13.02.2006 - Nouvelle présentation des évolutions mensuelles des chiffres de la criminalité et de la délinquance

13 février 2006

Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire à l'Hôtel Beauvau


Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd'hui pour ce qui constitue une étape importante dans la politique que je mène à la tête du ministère de l'intérieur : la nouvelle présentation mensuelle des évolutions de la criminalité et de la délinquance.

Dans notre société, le débat public se nourrit de chiffres ou indicateurs statistiques.

Chacun d'entre eux alimente les polémiques. C'est presque devenu une tradition, un réflexe même si c'est vrai que toute forme de calcul connaît ses limites.

Les statistiques de la criminalité et de la délinquance n'échappent pas à cette règle.

Elles donnent régulièrement lieu a des discussions passionnées, parfois vives, souvent idéologiques, liées aux enjeux de société qu'elles peuvent traduire : la violence est-elle en augmentation ? Les délinquants sont-ils de plus en plus jeunes ? Les politiques sont-elles trop permissives, trop répressives ?

Les statistiques sur la délinquance concernent cependant un aspect particulier de l'action publique, un domaine régalien : celui du respect des lois et de la sanction des infractions, celui du droit à la sûreté, celui de la sécurité de tous les Français.

En cela elles se distinguent  des autres indicateurs économiques et sociaux.

Aucun ne relève de façon aussi directe et simultanée du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et évidemment du pouvoir judiciaire.

J'ai souhaité mettre un terme à toute forme de suspicion, à toute idée de manœuvre politicienne ou d'interprétation partisane.

Je veux que chaque Français soit informé le plus objectivement possible de l'évolution de la criminalité, qu'il puisse, à travers les données qui lui sont fournies, mesurer et évaluer les actions.

L'analyse de la délinquance doit déboucher sur des politiques publiques, et non sur des polémiques publiques !

Depuis 2002, contrairement à ce que redoutaient certains  -ou ce que pouvaient espérer d'autres par crainte des comparaisons- le thermomètre n'a pas été cassé.

J'ai en revanche assumé le fait de diffuser mensuellement les chiffres des crimes et délits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie. Ceci n'a pas nécessairement plu à tout le monde mais, selon moi, a participé à la clarté du débat.

En novembre 2003, j'ai décidé de créer l'observatoire national de la délinquance au sein de l'Institut national des hautes études de sécurité.
Comme le mentionnait le rapport parlementaire de Christophe Caresche et Robert Pandraud mieux connaître la délinquance, c'est avant tout s'intéresser à celles et ceux qui sont les victimes de ces actes de délinquance.

Les travaux de l'observatoire national de la délinquance, auxquels sont notamment associées les directions générales de la police et de la gendarmerie, ont depuis contribué à une meilleure compréhension des évolutions de la criminalité.

Ils ont permis la mise en place d'outils visant à mieux anticiper les retournements de tendance et surtout à expliquer ce que sont ou ne sont pas les chiffres de la délinquance.

L'observatoire a fait œuvre de pédagogie et a apporté un véritable progrès scientifique dans un domaine où l'analyse statistique doit permettre de déboucher sur des études de fond. L'accueil de ces travaux par la communauté scientifique, même la plus critique, et par les médias, a montré que l'action menée par l'OND a été comprise et largement reconnue.

Croyez-moi, il aurait été plus facile de ne rien faire, de rester sur un système aux seules mains du ministère et de se contenter de reproduire une communication que d'aucuns, avant moi, avaient toujours déclaré vouloir changer, sans jamais, pourtant, oser y toucher.

Mais, vous le savez, telle n'est pas ma nature. Cacher les choses ne mène à rien et faire mine de dissimuler la réalité des faits conduit au bout du compte, à l'immobilisme et à l'inaction.

Il est évident que le combat contre l'insécurité doit aller de pair avec une meilleure connaissance des phénomènes criminels que connaît notre pays.

Plus large est le champ des données étudiées, plus fine est l'analyse des crimes et délits commis et plus efficace sera l'action des forces de l'ordre.

Car là est l'enjeu, le seul enjeu ! Améliorer les politiques publiques, et par conséquence la sécurité des Français, en disposant d'une meilleure lisibilité des évolutions criminelles et de la réalité de l'ampleur de la délinquance.

Et même si cela, il est vrai, ne fait pas toujours plaisir au ministre de l'Intérieur…

C'est cette double mission - transparence sur les chiffres et analyse plus fine de la criminalité - qui a été assignée à l'observatoire national de la délinquance.

Nous franchissons ce matin un nouveau palier.

Il y a quelques mois, j'avais déjà annoncé mon intention d'aller jusqu'au bout de cette démarche de transparence en confiant à l'observatoire national de la délinquance, seul, la maîtrise de la publication mensuelle des faits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie.

Les deux directions de la police et de la gendarmerie conservent la communication liée à l'activité des services.

Je ne rentrerai pas dans les détails techniques pour lesquels je laisse le plaisir des explications de texte et des figures imposées à Alain Bauer, Michel Gaudin et Guy Parayre.

Il est toutefois clair que ce changement dans la manière de communiquer les chiffres de la délinquance est une petite révolution.

Pour la première fois depuis 1972, date de création de l'état 4001, c'est un organisme doté d'un conseil d'orientationindépendant dont je salue au passage le travail, qui aura la responsabilité d'analyser et de publier, chaque mois, les crimes et délits constatés par les forces de l'ordre.

La méthode adoptée par l'observatoire national de la délinquance modifie en profondeur la manière dont était abordée, jusqu'à aujourd'hui, l'analyse des évolutions mensuelles de la criminalité.

Cette nouvelle présentation, plus détaillée, nous permettra, à vous comme aux services, d'avoir une meilleure lisibilité et une plus grande visibilité des mutations de la délinquance.

Depuis la publication des premiers travaux de l'observatoire, et en particulier de son premier rapport annuel, un consensus a vu le jour autour du diagnostic qu'il a effectué et des solutions qu'il a proposées.

Aujourd'hui, l'approche se veut plus complète. Le chiffre unique appartient au passé. Il avait l'avantage de la simplicité mais pouvait souvent être réducteur.

On ne fait pas un bilan de santé à partir d'un seul examen. On ne mesure pas la délinquance à partir d'un seul chiffre.

Une nouvelle ère s'est ouverte avec la création de l'observatoire. Elle se poursuit aujourd'hui.

Je veux également vous dire qu'un vaste programme d'enquêtes annuelles de victimation a été lancé avec le concours de l'INSEE.

Depuis 2005 et à nouveau en ce début d'année 2006, plus de 20 000 français sont interrogés sur les faits dont ils ont été victimes et le sentiment d'insécurité.

A partir de 2007, grâce à des enquêtes de plus grande envergure, la question des violences aux personnes sera abordée de façon très détaillée.

Elles placeront ainsi la France dans le peloton de tête des pays du monde, aux côtés des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, disposant d'un double système statistique permettant de mieux appréhender la réalité criminelle.

Grâce à cette enquête financée en majorité par le ministère de l'intérieur, nous pourrons notamment mieux approcher la réalité des violences conjugales, intra familiales et sexuelles.

Dans ce domaine, plus que dans tout autre, les enquêtes de victimation permettent, en s'adressant directement à toutes les victimes potentielles de savoir ce que peut être la violence au quotidien.

La transparence ne se résume pas aux informations officielles sur les faits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie.

Nous savons que certaines victimes ne déposent pas plainte auprès des forces de police. Il est donc capital de mener des enquêtes de ce type auprès des personnes qui ont pu subir des atteintes à leur intégrité physique ou à leurs biens.

L'ensemble des indicateurs fournis ainsi permet de mieux connaître les catégories de la population ou bien les territoires qui sont les plus exposés à tel ou tel type d'atteintes.

Ils permettent également de mesurer l'existence et la nature éventuelle d'un lien entre le degré d'exposition et les opinions sur la sécurité. Via le taux de plaintes, ils contribuent à évaluer le nombre d'atteintes qui ne sont pas enregistrées par les services de police ou les unités de gendarmerie au regard de celles qui sont comptabilisées dans les statistiques officielles.

Cette transparence des statistiques est la condition d'un débat démocratique apaisé et éclairé.

Quand on enlève à certains la possibilité de polémiquer sur les chiffres, on voit apparaître la pauvreté de leurs propositions. La transparence donne l'avantage à ceux qui ont un projet. En l'acceptant, on se donne les moyens d'agir, d'agir au-delà des apparences et des faux-semblants.