13.03.2006 - Réception suite à la prise d'otages au Lycée Colbert-de-Torcy

13 mars 2006

Intervention de M. Nicolas Sarkozy Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - Hôtel de Beauvau - Lundi 13 mars 2006


Mesdames et messieurs,

Tous nos concitoyens se sont sentis concernés par la prise d'otages du lycée Colbert de Torcy parce qu'ils sentent que leurs enfants ne sont malheureusement pas à l'abri de tels actes.

J'ai voulu personnellement vous recevoir pour vous dire "merci". Depuis jeudi dernier, j'ai déjà eu l'occasion d'adresser mes compliments aux autorités et aux forces de gendarmerie qui ont contribué à régler cette prise d'otages… Mais il y a des moments où les choses doivent être dites de vive-voix et ceci en présence de toutes celles et tous ceux qui ont participé, chacun à leur niveau, à la résolution de cette crise.

En déplacement aux Antilles, j'ai suivi de très près les opérations.

Sur place, le Préfet de la Sarthe, Stéphane Bouillon et ses équipes, ont assumé avec calme et compétences leurs responsabilités. La gendarmerie a été égale à elle-même, c'est à dire rapide, efficace et rassurante. Quant au GIGN, son professionnalisme et sa longue expérience ont été, une fois encore, récompensés. Sur ces cinq dernières années, le GIGN c'est 8 opérations conduisant à la libération de 21 otages, c'est 45 opérations pour maîtriser des forcenés, c'est 254 opérations d'appui, c'est 127 arrestations !

A Sablé sur Sarthe, comme à de nombreuses autres reprises, leur succès s'est imposé sans avoir à user de la force. Cette capacité à désamorcer les situations les plus dangereuses est tout aussi remarquable que leur capacité à agir avec fulgurance si l'évènement l'exige.

Je veux vous dire que je suis fier de vous, fier de votre engagement et fier de vos résultats.

J'adresse à chacun mes félicitations les plus vives. Je le fais en tant que Ministre de l'Intérieur qui a l'honneur de vous diriger, mais aussi en tant qu'homme qui n'oubliera jamais les 48 heures de la prise d'otages à la maternelle de Neuilly, 48 heures passées avec vos collègues du Raid.

Je connais le sens du devoir, le courage et la maîtrise qui animent les gendarmes, et spécifiquement ceux qui servent dans nos unités d'élite. Sachez que par ma voix, se sont les 21 élèves, les deux surveillantes et toutes les familles qui ont vécu ces heures d'angoisse, qui expriment leur gratitude.

Le dénouement heureux de cette crise est également le résultat d'une coopération fructueuse entre tous les acteurs. Aux côtés des forces de sécurité, les élus locaux ont immédiatement apporté leur concours. François Fillon, qui était à Londres, a, je le sais, immédiatement interrompu son déplacement pour rejoindre la Sarthe. Quant au personnel du lycée, il a su se montrer d'une disponibilité exemplaire. Je suis heureux monsieur le proviseur, de pouvoir vous compter parmi nous ainsi que vos équipes. Votre contribution à toutes et à tous fut importante, et sans doute même décisive pour quelques-uns d'entre vous. Je vous prie d'adresser à tous les membres de votre lycée le témoignage de notre sympathie et de notre gratitude.

Mesdames et messieurs,

Cette prise d'otage met notamment en valeur l'efficacité du dispositif des médiateurs de crise qui est en train de se mettre en place depuis l'année dernière au sein de la Gendarmerie Nationale. 34 médiateurs ont pour l'instant été formés et 12 sont en train de l'être.

Ce dispositif est décentralisé au niveau des régions afin d'assurer sa réactivité. Celui des Pays de la Loire a été installé au second semestre 2005.

Cette tâche de médiation est assurée par des agents qui sont entraînés à cette mission délicate qui consiste à approcher la personne jugée dangereuse, à cerner sa psychologie et son comportement, à calmer la situation et à dissuader les gestes irréparables. Ces médiateurs peuvent dénouer la crise de façon autonome au profit des unités territoriales ou en accompagnement des unités d'intervention spécialisées.

Ce travail qui demande beaucoup de doigté est supervisé par la cellule de négociation du GIGN.

A Colbert de Torcy, ce dispositif de "médiation" a joué un rôle prépondérant, c'est pourquoi je souhaite qu'il s'étende rapidement à toutes les régions.

Mesdames et messieurs,

Cette affaire s'est bien terminée, mais elle doit être prise très au sérieux. Entrer dans un lycée armé et menacer des adolescents ainsi que des surveillantes, n'est pas un simple fait divers !

Cela n'est pas un simple fait divers parce que dans ce genre de situation, il faut peu de choses pour basculer dans la tragédie.

Cela n'est pas un fait divers, parce que ce qui s'est passé à Colbert de Torcy est violent. C'est une agression, une transgression, une violation brutale des règles qui régissent la vie en collectivité. Son auteur peut sans doute faire prévaloir des circonstances atténuantes, mais son acte menaçant est inadmissible et inexcusable.

Enfin, cela n'est pas un fait divers, parce que l'Education nationale devrait être un sanctuaire face aux dérives et aux tensions de notre société.

Hier, l'Ecole était un lieu protégé, presque sacré. Aujourd'hui, elle devient progressivement le "ring" de la société française, je veux dire par-là que la violence sous toutes ses formes devient le quotidien de notre jeunesse.

Cette évolution est terriblement préoccupante. Elle justifie un approfondissement des relations de travail et de coopération entre la communauté éducative et les forces de police et de gendarmerie. Elle justifie aussi une véritable prise de conscience collective face à cette culture des rapports de force et de cette brutalité qui s'insinuent un peu partout dans les relations sociales.

A Sablé sur Sarthe, des adolescents et des familles ont éprouvé dans leur chair cette violence et cette peur qui font douter de l'humanité.

Mesdames et messieurs,

Notre devoir est de dissiper ce doute en démontrant que la force du droit et le respect de la loi forgent une digue solide derrière laquelle la confiance et la fraternité peuvent s'épanouir. C'est l'objectif que je me suis assigné avec l'appui de tous ceux qui agissent quotidiennement pour assurer la sécurité des Français.