16.06.2005 - XXIèmes Assises nationales de l'INAVEM à Montauban

16 juin 2005

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire - Montauban


Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,

Je me réjouis d'ouvrir ces XXIèmes assises nationales de l'INAVEM qui portent cette année sur un thème ô combien important, celui des victimes de violences conjugales.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter ma conception de l'aide aux victimes.
On ne choisit pas d'être une victime ; c'est le hasard qui met la victime sur la route de son bourreau. Nous sommes tous des victimes potentielles. Madame Nelly CREMEL, maman d'une petite fille de onze ans, était partie faire un footing tout près de chez elle, dans un quartier plutôt tranquille. Mais sa route a croisé celle de deux dangereux prédateurs, des individus sans foi ni loi qui ont coupé le fil de sa vie pour quelques euros.
Les pouvoirs publics ont des devoirs à l'égard des victimes, je dirais même une obligation de résultat, compte tenu de la gravité du sujet.

1) le premier devoir des pouvoirs publics est de veiller à en réduire le nombre. C'est pourquoi depuis 2002, j'ai engagé une lutte de tous les instants contre la délinquance. Ce sont près de 300 000 victimes potentielles de la délinquance qui ont été épargnées, ainsi que plus de 2 500 vies pour les accidents de la route.
Mais il faut continuer, on ne pourra jamais se satisfaire des résultats atteints. Il faudra continuer à travailler pour ancrer cette évolution dans la durée et changer les mentalités.

2) Le deuxième devoir des pouvoirs publics c'est d'arrêter les auteurs de crimes et délits au plus vite afin que Justice puisse être rendue et l'auteur sévèrement sanctionné.
Le taux d'élucidation a progressé, ceci signifie qu'un crime et délit sur 3 est résolu mais également que 2 sur 3 ne le sont pas. Policiers et gendarmes disposeront des moyens nécessaires pour aller plus loin et plus vite. Mais le sort des auteurs doit être envisagé autrement ; un des meurtriers présumé de Nelly CREMEL avait déjà un lourd passé judiciaire, déjà condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la Cour d'assises du Rhône en 1990 pour assassinat. Il avait recouvré la liberté en conditionnelle en 2003 ; qu'en a-t'il fait ? Il a tué à nouveau, pour 20 euros.

Une nouvelle fois, c'est le problème du suivi des criminels dangereux qui se trouve posé et de leur retour à la liberté. En plein accord avec le Premier ministre et en concertation avec le Garde des Sceaux, je vais très rapidement proposer des mesures pour limiter au maximum les risques de récidive chez ces individus qui, après avoir exécuté leur peine ou bénéficié d'une libération conditionnelle, constituent à nouveau une menace pour la société. Il conviendra d'ailleurs d'examiner attentivement les conditions mêmes d'exécution des peines et leur durée. Mais je veux que la réponse que l'on apportera aille plus loin que celle de la prise en compte des criminels les plus dangereux. Je souhaite en effet qu'un message fort soit adressé à tous les récidivistes potentiels afin qu'ils sachent exactement ce à quoi ils s'exposeront désormais.
C'est toute la question de l'effectivité de la peine qui se pose : je propose que désormais l'exécution de la peine soit la règle et que sa réduction soit l'exception. Je souhaite limiter la durée du crédit de réduction de peine, notamment automatique, pour les récidivistes.
Je souhaite aussi revoir les critères et les conditions de décisions en matière de libération conditionnelle.
Enfin, je souscris aux propositions du Garde des Sceaux en matière de réitération de l'infraction. Je veux dire que lorsqu'un individu a été condamné par un premier jugement, il doit être tenu compte de cette décision nonobstant tout recours, ainsi que pour la limitation à un seul sursis avec mise à l'épreuve en matière de récidive.
Je crois enfin qu'un gros travail doit être fait en matière de suivi des délinquants ayant purgé leur peine.

3) Mais il faut aussi mieux prendre en compte les victimes.
Et c'est là que nous devons œuvrer dans la complémentarité.
Policiers et gendarmes sont souvent le premier recours des victimes, c'est dans leurs services que la victime va chercher réconfort et réponse à ses demandes et à ses angoisses. C'est pour répondre à cette démarche de qualité qu'a été mise en œuvre la charte de l'accueil des victimes d'infractions pénales affichée depuis le 15 janvier 2004 dans tous les services de police et de gendarmerie. Sa mise en œuvre a bénéficié d'un accompagnement de moyens matériels, mais également de formations qui doivent être poursuivies et accentuées.
Il y a dans les services les correspondants départementaux d'aide aux victimes ainsi que les bureaux d'aide aux victimes. Leur rôle est indéniable mais souvent insuffisant faute de temps en ce qui les concerne.
C'est pour améliorer encore la situation qu'a été signé le 25 mai 2005 par mon prédécesseur Dominique de VILLEPIN, un protocole avec l'INAVEM que j'avais moi-même initié dès la fin 2003, dans le but de développer ces permanences d'aide aux victimes dans les services mais également d'offrir un cadre dans lequel les acteurs locaux vont pouvoir désormais s'inscrire pour mettre en œuvre un dispositif efficace et pertinent adapté aux spécificités locales.
J'ai demandé également aux directeurs de la police et de la gendarmerie nationale de réfléchir sur l'opportunité de mettre en place au sein de leur service, au niveau départemental de police des équipes spécialisées pour intervenir dans le domaine très délicat des violences conjugales. J'attends leurs propositions d'ici le 1er juillet et je souhaite que l'on procède rapidement à une expérimentation. Vous serez consulté sur ce point.
Je l'ai dit lors de ma rencontre avec les associations de victimes le 9 juin à Melun : l'accueil dans les services doit être assuré par des fonctionnaires de qualité, bien formés, bien documentés, bien équipés afin d'apporter en temps réel et dans l'urgence, le réconfort nécessaire et donner la bonne réponse à la victime. Les points " accueil victimes " installés dans les services de police et de gendarmerie, au plus près de l'accueil, lorsqu'ils existent, doivent aussi répondre à cet objectif : soutenir, écouter, renseigner, orienter les victimes.
Policiers et gendarmes font de mieux en mieux pour travailler en partenariat avec " le monde social ". Les dispositifs d'accueil par les travailleurs sociaux ou des permanences d'associations dans les commissariats et les gendarmeries permettent d'aller plus loin, je m'engage à amplifier ce dispositif. Il n'est pas imaginable de laisser une victime de violence quitter le commissariat avec une simple adresse ou un numéro de téléphone en poche, il faut aller plus loin, aller vers elle, l'accompagner si la situation l'exige, jusqu'au service social qui pourra régler le problème au fond, lui donner le nom de la personne qui va prendre en compte son dossier car celle-ci aura été avisée par vos soins ; je pense à ces femmes victimes de violences conjugales qui se retrouvent dans la rue en pleine nuit. Ces victimes doivent pouvoir être reçues dans un endroit où elles pourront parler de leur douleur en toute confiance, elles doivent pouvoir bénéficier de vêtements de rechange, ne pas se voir imposer l'humiliation de se retrouver côte à côte au sein d'unités médico-judiciaires avec les auteurs présumés d'infractions. Notre droit a permis que l'on s'occupe des auteurs dès la première heure en leur fournissant gratuitement l'aide d'un médecin et d'un avocat. Je veux pour toutes les victimes de violences, que priorité leur soit donnée. Ce sont elles qui ont besoin d'être aidées immédiatement.
Les violences conjugales : c'est le thème que vous avez retenu pour vos assises. C'est un sujet grave car ces violences se déroulent à l'abri des regards, au cœur de ce qui devrait être un havre de paix et de quiétude, là où les enfants doivent pouvoir se construire dans la sérénité. Les forces de l'ordre en sont informées lorsque les violences ont déjà eu lieu. Pourtant chacun sait, avant la première intervention, qu'il y a déjà eu des précédents. Je pense que c'est aussi là, en amont, grâce à votre réseau de correspondants, que vous pouvez jouer un rôle important pour désamorcer la crise conjugale au plus tôt. Mais la même démarche doit être mise en œuvre pour toutes les violences intrafamiliales, je pense également aux enfants maltraités et aux personnes âgées démunies et abandonnées.
La moitié des homicides commis sur les femmes ont été commis par celui qui partage ou a partagé sa vie et qui n'est la plupart du temps pas du tout un marginal.
Ce fléau touche toutes les catégories sociales et toutes les tranches d'âge.
Le sujet reste encore beaucoup trop tabou car la victime est réticente à en parler ; elle éprouve un profond sentiment de honte et de culpabilité ; c'est toute sa vie et son avenir qui est remis en question notamment quand elle n'a pas d'activité professionnelle et qu'il y a de jeunes enfants au foyer. Ceci est indigne d'une société civilisée et nous devons y remédier au plus vite ; votre contribution à la réponse à ce très grave problème est essentielle.
Surtout, je souhaite changer la donne concernant le domicile familial. En effet, il n'est pas tolérable qu'entre 21h00 et 6h00 du matin, une femme et ses enfants qui auraient été violentés par le mari, se retrouvent à la rue, au prétexte qu'aucune interpellation ne puisse être faîte à ces heures là. Je souhaite que tout soit mis en œuvre afin que ce soit l'auteur des violences qui soit obligé de quitter le domicile. Par ailleurs, tout doit être mis en œuvre en matière de logement, d'aide à l'emploi et d'aide à la parentalité en sensibilisant tous les services à l'accompagnement des victimes.
L'association d'aide aux victimes est inscrite dans un réseau social au sens large et à ce titre doit apporter aux services de police et de gendarmerie ce plus, qualitatif mais aussi quantitatif dans l'intérêt des victimes.
Je rappelle enfin qu'en début d'année, le Gouvernement avait commandé une enquête dans le but d'établir des statistiques (pour les années 2003 et 2004) sur les décès survenus au sein du couple dans le cadre des violences conjugales.

Ce travail qui a été rigoureusement mené vient d'aboutir.
Ses conclusions seront rendues publiques très prochainement en lien avec le ministère de la parité.

4) Enfin, j'ai décidé de créer au niveau national une délégation aux victimes, une structure légère mais permanente, commune à la police et à la gendarmerie. Elle sera chargée de piloter la politique d'aide au sein du ministère de l'intérieur. En effet, et je l'affirme à nouveau, le Ministre de l'Intérieur a une véritable légitimité en matière d'aide aux victimes ; il ne s'agit nullement pour moi de m'arroger les missions des autres ministères, le sujet est bien trop grave pour s'engager dans une quelconque polémique, et je rappelle que les policiers et les gendarmes sont les premiers interlocuteurs de la victime et que c'est aux services de police et aux unités de gendarmerie qu'elle s'adresse d'abord. C'est dans le cadre de cette légitimité que je veux bâtir une politique dynamique d'aide aux victimes en parfaite cohérence avec mes collègues du Gouvernement.
Le rôle de la délégation sera en interne de proposer des axes d'efforts et d'amélioration, d'en assurer la mise en œuvre, la coordination et l'évaluation. En externe, cette équipe sera un interlocuteur des associations de victimes et d'aide aux victimes pour analyser et relayer leurs attentes et inscrire l'action du ministère dans une démarche partenariale tant au niveau national qu'international. Vous aurez un rôle important à jouer.
Je suis revenu dans une maison qui m'est chère pour m'occuper de sujets qui me tiennent profondément à cœur.

Je suis heureux d'être parmi vous
Je vous remercie.