Intervention de M.Nicolas SARKOZY,Ministre d'Etat, de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de la cérémonie du 15 décembre 2005, à l'Hôtel de Beauvau
Mesdames, Messieurs,
J'ai souhaité vous réunir aujourd'hui, ici à l'hôtel Beauvau, pour rendre hommage au travail accompli au cours des journées de violences urbaines par l'ensemble des policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers de France.
C'est un moment que j'ai voulu solennel parce que votre courage, votre abnégation, votre professionnalisme ont forcé l'estime de tous les Français.
Vous savez que les mots ont leur importance. Pour ma part, je le dis haut et fort : je suis fier d'être à la tête de ce ministère, je suis fier d'être parmi vous et je suis fier de la façon dont vous avez su rétablir l'ordre républicain.
C'est vers ceux qui ont été blessés, physiquement ou moralement, que je me tourne pour les assurer du soutien de tous les Français.
Je vous félicite tous pour votre action.
J'ai voulu que vos conjoints soient associés à cette journée car, dans votre métier, les contraintes sont nombreuses et ce sont tous vos proches qui les subissent avec vous.
Votre disponibilité, votre engagement au service de tous sont, pour la Nation toute entière, des forces incontestables.
Certains d'entre vous ont été décorés aujourd'hui.
A travers vous, c'est l'ensemble des policiers, gendarmes, pompiers qui est à l'honneur.
C'est au nom de toutes les victimes que je vous remercie.
On a beaucoup parlé de cette crise. Certains, mais nous les connaissons – ce sont toujours les mêmes – ont commencé à chercher des excuses, des justifications.
Brûler des voitures, incendier des écoles, agresser des innocents, s'en prendre aux forces de l'ordre, aux pompiers, aux médecins, aux enseignants, ce n'est pas une forme d'expression, c'est commettre des délits. Celui qui fait cela est un délinquant, il doit être interpellé et jugé pour ses actes.
Nous avons su faire face à ces émeutes, non seulement ramener le calme mais aussi arrêter les fauteurs de troubles, les présenter aux magistrats dans des conditions permettant les poursuites.
C'est, dans de telles proportions, une nouveauté. C'est, en termes de réponse policière, une avancée et c'est à vous que nous le devons.
Vous avez mené un combat et vous l'avez bien mené.
Nous avons engagé un travail de fond. Depuis 2002, la délinquance recule dans notre pays. Votre activité n'a jamais été aussi soutenue. J'en veux pour preuve la hausse du taux d'élucidation.
Cela, certains ont du mal à l'accepter.
Et bien, moi, je le redis : la sécurité est un droit. Ceux qui sont chargés de l'assurer doivent pouvoir patrouiller dans n'importe quel endroit du territoire. La loi républicaine doit être appliquée partout et l'État que vous représentez doit être respecté par tous.
Il n'est pas normal que des enseignants se fassent insulter ou agresser. Il n'est pas normal que des médecins ou des infirmières hésitent à venir soigner leurs patients dans certains quartiers ou à certaines heures par peur d'une minorité de voyous.
Pendant des années, nous avons – et je dis "nous" pour la société dans son ensemble – laissé s'installer des comportements et des règles qui ne sont pas tolérables.
Il ne s'agit pas ici de désigner des coupables. Regardons simplement la vérité en face : aujourd'hui, ce qui est en jeu, c'est tout simplement l'affirmation des lois de la République, c'est la question de savoir si ce sont ses lois qui s'appliquent ou celles des bandes.
Vous vivez cette réalité au quotidien. Votre métier vous conduit à être confrontés à la violence, à la tension, au conflit.
Dans ce combat, vous avez gagné un atout formidable : la confiance des Français. C'est à votre courage, à votre maîtrise, à votre sang-froid que vous le devez. Cela devait être dit haut et fort.
Vous le savez, je continuerai à être intransigeant avec tous ceux qui ne respectent pas les règles, avec tous ceux qui bafouent la déontologie.
Je continuerai à demander toujours plus de discernement dans l'action. C'est le fondement même de la légitimité de notre action.
Mais, vous le savez aussi, je continuerai à défendre toutes celles et tous ceux qui sont mis en cause alors qu'ils ne font que leur travail, alors que, dans des conditions souvent difficiles, ils veillent à la sécurité des personnes et des biens.
La façon dont vous avez su gérer la crise de ces dernières semaines est la meilleure des réponses aux critiques.
Il nous reste maintenant encore beaucoup à faire. Face aux événements que nous avons connus, nous avons appris une chose : il nous faut continuer notre travail de fond en mutualisant nos moyens, en adaptant en permanence nos méthodes pour ancrer durablement dans le temps et dans l'espace le recul de la délinquance.
Il nous faut aussi savoir que les problèmes sont complexes. N'ayons pas peur des mots : certains de nos concitoyens ne partagent pas nos représentations sociales.
Ce qui nous semble évident ne fait pas toujours partie de leurs modes de pensée et de leurs références. Il ne faut pas avoir peur de le dire.
Trop longtemps, certains ont cherché à caricaturer ce discours, à le simplifier pour mieux nier les réalités.
Certains aujourd'hui s'étonnent de l'ampleur de ces événements, contrairement à vous qui avez assisté durant des années à l'installation insidieuse de ces bandes, de ces trafics, sans avoir vraiment les moyens, ni les pouvoirs de les mettre hors d'état de nuire.
Cette réalité nous a rattrapés avec force.
Depuis 2002, nous avons réagi. Je vous ai donné la possibilité de faire votre travail et vous l'avez bien fait. La preuve en est puisque la déstabilisation des systèmes mafieux a provoqué une réaction de la part de ceux qui les alimentent et qui imposent leurs règles dans les quartiers.
Nous avons rétabli l'ordre. Force est restée à la loi. Vous êtes les principaux acteurs cette réussite. Vous pouvez en être fiers.
Mais, il faut que nous restions lucides. Nous avons encore du chemin à parcourir.
J'ai souhaité pour ma part maintenir le cap et amplifier nos actions.
La nouvelle doctrine d'emploi des CRS a fait ses preuves. C'est un exemple d'adaptation aux nouveaux défis. J'ai décidé que 20 unités seront déployées dans les quartiers les plus exposés, ainsi que 7 escadrons de gendarmerie mobile.
Les GIR ont ouvert la voie de la mutualisation et de la mobilisation des moyens de tous les services de l'État. En développant une approche patrimoniale des dossiers, ils s'attaquent en profondeur à l'économie souterraine qui ronge nos cités. Ils doivent intensifier encore et toujours leur action.
La sécurité publique a su adapter ses horaires, son occupation de l'espace, ses capacités d'investigation à travers la mise en place de la sécurité de proximité.
Que n'a-t-on d'ailleurs entendu au sujet de la prétendue disparition de la police de proximité.
Pour comprendre le présent, il faut se souvenir du passé. Ce que l'on veut présenter comme une police de proximité qui aurait réglé tous les problèmes, ce n'est rien d'autre qu'une approche doctrinale, réductrice dans ses principes d'une partie de l'activité policière.
J'ai souhaité le retour à une approche pragmatique entre prévention et répression.
Son point d'équilibre est et demeure le contact avec la population. Mais la confiance des Français suppose que l'on arrête les délinquants et que l'on protège les honnêtes gens. On doit pouvoir dire que ceux qui respectent les lois ont droit à la sécurité et que ceux qui les violent doivent être punis.
La police judiciaire est pleinement associée à cette action et sa contribution lors des violences urbaines de ces derniers jours en est l'illustration.
C'est cela, qu'ensemble, nous avons bâti.
Pour moi, il n'a jamais été question d'opposer prévention et répression.
Dès 2003, j'ai proposé un plan de prévention. Il n'a pas pu aboutir. Je le représenterai, enrichi de nouvelles suggestions, avant la fin de l'année.
Ce que nous savons également, c'est que la démarche que nous avons entreprise, la recherche du renseignement opérationnel est fondamentale.
Le travail effectué par les renseignements généraux est considérable. J'ai demandé qu'il soit prolongé, amplifié afin que nous puissions mieux connaître ceux qui empoisonnent la vie des habitants de certains quartiers.
Je veux, pour conclure, vous dire que je continuerai à me battre, avec l'ensemble du gouvernement, afin que vous disposiez de tous les moyens budgétaires, juridiques et matériels nécessaires à l'accomplissement de votre mission.
Je veux aussi dire puisque vos conjoints sont avec vous que vous exercez un des plus beaux métiers du monde : vous êtes chargés d'assurer la sécurité des personnes et des biens, chargés de porter aide et assistance aux victimes.
Ce sont des métiers qui demandent beaucoup pour ceux qui les exercent et pour leurs proches. C'est à vous tous que je veux une nouvelle fois dire merci au nom de tous les Français.
C'est avec vous tous que j'ai souhaité partager ce moment.
Je le répète, votre courage et votre abnégation vous honorent.
Aujourd'hui, c'est la nation toute entière qui vous rend hommage. Vous le méritez.
Policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, je suis fier de diriger ce ministère, je suis fier d'être votre chef, mais je suis surtout fier de vous.