14.07.2005 - Hôtel de Beauvau - Fête Nationale du 14 juillet

14 juillet 2005

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire - Hôtel de Beauvau - Fête Nationale du 14 juillet


Mesdames et messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir à l'occasion de la fête nationale. Chacun d'entre vous à "quelques liens" avec cette grande maison... Nous sommes donc un peu en famille.

Ce rendez-vous chaleureux n'est pas dénué d'une certaine gravité puisque nous entourons de façon fraternelle les familles et les proches de ceux qui, cette année, sont tombés ou furent gravement blessés dans le cadre de leur service.

Assurer la sécurité de nos concitoyens est une mission périlleuse, parfois même dangereuse. Ce risque distingue ceux qui se dévouent à l'ordre public, mais il peut être à la source d'une immense douleur pour ceux qui entourent d'affectation l'être qui a choisi d'être policier, gendarme ou pompier.

J'ai eu l'occasion, il y a un instant, de saluer ces femmes, ces hommes, ces enfants dont la vie familiale et affective a été brisée… Leurs cicatrices sont, je le sais, indélébiles. Rien ne peut totalement apaiser leur souffrance, mais qu'ils sachent qu'ici, en ce jour, nous leur tenons symboliquement la main.

Je veux leur dire que leurs témoignages, leurs regards et leur dignité, sont, pour moi, comme une obligation de résultats.

 Je veux leur dire que nous n'oublions pas, nous n'oublions rien ! 

Mesdames et messieurs,
Mes amis,

Vous avez, ce matin, très certainement suivi le défilé…

En votre nom à tous, j'adresse nos très vives félicitations à toutes celles et tous ceux qui y ont participé.

Ils ont fait honneur à leurs corps.

L'accueil chaleureux qui leur a été réservé par les Parisiens témoigne de leur popularité. Il traduit l'immense attente des Français à l'égard de ceux qui assurent leur protection.

A cet égard, je veux vous dire, une fois encore, une fois de plus, que je compte sur vous et que vous pouvez compter sur ma détermination. Ce que j'exige de vous, sachez que je l'exige de moi-même.

Mon engagement est intense parce que nos responsabilités sont fortes. Je ne suis pas un homme de salon qui disserte sur les problèmes de son pays, mais un responsable public qui a pour charge de les traiter. 

Les Français ne réclament pas moins d'action, mais plus d'action. Ils n'attendent pas que nous flattions les idées reçues mais que nous les bousculions.

Si vous me permettez - en ce 14 juillet ! - un parallèle historique : je dirai que je n'ai pas vocation à démonter tranquillement les serrures à Versailles pendant que la France gronde. Car oui, depuis 20 ans, à force d'immobilisme, à force d'user de la langue de bois, à force d'éluder la réalité des faits et d'esquiver les défis, la France gronde !

 J'essaie de l'entendre et de lui répondre avec les mots et les actes qui sont les miens.

Mes chers amis,

Nous sommes une vieille nation, pétrie d'histoire. Les occasions de célébrer son passé ne manquent donc pas…

Mais le 14 juillet est une date singulière.

Elle n'illustre pas une victoire éclatante ; elle ne signe pas une déroute funeste… Non, elle est la marque d'un soulèvement que notre mémoire collective a érigé en symbole du rassemblement français.

Notre devise éclaire la nature de ce rassemblement. La liberté, l'égalité, la fraternité : ces trois valeurs ont fait la France ; elles ont, au surplus, traversé le monde, encourageant les espoirs de bien des peuples opprimés.

Doit-on improviser d'autres valeurs pour renouveler l'idéal français? Doit-on renoncer à leurs vertus universelles pour nous plier aux pressions d'un monde sans boussole, fractionné et violent ?

Naturellement pas !

Il faut rester fidèle à nos traditions. Fidèle à notre vocation internationale. Fidèle à l'énergie créative de notre peuple, car il y a des conservatismes à réformer, des acquis à moderniser, bref, ils restent des "bastilles" à conquérir !

Mais enfin et surtout, il faut rester fidèle à l'unité nationale.

A l'heure où le terrorisme le plus barbare refait parler de lui, j'invite tous nos concitoyens à se rassembler autour de leurs valeurs. Je les invite aussi à ressentir la profondeur de l'idéal européen.

Après les attentats de Madrid, le drame qui a touché nos amis britanniques doit être observé avec solidarité et lucidité. Le peuple anglais a été frappé cruellement et lâchement, mais nul n'est à l'abri d'agissements meurtriers dont l'obscur et pathétique dessein est, notamment, fondé sur la haine de l'occident.

A ceux qui s'interrogent à l'infini sur les principes qui caractérisent le "modèle européen", à ceux qui doutent de leur consistance, cette tragédie apporte son éclairage.

Nous sommes des démocraties ; ces meurtriers en méprisent les vertus ! Nous sommes des sociétés ouvertes ; ces meurtriers exècrent notre tolérance !  Nous sommes des Etats dont les responsabilités sont internationales ; ces meurtriers abhorrent l'idée même d'un monde qui se parle et s'enrichi de ses différences !

Oui, au regard de tout cela c'est bien, par delà Londres, toute la famille européenne qui est visée.

Nous sommes en état d'alerte.

Le plan vigipirate est au rouge. Vous savez ce que cela signifie pour nous : vigilance 24/24h, multiplication des contacts entre les services, mise en éveil de tous les réseaux d'information, coopération avec nos partenaires étrangers.

Les Français comptent sur nous. Avec professionnalisme et sang froid, nous allons faire notre devoir. Il est clair : prévenir, dissuader ou contrecarrer toutes éventuelles menaces.

A l'évidence, notre action doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie globale.

L'ensemble des ministres de l'Intérieur de l'Union s'est retrouvé hier à Bruxelles pour avancer sur un certain nombre de dossiers décisifs. Je crois que le temps des tergiversations est bel et bien derrière nous.

Au-delà de la lutte contre le terrorisme, cette approche élargie est plus que jamais nécessaire.

A l'occasion du récent G5, qui réunissait à Evian mes principaux homologues européens, nous avons tracé les voies d'une coopération plus approfondie. Meilleur contrôle aux frontières extérieures, développement des opérations de polices communes en mer et dans l'espace de Schengen, accélération de la biométrie, maîtrise des flux migratoires : tous ces axes constituent une priorité pour les mois à venir.

Mesdames et messieurs,

L'unité nationale repose sur la solidité du pacte républicain, c'est à dire sur l'adhésion de nos concitoyens à un projet de société au sein duquel chacun se sent en mesure de vivre en confiance, de progresser, de s'épanouir.

Notre Ministère est largement au cœur de cet enjeu car il n'y a pas de communion nationale sans paix civique.

Quand l'insécurité gagne du terrain la liberté recule, quand la liberté recule la fraternité vacille, quand la fraternité vacille l'égalité se décompose. Vous le voyez, tout est lié !

Que ce soit à la Courneuve ou ailleurs, notre démocratie ne peut vivre avec la "peur au ventre", sous la pression de la loi du plus fort ou du plus filou.

Voilà pourquoi la sécurité pour tous et partout est le devoir absolu de l'État !

Pas à pas, nous faisons la démonstration que la violence n'est pas inéluctable. Nous avons, ces dernières années, brisé la spirale du laisser faire et de l'impuissance. Mais je connais trop bien la réalité sur le terrain pour me satisfaire de ces progrès.

Notre effort doit être amplifié, et en particulier ciblé sur les noyaux durs qui nourrissent la criminalité et la violence. Notre fonctionnement doit être modernisé. Nos méthodes doivent être évaluées en permanence. Les nouvelles technologies doivent être généralisées. La formation des personnels doit être perfectionnée. Notre approche doit être compétée. A ce titre, dans la foulée des actions lancées en 2003 et 2004 dans 25 quartiers sensibles, j'ai décidé de reprendre le chantier de la prévention que je n'avais pu mener à son terme. Un plan national de la prévention sera lancé avant la fin de l'année.

Police, gendarmerie, sécurité civile, je veux que nous incarnions un service public exemplaire.

Exemplaire, grâce à la mise en œuvre rigoureuse de la LOPSI, qui, conformément aux engagements pris, renforce vos moyens. Le budget 2006 y contribuera.

Exemplaire, vis à vis des victimes. J'ai indiqué que j'entendais faire de leur accueil et de leur soutien, un axe essentiel de nos préoccupations. Songeant prioritairement aux victimes, j'ai, par ailleurs, " suggéré" que les récidivistes fassent l'objet d'un traitement sans complaisance. Je crois avoir été entendu sur ce point...

 Exemplaire, notre action doit l'être aussi dans sa volonté et sa capacité à faire de l'immigration une chance pour la France et non une source de crispations et de divisions.

Notre nation est généreuse, mais elle n'est pas un espace ouvert à tous les vents.

Une immigration désordonnée, c'est le contraire d'une intégration réussie, c'est donc la négation du projet républicain ! C'est pourquoi je veux passer d'une immigration subie à une immigration choisie.

Cela passe par une rationalisation quantitative et qualitative des flux migratoires. Cela passe par une lutte constante contre les irrégularités.

Augmenter de 50 % le nombre d'éloignements des étrangers en situation irrégulière par rapport à 2004 : c'est l'objectif ambitieux que nous sous sommes fixés ! 

Un service public exemplaire, c'est aussi et naturellement porter nos efforts sur la sécurité civile pour laquelle des moyens supplémentaires sont prévus. Sous l'œil exigeant et attentif des Français, les personnels de la sécurité civile font un travail remarquable.

Vous le savez, plusieurs incendies se sont déclarés ces dernières semaines et plusieurs sont sans doute à craindre… Là aussi, la vigilance, la réactivité, la prévention, sont d'actualité.

La prévention mais aussi la sanction, car il n'est plus admissible de constater qu'aux premiers jours de l'été, comme une sorte de sinistre rituel, des hectares de pinèdes et de garrigues partent en fumée !

Je le dis avec fermeté : le temps de la responsabilité partagée est venu, comme il est venu, en son temps, sur nos routes. Sur ce point, j'ai indiqué que les efforts pour lutter contre la violence et l'insouciance routière seront amplifiés.

Mesdames et messieurs,

Je veux vous dire enfin qu'il n'y pas de France unie sans équité.

Dans notre pays, l'égalité est devenue un slogan de façade qui masque des disparités criantes. N'en déplaisent aux gardiens de l'immobilisme théorique, l'égalité formelle ne m'intéresse pas.

L'équité, c'est le levier nécessaire pour atteindre l'objectif de l'égalité réelle. Que l'on appelle cela "discrimination positive" ou "volontarisme républicain", ce qui compte, c'est de cibler le soutien des pouvoirs publics sur ceux dont l'avenir se dessine hors de la République afin de leur donner la chance d'entrer dans la République !

Le principe d'équité m'a conduit, contre vents et marées, à poser les bases d'un islam de France, s'inscrivant naturellement et pacifiquement dans notre société, au même titre que les autres religions. Les récentes élections au Conseil Français du Culte Musulman démontrent que nous sommes sur la bonne voie.

Pour moi, la laïcité n'est pas l'adversaire du fait religieux, pas plus que le vide spirituel n'est le gage d'une modernité éclairée. 

L'équité, c'est aussi, mesdames et messieurs, penser l'Aménagement du Territoire, non de façon uniforme et platement égalitariste, mais de façon dynamique.

 Avec Brice Hortefeux et Christian Estrosi, j'ai la conviction qu'avec la décentralisation accrue des pouvoirs et l'aménagement ciblé des territoires, nous disposons des outils pour repenser le visage de la France.

En nous écartant des schémas centralisateurs d'hier, nous devons imaginer une nouvelle organisation du pays, et donc du progrès.

Ce fut l'objet du CIADT du 12 juillet dernier. Il nous a permis de recenser les pôles de compétitivité qui, demain, fédéreront les efforts d'innovation et de croissance sur tout notre territoire.

C'est aussi l'objet de notre réflexion sur les services publics en milieu rural. Sur ce sujet, je récuse les stricts arguments financiers de ceux qui ne craignent pas de désertifier nos campagnes, comme je récuse, avec tout autant de vigueur, les raisonnements de ceux qui ne veulent rien toucher au nom de la ruralité.

En fait, nous sommes ici au cœur de la modernisation de nos services publics. C'est un défi intellectuel et politique que nous devons, au niveau local, en fonction des particularités des uns et des autres, relever avec tous les acteurs intéressés.

Ce dialogue doit être imaginatif, prospectif, mais également concret car la loi du 23 février 2005 exige de définir, d'ici la fin de l'année, un schéma cohérent d'objectifs d'aménagement du territoire et de qualité de service.

Mesdames et messieurs, voilà les quelques réflexions que m'inspire ce 14 juillet.

J'ai beaucoup à dire sur la France, mais moins qu'elle n'a elle-même à nous dire.

Lors du dernier référendum, notre pays a parlé. Lors du 21 avril 2002, il avait déjà lancé ses messages. Que cela fasse plaisir ou non, le fossé entre les Français et les responsables publics s'est dangereusement accru au cours des dernières décennies.

Notre nation est en quête de repères, de cap, de nouveautés. Il faut parler franchement aux français. Il faut leur dire que la situation de leur pays n'est pas bonne, mais que rien n'est inéluctable dès lors que nous nous "retroussons les manches" et que nous nous rassemblons autour d'objectifs clairs.
 
Aux côtés du Président de la République et du Premier Ministre, j'ai choisi d'apporter ma pierre à ce redressement.

Cette fête nationale nous renvoie vers ce que nous avons été, ce que nous sommes, ce que nous pouvons être demain. Elle est un appel à la réflexion et à l'action. Chacun doit y prendre sa part car les forces de  l'élan sont en chaque citoyen.

A toutes et tous, j'adresse mes remerciements chaleureux pour votre présence et votre engagement. Merci de donner le meilleur de vous-mêmes pour la France unie et audacieuse : la France du 14 juillet !