19.10.2005 - M. Nicolas Sarkozy réunit les responsables des Groupes d'Intervention Régionaux

19 octobre 2005

Intervention de M. Nicolas Sarkozy, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire qui a rencontré mercredi 19 octobre 2005, l'ensemble des Groupes d'Intervention Régionaux (GIR)


Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d'abord à vous dire que c'est avec un réel plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour cette rencontre nationale des responsables de GIR.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, mon prédécesseur vous réunissait. Vous le voyez, il y a une continuité dans l'attention que l'on vous porte. Elle est le gage de votre succès, de l'importance de votre mission et des défis qui sont les vôtres.

En 2004, des lignes directrices et des priorités ont été définies. Il vous était tout particulièrement demande de :

• mener une action encore plus déterminée contre les trafics de drogue;
• systématiser l'approche patrimoniale des dossiers
• intensifier vos efforts dans la lutte contre le travail illégal.

Aujourd'hui, il est temps d'examiner les résultats, de les évaluer et de poursuivre l'action entreprise en se fixant de nouveaux objectifs.

Je tiens à souligner en préalable la présence des représentants du ministère de la Justice, du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale. Le GIR est une formation partenariale. C'est sa raison d'être, c'est sa force et il me semblait impossible de dresser un bilan d'étape et de présenter les perspectives d'avenir sans que tous les acteurs soient associés. Je vous remercie donc de votre présence  qui démontre à elle seule toute l'importance des GIR.

Le 27 septembre dernier, j'ai réuni les préfets, les policiers et les gendarmes pour  fixer les principes devant guider leur action. Il nous faut confirmer et amplifier nos résultats pour donner un nouvel élan à la sécurité intérieure.

 Les GIR sont au cœur de cette démarche. La mutualisation des moyens, dont vous êtes le symbole, m'apparaît en effet aujourd'hui plus que jamais une impérieuse nécessité.

Lors de leur création, les GIR ont fait l'objet d'une médiatisation importante. Puis les choses sont rentrées dans l'ordre. Pour moi cela signifie que vous êtes désormais parfaitement intégrés dans le dispositif, que vous avez trouvé votre place dans l'architecture des forces de sécurité. Votre bilan, c'est celui de la police et de la gendarmerie, celui des services auxquels les GIR ont été associés.

Les affaires sur lesquelles vous êtes intervenus permettent de constater que votre action s'est développée, au-delà de l'investigation criminelle classique en matière pénale, vers une approche patrimoniale de l'enquête et une dimension de plus en plus partenariale de la répression de la délinquance. 

Votre apport dans la lutte contre l'économie souterraine et les différentes formes de criminalité organisée qui l'accompagnent est incontestable. Depuis 2002, vous avez participé à plus de 1 730 procédures judiciaires se traduisant par 3 295 écrous. Ce sont 1 360 armes et 1 240 véhicules qui ont été saisis. Les résultats obtenus dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants sont eux aussi éloquents : plus de 4,7 tonnes de cannabis, 66 kilogrammes d'héroïne, 47,5 kilos de  cocaïne, 52 785 comprimés d'ecstasy. Le montant des valeurs saisies en numéraire, sur compte bloqué, meubles, immeubles ou autres valeurs est proche des 27 millions d'euros.

A travers votre action, nous pouvons combattre, avec toutes les armes juridiques disponibles, le noyau dur de la délinquance. En Alsace par exemple, le GIR a apporté son soutien au début du mois d'octobre, à la direction départementale de la sécurité publique du Bas-Rhin pour démanteler un réseau de trafiquants de produits stupéfiants opérant dans les quartiers sensibles de l'agglomération strasbourgeoise. Plus de 1,3 kilos d'héroïne, du numéraire, deux véhicules ont notamment été saisis.

L'association des GIR avec les services du travail et de l'emploi a également produit des effets positifs. Les opérations judiciaires et les contrôles administratifs d'établissements ont ainsi donné lieu, depuis le 1er janvier 2005 à la constatation de 813 infractions de travail dissimulé.
A titre d'exemple, je voudrai citer deux dossiers emblématiques de cette volonté.
Dans le Gard et en région parisienne tout d'abord où une vaste opération de police judiciaire a été déclenchée afin d'interpeller les auteurs présumés de faits de travail illégal et de blanchiment en bande organisée. Diligentée par les sections de recherches de Montpellier et de Nîmes, avec le concours actif du GIR du Languedoc Roussillon, cette enquête a permis d'établir qu'une famille de gitans sédentarisés de la banlieue de Nîmes dirigeait une activité de ramonage illégale adossée à des artisans en difficulté financière. Au total 102 personnes ont été interpellées. Les perquisitions ont permis de saisir 100 000 euros en numéraire, 12 véhicules, 3 armes et 660 000 euros sur des comptes bancaires. Les biens immobiliers identifiés, 9 villas de luxe dans le Gard ont fait l'objet d'une inscription d'hypothèque à titre conservatoire par le parquet local.

Dans le Val de Marne ensuite où, en septembre 2005, le GIR, la brigade criminelle de la direction régionale de la police judiciaire de Paris, la sécurité publique, l'URSSAF, la direction du travail et la direction générale des impôts sont intervenus, conjointement, dans le cadre d'une enquêtes sur les sociétés privées de sécurité. Les enquêteurs ont démontré que, sous couvert de deux entreprises individuelles, deux personnes exerçaient illégalement la profession d'agents de gardiennage. Elles avaient une activité de recrutement et de mise à disposition d'agents de sécurité qui ne bénéficiaient pas d'agréments préfectoraux et qui n'étaient ni fiscalement ni socialement. Leurs activités représentaient environ 70 000 heures travaillées dissimulées et un minimum de 238 000 euros de droits éludés. Une cinquantaine d'employés clandestins ont été recensés pour le compte d'une quinzaine de sociétés donneuses d'ordre.

Ces dossiers illustrent une part de votre activité, de la plus-value que vous pouvez donner à l'action des forces territoriales.

Je sais cependant que parfois vous avez des interrogations. Non pas sur la mission qui vous est confiée : je connais votre mobilisation et votre investissement. Mais sur votre place exacte, sur les moyens qui vous sont attribués. Ces interrogations sont naturelles : les GIR sont des structures encore récentes et malgré les succès rencontrés des questions peuvent encore se poser. Je veux être très clair sur ces points devant vous car je le répète votre expertise et votre savoir-faire sont indispensables dans notre stratégie de lutte contre l'insécurité.

J'ai demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie d'examiner avec précision la situation de chaque GIR.

En termes d'effectifs de l'Unité d'Organisation et de Commandement tout d'abord. Vous le savez la même démarche est engagée pour tous les services et pour toutes les unités. Pour être plus performants, nous devons adapter nos moyens aux besoins locaux clairement identifiés. On n'a pas les mêmes besoins dans toutes les régions. Cela ne signifie pas remettre en cause le travail ou l'existant, cela signifie s'adapter pour être plus efficace. La décision de renforcer certains GIR a été prise. Des postes seront offerts très prochainement. Un point particulier mérité notre attention. Il concerne les GIR d'Outre-mer pour lesquels les UOC sont des structures non-permanentes. L'évolution des formes de la délinquance, les défis que nous avons à relever imposent que cette situation soit revue. L'intérêt de les transformer en structures permanentes apparaît désormais comme une évidence tant en ce qui concerne notamment la lutte contre l'économie souterraine que les trafics de stupéfiants. Nous ne pouvons pas nous passer, ici comme ailleurs de la plus-value que représentent les GIR.

Je veux aussi tordre le cou à des fantasmes ou à de fausses idées qui ont pu circuler. L'affectation en GIR n'a pas nuit, bien au contraire à l'avancement. Pour la police, sur les 18 chefs de GIR affectés en 2002-2003, 11 ont été promus au grade supérieur en 2003 ou 2004. Il est difficile de faire davantage. Les promotions au grade de capitaine ou de commandement sont également favorable.

La réforme des corps et carrières s'applique. Pour vous aussi, elle n'est pas une remise en cause des uns et des autres, mais la reconnaissance de responsabilités nouvelles pour les officiers et les gradés et gardiens. 7 postes de chefs de GIR vont être confiés à des officiers au départ de leur titulaire actuel. L'organisation sera ainsi clarifiée et conforme à notre objectif d'adaptation et de responsabilisation.

Je souhaite aussi que les actions de formation soient intensifiées. Plusieurs sessions ont été organisées sur des thèmes centraux. Je pense à la lutte contre le blanchiment et l'économie souterraine, au proxénétisme de la drogue ou encore  à la pratique des infractions économiques et financières. Des journées de sensibilisation sur des thématiques propres aux GIR vont être organisées au bénéfice des personnels nouvellement affectés. Vous avez une spécificité, une technicité qui est reconnue, valorisée. Elle impose une mise à jour de vos connaissances et je sais votre investissement personnel dans cette démarche. Là aussi, je souhaite vous soutenir. 

La question des moyens matériels est aussi au centre de vos préoccupations. J'ai demandé à ce que, partout où cela est nécessaire, ils fassent l'objet d'un renouvellement.

Vous le voyez, pour moi, le GIR, parce qu'il est une structure interministérielle capable d'agir contre la délinquance sous toutes ses formes, doit faire l'objet d'une attention particulière.

Je veux d'ailleurs m'attarder sur cette interministérialité qui vous caractérise. Elle constitue pour chaque ministère un enjeu majeur et est un levier puissant de la réforme de l'Etat. Cette dimension pluridisciplinaire, cette approche collective confère à votre action une efficacité largement supérieure à la somme des performances individuelles de chaque administration engagée. Au quotidien, la collaboration avec les services des impôts est remarquable. L'engagement est total. Je sais aussi que les douanes sont confrontées à des problèmes d'effectifs similaires à ceux que nous avons pu parfois rencontrer. La rencontre d'aujourd'hui est le signe que chacun d'entre nous mettra tout en œuvre pour y remédier.

L'un des axes forts pour y parvenir me semble être la définition des missions confiées au GIR. Les objectifs doivent être identifiés et les priorités  clairement affichées.

La cohérence et l'efficacité de l'action des GIR réclament un meilleur pilotage stratégique des GIR. Il y a dans ce domaine une trop grande disparité. Dans certaines régions, c'est la conférence départementale de sécurité qui tient lieu de comité de pilotage, dans d'autre la notion de comité de pilotage se confond avec celle de comité d'arbitrage. Dans certains départements périphériques, aucune réunion n'est organisée. Cela n'est pas acceptable car ces dysfonctionnements remettent en cause les fondements même de votre action.

Votre intervention doit être fondée sur un diagnostic commun du préfet et du procureur de la République dont la réunion constitue le comité de pilotage. Les chefs de services territoriaux doivent y être associés. C'est, et vous le savez, une des conditions du succès. Cette mise en perspective de votre valeur ajoutée, cette transparence dans le choix des objectifs, cette affirmation des priorités locales doit conduire à une totale adhésion des services territoriaux aux dispositifs retenus.

Il ne s'agit de multiplier les réunions, mais de fixer un cadre. Je demande à ce que, une fois par an,  me soit communiqué par  les priorités assignées aux GIR. Il sera adressé au garde des Sceaux. Les coordonnateurs devront en informer chaque partenaire. 

Cette démarche est essentielle à mes yeux pour vous permettre de continuer dans la voie dans laquelle vous êtes résolument engagée.

Il est indissociable de la politique volontariste en matière de moyens humains et matériels que j'ai précédemment défini.

Elle correspond à une logique d'ensemble nous permettant d'amplifier notre action dans la lutte contre l'économie souterraine et les formes de criminalité qui l'accompagnent.

De nouveaux outils sont mis à votre disposition. C'est le cas tout particulièrement de la Plate-Forme d'Identification des Avoirs Criminels (PIAC) mise en place le 1er septembre 2005.

Rattachée à l'office central pour la répression de la grande délinquance financière, elle est composée de policiers et de gendarmes. Permettant d'identifier et de saisir les avoirs illégalement acquis, elle vise à priver les malfaiteurs du produit de leurs agissements criminels. Elle peut vous assister dans cette mission et procéder avec vous aux premières mesures conservatoires sur les biens meubles et immeubles en tous points du territoire. C'est un outil essentiel pour favoriser l'approche financière de la lutte contre la criminalité organisée.

La mobilisation des services de l'Etat dans la lutte contre le travail illégal vient ensuite de connaître un nouvel élan avec la création, en mai 2005, de l'Office central de Lutte contre le Travail Illégal (OCLTI). Rattaché à la direction générale de la gendarmerie nationale, il doit à terme, regrouper également des policiers, des membres du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, du ministère de l'économie et des finances et du ministère des transports.
Il sera à même de vous aider dans votre démarche.

Ce que j'attends de vous c'est que vous accentuiez encore votre approche patrimoniale, que vous portiez tous vos efforts sur l'identification des clans.

Je sais le travail que vous accomplissez au quotidien. Je mesure le chemin parcouru. Il nous faut aujourd'hui continuer, intensifier notre action, lutter en profondeur contre ceux qui sont ancrés dans la délinquance.

Vous êtes dans cette démarche un des éléments clés. J'attends donc beaucoup de vous mais je sais votre implication et votre mobilisation. Je sais également qu'à l'image de l'excellente collaboration qui existe entre les deux coordonnateurs -que je remercie pour leur travail-  un esprit d'équipe remarquable vous anime.

Vous les retrouvez pour une réunion technique les 8 et 9 novembre. Elle permettra de compléter notre rencontre d'aujourd'hui pour que dès demain nous poursuivions dans cette mission essentielle pour la sécurité des français.