Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, lors de son déplacement dans le Vaucluse au pied du massif d'Uchaux, pour l'ouverture de la campagne Feux de forêts 2006
Plus encore que lors des années précédentes, les semaines qui viennent seront celles de tous les dangers pour la forêt méditerranéenne, comme en témoigne l'activité opérationnelle particulièrement soutenue de ces derniers jours.
Mais pas seulement pour la forêt méditerranéenne, car déjà en ce début de mois, dans le Finistère, 450 ha de landes et forêts ont été ravagés par les flammes.
Dans le Vaucluse, seize incendies ont parcouru 40 hectares et nécessité le recours aux moyens aériens.
Depuis le 30 avril, à quatre reprises les sapeurs-pompiers vauclusiens se sont mobilisés pour soutenir leurs collègues des Bouches du Rhône et du Gard qui luttaient contre de violents incendies.
La saison feux de forêts 2006 est donc bien entamée dans le Vaucluse, département recouvert de 150.000 hectares de massifs forestiers et qui conduit avec succès depuis 2002 de vigoureuses actions de prévention (30 ha détruits en 2005 contre 200 en 2002).
C'est un exemple que ne renieront pas le député Thierry MARIANI et le sénateur-maire Claude HAUT, l'un et l'autre rapporteur du budget de la sécurité civile auprès de leur assemblée respective.
Leur engagement, leurs critiques toujours constructives comptent pour beaucoup dans le débat public et je voudrais les en remercier très sincèrement.
Il était important pour moi de vous rencontrer, vous les acteurs de la prévention et de la lutte qui ne ménagez pas votre ardeur sur le terrain, vous dont cette année encore l'action déterminée sera consacrée à la protection de nos concitoyens et à la sauvegarde du patrimoine forestier. Car je n'oublie pas que chaque année, en moyenne, près de 18.000 ha de forêts sont détruits, que des populations sont fortement éprouvées et que des sauveteurs s'exposent et parfois, hélas, trouvent la mort - 6 encore l'an dernier.
J'ai tenu à ce que vous soyez tous réunis ici, élus, acteurs de la prévention, acteurs de la lutte, acteurs de la détermination des origines des feux et de la répression, car l'expérience des dernières années montre que c'est par votre démarche collective que s'exprimera le refus de ce qui est trop communément admis comme une fatalité.
Depuis plusieurs années d'importants progrès ont été obtenus, grâce à l'application de méthodes telles que l'aménagement des espaces forestiers, la détection immédiate des départs de feu, la stratégie d'intervention rapide sur les incendies naissants, ou le développement sous l'autorité du préfet de zone Sud et des préfets de départements de véritables structures de coordination entre prévention et lutte contre le feu.
Il nous faut aussi nous tourner vers les technologie de l'avenir et je ne doute pas que l'expérimentation de drones d'observation nous permettra un jour de gagner encore du temps par une détection précoce et à moindre risque des incendies de forêts.
L'apport des moyens du ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire pour soutenir votre action sera important cet été. A vos côtés seront déployés :
- 650 sapeurs sauveteurs des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), dont deux détachements d'intervention "retardants" permettront la projection de produits retardants par voie terrestre pour mieux assurer la protection des points sensibles, de jour comme de nuit ;
- 300 militaires et 3 hélicoptères pour l'emport des détachements d'intervention héliportés (DIH) seront mis à disposition par le ministre de la Défense, en application du protocole « Héphaïstos » ;
- 23 aéronefs bombardiers d'eau - dont 1 hélicoptère de très grande capacité sera positionné en Corse - 3 avions et 8 hélicoptères de secours et de commandement sont disponibles ;
Au sein de cette flotte, il convient de souligner les deux avions bombardiers d'eau gros porteur DASH 8, dont l'expérimentation sera poursuivie. Cet avion, d'une capacité d'emport et de largage d'eau ou de retardant de 10 tonnes, a montré l'an dernier sa capacité à soutenir l'action des moyens au sol en assurant notamment la pose de lignes d'appui au retardant. La capacité d'intervention de la flotte du ministère de l'Intérieur s'en trouvera sensiblement améliorée.
L'importance et le rôle joué par les moyens aériens de la sécurité civile m'ont conduit à proposer au Gouvernement, qui l'a accepté, à engager les procédures de remise à niveau de la flotte suite aux accidents survenus l'été dernier: un onzième Canadair a ainsi été acquis et livré début 2006 pour remplacer l'appareil perdu en Corse en août 2005. Un douzième appareil sera livré à la fin de l'année, permettant à la flotte de retrouver sa configuration initiale, ce qui n'avait pas été le cas depuis la perte du premier appareil en 1997.
Des colonnes de renfort de sapeurs-pompiers seront également constituées à votre profit pour compléter le dispositif dans les lieux particulièrement concernés par le risque d'incendie. Pour tenir compte des enseignements des dernières campagnes, elles pourront être déployées préventivement lorsque les risques prévus seront élevés. Cette forme de solidarité nationale, car je le rappelle, c'est l'État qui en assume la charge, me paraît devoir être mise en valeur, les départements acteurs d'un jour de cette entraide étant les bénéficiaires du lendemain.
En Corse, le renforcement des moyens locaux par des renforts venus du continent, lorsqu'il est nécessaire, est pénalisé par les difficultés d'acheminement liées à l'insularité. J'ai donc décidé de constituer en Corse même une réserve représentant l'apport en matériel d'une colonne de renfort feux de forêts, grâce à un investissement exceptionnel de l'État. Un dispositif conventionnel a été conclu par les préfets et les présidents des conseils d'administration des deux SDIS corses.
Les sapeurs-pompiers corses qui armeront cette réserve seront relevés en cas de besoin par des renforts venus du continent par voie aérienne. Nous gagnerons ainsi un temps précieux.
Ce dispositif, pour important qu'il soit, ne trouve son efficacité que s'il s'inscrit dans une stratégie constamment affirmée d'anticipation garantissant la rapidité et la cohérence des interventions.
Les efforts conduits par Météo France pour améliorer la précision de la mesure des risques et l'apport de l'Office National des Forêts qui permet d'apprécier sur la zone la vulnérabilité de la végétation doivent à ce titre être salués.
Mais cette démarche d'analyse des risques ne peut se limiter au suivi de ces éléments physiques: la recherche des causes de feu constitue également un aspect essentiel de cette approche d'anticipation pour, sur le long terme, engager une action volontariste permettant de réduire durablement le nombre des feux.
Le suivi au jour le jour de ce paramètre permet aussi de renforcer les moyens de surveillance et de lutte dans les secteurs où le risque de mise à feu est le plus important, que ce soit pour lutter contre les imprudences ou pour mettre fin aux actions criminelles.
C'est pour cette raison que la coopération accrue entre les acteurs de la surveillance et de la lutte contre les incendies, avec les services du Ministère de la Justice, de la Police et de la Gendarmerie en vue d'identifier les causes de départ de feu afin d'y apporter les solutions appropriées constitue une priorité du Gouvernement.
La lutte contre les incendies de forêts, trop souvent d'origine criminelle nécessite la mise en œuvre de dispositifs préventifs et répressifs.
S'agissant des dispositifs préventifs d'abord, j'ai demandé qu'ils soient adaptés selon le niveau de la menace résultant essentiellement de facteurs météo. Gradués, ces dispositifs s'articulent autour de quatre axes :
- une recherche permanente du renseignement auprès de la population et des élus ;
- l'exécution de patrouilles spécifiques de surveillance ensuite, orientées vers les zones menacées ;
- la mise en œuvre, sur réquisition du procureur de la république, d'opérations de contrôles de zones.
- une médiatisation des actions engagées. Il s'agit dans mon esprit tout à la fois de faire connaître notre détermination à lutter contre ce fléau, et notre volonté de dissuader la commission des actes, de prévenir les comportements dangereux et de développer le civisme des témoins.
S'agissant du dispositif réactif et répressif, là aussi il nous faut avoir les réponses les plus adaptées. En cas de départ d'incendie, il faut chaque fois que possible procéder à un bouclage de zone afin de réguler le trafic, faciliter l'accès des secours, faciliter l'évacuation des personnes et contrôler les individus présents dans la zone. Des cellules spécifiques d'enquête doivent être constituées en faisant appel à des techniciens en identification criminels ayant recours en particulier à des détecteurs d'hydrocarbures.
Les importants moyens humains et matériels déployés à ce titre ont ainsi permis de confondre plus de 200 auteurs d'incendies l'an passé. Sur la trentaine de personnes interpellées pour des faits criminels, une vingtaine a été incarcérée. Je serai attentif à ce que les efforts entrepris ces dernières années soient reconduits.
Ces mesures ne me font pas oublier tous ceux qui, aux côtés des sapeurs-pompiers, des militaires et des gendarmes, concourent à la surveillance quotidienne de nos espaces forestiers, qu'ils soient agents des services publics comme ceux de l'ONF, ou bénévoles au sein des comités communaux feux de forêts. Je les salue ici, ils ont eux aussi chaque année une lourde mais noble tâche.
Il n'est pas d'incendie anodin : en ces périodes de risques, tout départ de feu mérite d'être traité mais à l'occasion de chacune de ces interventions, les personnels qui luttent contre le feu courent des risques importants. Il me paraît donc capital que dans ces interventions soient au mieux intégrés les impératifs de sécurité.
Intervenants à terre ou du ciel, j'insiste pour que vous mesuriez au plus juste votre engagement. Ne prenez pas de risques inutiles dès lors que la vie de nos concitoyens ou celle d'autres intervenants n'est pas directement menacée. Vous avez déjà payé un tribut trop lourd.
J'appelle enfin chacun de nos concitoyens, premiers acteurs de leur sécurité à faire preuve d'une vigilance et d'une prudence permanentes, à se sentir responsable de la protection de notre patrimoine forestier et à respecter les obligations qui leur incombent en matière de débroussaillement auprès de leurs habitations. C'est la condition essentielle pour que le combat dans lequel vous vous engagez totalement ne soit pas livré en vain.