Passenger Name Record"). Ces fichiers contiennent les informations sur les passagers, recueillies par les compagnies aériennes et les agences de voyages.

Ces données seront intégrées au fichier national des transports en cours d'informatisation. Ce qui permet de repérer certains passagers se rendant fréquemment dans des zones sensibles, ou bien encore de contrôler spécialement des personnes qui peuvent être considérées comme dangereuses.

Parallèlement, parce que nous devons mieux utiliser nos ressources, j'ai souhaité que l'on accroisse le recours aux nouvelles technologies pour augmenter nos capacités de contrôle des passagers, des bagages et du fret. C'est l'une des conclusions importantes arrêtées en 2003 à la suite du rapport LEMOINE. Un programme d'équipement considérable a alors été décidé à ma demande par Aéroports de Paris, y compris dans les salles de tri des bagages, afin de mettre un terme au phénomène important des vols de bagages.

Depuis 2003, A.D.P. et je l'en remercie, réalise des investissements de l'ordre de 10 millions d'euros par an sur 5 ans avec un objectif de 6.800 caméras en 2008.

Dans tous les domaines de la technologie nous devons nous doter des outils les plus modernes et les plus performants.

Je pense notamment au système BIODEV, c'est-à-dire aux appareils de contrôle des visas biométriques.

Je souhaite que ce dispositif soit développé et étendu.

Dès 2005, cinq consulats et cinq postes frontières ont été équipés. En 2006, se sont ajoutés 20 consulats, 10 postes frontières et les commissariats de sécurité publique à Paris, Lyon et Marseille. En 2007, de nouveaux pays seront équipés ainsi que les postes frontières de la PAF et les principaux services de sécurité publique et de gendarmerie.

La France est en avance sur ses partenaires. Nous sommes après les Etats-Unis, le pays qui a délivré et contrôlé le plus de visas biométriques.

Je veux également que l'on généralise le projet PEGASE (Projet d'Expérimentation de Gestion Automatisée et Sécurisé du contrôle à la frontière) mis en place à Roissy à partir de 2003 sur l'initiative commune du ministre de l'intérieur et d'ADP. Ce projet permet grâce à la lecture d'une empreinte digitale préalablement enregistrée par le passager qui le souhaite un passage plus rapide, sans contrôle. Le voyageur y gagne du temps et la police y gagne une meilleure gestion des flux.

Mais il faut être plus ambitieux dans ce domaine.

En 2007, sera développé dans le prolongement de PEGASE, le système PARAFES (Passage Automatisé Rapide Aux Frontières Extérieures Schengen) fondé sur la lecture automatique simultanée du passeport bio-métrique et de l'empreinte digitale du voyageur. Une expérimentation sera prochainement lancée dans l'enceinte de Roissy.

Ce dispositif garantira la même fluidité que celle de PEGASE mais permettra, en plus, une lecture d'un passeport électronique, puis électronique et bio-métrique et donc d'un véritable document de voyage.

Ce nouveau système, en parfaite adéquation avec le programme de passeport bio-métrique français lancé récemment, pourra être utilisé par tous les ressortissants de pays de l'union européenne disposant de passeports adaptés, et non seulement par les passagers réguliers d'une compagnie aérienne.

Il permettra également d'envisager l'abandon du contrôle de passagers auprès des fichiers de police par criblage au profit du contrôle direct, à l'image de ce qui se fait pour le contrôle habituel, et avec l'utilisation de la donnée bio-métrique comme garantie d'authentification.

De même, elle assurera la lecture des données APIS-PNR telles que désormais prévues à la charge des compagnies aériennes exploitantes avant les départs et les arrivées des passages concernés.

Le contrôle automatique de certains passagers permet de mieux employer les policiers, de les recentrer sur les vols sensibles et d'accroître notre efficacité.

Mais un aéroport, c'est aussi une zone d'activité économique de premier plan. Sur Roissy on dénombre environ 90 000 travailleurs, 700 entreprises recouvrant plus de 200 métiers.

Je veux m'attarder sur ce point car, en matière de sécurité, c'est un des domaines dans lequel il faut que nous progressions.

Rien ne servirait de renforcer notre efficacité sur les embarquements ou les zones publiques, si nous ne portions pas nos efforts également sur les zones réservées.

Vous le savez comme moi, les enjeux économiques et sociaux sont considérables.

La zone réservée, c'est celle de l'embarquement, du tri des bagages, des avions et du fret.

Le contrôle d'accès à cette zone est assuré par les services de l'Etat et par les agents des collectivités et établissements publics chargés d'une exploitation portuaire.

Je sais les efforts réalisés dans ce domaine par Aéroport de Paris et les compagnies aériennes qui mettent en œuvre des moyens importants pour assurer la vérification systématique des badges d'accès et les contrôles d'accès à bord des aéronefs.

Actuellement, plus de 83.000 titres de circulation sont en service sur la plate-forme de Roissy. Plus de 65.000 demandes d'habilitations d'accès en zone réservée ont été déposées en 2005, soit près de 250 par jour.

Nous sommes donc confrontés à une masse considérable de dossiers dans un système où les habilitations sont délivrées par le préfet, pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, après enquêtes des services de police.

A ce jour, 122 dossiers individuels sensibles ont été ciblés. Après expertise réalisée par les services spécialisés de mon ministère, 60 % font actuellement l'objet d'une procédure d'abrogation ou de non-renouvellement d'habilitation, parce qu'ils ne présentent pas toutes les garanties souhaitables pour une activité qui exige le risque zéro.

Mais cela n'est pas suffisant. Je veux aussi que l'on regarde la réalité en face. Notre dispositif juridique est manifestement inadapté à la situation. Il faut ici que nous assumions pleinement nos choix et le mien est de tout faire pour nous préserver du risque.

Notre système est trop lourd, trop lent, trop administratif. Il est en décalage avec une économie qui fait appel à la sous-traitance et à l'intérim. Certaines entreprises utilisent plus de 40% d'intérimaires sur la plate-forme. Il faut que nous inventions un dispositif permettant l'équilibre entre des exigences de sûreté particulièrement élevées et les besoins des entreprises.

C'est pourquoi, je propose que les intérimaires qui sont susceptibles de travailler dans les zones sensibles fassent partie de personnes préalablement habilitées.

Plus largement je veux que l'on place ces questions au centre de la sûreté aéroportuaire.
Je sais que je peux compter sur vous et que vous répondrez favorablement à mon invitation pour en débattre, dans les prochains jours, place Beauvau.

Dans l'immédiat, je demande à l'autorité préfectorale qui a en charge  la coordination de l'action de l'Etat sur la zone aéroportuaire  de veiller non seulement à la cohérence de l'ensemble du dispositif de sûreté mais de faire en sorte qu'une véritable synergie s'instaure dans la prise de décision et dans l'action.

Le préfet  assure, en liaison et en étroite concertation avec ses homologues des  départements sur lesquels s'étend l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, l'application et le respect des préconisations élaborées avec l'ensemble des partenaires de la plate-forme. A ce titre, je vous demande  d'avoir une conception large de la zone aéroportuaire et de ne pas hésiter à l'étendre aux abords du site, pour y intégrer des secteurs sensibles comme les réserves de carburant. Là aussi nous devons avoir une approche très horizontale du problème.

Pour terminer, je tiens à vous remercier et saluer une nouvelle fois votre action, votre engagement quotidien et votre investissement dans la sûreté aéroportuaire. Même si, comme je l'ai indiqué précédemment, nous devons nous mobiliser davantage et ensemble contre les menaces en aménageant nos dispositifs, c'est un travail rigoureux et de qualité qui est réalisé au quotidien, par tous, sur le site aéroportuaire de Roissy.

J'ai parfaitement conscience de l'engagement de chacun, Police aux Frontières, Gendarmerie des transports Aériens, service des Douanes, Préfecture,  Aéroport de Paris, Compagnies aériennes, entreprises  qui travaillent sur ou pour la plate-forme.
C'est dans cet esprit collectif que nous devons ensemble poursuivre notre travail afin de relever ce défi. C'est celui que nous mettons en œuvre au sein du Gouvernement depuis 2002, et nous avons obtenu de très bons résultats contre la délinquance.

Notre capacité à nous mobiliser et à nous investir sont nos atouts. C'est comme cela que nous réussirons.